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Une famille atypique qui écrit sa propre histoire – Radio-Canada.ca

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Texte et photos par Ariane Labrèche
Il était une fois un petit garçon qui n’aimait pas écrire, une petite fille première de classe qui ne voulait plus aller à l’école, leur père écrivain qui ne trouvait pas les mots pour nommer ses émotions et leur mère enseignante qui a quitté le bateau du système scolaire. Le parcours incongru des Bordeleau est celui d’un clan atypique qui, après deux diagnostics d'autisme et un épuisement professionnel, a fait le pari de sortir du cadre pour se bâtir un quotidien à son image.
Tout a commencé par un voyage dans le temps.
On venait de regarder un épisode de Star Trek, dans lequel le capitaine du vaisseau faisait un retour dans le passé et il écrivait un roman sur une machine à écrire. Après, mon fils Louis m’a dit que lui aussi voulait écrire comme ça, il imitait même le tac-tac-tac de la machine à écrire. Il ne m’a pas lâchée tant qu’on n’en a pas trouvé une, raconte Janie Lafrenière.
Près d’elle, la bête métallique trône sur une petite table dans le salon de l’appartement montréalais où vivent Janie, son conjoint, Benoit Bordeleau, et leurs enfants, Florence et Louis. De couleur crème, ce modèle TRN-64 produit par la compagnie Singer pèse au moins une tonne et cache en son ventre des touches effilées qui s’activent comme des pattes d’insecte au contact du clavier.
Même avec un père auteur, rien ne laissait présager que Louis finirait par écrire une première histoire dactylographiée, intitulée Le loup Noël. Pour ce jeune amateur de voitures et de moteurs âgé de 9 ans, c’est la mécanique de l’écriture qui aura finalement fait naître l’envie de coucher ses mots sur le papier.
Si la machine à écrire a ouvert la porte à un intérêt commun entre père et fils, un diagnostic mutuel s’était aussi récemment pointé le bout du nez : tous deux sont autistes.
Et cet appareil archaïque, avec ses touches qui s’emmêlent et ses feuilles blanches qui coincent, c’est un peu le symbole des chemins détournés qu’il faut parfois emprunter lorsqu’on n’est pas comme les autres.
La récréation est un des premiers grands mystères auxquels a été confronté Benoit Bordeleau, le père du clan. Je regardais les autres jouer et je ne comprenais pas comment ça fonctionnait. Ça avait l’air tellement naturel pour eux. Même enfant, je savais que je n’étais pas fait pareil, mais je gardais ça pour moi, pour ne pas avoir l’air fou, raconte-t-il, assis à sa table de cuisine. Mince, les cheveux bruns courts et le bras droit recouvert de tatouages, celui dont le plus récent ouvrage, Orange Pekoe, est paru en 2021 aux Éditions de la maison en feu relate son parcours d’un ton où transparaît souvent sa tendance à l’autodérision.
C’est à l’adolescence que Benoit trouve refuge dans les livres et se met même à écrire des histoires. Un jour, la fille assise au bureau en avant du sien se retourne, intriguée par sa pile de feuilles lignées. C’est Janie. Je lui ai demandé ce qu’il écrivait, et il m’a répondu bêtement que c’était une affaire fantastique. Disons que ça n’a pas été le coup de foudre tout de suite, dit-elle, lui décochant un regard moqueur. On a fini par s’apprivoiser, comme dans le Petit prince.
Ils avaient 16 ans. Aujourd’hui, ils en ont 35 et fêteront bientôt leur deuxième décennie passée ensemble.
À l’époque, dès qu’elle rencontre Benoit, Janie sent qu’il est étrange, sans trouver les mots exacts pour le décrire. Dans tous les cas, son amoureux ne semble pas se conformer aux normes sociales établies. Ce n’est pas si grave, au fond : les tourtereaux sont la plupart du temps plongés dans leurs livres, lui terminant un baccalauréat en littérature, et elle, en enseignement.
C’est la naissance de leur fille Florence, en 2011, qui amène les premiers bouleversements chez Benoit, alors qu’il termine sa maîtrise en littérature : Je vivais des épisodes cycliques où, soudainement, tout était trop intense, les bruits, les couleurs, les interactions sociales… Je ne savais plus quoi faire de mon corps.
De temps à autre, c’est le langage qui lui échappe, parfois pendant quelques minutes, parfois pendant des heures. Autour de lui, les objets du quotidien n’ont plus de noms; il n’arrive plus à les qualifier. Pour celui qui travaille à modeler les mots, c’est une expérience terrifiante.
Et puis un jour, en revenant d’un chalet, Benoit s’écroule. Je pensais qu’il faisait un AVC. La moitié de son corps était paralysée, ses membres étaient tordus, et aucun mot ne sortait de sa bouche. Sauf que le temps que l’ambulance arrive, c’était passé, raconte Janie.
Qu’il s’agisse d’anxiété ou de stress, aucun des scénarios avec lesquels Janie jongle alors dans sa tête ne semble être le bon pour nommer ce que vit son amoureux. Mais un soir, elle voit l’humoriste Louis T, de passage à Tout le monde en parle, discuter ouvertement de son diagnostic d’autisme. Interpellée, elle passe un test en ligne en se faisant passer pour Benoit. Sur papier, ça semble coller.
Devant le neuropsychiatre, ça finit aussi par coller. En 2016, Benoit reçoit son diagnostic d’autisme, et avec lui, le mot qui décrit enfin ce qu’il expérimente depuis tellement d’années, comme ces fameuses crises qui sont, finalement, des effondrements autistiques.
Un effondrement autistique se produit lorsqu’une personne devient complètement dépassée par une situation et perd temporairement le contrôle de son comportement. Le phénomène peut être causé par plusieurs facteurs, notamment par une surcharge sensorielle, où l’hypersensibilité d’une personne autiste à certains stimulus comme les bruits ou la lumière peut causer du stress, de l’anxiété et même de la douleur physique.
– Société nationale de l’autisme du Royaume-Uni
Pour celui qui prend presque toujours tout au pied de la lettre, même des choses dites au sens figuré, c’est un nouveau champ lexical qui s’ouvre du jour au lendemain. Toutes ces émotions prises auparavant en un amas acquièrent lentement un nom, un sens. Mais au moment où la tempête semble se calmer pour Benoit, c’est leur fils Louis qui est confronté à son propre tumulte.
Pendant que vous examinez la machine à écrire, je vais retourner vaquer à mes occupations, annonce Louis, l’air noble et la diction parfaite, provoquant l’hilarité de ses parents.
Avec son visage lunaire et ses longs cheveux châtains, Louis dégage une grande douceur mêlée à un soupçon d’espièglerie. Ça a toujours été le cas : à la garderie, son tempérament calme en faisait l’élément apaisant du groupe. L’incompréhension de Janie et de Benoit est donc totale quand leur enfant semble changer du tout au tout dès qu’il met le pied en maternelle.
Il s’est mis à lancer des chaises, à griffer, à cracher; on s’est fait dire qu’il avait un trouble de l’opposition et du comportement… Mais nous, on savait quel genre d’enfant c’était à la maison! C’est là qu’on a commencé les démarches pour que Louis rencontre un spécialiste, explique Benoit.
Les mois passent dans l’attente d’une consultation. Pendant que Louis fait tant bien que mal son nid dans le système scolaire, aidé par un personnel faisant des pieds et des mains pour lui offrir un environnement adapté, sa sœur Florence rencontre ses propres embûches, malgré ses excellentes notes. Chaque jour, elle rentrait épuisée, surchargée, et disait parfois qu’elle ne voulait plus aller à l’école, qu’elle voulait rester à la maison. Et tout de suite, je me suis dit que c’était impossible, que financièrement, on n’y arriverait pas, raconte aujourd’hui Janie.
C’est la vie, en quelque sorte, qui les fera changer de cap. Après 10 ans passés à enseigner, Janie souffre d’un épuisement professionnel au début de 2019. Peu de temps après, Louis obtient enfin son diagnostic d’autisme, alors que son quotidien dans le système scolaire devient de plus en plus ardu.
On dit qu’on respecte le rythme des enfants, mais à un moment donné, il faut que ça enchaîne. On ne tolère plus certains comportements à mesure qu’ils vieillissent. Louis a fini par hurler qu’il ne voulait plus aller à l’école. C’est là qu’on a fait un choix, qu’on est privilégiés d’avoir pu faire : celui que je fasse l’école à la maison, que Benoit diminue ses heures de travail pour participer, et qu’on réduise notre budget en conséquence. On a plongé, dit Janie, qui s’est inscrite à la maîtrise en sciences politiques à l’Université du Québec à Montréal, où elle s’intéresse aux écoles démocratiques et aux centres d’apprentissage libre.
Florence, âgée de 12 ans et qui partage elle aussi plusieurs des traits neuroatypiques de son frère, s’est depuis découvert une multitude d’intérêts insoupçonnés allant de l’escalade au parkour, au centre éducatif où elle se rend chaque semaine. Janie, elle, a trouvé plusieurs pistes de réponses à ses propres expériences grâce aux diagnostics de Benoit et de Louis.
Depuis toujours, je trouve les interactions sociales très exigeantes, je n’en comprends pas les codes. J’ai appris à dire non à des invitations quand je suis trop fatiguée, ou encore à me prévoir du temps pour récupérer quand j’en ai besoin. Le social choisi, c’est important, dit Janie. Toutefois, ni elle ni sa fille n’ont reçu un diagnostic qui viendrait nommer leur réalité.
Selon le Center for Disease Control américain, les garçons sont quatre fois plus à même de recevoir un diagnostic d’autisme que les filles. La condition s’exprime souvent différemment chez elles et mène fréquemment à des sous-diagnostics, à de mauvais diagnostics, ou même à des diagnostics plus tard au cours de leur vie, selon l’organisme sans but lucratif Autism Speaks Canada.
À leur nouveau quotidien s’est greffé au départ un certain deuil, car une version du rêve préfabriqué de la maison, de l’emploi stable, de la pelouse verte et du chien avait tout de même réussi à trouver sa place dans leur inconscient. En permettant à nos deux mousses d’aller à leur vitesse, ça nous a forcés à remettre en question une certaine image de ce que c’est que de travailler. La job à temps plein, les activités cordées pour les enfants…, énumère Benoit.
On a le modèle de ce que la société nous propose, et finalement, ce n’est pas ça qu’on vit. On a réalisé que non, on n’aurait pas une vie typique, mais elle serait la nôtre, ajoute Janie en acquiesçant.
Si les cordons de la bourse se sont resserrés, d’autres aspects du quotidien ont pris de l’amplitude. Le temps, dont les jeunes familles manquent souvent si cruellement, s’est mis à être disponible en plus grande quantité. Le temps d’aller regarder un arc-en-ciel sur le balcon, après que la pluie a mouillé la ruelle. Le temps de déjeuner lentement, le matin, sans devoir courir vers l’école avec le stress d’avoir oublié son sandwich ou son cartable. Le temps, aussi, d’apprendre à sa manière.
Comme avec cette fameuse machine à écrire, dont le domptage des touches teste la patience de quiconque s’y frotte le bout des doigts.
Les moments où il se frustrait parce qu’il se trompait, il appuyait plus fort sur la touche et c’était correct! La machine lui permet de passer ses émotions, remarque Janie.
« La trace des erreurs qu’on fait reste sur le papier, aussi. Il faut donc apprendre à vivre avec leur présence, ce qui n’est pas facile, mais ça devient un repère pour mieux faire à l’avenir »
L’essai : voilà bien une notion que Benoit Bordeleau trouve sous-valorisée, autant dans la littérature que dans la vie. Ce concept, élevé au rang de valeur familiale, résume bien leur mentalité. Car il est clair que ni lui ni Janie ne prétendent avoir trouvé un manuel d’instruction pour résoudre les problèmes de tout le monde, ou pour conserver ce rythme de vie à perpétuité.
C’est plutôt une histoire où la différence est passée d’obstacle à guide. En s’adaptant aux spécificités qui viennent avec l’autisme, le couple a développé ce qu’il appelle son hospitalité : la capacité de s’accueillir comme on est, sans jugement. Par exemple, quand j’étais petite, on me poussait à me dégêner, à donner des becs à tout le monde. Nous, on ne force pas nos enfants à faire ça, et notre entourage a fini par le comprendre tout à fait. Mine de rien, les choses changent, note Janie, en replaçant une mèche de ses cheveux châtains.
En marchant vers la porte d’entrée de l’appartement, on croise la chambre ensoleillée où les pages du fameux manuscrit de Louis, au papier si doux, sont étendues sur le sol près d’une immense pile de toutous. C’est Benoit, troquant les mots pour le dessin, qui en a réalisé les illustrations. Au fil des pages, on y suit un loup pas comme les autres qui sera banni de son hameau par erreur parce qu’un vieil homme l’a ostracisé.
Dans sa nouvelle tanière, le loup fabrique des cadeaux pour regagner la confiance des habitants.
Le 24 décembre, il distribue les cadeaux!
Quand le vieux monsieur déballe son cadeau, il trouve de jolies lunettes. Il les met et regarde par la fenêtre de sa porte. Il voit le loup et lui ouvre la porte.
Le vieil homme dit :
– Autrefois, j’ai connu un loup qui m’a manipulé pour essayer de me manger et j’ai cru que c’était vous. Donc je veux m’excuser parce que je me suis trompé. Je ne voyais pas bien.
– J’accepte vos excuses. 
Être vu, perçu comme on est vraiment, c’est ce que décrit Louis dans Le loup Noël.Le problème, finalement, ce n’est pas d’être neuroatypique, mais de l’être dans une société neurotypique, souligne Janie, avant de refermer la vieille porte en bois et de partir chercher sa fille, en remontant une rue en tous points semblable aux autres, mais où s’invente quelque chose de spécial. De différent.

source

https://seo-consult.fr/page/communiquer-en-exprimant-ses-besoins-et-en-controlant-ses-emotions

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