Co-secrétaire générale du premier syndicat de l’intersyndicale des lycées professionnels, le Snuep Fsu, Sigrid Gérardin souligne la victoire des professeurs de lycée professionnel sur la durée des stages. Elle réagit aux annonces de Carole Grandjean.
La ministre recule sur l’allongement des périodes de stage en entreprise. C’est une victoire pour l’intersyndicale ? Oui c’est une réelle victoire de l’intersyndicale et de la mobilisation massive et dans la durée des PLP. C’était la mesure phare du projet et on a réussi à faire renoncer à cette mesure.
La ministre avance l’idée de moduler le parcours du bac professionnel avec une année post diplôme. Qu’en pensez vous ?
C’est une vieille idée des classes passerelles avancée par E Philippe qui a été un échec cuisant. C Grandjean devrait consulter la Dgesco sur ce point. Ces formations bac+1 étaient ni financées ni sérieuses. Elles n’avaient pas de contenu de formation et pas de contrainte qui auraient pu permettre aux élèves un accès en BTS. On sait que la Dgesco souhaite reproduire des parcours en 4 ans avec des mentions complémentaires. Si on a vraiment une ambition pour les jeunes des LP il faut élever leur niveau de qualification. Et ce n’est pas un bac+1 qui va y réussir. Il faut d’ailleurs aussi plus de places en BTS.
C Grandjean annonce la maintien des moyens d’enseignement à la rentrée et de nouveaux moyens grâce à France 2030. C’est positif ?
On est dans le cadre d’une pénurie d’enseignants avec 480 postes supprimés dans le 2d degré en 2023. Donc on ne va pas applaudir quand elle n’annonce pas de postes supplémentaires. On a besoin pour les lycées professionnels d’un véritable plan de pré recrutement qui redonne de l’attractivité au métier car les professeurs de lycée professionnel (PLP) cumulent les difficultés notamment à cause de l’organisation pédagogique desLP. En ce qui concerne les nouveaux moyens, on attend des confirmations officielles. La gratification annoncée pour les élèves est pleinement justifiée par le coût du lycée professionnel pour les familles.
Trouvez vous des points inquiétants dans les annonces de C Grandjean ?
Oui. D’abord la lubie de vouloir renforcer le monde économique dans les LP. Cela participe d’une idéologie qui discrédite le travail des enseignants. La ministre ne regarde pas de quoi ont besoin les PLP. On ne voit pas de mesures pour aider à trouver des stages, sécuriser les lieux de stage, éviter les stages bidons, faire face au racisme , au sexisme ou aux stages dangereux. La proposition d’un label délivré aux entreprises par le slycées montre sa méconnaissance de la voie professionnelle.
Mais la mesure qui me heurte le plus c’est la possibilité de s’affranchir de l’année scolaire pour permettre un cursus modulaire avec une évaluation par blocs de compétences. Sur quoi on se base pour vouloirs faire des lycéens pros des lycéens à part qui ne passeraient pas , par exemple, leurs vacances en même temps que les autres ? Pour nous c’est une ligne rouge. Une autre ligne rouge c’est la validation des diplômes par blocs de compétences. Il est hors de question de les scinder en blocs pour que les élèves arrivent sur le marché du travail sans diplôme. Le diplôme est un instrument de négociation avec les employeurs. Il est important pour les élèves d’être diplômé pour leur avenir professionnel et leur salaire.
Il est toujours question de réformer la carte des formations à l’horizon 2024. Est -ce une bonne chose?
Il est trop tard pour les modifier pour la rentrée 2023 puisque cela impacte lesDHG. On alerte sur la volonté d’instrumentaliser les parcours des jeunes pour répondre aux besoins de main d’oeuvre de certains secteurs. C’est aux entreprises de prendre leurs responsabilités et d’offrir des conditions de travail attirantes.
La mixité des parcours reste au programme mais avec un accompagnement administratif. C’est une bonne chose ?
C Grandjean devrait consulter l’étude de la Dares sur l’apprentissage. Elle verrait que, par exemple, en bac pro vente commerce il y a 48% de décrochage en apprentissage. Elle devrait prendre des mesures pour arrêter ce massacre et sécuriser les parcours des apprentis avant de désorganiser les LP. En réalité le lycée professionnel est plus efficace et moins couteux que l’apprentissage. Enfin nous revendiquons la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans. C’est le cas pour les lycéens technologiques et généraux. Pour les familles de milieu populaire c’est l’apprentissage ou le lycée professionnel. La ministre devrait renforcer le CAP où les élèves quittent l’enseignement si jeunes.
Propos recueillis par François Jarraud