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Serge Petit : Quels fondamentaux en mathématiques à l'école ? – cafepedagogique.net

Serge Petit : Quels fondamentaux en mathématiques à l'école ? - cafepedagogique.net Une image contenant personne, homme Description générée automatiquement Le BOEN n° 2 du 12 janvier 2023 a déjà fait couler beaucoup d’encre. Je me permets cependant d’évoquer quelques éléments de réflexion portant sur les « fondamentaux » en mathématiques.
Les « repères annuels », associés aux « évaluations » sont autant de hallebardes bien acérées, qui, orthogonales aux programmes, les assassinent et mettent à bas les cycles. C’est ainsi que le mot « programme » n’apparait qu’une seule fois et seulement dans l’adresse du texte concernant le cycle 3 et aucune fois dans celui concernant le cycle 2. Il est par contre cité quatre fois dans le texte concernant le cycle 1. Ce cycle 1 n’ayant pas encore été assassiné par des « repères annuel », il n’était pas possible aux auteurs de s’exprimer autrement, d’autant plus qu’il n’y a, à ma connaissance, pas encore de « guide » mathématiques pour ce cycle. Comme chacun sait, les guides font fureur et tous les enseignants les dévorent avec délectation, les suivent les yeux fermés, convaincus qu’ils permettent de conduire leurs élèves à atteindre les objectifs de fin de cycle définis par les programmes. A voir !
Ce texte qui consacre un « En marche » arrière toute, s’inscrit dans la continuité de pensée et d’action du précédent ministre. Dommage ! Mais que dit-il des fondamentaux en mathématiques ?
Ces « fondamentaux » devraient être définis en fonction des finalités de l’école, finalités qui restent bien cachées. Le texte ouvre cependant une porte : « La maîtrise des savoirs fondamentaux […] est la condition de l’autonomie de pensée des élèves, de la lutte contre les inégalités scolaires et sociales, et de la réussite au collège. »
Qui ne souscrirait à une telle déclaration d’intention ? Regardons de plus près en quoi les savoirs fondamentaux en mathématiques cités dans ce texte conduisent à cette noble « autonomie de pensée » et luttent « contre les inégalités […] ».
Entre les crochets, ces « savoirs fondamentaux » sont évoqués par la sacro-sainte trilogie « lire, écrire, compter ». Certains points sont évoqués explicitement et méritent qu’on s’y attarde un peu.
 
Le langage en mathématiques
La « maîtrise du langage doit être une préoccupation permanente des professeurs des écoles et des professeurs de collège dans l’ensemble des disciplines enseignées ». Très bien, mais quelles sont les formations initiales et continues en mathématiques qui intègrent explicitement des apprentissages du langage ? Le plan mathématique intègre-t-il ces apprentissages explicitement ? Pas que je sache, sauf dans de très rares cas. Les formateurs des différentes disciplines sont-ils d’ailleurs formés à l’intégration d’apprentissages langagiers (lexique, écriture, compréhension de textes, etc.) ?
En sixième, « toutes les disciplines contribuent au travail sur la lecture et l’écriture ». Pourquoi cette mention à partir de la sixième et pas du CP ? Il est en effet avéré que des travaux d’écriture intégrées aux apprentissages en mathématiques favorisent à la fois la réussite en mathématiques et en langue.
 
Les fractions
Bien plus mathématique : « Un des enjeux majeurs de l’enseignement des mathématiques au cycle 3 est le développement d’une parfaite compréhension des fractions et des nombres décimaux. » Le texte ne définit pas ce qu’il entend par « parfaite compréhension ». Ce qui constitue une lacune majeure, d’autant plus que, de leurs propres aveux, de nombreux professeurs des écoles ne se sentent pas toujours très à l’aise avec ces concepts. Le texte précise : « cette notion impose une introduction précoce des fractions dès la première période de CM1 et celle des nombres décimaux dès la deuxième période de la même année. » Si je ne peux qu’approuver la première partie de la phrase, il m’est par contre tout à fait impossible de faire mienne la seconde. Ce texte montre manifestement que leurs auteurs ne se sont pas penchés sur l’enseignement délicat des fractions qui doivent être introduites pour pallier l’insuffisance des nombres entiers mise en évidence par des activités de mesure (programmes), ce qui prend du temps. Il est de plus impossible d’envisager que les décimaux soient enseignés la période suivante. Cette sempiternelle précipitation est un des meilleurs moyens, avec celui de suivre aveuglément certains manuels, de promouvoir l’échec de l’enseignement des fractions et des décimaux. L’enseignement de ces concepts nécessite un travail régulier, sans cesse ravivé, sur toute la durée du cycle 3, imposant bien souvent une reprise de compétences mal maitrisées (mesure, encadrement, système de numération par exemple). Quant à leur « parfaite compréhension », peut-être faut-il bien davantage d’années.
 
Les mesures
Après avoir évoqué les fractions, le texte poursuit en précisant que « Les connaissances et compétences en grandeurs et mesures sont régulièrement travaillées et mobilisées notamment en résolution de problèmes. » Il ne précise pas non plus ce que sont ces compétences. Là aussi, l’édition me semble être coupable d’un enseignement superficiel des mesures. Nul n’ignore que le physicien, qui par essence procède à de très nombreuses mesures, fournit un résultat sous forme d’encadrement ou indique une marge d’erreur. Ne serait-ce pas une compétence fondamentale ? Pratiquer ainsi ajouterait du sens aux encadrements qui, autrement, fonctionnent à vide, pour eux-mêmes, comme un objet et pas comme outil. Qui peut en effet affirmer que tel segment dessiné mesure exactement 3 cm ? Personne ! Sauf les ouvrages. Il est par contre possible, avec un instrument de mesure approprié de dire que la longueur de ce segment est comprise entre 29 mm et 31 mm (encadrement). Savoir encadrer et manipuler les encadrements ne relèverait-il pas d’apprentissages fondamentaux permettant de développer une autonomie de pensée par la prise en compte des incertitudes (de mesure).
 
Le calcul
Le texte s’intéresse au « renforcement des compétences en calcul mental et posé ». Le calcul mental, imposant une bonne connaissance de résultats mathématiques fondamentaux est une absolue nécessité, personne n’en disconviendra. Conjugué avec le concept d’ordre de grandeur ou avec celui d’encadrement, le calcul mental permet très rapidement d’estimer la plausibilité d’un résultat, d’exercer son esprit critique dans un débat, de rejeter éventuellement le résultat fourni par une calculatrice, de mieux comprendre les expressions numériques avancées par la presse, certains débats politiques, de les mettre éventuellement en défaut. Il contribue à développer « l’autonomie de pensée ». Il fait sans doute partie des fondamentaux.
Mais le BO oublie le calcul en ligne dont l’importance est pourtant bien soulignée dans l’excellent document « Le calcul en ligne au cycle 2 » disponible sur Eduscol : « [le calcul en ligne] repose sur la compréhension de la notion de nombre, du principe de la numération décimale de position et des propriétés des opérations. ». Ce même document précise que le calcul en ligne « est une source d’apprentissages mathématiques essentiels ». Il permet à chaque élève de développer ses propres stratégies. Il contribue de ce fait à la construction de « l’autonomie de l’élève » et à la réduction des inégalités. Ne s’agirait-il pas là encore d’une compétence fondamentale, d’un des « fondamentaux » qui auraient pu être cité dans le texte ? Fondamental parce qu’il développe la diversité d’approche, de pensée, parce qu’il exerce l’analyse et qu’il contribue à développer une posture de l’élève. Il est oublié (ou volontairement omis ?) pour donner une préférence au calcul posé dont le même document sur Eduscol précise que le calcul en ligne se distingue « du calcul posé, dans le sens où il ne consiste pas en la mise en œuvre d’un algorithme indépendant des nombres en jeu. » Le calcul en ligne ne formate pas l’esprit, il le développe. Le texte du BO su 12 janvier lui préfère la mise en œuvre d’algorithmes (calculs posés) que l’élève appliquera automatiquement -peut-être sans comprendre-, qui ne développe d’autre posture que celle d’être un fidèle exécutant.
Ce choix est sans doute symptomatique de la vision du ministère sur l’éducation.
S’il ne s’agit pas de rejeter en bloc les calculs posés qui peuvent avoir un intérêt dans la compréhension du système de numération de position, à condition que l’élève comprenne ce qu’il fait. Il est cependant possible de s’interroger sur le poids qu’ils peuvent prendre dans les apprentissages mathématiques, sur le temps qui lui est consacré et sur leur pertinence au regard de la formation à l’autonomie.
Prenons un exemple. Si un problème nous amène à devoir diviser 1387 par 7. On peut certes, demander à l’élève de dessiner la potence et d’appliquer un algorithme qu’il ne comprend peut-être pas. On peut aussi inviter l’élève à fournir un ordre de grandeur du résultat. « C’est presque 1400 divisé par 7. C’est presque 200. » On peut aussi lui demander d’encadrer le résultat. Le résultat est entre 1386 divisé par 7 et 1400 divisé par 7. Le résultat est entre 198 et 200. L’élève aura reconnu que 1387 est égal à 1386 + 1 divisé par 7. Il aura décomposé le dividende de manière pertinente. Il aura analysé les nombres en fonction de la tâche à effectuer. Il aura exercé son autonomie pour approcher le résultat, pour l’encadrer, pour éventuellement exercer un contrôle sur la calculette qu’il pourra utiliser s’il faut davantage de précision et si cette précision est nécessaire.
On dira que cet exemple est facile. Prenons 356 789 à diviser par 4538. L’élève peut poser la potence et utiliser un algorithme. Combien de temps va-t-il passer à effectuer un calcul que sa machine pourrait faire le temps de la saisie des données ? Que de temps de recherche perdu, que de temps de réflexion perdu si l’on impose un tel calcul aux élèves. Qui, dans la vie courante laisserait son téléphone dans sa poche, s’emparerait d’un papier et d’un crayon pour effectuer ce calcul ?
Il me semble plus judicieux de consacrer le « temps de cerveau disponible » de l’élève à effectuer des tâches que sa calculatrice ne peut effectuer pour lui (comprendre un énoncé de problème, écrire des énoncés de problèmes, trouver des encadrement d’un résultats, trouver un ordre de grandeur, résoudre des problèmes ouverts, etc.). Ces tâches peuvent le passionner, les automatismes le scléroser et engendrer un mépris pour l’école qui lui refuserait d’utiliser les outils adéquats.
 
Connaissance des nombres, du système de numération
Le texte continue en insistant sur le « renforcement de la connaissance des nombres et de notre système de numération, à la fois pour les nombres entiers mais aussi pour les nouveaux nombres introduits au cycle 3, comme les fractions ou les nombres décimaux. »
Le système de numération est assurément mal maitrisé des élèves entrant en cycle 3 et il s’agit bien là d’un des fondamentaux mathématiques. Mais qu’en est-il au juste des conceptions des élèves du système de numération ? Cette question pose celle de la représentation que les élèves ont des nombres. Quasiment tous les élèves confondent nombres et désignations de nombres. Pourtant personne ne confond le mot « pomme » avec le concept de pomme ou avec le référent de ce mot dans un discours : cette pomme qui est là devant moi et que je vais déguster. Mais pour les nombres, concepts par essence abstraits, la confusion règne. Cette confusion est entretenue par les manuels scolaires et entraine de nombreuses difficultés chez les élèves. Comment un élève peut-il écrire que ¾ = 0,75 si pour lui un nombre est une écriture. Il y a bien là deux écritures différentes, donc pour certains élèves, deux nombres différents. Et pourtant, elles désignent le même nombre. Ce que l’égalité traduit, comme le précise le document Le calcul en ligne au cycle 2 : « Le calcul en ligne et le travail sur les décompositions se fondent sur une signification du signe « = » comme lien entre deux écritures distinctes d’un même nombre ». Mais l’égalité, concept fondamental s’il en est, souvent mal enseignée, apparait dans bien des ouvrages comme une injonction d’effectuer un calcul. Son sens fondamental, qui est d’indiquer que deux signifiants partagent le même signifié, n’est guère enseigné à l’école, pas davantage que certaines de ses propriétés. Le concept capital d’égalité ne figure pas dans les fondamentaux listés. Hélas !
Que dire par ailleurs d’expression comme « le chiffre des unités » ? Elles ne font qu’apporter la confusion dans l’esprit des élèves, confusion entre « chiffre des unités » et « nombre d’unités » et ce, d’autant plus qu’hors de l’école, on confond chiffre et nombre (« les chiffres du chômage »). Parlons tout simplement du nombre d’unités, du nombre d’unités libres ou isolées (celles qui ne figurent pas dans les groupements par dizaines), du nombre de dizaines, du nombre de dizaines libres ou isolées (celles qui ne figurent pas dans les groupements par centaines), etc. on y trouvera davantage de sens.
Pourquoi une mauvaise maitrise du système de numération à l’entrée au cycle 3 ? Vraisemblablement parce qu’on ne laisse pas aux élèves le temps de faire leur acculturation mathématique dès le CP et que les perfides évaluation de mi-CP obligent les enseignants à avoir construit le système de numération avant cette période. Or cette construction demande du temps, le temps prévu par les programmes, celui des trois années du cycle 2. Sa maîtrise est un des attendus de fin de cycle 2 et pas de mi-CP. Là encore, le ministère agit contre la loi qui est dictée par les programmes. Je ne peux pas imaginer que ces constats soient ignorés en haut lieu. Publier de tels textes, s’appuyer sur des « repères de progressions » et des évaluations à des niveaux où elles n’ont pas lieu d’être relève du torpillage des apprentissages mathématiques des élèves qui en ont le plus besoin. Les enfants culturellement nantis s’en sortiront toujours, pas les autres.
Parmi les fondamentaux pourrait figurer l’acculturation des élèves aux mathématiques, acculturation qui nécessite de ne pas avancer au pas cadencé.
 
La résolution de problèmes
Enfin, le texte s’intéresse à la résolution de problèmes en insistant sur le fait de « développer une maîtrise solide de procédures robustes et d’outils efficaces pour résoudre des problèmes ». Rappelons que la formation à la résolution de problèmes ne peut être évaluée par un QCM comme le fait l’évaluation d’entrée en sixième, mais doit prendre en compte la posture de l’élève devant un problème. Résoudre un problème consiste à se mettre en situation de recherche, de savoir que différentes pistes peuvent être parcourues, que certaines sont des apories. Le fait qu’un élève s’en rende compte est formateur et concourt à la formation de son esprit critique à celle de son « autonomie de pensée » dont a tant besoin notre société, surtout politiquement afin de ne pas entrainer notre pays dans un désastre. Apprendre à résoudre des problèmes est une formation citoyenne qui ne peut se réduire à appliquer des modèles de résolution. Apprendre à résoudre des problèmes, c’est aussi, quand l’énoncé est textuel, apprendre à comprendre un texte. Et cela s’apprend en mathématiques aussi. Apprendre à résoudre des problèmes, c’est aussi apprendre à écrire une réponse à une question. A ce propos, il est intéressant de remarquer que dans le nouveau guide paru en décembre Grammaire du français, du CP à la sixième, le travail systématique sur les phrases interrogatives est repoussé au cycle 3 alors qu’on en a tant besoin en mathématiques, avant même le CP, pour comprendre ce que l’on cherche et être capable d’écrire la réponse par une phrase complète et pas en bouchant des trous (comme le fait judicieusement remarquer le BO). Apprendre à résoudre des problèmes, c’est surtout apprendre à chercher, à prendre des initiatives, à les évaluer, à reconsidérer sa stratégie, à mobiliser des connaissances. Apprendre à résoudre des problèmes est un apprentissage fondamental qui repose davantage sur une posture que sur des outils à mettre en œuvre.
Et que dire de la contrainte de résoudre au moins dix problèmes par semaine ?
Apprendre à résoudre des problèmes n’est-ce c’est pas aussi apprendre à en poser, à écrire des énoncés, à les soumettre à d’autres, à écrire pour être lu par d’autres, etc. Le texte ne dit rien sur les fondamentaux qui relèvent de la posture de l’élève en résolution de problèmes. Malheureusement !
 
Conclusion
Le BO du 12 janvier réfère à des « fondamentaux » qui ne sont ni définis, ni réfléchis, tant au regard des apprentissages mathématiques eux-mêmes, pour eux-mêmes, qu’au regard de l’usage des mathématiques dans la société, pas davantage que dans le cadre de la formation du citoyen.
Contrairement au but affiché qui est de former à « l’autonomie de pensée », ces textes semblent concourir à un enseignement à pas cadencé, rythmé par des évaluations, piloté du sommet d’une pyramide.
Alors que l’on déplore le manque d’appétence pour les études scientifiques, ne serait-il pas fondamental de développer chez les élèves le plaisir de « faire des mathématiques », celui de chercher et de définir quels fondamentaux disciplinaires, quelles attitudes pourraient y contribuer ? Mais il n’est hélas nullement question de formation des élèves à développer leur esprit critique, leur pensée autonome, leur créativité, leur adaptabilité. L’élève doit exécuter, obéir et marcher au pas.
Est-ce que le dispositif intitulé « les conseils académiques des savoirs fondamentaux », digne d’une usine à gaz, permettra une telle réflexion ? Rien n’est moins sûr !
 
Serge Petit
 

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