Jean-Luc Sonhaye Gbati est chargé de la couveuse PAPRICAI, une structure inédite qui accompagne les initiatives culturelles au Togo et en Afrique de l’Ouest. Le programme ACP-UE Culture AWA, notamment porté par l’Institut français, soutient cette initiative dans l’objectif de soutenir la structuration des industries culturelles et créatives (ICC) en Afrique de l’Ouest.
Publié le 01/02/2023
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Pourriez-vous nous présenter votre parcours ?
Je suis juriste de formation avec une maîtrise en Droit des affaires. J’ai également un master professionnel en Gestion des Industries culturelles de l’Université Senghor d’Alexandrie (Égypte) et un doctorat en Développement culturel de l’Institut Régional d’Enseignement Supérieur et de Recherche en Développement Culturel. Je dispose en outre de plus de quinze ans d’expérience professionnelle dans le domaine de l’administration de politiques culturelles et du mécénat. Je suis également co-fondateur de plusieurs structures et de startups culturelles et créatives. Ces dernières années, j’ai surtout travaillé sur l’innovation créative en Afrique notamment en matière d’utilisation et d’apport du numérique dans le secteur créatif africain.
Pourriez-vous nous parler plus spécifiquement de votre projet de Plateforme pour l’Aide aux Projets et Initiatives de Création d’Activités Innovantes (PAPRICAI) ? Quelle est sa spécificité dans le paysage culturel togolais et Ouest africain ?
La couveuse PAPRICAI, créée en 2014, est la première structure d’accompagnement à l’entrepreneuriat créatif innovant spécialisée dans l’accompagnement des industries culturelles et numériques au Togo. Elle a pour objectif de répondre aux besoins de structuration des secteurs créatifs et de l’innovation, en apportant notamment aux dirigeants et aux investisseurs des services d’optimisation technologique. Nous avons ainsi développé un dispositif d’accompagnement global favorisant synergies, mise en réseau et échanges interdisciplinaires, appelé EDOU (qui signifie « ensemble » en langue mina du Togo). C’est un outil de développement de connaissances et de compétences qui se décline en plusieurs volets, en proposant des espaces de résidence, de création et de coworking, des équipements bureautiques mutualisés, des hébergements physiques modulables, des salles de formations et un programme de microcrédits.
Comment s’articule-t-elle avec le programme ACP-UE Culture AWA, porté par l’Institut français ?
Après huit ans d’activités et avec six cohortes d’incubés, la couveuse PAPRICAI entame un passage à l’échelle supérieure, avec une version améliorée de son dispositif. Elle sera basée sur son concept unique de dispositif structurel tripolaire, constitué à la fois d’une plateforme de formations en ligne, d’une plateforme d’accompagnement en ligne, et d’une plateforme de financement communautaire des initiatives créatives innovantes. Cette nouvelle vision est incarnée par le projet PAPRICAI+ soutenu par le programme AWA qui, dans sa composante « Fonds de Structuration », se conjugue avec nos objectifs. Les priorités du Programme AWA sont en effet la création de biens et services de qualité dans une dynamique de professionnalisation, l’accès aux marchés nationaux, régionaux, internationaux, et l’accès au financement via des mécanismes innovants favorisant les cofinancements.
Quels sont les résultats d’ores et déjà atteints ? Quelle suite imaginez-vous pour ce programme ?
En termes d’accompagnement de startups culturelles et créatives, 24 startups ont été accompagnées pendant la première phase de couvaison, de juillet 2021 à juin 2022, avec dix prototypes développés, testés et en cours d’opérationnalisation. Une communauté de Papricaires (c’est ainsi que nous appelons les bénéficiaires des services et du dispositif de PAPRICAI+) s’est donc constituée, avec une soixantaine de membres. Pour la deuxième phase de couvaison, 30 startups sont en cours d’accompagnement depuis septembre 2022. Pour la suite, nous envisageons le projet PAPRICAI+ comme un cadre expérimental pour favoriser la constitution d’une communauté de structures d’accompagnement à l’entrepreneuriat créatif innovant (SAECI), la dynamisation de l’écosystème entrepreneurial créatif et numérique, et l’amélioration du cadre structurel, juridique et institutionnel du secteur créatif évoluant dans l’environnement numérique au Togo.
Vous êtes également directeur de l’Institut Korè des arts et métiers du Togo (IKAM Togo). Pouvez-vous nous présenter cette institution ? Quel a été l’apport du Programme ACP-UE Culture AWA à sa structuration ?
L’Institut Korè des arts et métiers du Togo (IKAM Togo) est l’un des dispositifs d’appui de la couveuse PAPRICAI qui permet l’accompagnement des couvés. C’est une filiale de l’Institut Kôrè des Arts et Métiers du Mali qui propose, en ligne et en présentiel, des formations certifiantes et diplômantes à plusieurs spécialités dans les domaines des secteurs culturel, créatif et numérique. IKAM Togo et ses partenaires comme l’Institut Virtuel de l’Innovation Créative (IVIC) proposent ainsi aux organisations de toute taille du conseil et de l’accompagnement, et de la formation afin de les aider à se construire sur le long terme et à mieux planifier leurs projets professionnels. Le Programme AWA nous a permis de mieux structurer l’IKAM Togo à travers un processus de labellisation qui a mené à terme à renforcer nos capacités techniques.
Plus globalement, comment percevez-vous les enjeux du financement culturel au Togo et en Afrique de l’Ouest. Vous avez consacré une thèse à ce sujet, quelles étaient vos préconisations sur ce point ?
Le financement de la culture au Togo et en Afrique de l’Ouest reste un défi majeur, non seulement pour les pouvoirs publics, mais aussi pour les artistes et les professionnels du secteur. Les multiples crises économiques, financières, sanitaires, climatiques, ont eu pour effet de rendre complexe et ardu le système de financement de la culture dans cet espace régional. Alors que les pays développés et émergents arrivent à adopter des mécanismes innovants et endogènes de financement au profit du secteur culturel, le système culturel du Togo, à l’instar de ceux de la plupart des pays africains, reste fortement dépendant des financements extérieurs. Dans le cadre de ma thèse intitulée « Mécanismes endogènes de financement de la culture au Togo : proposition d’une stratégie de renforcement du système de financement du secteur culturel », j’ai donc recommandé l’exploration et l’expérimentation de nouveaux systèmes de financement du secteur culturel au Togo et en Afrique notamment à travers la promotion des mécanismes endogènes de financement et leur utilisation optimisée par les acteurs culturels togolais et africains.
Porté par l’Institut français et le Centre Culturel Kôrè (CCK) de Ségou au Mali, avec la contribution financière de l’Union européenne et le support du Secrétariat de l’Organisation des États ACP, le « Programme ACP-UE Culture : soutien aux secteurs de la culture et de la création – AWA » vise à soutenir la structuration des industries culturelles et créatives (ICC) en Afrique de l’Ouest.
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