INTERVIEW EXCLUSIVE Sam Smith, dont le quatrième album sort ce vendredi, a accordé la primeur d’un entretien à « 20 Minutes ». L’artiste britannique évoque la conception du disque, son point de vue queer et annonce que sa tournée aura « une saveur française »
Un retour brillant. Trois ans après Love Goes, Sam Smith revient ce vendredi avec un quatrième album, Gloria. Un opus gorgé d’optimisme, sexy, où les amours malheureuses ne tiennent plus qu’une toute petite place. Sorti à l’automne, l’un des premiers extraits, Unholy, son duo avec Kim Petras, est disque d’or en France, en Belgique, en Espagne et en Allemagne, et certifié platine aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Italie, en Australie… L’artiste britannique, désormais trentenaire, répète avoir « envie de fun », de s’amuser. Iel a choisi 20 Minutes pour sa seule interview à la presse française…
Unholy fait un carton dans le monde entier. Vous pressentiez que cette chanson avait un tel potentiel ?
Faire cette chanson avec Kim Petras était un pur plaisir pour nous deux, cela faisait longtemps que l’on voulait travailler ensemble. Nous avons davantage de points communs que ce que les gens peuvent penser parce que, même si j’ai fait des ballades comme Stay With Me, je viens de la house music et de la dance. Unholy est particulier pour moi, je pense même que c’est un de mes meilleurs morceaux mais je n’aurais jamais imaginé qu’il deviendrait un tel succès.
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Ce succès vous rassure avant la sortie de l’album ? Ou vous met-il la pression ?
Ni l’un ni l’autre. Je suis juste fier et excité de partager ma musique. La seule pression que je ressens est celle de me lancer des défis, de ne pas me complaire dans l’autosatisfaction en refaisant toujours les mêmes choses.
Dans cet album, vous montrez une nouvelle facette de vous-même, plus sensuelle, sexuelle…
Les gens oublient que j’ai commencé ma carrière assez jeune. A 20 ans, je ne me sentais pas à l’aise, notamment en tant que personne queer, à l’idée de montrer une facette sexuelle aux foules qui venaient me voir. Il m’a fallu du temps et je voulais le faire bien. Mais j’ai toujours été authentique, moi-même, c’est juste une autre partie de ma personnalité que je montre.
Dans la chanson Love Me More, qui ouvre l’album, vous chantez : « Tous les jours j’essaie de ne pas me détester. C’est de moins en moins douloureux. Peut-être que j’apprends à m’aimer davantage. » C’est une manière d’annoncer la tonalité de ce disque ?
C’est la première chanson que j’ai écrite pour ce projet. Je voulais faire comprendre qu’il s’agissait d’un album sur la joie – ou plutôt sur le fait d’être honnête au sujet de la joie. Elle est souvent une émotion fugace, on ne peut pas être heureux ou heureuse tout le temps. Je voulais montrer aux gens où j’en étais mentalement à ce moment-là. C’est vraiment un album sur le fun.
Vous vouliez laisser les histoires de cœurs brisés de côté pour raconter des choses plus optimistes ?
Oui, c’était mon but. J’écris ce qui me semble cohérent avec ce que je suis. Quand j’ai travaillé sur l’album, je n’étais pas en couple et je me sentais très bien en tant que célibataire. Je voulais exprimer cela. Il n’y avait pas beaucoup d’histoires de coeurs brisés à raconter.
Comment naît une chanson de Sam Smith ?
Ma source d’inspiration, c’est toujours la vie. En tant qu’artistes, notre mission est d’observer le monde. J’aime regarder les gens qui m’entourent, raconter des histoires, capturer des émotions puissantes et les mettre dans une chanson pour qu’elles puissent aider les personnes qui traverseraient des difficultés. Quand j’écris j’ai toujours en tête la notion de guérison, de cicatrisation.
Est-ce faux de dire que cet album peut être entendu comme un guide pour naviguer dans les hauts et les bas de la vie queer ?
Tous mes albums sont queers parce que je suis queer. Mais il me tient à cœur d’envisager la musique comme un langage universel, quelque chose qui rassemble. Ces chansons ne sont pas que pour les personnes queers mais oui, on peut dire qu’elles proviennent d’un prisme queer.
En l’espace de dix ans, vous avez fait deux coming-out…
Mon coming-out gay, je l’ai fait quand j’étais enfant, à l’école. Il ne faut pas confondre avec mon coming-out dans les médias. J’ai toujours été out. En ce qui concerne la non-binarité, là encore, je trouve que le terme coming-out n’est pas pertinent, parce que je me suis toujours senti.e non binaire.
Au Royaume-Uni, comme aux Etats-Unis ou en France, les prises de position transphobes pullulent dans l’espace médiatique. On voit aussi des mouvements conservateurs s’en prendre aux spectacles de drag-queens. Qu’est-ce que cela vous évoque ?
Même si les choses semblent, par moments, évoluer dans le bon sens, nous sommes aussi ciblé.e.s par tant de choses douloureuses. La communauté [LGBTQ+] est forte, elle l’a toujours été. Tout ce que je souhaite, c’est que nous continuions à sortir de chez nous la tête haute, à apprendre les un.e.s des autres, à partager nos histoires, à être bienveillants et bienveillantes. C’est tout ce que j’espère.
Retour à l’album. Sur Hurting interlude, on entend ces propos : « Avoir à mentir est ce qu’il y a de plus triste et moche quand on est homo. Quand vous vivez votre première mauvaise expérience amoureuse, vous ne pouvez pas aller voir votre frère ou votre sœur pour leur dire que vous souffrez. » Pourquoi cet extrait ?
Parce que cet interlude est placé avant la chanson Lose You qui m’a été inspirée par une amie lesbienne. Elle était dans une relation avec une femme et elle a vécu son premier chagrin d’amour homo. Je voulais retranscrire sur ce sentiment dévastateur qu’est un coeur brisé. Je cherchais des citations sur Internet et je suis tombé sur des images de la première Marche des fiertés à New York [en 1970]. La voix est celle d’un journaliste qui parle des vies queers. J’ai trouvé que ce qu’il disait était très profond et très vrai.
Le second interlude, Dorothy’s Interlude, fait référence à une autre référence queer : le personnage de Judy Garland dans Le magicien d’Oz…
Il lance la partie dance de l’album. C’est ce que j’aimerais entendre dans une boîte, juste avant que soit joué un morceau disco. On y entend les voix Judy Garland, Divine, RuPaul… Je voulais réunir ces icônes incroyables dans un même mouvement. J’adore ça !
Les fidèles de RuPaul’s Drag Race reconnaîtront le célèbre « Si vous ne pouvez pas vous aimer vous-mêmes [comment pouvez-vous envisager d’aimer quelqu’un d’autre ?] » en ouverture de I’m Not Here To Make Friends. C’est une devise que vous tentez d’appliquer ?
La phrase de RuPaul est juste formidable. Je me réjouis à l’idée de l’entendre résonner à chacun des concerts de ma tournée. Elle élève l’esprit. I’m Not Here To Make Friends parle de rendez-vous amoureux. J’en avais marre d’aller à des dates face à des personnes qui ne voulait pas relationner de manière romantique avec moi et qui venaient plutôt pour me rencontrer comme artiste ou devenir mes amis. Le lendemain d’une de ces rencontres, je suis allé.e en studio et j’ai fait cette chanson au sujet de la frustration que je ressentais.
La chanson Gloria contraste avec les autres titres. C’est un morceau à l’ambiance gospel, spirituelle et c’est aussi celui qui donne son titre à l’album…
Je ne l’ai pas toujours fait exprès mais, dans ma musique, ma voix a très souvent été accompagné des chorales. J’étais dans une chorale, plus jeune. J’allais dans une école catholique. Et quand il s’agit de parler de musique qui provient de mon cœur et de mon âme, je pense que ces éléments ressurgissent. « Gloria » est un mot que j’ai entendu pour la première fois gamin, dans une église : Gloria in excelsis Deo [ « Gloire à Dieu »]. Plus vieux, en sortant en boîte gay, j’entendais partout la chanson Gloria de Laura Branigan [la reprise en anglais du tube d’Umberto Tozzi] et elle est restée avec moi. Le titre de l’album fait référence cet hymne et comptine que j’ai écrite pour mon moi d’avant. Gloria, c’est un esprit qui est en chacun et chacune de nous, c’est une voix féminine qui nous dit de nous accrocher, qu’on peut le faire.
Vous serez en concert le 13 mai à l’Accor Arena, à Paris. A quoi peut s’attendre le public ?
Je travaille dur sur cette tournée, bien davantage que sur n’importe lequel de mes autres projets. Mon but est de mêler mon amour du théâtre à celui de la musique pop. Je veux donner au public un vrai show, articulé autour d’un ensemble et non centré sur moi. Je serai entouré.e d’artistes et de musiciens géniaux. Je vais travailler avec La Horde, le collectif de danse français qui a entre autres fait la chorégraphie de Unholy. Mes concerts auront donc une saveur française (sourire).
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