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Optimiser les coûts, attirer les meilleurs, rémunérer la performance : plusieurs facteurs poussent les entreprises à individualiser les rémunérations. La pratique tend à se généraliser.
«La rareté des ingénieurs nous a été fatale il y a quelques années. Comme nous devions faire face à un développement important, nous étions dans l’obligation de recruter de nouveaux profils, surtout des ingénieurs intégrateurs et directeurs de projet, une dizaine au total. Résultat : notre masse salariale a augmenté de près de 30% tout simplement parce qu’il a fallu payer le prix fort pour recruter les meilleurs. A un certain moment, cela a créé un déséquilibre au niveau de notre grille des salaires. Pour un même poste, des candidats ont été recrutés à 18 000 DH nets, voire plus, alors que certains en interne, avec plus d’expérience, n’avaient pas encore atteint ce niveau de rémunération», souligne un directeur des ressources humaines, qui fait face, comme plusieurs de ses confrères, à un véritable casse-tête.
Rémunérer la performance
Dans l’espoir d’inciter leurs salariés à la performance ou d’attirer des talents, beaucoup d’entreprises pensent à individualiser les salaires.
Une pratique encouragée par la généralisation et la progression de la part variable dans la structure du salaire qui n’est plus réservée uniquement aux profils de commerciaux mais qui s’étend aussi à toutes les fonctions.
«Comme les entreprises ont de plus en plus de mal à augmenter les salaires fixes, elles indexent progressivement des bonus en fonction des performances de chacun. De nos jours, le variable constitue de 20 à 50% du salaire. Une part non négligeable», souligne Siham En-najbi, directrice générale du cabinet BCI.Pour les spécialistes de la rémunération que nous avons sollicités, cette tendance est liée à plusieurs facteurs. D’abord parce qu’il faut rémunérer la performance pour récompenser les salariés qui ont contribué, de près ou de loin, au succès de l’entreprise.
Ensuite, parce que certaines organisations ont gagné en maturité au niveau de la fonction RH et peuvent ainsi pratiquer cette individualisation.
«Les cadres sont plus sensibles à la culture de l’objectif, de l’évaluation et de la performance. Cela dépend aussi de la culture de management et des dispositifs d’accompagnement déjà mis en place : système d’appréciation des performances, management par objectifs…», énumère Siham En-najbi.
Mais il existe aussi une raison très terre à terre : pour des questions d’optimisation des coûts, les entreprises préfèrent augmenter les salaires à travers des indemnités non fiscalisées ou d’autres avantages en nature.
De même qu’aujourd’hui, dans la gestion des talents, l’argument de la rémunération se révèle être un élément essentiel. L’objectif? Motiver et fidéliser les meilleures recrues, pour booster leurs performances. Une nécessité dans un marché demandeur de compétences et de profils pointus.
La gestion des nouvelles générations Y et Z pousse aussi certains groupes à travailler leur marque employeur et l’individualisation des salaires participe à cette dynamique.
Une question d’équité entre les salariés
Toutefois, il faut garder une certaine cohérence, équité et flexibilité quant à cette pratique, comme le préconise Amine Laaouidi, directeur des ressources humaines du groupe Richbond. «Tout système de rémunération doit laisser la place aux évolutions de salaire individuelles, et comporter une partie variable importante liée à la fois aux résultats individuels et à ceux de l’entreprise», affirme-t-il.
Pour sa part, Houcine Berbou, expert RH, souligne qu’«une politique salariale mal pensée peut entraîner des tensions entre les employés, en particulier si certains estiment qu’ils sont sous-rémunérés par rapport à d’autres employés qui ont des compétences ou des responsabilités similaires». En d’autres termes, l’individualisation des salaires n’est donc pas la panacée, et elle pose la question de l’équité entre les salariés.
«De même que l’absence d’une évaluation fiable de la contribution entraîne le développement de certaines formes de retrait, telles que l’absentéisme, l’insatisfaction par rapport à l’organisation, la dégradation des rapports dans le travail…», poursuit la directrice du cabinet BCI. Mais alors, comment procéder, tout en tenant compte de la stratégie et des objectifs visés par l’entreprise ? Une équation difficile à résoudre, dans la mesure où elle dépend d’une multitude de paramètres, tels que le diplôme, les performances individuelles et collectives, l’innovation et la créativité, l’engagement, l’implication, l’ancienneté… Et le moindre mauvais dosage est susceptible de menacer la paix sociale! Parfois, certaines entreprises décident d’établir une refonte de leur système de rémunération avec une volonté de faire évoluer les repères du personnel et revisiter la relation au travail pour un meilleur rapport contribution/rétribution (surtout quand la masse salariale est en déphasage avec les résultats). Le management peut décider alors de mettre la performance au centre de la politique salariale de l’entreprise.
La difficulté de mettre en place et de gérer un système d’appréciation du personnel hypothèque l’efficacité de la rémunération au mérite. Les instruments et les procédures d’évaluation qui permettent d’asseoir les décisions d’augmentations n’existent pas toujours ou lorsqu’ils existent, ils sont peu fiables et mal acceptés par les salariés.
Ceci dit, sans aller vers un éclatement de la grille salariale, il est possible de créer suffisamment de fourchettes, larges et équitables, pour chaque classe de poste.
De ce fait, l’entreprise a toute la latitude de différencier et rémunérer au mérite. Cela passe aussi par une meilleure maîtrise de la performance individuelle.
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