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Ivan Demjanjuk, parcours d'un gardien de camp nazi – L'Express

Ce vieillard d’origine ukrainienne, qui a longtemps vécu aux Etats-Unis, a-t-il été l’un des gardiens du camp nazi de Sobibor? L’affaire va connaître son dénouement devant un tribunal allemand où son procès s’ouvre ce lundi.
Ici se trouvaient les baraques des SS et celles des gardes ukrainiens. Là, dans ce bâtiment, on coupait les cheveux des femmes, avant de les pousser vers les chambres à gaz, juste à côté.” De l’index, Jules Schelvis, 89 ans dans deux mois, désigne l’un après l’autre les édifices miniatures qu’il a assemblés sur un plateau de bois, en suivant les croquis tracés par les (rares) survivants et par les anciens serviteurs de ce camp de la mort. Tout y est: les wagons à bestiaux, les barbelés, les miradors, même les arbres.
Dans un coin de sa précieuse maquette, le vieil homme a tracé sept lettres: S.O.B.I.B.O.R. L’une des trois usines à broyer des vies, avec Treblinka et Belzec, que le régime hitlérien avait édifiées dans l’est de la Pologne. Le 4 juin 1943, un train venu des Pays-Bas s’est arrêté à l’entrée de ce camp. Jules a mis pied à terre. A ses côtés se trouvaient sa jeune femme, Rachel, et la famille de celle-ci. Lui seul a survécu, sélectionné avec 80 autres hommes pour devenir Arbeitsjude – “travailleur juif”. Rachel et les siens ont été gazés, comme 250 000 autres personnes à Sobibor.
“Sobibor? Connais pas”, jure en substance John Demjanjuk, 89 ans. Ses accusateurs sont convaincus, eux, que ce retraité de Cleveland (Ohio, Etats-Unis), natif d’Ukraine, a porté l’uniforme noir des gardiens de 1942 à 1945. Ses maîtres SS, disent-ils, l’ont affecté dans ce camp situé en Pologne, le 27 mars 1943.
Schelvis, Demjanjuk. Deux hommes au soir de leur vie. Deux destins. Le 30 novembre, ils se feront face aux assises de Munich (Allemagne) pour l’épilogue d’une incroyable saga. Celle d’un paysan ukrainien, devenu citoyen américain, avant d’être rattrapé par la justice. Un ouvrier modèle qui, en 1989, a inspiré au réalisateur Costa-Gavras le célèbre film Music Box.
Tout commence le 21 juin 1976, quand Harold Jacobs, un agent des services américains de l’immigration (INS), appelle les responsables de l’émission de radio L’Heure juive, diffusée par WXEN, une station de Cleveland. Il enquête sur un criminel de guerre d’origine ukrainienne installé à Seven Hills, une banlieue tranquille de la ville, et cherche des survivants de l’Holocauste susceptibles de l’aider.
Le suspect s’appelle John “Ivan” Demjanjuk. Arrivé sur le sol américain en février 1952, il a obtenu la nationalité américaine en 1958. L’agent Jacobs tient cette piste de Michael Hanusiak, fils d’immigrants ukrainiens et rédacteur en chef du journal new-yorkais Ukrainian News, qui a dressé une liste de 70 collaborateurs supposés du régime nazi vivant aux États-Unis. Selon lui, un certain “H. Danylchenko” aurait reconnu en 1949, lors de son procès en Ukraine, avoir été gardien de camp à Sobibor, puis à Flossenburg (Allemagne), en compagnie d’Ivan Demjanjuk. Or Sobibor est le lieu où John Demjanjuk a déclaré avoir résidé de 1937 à 1943, dans la demande de visa qu’il a déposée au consulat américain de Stuttgart en 1951.
A Cleveland, l’enquêteur de l’INS fait chou blanc. Hormis deux excès de vitesse en vingt-cinq ans, R.A.S. sur John Demjanjuk. Ouvrier chez Ford, père de trois enfants et paroissien assidu de la cathédrale orthodoxe Saint-Vladimir, il mène une vie paisible dans sa maison de brique de Meadowlane Road, entre son épouse Vera, rencontrée en 1947 dans un camp bavarois de personnes déplacées, et leurs trois enfants. Mécanicien doué et serviable, il répare les voitures de ses voisins, les vélos des gamins. Le week-end, la famille cultive le douillet entre-soi d’une communauté d’exilés. On cuisine ukrainien. On parle ukrainien. Mais sans s’épancher surson passé.
Comme tous ses amis, Demjanjuk est né loin, très loin des usines automobiles de l’Ohio: du côté de Duboviye Makharintsy, un village d’Ukraine perdu au milieu des champs de blé et de colza. “J’ai traversé trois ou quatre moments très durs dans ma vie”, lâchera-t-il un jour. Ainsi, au début des années 1930, il manque mourir de faim quand Staline collectivise les terres ukrainiennes à marche forcée. En 1940, l’Armée rouge l’enrôle pour combattre les nazis. Grièvement blessé au dos, puis renvoyé au front, celui qui se prénomme encore Ivan est capturé par la Wehrmacht en mai 1942, en Crimée. A Rovno, puis à Chelm (Pologne), il vit l’enfer et la famine des camps de prisonniers soviétiques. Bref, rien qui ne fasse a priori de lui un criminel de guerre.
L’enquête sur son parcours se poursuit tout de même en Israël, où l’INS expédie 17 photos d’Américains nés en Ukraine. Dix survivants de l’Holocauste pointent alors le cliché n°16: Demjanjuk. “C’est Ivan Grozny!” s’exclament-ils. “Ivan le Terrible”, un gardien d’un sadisme inouï qui officiait à… Treblinka. Un ex-officier SS reconnaît en lui l’opérateur des chambres à gaz de ce camp. A Washington, les enquêteurs de l’Office for Special Investigations (OSI), nouvellement créé pour faire la chasse aux criminels de guerre nazis installés aux Etats-Unis, pensent tenir leur première prise: Ivan, le bourreau de Treblinka.
Les médias se jettent sur l’affaire. Chez les Demjanjuk, à Cleveland, le téléphone n’en finit plus de sonner. Terrifiés, les enfants ne comprennent même pas les questions des journalistes. “On nous demandait notre avis, rapportera plus tard Irene, alors âgée de 17 ans. “Notre avis sur quoi?” répondions-nous. Nous n’avions aucune idée de ce qui se passait.” La famille, soudée autour du paterfamilias, entame une grève de la faim. John Jr, 11 ans à l’époque, s’engage sans le savoir dans le combat de sa vie: prouver l’innocence de son père.
A la fin de 1979, l’OSI reçoit d’URSS deux documents troublants. Le premier est une copie de la pièce d’identité n° 1393, délivrée à “Demjanjuk, Ivan” et signée Karl Streibel. Ce commandant SS dirigeait le centre d’entraînement de Trawniki (Pologne), où il transformait d’ex-soldats de l’Armée rouge en gardiens modèles – les redoutables “Trawnikis”, aussi appelés les “Noirs”, en référence à leur uniforme.
Le laissez-passer n° 1393 mentionne deux affectations pour Demjanjuk: le domaine agricole d’Okzow et le camp de… Sobibor, où il aurait été détaché le 27 mars 1943. A aucun endroit il n’est fait mention de Treblinka.
Le second document est le procès-verbal de l’interrogatoire d’un dénommé Ignat Danilchenko (le fameux H. Danylchenko de Michael Hanusiak), qui réitère ses déclarations de 1949 : oui, il a servi avec Demjanjuk pendant deux ans, à Sobibor, puis à Flossenburg. “Là, on nous a tatoué notre groupe sanguin à l’intérieur du bras gauche, juste au-dessus du coude”, indique-t-il. A l’endroit précis où Demjanjuk porte la cicatrice d’un ancien tatouage qu’il a fait effacer après la guerre.
Alors que ces deux éléments les orientent vers Sobibor et non Treblinka, les limiers de l’OSI décident de ne pas en tenir compte. A leurs yeux, les souvenirs des survivants israéliens pèsent plus lourd que les pièces fournies par l’URSS. La piste de Treblinka est la bonne, pensent-ils: derrière le brave retraité de Cleveland se cache Ivan le Terrible.
Demjanjuk, lui, affirme n’avoir jamais été gardien de camp. “Si quoi que ce soit de tout ça était vrai, j’aurais préféré avaler une boîte de comprimés plutôt qu’imposer une telle épreuve à ma famille”, déclare-t-il à son beau-fils. Il dit avoir croupi dans le camp de prisonniers soviétiques de Chelm jusqu’à son engagement, en 1944, dans l’armée Vlassov, l’unité de volontaires russes créée à la fin de la guerre pour épauler l’armée allemande.
Ses dénégations ne convainquent personne. Déchu de sa citoyenneté américaine, John “Ivan” Demjanjuk est extradé en février 1986 vers Israël, où son procès débute un an plus tard. L’inculpé ne facilite pas la tâche de ses défenseurs. “Il est apparu à la fois totalement stupide et très effrayant avec sa stature et sa grosse voix, se souvient l’historien Tom Segev. Il était haïssable, tant il ressemblait à la caricature de l’Ukrainien menant des pogroms contre les juifs au xixe siècle.” Le 18 février 1988, l’ancien ouvrier de Ford est condamné à mort par pendaison. “Je suis innocent!” hurle-t-il en se signant par trois fois.
Le clan Demjanjuk ne baisse pas pour autant les bras. John Jr, devenu adulte, se jette à corps perdu dans la procédure d’appel engagée par les avocats de son père. La communauté ukrainienne soutient ses efforts à coups de millions de dollars. Des rubans jaunes, symboles de solidarité, sont noués aux arbres de Seven Hills. À la cathédrale Saint-Vladimir, on prie pour “John”. L’Histoire elle-même vole à son secours: au tournant des années 1990, le délitement du bloc communiste à l’Est de l’Europe ouvre aux Occidentaux des archives jusque-là inaccessibles.
Avec son beau-frère, John Jr enquête alors de l’autre côté du rideau de fer. Ils découvrent ainsi, à la fin de décembre 1990, que d’anciens gardes de Treblinka, appelés à témoigner au procès d’un des leurs en 1986, ont évoqué le nom de l’opérateur des chambres à gaz : un certain Ivan Marchenko. “Un homme aux cheveux et aux yeux noirs, qui avait 30 ans en 1943”, se souvient l’une de ses anciennes maîtresses. Or Demjanjuk avait 23 ans à l’époque, les cheveux blond foncé et les yeux gris.
Le procureur israélien Michael Shaked, l’un des acteurs clefs du procès, épluche, lui aussi, les archives russes et allemandes, dont il exhume les dépositions de nombreux gardes de Treblinka, ainsi que le dossier personnel de Marchenko – l’homme aux cheveux noirs – qu’il soumet à la Cour suprême de son pays.
Le 29 juillet 1993, celle-ci acquitte Demjanjuk au bénéfice du doute sur son identité. Mais les juges ne sont pas dupes : l’inculpé n’a peut-être pas servi à Treblinka, mais il appartenait sans doute à “une unité formée au camp de Trawniki dont la fonction essentielle était d’enseigner à ses recrues comment exterminer, annihiler, détruire”, écrivent-ils.
Quelques semaines plus tard, Demjanjuk s’assied tout de même en business class, côté hublot, sur le vol El Al 001 entre Tel-Aviv et New York. Après sept ans de prison, il savoure sa liberté retrouvée. Arrivé à l’aéroport John Fitzgerald Kennedy vêtu d’un gilet pare-balles, il embarque aussitôt à bord d’un petit Cessna afin d’échapper aux manifestants et aux journalistes. Direction: un aérodrome perdu de l’Ohio, puis une destination secrète, le temps que l’émotion retombe.
La justice américaine, contrainte de faire amende honorable, lui rend son passeport américain. Mais les enquêteurs de l’OSI préparent déjà leur revanche…
Grâce aux documents et aux témoignages qu’ils réunissent, une nouvelle procédure est ouverte contre Demjanjuk. Motif, cette fois: son rôle dans les camps de Sobibor et de Flossenburg. Cloîtré dans sa maison de Meadowlane Road, le suspect ronge son frein tandis que ses détracteurs viennent régulièrement manifester sous ses fenêtres. “Six millions de témoins demandent que justice soit faite” ou “Nazis, quittez l’Amérique”, clament leurs pancartes.
D’année en année, ses défenseurs perdent combat sur combat, jusqu’au jour où le vieillard est de nouveau privé de sa citoyenneté, puis condamné à l’expulsion. L’obstination d’un juge va sceller son sort: l’Allemand Thomas Walther, 66 ans. Révulsé par l’idéologie national-socialiste, choqué que son pays ne se soit pas toujours montré implacable vis-à-vis des anciens bourreaux, il a choisi de finir sa carrière au Centre national d’enquêtes sur les crimes de guerre nazis, à Ludwigsburg.
En explorant le site Internet du ministère américain de la Justice, voilà qu’il tombe, en février 2008, sur une décision de la cour d’appel de Cincinnati. Celle-ci vient de rejeter le recours d’un dénommé John Demjanjuk contre son expulsion. Le magistrat se souvient : les doutes sur Treblinka, le procès en Israël, la condamnation, puis l’acquittement…
Intrigué, il poursuit ses recherches. Retrouve l’arrêt de février 2002 privant Demjanjuk de la nationalité “US”. Passe au crible les conclusions du juge américain, étayées par une série de pièces à conviction et de témoignages – “Un pur chef-d’oeuvre”, s’émerveille-t-il. Dès lors, il n’aura de cesse de faire comparaître le mécanicien de Cleveland devant un tribunal allemand.
En compulsant les listes des personnes déportées à Sobibor, le juge Thomas Walther constate que 1939 juifs allemands ont péri dans ce camp lorsque Demjanjuk y officiait, pense-il, entre avril et septembre 1943. Son pays est donc habilité à le juger. De mars à novembre 2008, le magistrat et sa collègue Kirsten Goetze écument les archives à Jérusalem, Berlin, Washington, comparent les documents, recoupent les témoignages.
Une fois bouclée, leur enquête est transmise au parquet de Munich, la juridiction compétente. Au printemps 2009, l’Allemagne demande l’extradition de Demjanjuk. Vingt ans après la fausse piste de Treblinka, elle veut le juger pour complicité dans l’assassinat de 27 900 juifs à Sobibor.
John Jr et les avocats de son père se démènent vainement pour éviter l’extradition en invoquant la santé fragile du vieil homme, cloué à son fauteuil roulant. En vain: une vidéo diffusée par les autorités américaines montre l’intéressé se déplaçant seul et montant en voiture sans difficulté!
Le 12 mai 2009, un avion médicalisé le dépose à Munich, où il est incarcéré à la prison de Stadelheim dans l’attente de son procès. Depuis, il tue le temps en jouant aux cartes avec son codétenu turc.
Jules Schelvis, le rescapé de Sobibor, patiente, lui aussi, à sa manière: en apportant des retouches à son modèle réduit du camp – un toit à refaire, une pièce à remplacer… Bientôt, il sera l’un des témoins clefs de l’accusation. A double titre: comme survivant et comme expert. Au fil de ses recherches, cet ancien imprimeur est en effet devenu le meilleur spécialiste de Sobibor, auquel il a consacré un livre riche en documents.
Dans son petit appartement d’Amstelveen, au sud d’Amsterdam, il affirme n’éprouver ni haine ni colère. “Peu importe la peine à laquelle Demjanjuk sera condamné, confie-t-il. L’essentiel est qu’il soit jugé pour les actes qu’il a commis.”
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