Rubriques et services du Figaro
Rubriques et services du Figaro
Nos journaux et magazines
Les sites du Groupe Figaro
Des célébrités libèrent la parole : la ménopause est,
pour elles, au cœur des préoccupations bien-être.
Un enjeu féministe certes, mais aussi un business
ultralucratif de la «silver économie».
Elle a déjà affronté la colère de King Kong, un fantôme vengeur (The Ring) et survécu à un tsunami (The Impossible). Mais de son propre aveu, rien n’avait préparé Naomi Watts à subir les symptômes aigus d’une périménopause précoce, à 36 ans. «Je me réveillais au milieu de la nuit, trempée de sueur. Ma peau était sèche et irritable. Mes hormones chamboulées, je ne contrôlais plus mon propre corps. Je me suis sentie perdue, et très seule», se souvient la star de Mulholland Drive . Et pour cause. Alors que la ménopause, soit l’arrêt définitif de l’ovulation et des menstruations, survient en moyenne entre 50 et 55 ans, la périménopause et ses premiers effets secondaires apparaissent, eux, en général, autour de 45 ans.
Confrontée aux prémices du grand changement hormonal, à un âge où nombre de femmes planifient encore une maternité (elle a, malgré tout, donné naissance à Sasha à 38 ans et à Kaï à 40), Naomi Watts s’est heurtée à un silence assourdissant de la part de ses médecins, et à la gêne de ses proches : «Je ne savais pas comment demander de l’aide et eux ne savaient pas comment m’aider.»
Déjà cocréatrice de la marque de beauté green Onda, l’actrice néostartuppeuse a fondé Stripes, une gamme de soins holistiques pour chouchouter les femmes «du cuir chevelu au vagin, pour participer à l’éradication de la honte et de l’anxiété associées à la ménopause», précise-t-elle. Des sérums et huiles pour le corps ultrahydratants, des brumisateurs antibouffée de chaleur et des lubrifiants intimes, mais aussi des «méno-guides» en ligne et un magazine, Adulted, destiné à fournir les informations et créer une communauté, tout ce qui fait défaut aux femmes amorçant «leur transition» vers la ménopause.
Son entreprise, lancée en octobre 2022, fait partie des initiatives les plus abouties au sein d’un nouveau pan de la «silver économie» (l’économie des seniors) que le New York Times a déjà surnommé «la ruée vers l’or de la ménopause». Boosté par une révolution démographique sans précédent, avec déjà un million d’Américaines nouvellement ménopausées chaque année, le marché semble soudainement mûr pour les femmes mûres.
Au sortir de la pandémie du Covid, face au cruel déficit de gynécologues et de médecins formés pour répondre à l’explosion de la demande d’accompagnement des femmes dans leur phase de mi-vie, on a vu germer des start-up de télémédecine et de conseil en bien-être et des symposiums dont le premier, New Pause, mené par Naomi Watts et Alisa Volkman, CEO de The Swell, une plateforme communautaire destinée à la Gen X (née entre 1960 et 1980), s’est tenu à guichets fermés, à raison de 130 dollars l’entrée. Une pléthore de produits haut de gamme est apparue dans la foulée, comme le supplément vitaminique, Madame Ovary, proposé par Gwyneth Paltrow sur Goop, ou Better Not Younger («mieux mais pas plus jeune»), ligne de soins capillaires pour les cheveux vieillissants, dont l’actrice Jennifer Coolidge (The White Lotus) est fan.
Aux portes d’une méno-révolution, les célébrités brisent l’omerta pour partager leur expérience, souvent avec humour. Dans son podcast, Michelle Obama, en 2020, comparait une bouffée de chaleur inopinée «à la montée du thermostat de son four intérieur au maximum». Gillian Anderson (Sex Education) a souhaité sonner l’alarme sur les troubles de la périménopause, en évoquant ses crises de larmes irrépressibles et une grosse fatigue qui, certains jours, lui donnait l’impression de «ne rien pouvoir gérer dès 8 heures du matin». Drew Barrymore, actrice et animatrice vedette de la télé américaine, a décrit des sautes d’humeur ravageuses «qui la rendait folle et la faisait pleurer pour un oui, pour un non». Un concert de paroles libérées pour une génération X, qui souhaite également s’approprier une part du gâteau de la «ménopause business», mais plus discrètement.
À lire aussiBouffées de chaleur, prise de poids, sexualité… Comment gérer au mieux sa ménopause ?
Gwyneth Paltrow (50 ans), Drew Barrymore (47 ans), mais aussi Cameron Diaz (50 ans) ont ainsi participé à la collecte de 28,5 millions de dollars pour Evernow, une société de télémédecine qui peut aider, en accord avec la loi américaine, à obtenir par SMS une consultation médicale pour un traitement hormonal substitutif (THM) afin d’alléger les symptômes les plus invalidants. La société de capital-risque, Serena Ventures, fondée par la championne de tennis Serena Williams (41 ans), participe au financement de Wile, de l’actrice Judy Greer (Halloween), une marque de suppléments bien-être et de teintures à base de plantes visant à soulager les symptômes de la périménopause et de la ménopause.
Et ce n’est qu’un début : un rapport de tendances du Global Wellness Summit projette un marché de 600 milliards de dollars d’ici à 2025, susceptible de toucher 12 % de la population mondiale. Une population féminine qui bat en brèche un tabou millénaire et refuse le déclassement social induit par leur nouveau statut de «femme d’entre deux âges». À rebours de leurs mères, qui le subissaient en silence. À l’heure de l’affirmation de toutes les diversités, les femmes de la Gen X souhaitent ajouter celle de l’âge à l’ordre du jour, sans s’en cacher. Et réclament des modèles age positive qui leur ressemblent.
ECOUTEZ LE PODCAST
De fait, Hollywood, mène sa propre «méno-évolution». L’industrie, historiquement prompte à écarter la majorité des actrices jugées non désirables dès 40 ans, commence à comprendre, chiffres à l’appui, que les héroïnes quinqua+, femmes actives qui «font» leur âge et le vivent bien, représentaient une audience hautement bankable. En 2021, rien que pour le petit écran, Kate Winslet (47 ans) a remporté l’Emmy de la meilleure actrice pour Mare of Easttown, en lieutenant de police et mère de famille aux cheveux en bataille, rides et kilos en trop assumés, et Gillian Anderson (54 ans), le Golden Globe du meilleur second rôle, en incarnant l’inflexible Dame de fer, Margaret Thatcher, dans la saison 4 de The Crown. Plus récemment, dans And Just Like That, la suite de Sex and The City, Carrie Bradshaw (Sarah Jessica Parker) et ses amies quinquas discutent libido et ménopause aussi librement que de leurs dates à la fin des années 1990.
Quinqua, l’âge d’or à Hollywood ?
Dans la saison 4 de Borgen, Birgitte Nyborg (Sidse Babett Knudsen), les traits tirés, affronte autant les bouffées de chaleur, les mauvaises nuits et les sautes d’humeur que ses adversaires politiques. Pour la première fois, la ménopause s’est ainsi invitée en guest star dans une série européenne… Dans ce même élan, au cinéma l’an dernier, Emma Thompson, veuve de 55 ans dans Mes rendez-vous avec Leo (re)découvre le plaisir dans les bras d’un jeune homme, tandis qu’en France, Fanny Ardant, 73 ans, vibrait à l’unisson de Melvil Poupaud, son cadet de 24 ans, dans Les Jeunes Amants. Et à en croire le L.A. Times, les Américains voient désormais en Sylvie Grateau (Philippine Leroy-Beaulieu) d’Emily in Paris la «quinqua idéale». Belle, libre, au sommet de son épanouissement professionnel, amoureux et sexuel. La preuve éclatante, comme le rappelait l’actrice au micro de Léa Salamé sur France Inter en décembre, «que la vie n’est pas terminée à 50 ans».
À lire aussiEmma Thompson : «J’ai le corps d’une femme de 63 ans et face au miroir, je rentre le ventre pour ne pas voir la réalité»
Dans ce contexte réjouissant, la psychanalyste Catherine Grangeard (1) applaudit la libération de la parole, même si elle critique la récupération mercantile. Ce nouveau marché a le mérite d’entériner un fait social déjà installé dans nos civilisations occidentales : «Les femmes vivent désormais plus de 40 ans ménopausées et rejettent le statut de has been qu’on leur conférait jadis.» Mais pour elle, la nouvelle bataille à mener est existentielle : «Combattre la honte. Oser ne pas se stresser ou angoisser parce que notre corps vieillit. Se donner le droit de continuer à vivre et à aimer.» Et ce malgré le triste constat de la sociologue Cécile Charlap, auteure de La Fabrique de la ménopause (CNRS Éditions, 2019) : «Ce passage reste perçu comme l’ultime tic-tac de l’horloge biologique, l’entrée officielle dans la phase “senior” de la vie d’une femme.»
Et historiquement, la fin de la fertilité féminine, synonyme de jeunesse, signerait la chute du quotient de séduction et de la validité sociale des femmes. Toujours discriminées sur leur âge, comme le dénonce le collectif AAFA-Tunnel de la comédienne de 50 ans, nos actrices affichent, par rapport à leurs consœurs américaines, une pudeur toute latine face aux désagréments de la ménopause. Ce n’est pas le cas de Monica Bellucci, qui affirmait en 2015 la considérer «comme quelque chose de naturel et pas une maladie». Une expérience dédramatisée du «changement» qui ressemble à celle vécue par la majorité des 14 millions de Françaises ménopausées. N’en déplaise aux Cassandre prédisant syndromes climatériques épuisants, libido en berne ou prise de poids incontrôlable, 15 % des femmes seulement souffrent de conséquences assez pénibles ou invalidantes au quotidien nécessitant une prise en charge médicale (2). À savoir le THM (traitement hormonal de la ménopause), diabolisé depuis une étude de 2002 car possiblement cancérigène, mais prescrit au cas par cas, également pour lutter contre l’ostéoporose ainsi que les maladies cardiovasculaires, ennemies numéro 1 de la femme après 50 ans.
À lire aussi“Le Dernier Jour de la baisabilité” ou la révolte des actrices de plus de 50 ans à Hollywood
Au pays qui a vu naître le mot même et concept de ménopause sous la plume du Dr Charles de Gardanne en 1821, les gynécologues médicaux, de plus en plus rares, sont globalement peu formés sur la question. S’informer, se rassurer, échanger sur un sujet encore trop méconnu pour mieux l’appréhender, c’est une nouvelle mission-clé que remplit Sophie Kune, instagrameuse phare de la «ménosphère Frenchie» depuis la création, il y a six ans, de Ménopause Stories (13,7 k d’abonnés). En toute sororité, elle y fédère celles qui souhaitent partager leur expérience intime de la ménopause et en déconstruire les archétypes. «Les peurs, paralysantes, disparaissent dès qu’on trouve les bonnes informations. Il y a des réponses et solutions pour chaque problématique aujourd’hui», assure-t-elle.
Et pour cause. Les guides de conseils pour bien vivre «sa» ménopause, avec ou sans médicaments, envahissent les rayons de développement personnel. Le média de Sophie Dancourt, J’ai piscine avec Simone, visant à offrir une visibilité aux femmes de 50 ans, fait partie d’un collectif #allforménopause, qui aborde sans détour «l’errance médicale des femmes» et pousse pour une consultation dédiée pour toutes, dès 45 ans. Des laboratoires proposent des produits cosmétiques aux phytohormones et recrutent des égéries silver, comme Ines de la Fressange ou Jane Fonda, pour mieux les représenter. La FemTech aussi s’empare d’un sujet d’avenir : «Si seulement 5 % des start-up sont dédiés à la ménopause, c’est avec l’endométriose le sujet qui motive le plus de levées de fonds des investisseurs», souligne Mathilde Nême, l’une des trois cofondatrices vingtenaires d’Omena, première application française proposant des conseils médicaux d’experts et qui a déjà séduit 35.000 utilisatrices.
Alléger les désagréments de cette dernière transition hormonale permet aux femmes de se sublimer
Solidaires de leurs mères et grands-mères, ces entrepreneures de la Gen Z comptent bien normaliser la ménopause pour toutes. «Alléger les désagréments de cette dernière transition hormonale permet aux femmes de se sublimer. Car sans les symptômes, 50 ans, c’est censé être le summum de leur vie», conclut Mathilde Nême. La ménopause, un nouvel âge d’or ? Une évidence pour Catherine Grangeard : «Libérées des servitudes des cycles et de la contraception, certaines de mes consultantes se disent plus épanouies à 50 ans qu’à 30, personnellement, professionnellement, amoureusement et même sexuellement. Car contre les injonctions, elles restent visibles, en s’assumant “au-delà des apparences”.» Profiter au lieu de subir une ménopause sans tabou accompagnée et «performante», voilà le credo des tenantes de cette méno-révolution.
(1) Auteure de «Il n’y a pas d’âge pour jouir !» , Éditions Larousse, 2020.
(2) Enquête de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) et de la Fondation des Femmes, février 2022.
Il n’y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !
ENTRETIEN – Dans son livre Tendez l’oreille!, paru le 11 janvier, une journaliste du New York Times s’intéresse à l’art perdu de l’écoute. Et nous explique comment prêter, de nouveau, une oreille attentive à ce(ux) qui nous entoure(nt).
Si le coup de brosse n’est pas nécessaire tous les matins pour les cheveux, celui des dents est essentiel pour votre santé et le bien-être de votre voisin de bureau. Mais le grand nettoyage doit-il être effectué avant ou après le combo café-tartines ?
Incontournable pour relever un risotto, une sauce ou une soupe, le petit cube aromatique n’est pas aussi inoffensif qu’on ne le pense. Faut-il pour autant le bannir de nos cuisines ? On fait le point.
À tout moment, vous pouvez modifier vos choix via le bouton “paramétrer les cookies” en bas de page.
La ménopause à Hollywood : révolution féministe ou coup marketing ?
Partager via :
Commentez
0
Madame Figaro
Les articles et recettes en illimité 0,99€ le premier mois sans engagement