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AFFAIRE ADJI SARR, L'ADN DE LA POLÉMIQUE – seneplus.com

Outil incontournable en matière d’enquête criminelle en ce XXIe siècle, l’ADN, à l’instar d’autres procédés scientifiques, peut permettre d’identifier un coupable comme il peut servir à disculper un innocent. Gare cependant aux erreurs de manipulation et d’interprétation qui peuvent être lourdes de conséquences.
Le rapport médical (produit dans l’affaire Ousmane Sonko) ne prouve pas l’absence de viol. Le test ADN (proposé dans la même affaire) ne prouvera pas qu’il y a viol. Voilà deux enseignements majeurs qui ressortent des échanges avec les hommes de l’art, des médecins et des officiers de police judiciaire. Cela dit, nos interlocuteurs sont unanimes. Dans ce genre de dossier, la science peut être un important allié pour aider à faire la lumière sur certains aspects ; même si elle n’est pas suffisante pour établir de manière irréfutable l’existence ou non des faits incriminés.
Un officier de police judiciaire explique : ‘’Ces procédés, dont le test ADN, sont des moyens de preuve découverts par la science et que la justice utilise en matière criminelle. Ils font l’objet de toute une théorie et ont donné naissance à des cours comme la police technique et la police scientifique, deux matières qui entrent dans la criminalistique. Certains comme Edmond Locard sont considérés comme les précurseurs de la théorie sur les preuves tirées de la science : ADN, empreintes digitales…’’
A en croire l’OPJ, il n’y a pas de dispositions spécifiques dans la loi pénale. Mais comme la preuve est libre dans ce domaine, la justice utilise ces procédés scientifiques, d’autant plus qu’ils peuvent présenter un certain degré d’exactitude et d’irréfutabilité. ‘’En sus du principe de la liberté de la preuve en matière pénale, signale-t-il, il y a les articles 149 et suivants du Code de procédure pénale portant sur l’expertise qui peuvent servir de base légale pour recourir à ces procédés scientifiques dont le test ADN’’.
Très sollicitée dans certaines affaires criminelles sensibles, la science se heurte néanmoins à un certain nombre de limites. D’abord, poursuivent nos interlocuteurs, en matière pénale, à chaque fois que la preuve requiert une intervention sur l’intégrité physique de la personne, son consentement est nécessaire. ‘’C’est comme le malade qui est devant son médecin. Il faut son autorisation, même pour lui administrer une dose de piqure’’, argue l’officier de police judiciaire. Qui ajoute : ‘’La personne poursuivie est en droit de refuser le test qui est avant tout un acte médical, même s’il tend à la recherche de preuve, même si on est dans une procédure judiciaire.’’
D’un point de vue médical, ce médecin soutient que les empreintes génétiques permettent d’identifier une personne, mais pas d’assoir la thèse d’un quelconque ‘’crime’’. Si, par exemple, on retrouve l’ADN d’une personne à l’issue d’un prélèvement de sperme dans les parties génitales d’une femme, on peut penser que cette personne a eu des rapports avec la femme. Mais cela ne suffit pas pour conclure ni à l’existence d’un rapport sexuel, ni au viol. Dans le cas où il y a eu un rapport sexuel, celui-ci peut en effet avoir été fait avec le consentement de la supposée victime.
’Il reviendra au juge d’apprécier, en tenant compte de tous les éléments de l’enquête’’
‘’Maintenant, précise-t-il, si par exemple, la personne avait soutenu qu’elle n’a jamais eu un contact sexuel avec la femme, et qu’on trouve que le sperme prélevé dans les parties génitales de la femme est compatible avec son ADN, ça peut peser sur l’intime conviction du juge. Celui-ci peut se dire : puisqu’il a menti, c’est peut-être parce qu’il a quelque chose à se reprocher ; c’est parce que peut-être il est coupable… Ce n’est qu’un élément entrant dans le cadre d’un faisceau d’indices. Il reviendra au juge d’apprécier, naturellement en tenant compte de tous les éléments de l’enquête.’’
Par rapport à l’accusation selon laquelle les prélèvements peuvent être truqués, notre interlocuteur n’a pas voulu trop s’y épancher, pour ne pas entrer dans une polémique stérile. Il se borne à relever ce qui suit : ‘’Il faut juste savoir que tout travail humain peut être l’objet de corruption ou de mauvaise pratique. Comme on dit en wolof : ‘bul miimal ken dara’. Mais il faut quand même qu’on soit d’accord sur les principes. Ceux qui font les expertises, ce sont ces mêmes personnes qui sont sollicitées dans d’autres affaires. Si on prend les garanties nécessaires par rapport à la qualification de la personne, à sa probité morale, à ses compétences techniques, le reste, c’est de l’hyper-confiance. Après, si on n’est pas satisfait par le résultat, on peut toujours demander, par les voies et moyens disponibles, une contre-expertise pour contester les résultats. Mais on ne peut pas, sur la base de simples allégations, refuser catégoriquement des solutions qui peuvent aider à faire éclater la vérité.’’
Refuser systématiquement le recours à la science, selon le médecin, ‘’c’est comme si on se disait qu’on ne doit plus faire de certificat médical pour coups et blessures, parce qu’il est arrivé qu’on fasse un certificat de complaisance ; qu’on ne fera plus de chirurgie, parce qu’un médecin a eu à commettre une erreur… Il faut mettre en place les garanties par rapport à la qualification, exiger un laboratoire qui respecte les normes…’’.
Relativement au temps requis pour réaliser un test ADN efficace, notre interlocuteur avoue ne pouvoir pas trop s’y épancher : ‘’Il faudrait savoir quel est le prélèvement qui a été fait ? Comment il a été fait ? Tout est question de procédure et de normes. Chaque analyse a des conditions à respecter. Et les laboratoires ont des normes bien établies…’’
Par ailleurs, il faut savoir, tiennent à préciser les spécialistes, que la position ou l’apport de la médecine ne se résume pas au test ADN. Le médecin peut aussi intervenir à travers un certificat médical qui donne au juge des éléments pouvant permettre de se pencher dans un sens ou dans un autre. ‘’Le certificat médical, souligne le médecin, donne des éléments qui permettent au juge de se décider dans un sens ou dans un autre. Mais ce n’est jamais le certificat médical pris isolément. C’est toujours en rapport avec l’enquête dans son ensemble. En tenant compte de ce qu’il a vu dans les procès-verbaux et dans le rapport du médecin, le juge peut estimer qu’il y a viol ou non. Ce n’est pas au certificat médical de dire s’il y a viol ou pas’’.
A la question de savoir si l’absence de lésions suffit pour écarter la thèse du viol, la blouse blanche précise : ‘’L’absence de lésions ne signifie pas absence de viol. Une fille qui est violée et qui n’a pas opposé de résistance parce qu’elle avait peur par exemple, si elle n’était pas vierge, on peut ne pas trouver de lésions.’’
En outre, explique la blouse blanche, la particularité de la médecine légale ou traumatologique, c’est la description. ‘’On doit décrire de sorte que celui qui n’est pas là, s’il lit sa description, il va se faire une idée. Et cette description se fait en fonction du cadran d’une montre. Quand il y a une déchirure, il faut bien la localiser. Ici, il s’agit de l’hymen ; on prend repère sur le cadran d’une montre. Une montre, il y a la position de 3 h, de 6 h, de 9 h et de 12 h… C’est ainsi qu’il faut comprendre ces mentions dans le rapport médical.’’
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