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Comment une entreprise lyonnaise qui a été cotée en Bourse, qui a su se développer de manière importante a t elle pu subir une telle Berezina constituée par l’absence de repreneur et une mise en liquidation judiciaire, le 13 janvier dernier. Avec à la clef, 1 900 suppressions d’emplois.
Pourtant, lorsque les frères Patrick et Léo Bahadourian, bien connus à Lyon reprennent en 2020, via leur holding Agihold, la célèbre marque de distribution de surgelés à domicile Toupargel, en grande difficulté à la barre du Tribunal de Commerce de Lyon, on se dit qu’avec ces magiciens de l’épicerie, l’entreprise va rapidement faire sortir ses camionnettes de l’ornière.
Les deux frères figurent en effet parmi les créateurs de la marque Grand Frais, qui, née en Auvergne-Rhône-Alpes est devenue l’une des plus importantes réussites de la distribution de ces dernières années en France.
Leur idée : transformer Toupargel en « Grand Frais » roulant, avec une nouvelle marque apposée sur les camions : « Place du Marché »…
L’outil de Place du Marché est de taille avec ses 650 camions/épiceries ravitaillés par 110 agences disséminées dans toute la France.
Le surgelé n’était plus le seul produit que proposait l’enseigne rebaptisée « Place du Marché ». C’est le même concept qu’à Grand Frais qui est alors, ou plutôt qui aurait dû alors être mis en œuvre, avec pour chaque domaine de l’épicerie, l’appel à un professionnel reconnu.
Pour la boucherie, c’était Despi, le boucher de Grand Frais qui était annoncé ; Mandar des Halles de Rungis pour les fruits et légumes ; la Maison célèbre maison lyonnaise Cellerier du côté du beurre, des œufs et des fromages ; et enfin, Agidra, l’épicier de Grand Frais, détenu par les frères Bahadourian et, bien sûr, pour les surgelés, Toupargel dont la marque subsistait, mais pour ces seuls produits.
Au total : de 5 000 à 6 000 références (2 500 produits surgelés, 1 200 d’épicerie et 1 500 de frais), avec un développement du bio et de l’origine France.
« Place du Marché est en mesure de proposer les mêmes produits que Grand Frais, au même niveau tarifaire, mais livrés à domicile », expliquait alors Brieuc Fruchon, le nouveau président du nouveau « Place du Marché » arrivé à la barre de l’entreprise, à nos confrères des Echos.
Et d’assurer que « 45 millions d’euros d’investissements seront réalisés sur les trois prochaines années. »
Et à l’arrivée, ce serait près de 75 millions d’euros qui auraient été investis par les frères Bahadourian, sans pouvoir remonter la pente.
Ce changement de stratégie à 180 degrés avait sur le papier tout pour plaire, pour réussir. A l’arrivée, c’est un naufrage…
C’était un mirage, déplorent les représentants du personnel. « Nous étions pleins d’espoir devant les promesses et les projets annoncés. ette promesse de créer des magasins Toupargel accolés aux magasins Grand Frais n’a jamais vu le jour », déplorent-ils.
L’explication de fond de ce naufrage qui aurait pu être évité est la non adaptation, en fait, du concept qui n’a pas su évoluer au fil des années.
Le succès original de Toupargel s’est d’abord et avant tout effectué en milieu rural. Et ce, grâce au démarchage par téléphone, la task-force Toupargel en la matière étant reconnue et efficace.
Mais faute d’avoir véritablement su prendre le virage de l’Internet, la clientèle de Toupargel d’abord, puis de Place du Marché, faute de renouvellement, n’a pas cessé de vieillir jusqu’à la thrombose.
Le fait que les grands succursalistes ont désormais tendance à développer des points de vente dans les villes petites et moyennes, irriguant mieux la ruralité a joué aussi.
Et tout laisse à penser que lors du rachat par les frères Bahadourian, l’ex-Toupargel n’avait déjà plus les ressorts suffisants pour repartir de l’avant.
Pour le tribunal de commerce de Lyon, selon le texte du jugement que le Journal le Monde s’est procuré, l’ex-Toupargel était arrivé au bout de son histoire. « La société Place du Marché ne sera pas en mesure de poursuivre son activité sans engendrer de nouvelles pertes », était-il stipulé.
On comprend qu’aucun repreneur véritablement sérieux n’a postulé à la reprise.
Le gâchis est énorme : 1 900 salariés qui se retrouvent donc au chômage ; 110 agences réparties sur le territoire et trois plate-formes de préparation de commandes situées à Argentan dans l’Orne, à Châlons-sur-Saône en Saône-et-Loire et à Montauban qui vont baisser le rideau.
Si elle a fait rêver quelques mois les salariés de l’ex-Toupargel, la magie Bahadourian n’a pas opéré…