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Éco-activistes verts de rage – Franc-tireur


Une salle comble et un silence de cathédrale. Ce mercredi soir, à l’Académie du climat à Paris, Thibault, militant du collectif Dernière Rénovation, prêche face à une cinquantaine de spectateurs. Des curieux, des anxieux, des amis. La plupart ont moins de 30 ans. L’heure est grave. Il y a urgence. L’objectif de cette réunion : inciter les citoyens à s’engager en faveur de la désobéissance civile, « l’une des seules chances qui restent pour nous sauver ». Pour le collectif, les manifestations, pétitions, grèves et autres interpellations d’élus ne sont plus à la mesure de l’enjeu. Seule légitime désormais, la « résistance » citoyenne, pour agir en profondeur.
Né en février 2022, le collectif Dernière Rénovation s’est fait connaître grâce à des actions spectaculaires : bloquer des routes, perturber le Tour de France, le tournoi de Roland-Garros ou même vandaliser des œuvres d’art. Des initiatives diverses dont on peine souvent à saisir la signification. Leur principale revendication est pourtant très concrète : faire appliquer la loi sur la rénovation thermique des bâtiments pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Mais leurs actions consistent surtout à clamer l’imminence de la catastrophe. Avec plusieurs de ses pendants étrangers – Just Stop Oil en Angleterre, Letzte Generation en Allemagne ou encore Save Old Growth au Canada –, Dernière Rénovation appartient au Réseau A22. Un mouvement qui coordonne les actions de dix collectifs issus de dix pays différents. Ces groupes fustigent le déni, la lenteur ou l’inaction de leurs gouvernements qui, selon l’Accord de Paris de 2015, se sont pourtant engagés à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.
En France, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) a laissé un goût amer. 146 propositions radicales et citoyennes retenues, mais lissées ou décortiquées par le Parlement. Parmi elles justement, l’instauration obligatoire de la rénovation thermique des bâtiments. Désabusés, ces groupes écologistes comptent désormais sur le poids de l’opinion publique pour faire pression sur les politiques. Leur fonctionnement diffère néanmoins des mouvements traditionnels : ils ne se constituent plus en organisations ou en associations mais en campagnes et en collectifs. Quant aux recrues, ils s’adaptent aux citoyens qui vont et viennent, selon leur temps disponible et leur énergie : pas d’engagement explicite ni de militants encartés. Leur financement, confidentiel, est largement assuré par le Climate Emergency Fund, un fonds d’investissement américain, garant du Réseau A22, ainsi que par les dons des particuliers. Les actions se succèdent, à la recherche du buzz : des militants de Just Stop Oil se sont récemment attachés aux cages de football en plein championnat d’Angleterre et ont jeté de la soupe sur la vitre d’un tableau de Van Gogh. Début 2023, quatre militants de Dernière Rénovation ont aspergé de peinture orange les portails de l’hôtel Matignon et du ministère des Finances. Chacun a écopé d’une amende 750 euros assortie de l’obligation de suivre un stage de citoyenneté. Relayés dans les médias, sur les réseaux sociaux, ces gestes indignent les uns, tandis que d’autres font valoir qu’ils mettent l’urgence sur le devant de la scène. Pas sûr.
Le message sur l’urgence climatique passe-t-il efficacement de cette manière ? Il faut bien admettre que ces actions médiatisées ont souvent pour seule conséquence d’agacer l’opinion publique. C’est la limite des nouveaux collectifs. Sur les vidéos du journaliste indépendant Clément Lanot, tournées sur le périphérique ou sur l’autoroute, les militants sont insultés, déplacés, brutalisés par des automobilistes pressés ou indifférents à leurs happenings. L’essayiste Antoine Bueno, auteur de L’effondrement (du monde) n’aura (probablement) pas lieu (Flammarion, 2022), juge ces actions à double tranchant : « En entretenant cette atmosphère d’actions répétées et de pression permanente, les militants maintiennent leurs revendications dans l’agenda politique. En revanche, je ne suis pas sûr que cela sensibilise vraiment les individus. Aujourd’hui, tout le monde est conscient du problème. L’enjeu n’est pas de savoir qu’il y en a un mais de trouver comment agir. » Une interrogation que partage François Gemenne, coauteur du très alarmant rapport du GIEC. Dans son essai L’écologie n’est pas un consensus, il estime que « La réduction du discours écologiste au discours catastrophiste fait volontiers passer les écologistes pour des prophètes de malheur qui se repaissent des problèmes et méprisent les solutions […]. Il s’agit surtout de comprendre quels sont les messages qui peuvent toucher le public. » Beaucoup de militants estiment, à l’inverse, qu’au regard de l’urgence climatique toute médiatisation, même mauvaise ou incomprise, est bonne à prendre.
C’est le même constat pour des mouvements plus implantés comme Greenpeace, Alternatiba ou Extinction Rébellion (XR), qui reconnaissent l’efficacité de ces happenings et avec qui Dernière Rénovation partage des combats. Mais alors que cette dernière pratique les gestes symboliques (blocages des voies, entartages de tableaux, etc.), les actions ciblées d’Extinction Rébellion ne laissent pas de doutes sur leurs revendications. Engagé auprès d’XR dans les Bouches-du-Rhône, « Goupil » est intervenu fin novembre sur le port de Marseille-Fos pour protester contre les bateaux de croisière (dont l’activité produit 20 % des émissions d’oxyde d’azote d’origine maritime). Avec son groupe, aux côtés d’Action non violente Cop 21 ou Stop croisières, ils ont perturbé l’activité du port, des dockers, et la réunion du conseil de surveillance du port qui accueillait Christophe Castaner, son nouveau président. En plus de ces initiatives ponctuelles, ce trentenaire se mobilise, une fois par semaine, pour la campagne nationale d’action de XR « C’est pas Versailles ici ! » qui réclame l’extinction diurne et nocturne de tous les panneaux publicitaires lumineux – une autre proposition de la CCC que le collectif estime « détricotée par le gouvernement ».
Début janvier, XR Royaume-Uni, première branche de l’organisation, a même annoncé suspendre « ses actions coups-de-poing » au profit d’une grande manifestation contre le gouvernement britannique en avril prochain. Comptant sur une population de plus en plus sensibilisée à l’urgence climatique, le groupe entend réunir davantage de voix et de participations pour faire pression grâce à l’adhésion populaire – au détriment des actions choquantes. Un choix stratégique qu’on l’on retrouve également en ligne. Sur les réseaux sociaux, des campagnes et pétitions menées par des activistes influents, comme Camille Étienne, gagnent en visibilité. Reliés par des hashtags populaires comme #lookdown qui militent contre l’exploitation minière des fonds marins, ou bien ­#StopEACOP qui s’oppose à la construction d’un oléoduc TotalEnergies en Afrique, ces mouvements de lutte gagnent le quotidien des internautes, et notamment des jeunes.
En Europe, l’été 2022 a ravivé le malaise écologique. Les catastrophes climatiques ne se limitent plus à des zones éloignées ou traditionnellement exposées. La canicule a lieu en Inde comme en France ; les incendies touchent la Californie, le Péloponnèse, mais aussi la Gironde et la Bretagne. La menace se rapproche. De quoi exacerber les peurs des citoyens dont les collectifs militants se font les principaux relais. Leurs actions soulignent une impasse : le contraste éclatant entre un consensus théorique qui désigne l’homme comme à l’origine du réchauffement climatique – ce qu’on appelle l’anthropocène – et l’absence de changement de direction véritable. Si l’humanité est responsable, comment peut-elle ne pas collectivement faire amende honorable ? Conséquence de cette impuissance observée : un accroissement de « l’éco-anxiété » définie ainsi par la Fondation Jean-Jaurès : « Inquiétude anticipatoire que peuvent provoquer les différents scénarios établis par les scientifiques. »
Pour les psychiatres, cette détresse écologique n’est pas une pathologie mais une réaction rationnelle à la situation. Judith Anderson est psychothérapeute et membre de la Climate Psychology Alliance, organisation spécialisée dans les effets du changement climatique sur la santé mentale. Elle en décrit les symptômes, allant du chagrin à la colère, en passant par une perte des passions et des envies. La psychiatre spécialisée Lise Van Susteren parle quant à elle de « trouble de stress prétraumatique ». Cet état psychologique peut concerner n’importe qui, même si les adolescents et les jeunes adultes l’expriment davantage. « Beaucoup de jeunes gens ont le sentiment que leur avenir ou celui de leurs enfants leur a été volé », explique Judith Anderson, ce qui donne tout leur poids aux mots fameux de Greta Thunberg (« You have stolen my dreams with your empty words… »). Depuis sa création, Dernière Rénovation dit avoir accueilli plus de 1 200 personnes lors de réunions publiques de recrutement, et la plupart ont entre 20 et 30 ans. Depuis le mois d’avril, ils sont passés de 10 à 300 personnes mobilisées pour des actes de désobéissance civile.
Une démarche que soutient Johanne Mâlin. Originaire de Mayenne, cette étudiante en journalisme est fille d’agriculteurs. Avec les années, son « écologie d’habitude » s’est davantage politisée, l’éco-anxiété a pris plus de place, accompagnée d’une rage face à l’inertie du gouvernement. Elle conçoit la désobéissance civile comme légitime, et comme l’expression d’une détresse citoyenne. « Commettre des actes absurdes, c’est la seule manière de montrer aux politiques à quel point nous sommes paniqués. On ne sait plus quoi faire pour être entendus », confie-t-elle. Un affolement exacerbé par le déni climatique propagé par certains commentateurs, politiques, journalistes ou internautes. En 2022, par exemple, Camille Étienne a été cyberharcelée après une intervention dans la matinale de France Inter. Ce climat de peur, les collectifs du Réseau A22 l’ont bien saisi et s’empressent de l’entretenir.
Retour à la réunion publique de Dernière Rénovation. Un certain Jonathan annonce la couleur : « Ce que vous allez découvrir ce soir, n’est pas facile à entendre », avant de donner la parole à Thibault. Pour convaincre, le jeune militant ne s’en cache pas : il parle d’abord aux sentiments. Pour lui, sortir du « déni climatique léger » est une nécessité et implique de « connecter les faits émotionnellement ». La peur de l’effondrement fait force d’argument. Car pour agir, « il faut sentir dans ses tripes l’horreur qui nous guette ». Ainsi, la peur peut, en plus d’être vécue comme particulièrement légitime, s’auto-alimenter. Plus question de se débarrasser d’un affect qu’on vit comme le signe d’une vérité.
Cette légitimation de la peur a, comme en témoigne le philosophe Hans Jonas dans Le Principe responsabilité, accompagné l’émergence de l’écologie politique. En 1979, il en définissait déjà la prise de conscience de l’urgence d’agir : « Qu’est-ce qui peut servir de boussole ? L’anticipation de la menace elle-même ! » Il a précédé plusieurs générations et un bon nombre de militants qui voient aujourd’hui, parfois à raison, une forme de déni dans l’absence d’éco-anxiété. Mais il faut mesurer l’ampleur du retournement philosophique qui était explicité par Jonas. Alors que la peur pouvait, auparavant, être associée à un risque d’irrationalité, elle est devenue l’indice d’une clairvoyance sur les risques inhérents à notre modèle de société. Le témoignage d’Arthur, qui a bloqué des routes avec Dernière Rénovation, témoigne de ce changement de paradigme. Bouleversé par l’urgence climatique, il estime « la résistance civile » comme le meilleur moyen de lutter, sous prétexte « qu’il s’y sent vivant ». Une illusion de vérité, trahie par les émotions fortes et l’adrénaline de l’illégalité.
D’autres, néanmoins, se méfient de cette pression émotionnelle. Pour Goupil, également salarié au sein de l’association de protection animale L214, « l’émotion est une bonne amorce pour éveiller les consciences, mais pas sur le long terme. Garantir une action efficace, c’est faire preuve de pragmatisme, savoir prendre du recul. C’est ce qui a, selon moi, le plus de chances de rallier l’opinion publique ». En première ligne de la désobéissance civile, le Réseau A22 gêne d’abord le quotidien des individus. Face à la menace du réchauffement climatique, ce ne sont pas les groupes pétroliers et les institutions qui trinquent mais d’abord les automobilistes ou les consommateurs, pour qui l’éco-anxiété et les mises en garde catastrophistes ne sont pas une priorité. La fin est proche ? Certes. Mais de quelle « fin » parlons-nous ?
Pour illustrer ce dialogue de sourds, François Gemenne renvoie à la crise des Gilets jaunes qui, selon lui, « a permis de mesurer l’opposition qui pouvait exister, pour une partie importante de la population, entre “fin du monde” et “fin du mois” […]. C’est la raison pour laquelle il est souvent fait à l’écologie politique un procès en déconnexion : les écologistes apparaissent comme hors-sol, déconnectés des préoccupations prosaïques de la population ». En 2019, selon le ministère de la Transition écologique, les émissions de CO2 représentaient près de 97 % des gaz à effet de serre des transports. Elles sont à 94 % dues au transport routier, et la moitié d’entre elles provient de voitures particulières. Mais alors que l’immense majorité des ménages français disposent d’au moins un véhicule, c’est d’abord la hausse des prix du carburant qui, dans un contexte d’inflation et de crise énergétique, les préoccupe.
« Ces actions créent un clivage entre les gens. J’ai des valeurs écologiques profondes, mais je me sens plus proche des gens contrariés par le blocage des routes », déplore Jules Enezian, qui souffre pourtant d’éco-­anxiété. À 25 ans, ce diplômé de l’École des mines de Paris a vu « le sens de sa vie basculer » par sa prise de conscience écologique. Pourquoi devenir ingénieur ? Est-il bien raisonnable de fonder une famille ? Pourtant, il conteste la légitimité des actes de désobéissance civile. Pour lui, « les écolos apparaissent surtout comme des donneurs de leçons, plus sujets à braquer les gens qu’à travailler à la transition ». Cette « résistance civile » s’est vue qualifiée « d’éco-terrorisme » par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, terme qui affilie ces militants à l’ultragauche. Un abus de langage selon le journaliste Christophe Bourseiller, qui explique que ces nouveaux collectifs militants n’ont rien à voir avec la radicalité. « L’ultragauche déteste les médias et ne cherche pas à faire parler d’elle. Elle souhaite créer des mouvements de révolte populaire via des actions clandestines qui donnent l’exemple », telles que le sabotage d’antennes relais, des installations de fibre optique ou d’éoliennes. En 2022, 104 actions de ce genre ont été répertoriées en France, selon le ministère de l’Intérieur. « À l’inverse, poursuit Bourseiller, des groupes comme Just Stop Oil veulent frapper les esprits par des coups médiatiques et des happenings. Cela tient plus du théâtre de rue que des black blocs. »
Très minoritaire, ce noyau dur représente, selon lui, moins de 2000 personnes sur tout le territoire français. Tenants d’une écologie radicale issue de l’anarchisme et de l’anticapitalisme, elles vont d’une zone à défendre (ZAD) à l’autre et vivent en communautés. Certaines figures et groupes plus modérés viennent parfois les soutenir. Dernier exemple en date, l’arrestation de Greta Thunberg, icône mondiale du combat écologiste, lors d’une manifestation dans une ZAD à Lützerath, en Allemagne, qui lutte contre l’extension d’une mine de charbon. Les images de la jeune Suédoise tenue par la police allemande ont fait le tour du monde, servant, par là même, à donner un peu de lumière à la cause. Mais la mobilisation a accéléré l’évacuation des quelques centaines de militants, en lutte depuis deux ans. L’impact de ces méthodes de est donc moindre ou occasionnel.
Illustration : Kianoush
En revanche, leur anticapitalisme trouve parfois des échos. Des groupes comme Les Amis de la Terre, en France, ou Deep Green Résistance, aux États-Unis, prônent davantage un « capitalocène » que « l’anthropocène », afin de préciser la responsabilité du système capitaliste dans le réchauffement climatique et, au nom de la convergence des luttes, dans l’ensemble des inégalités sociales. Sexisme, racisme, précarité : on s’oppose au « capital » comme à un grand méchant. S’accordant sur la nécessité de « changer de système », ils présupposent une intentionnalité dans ce qui doit être combattu. C’est le cas, par exemple, des Soulèvements de la Terre, qui lutte non seulement contre l’agro-industrie mais aussi « contre la loi travail, les violences policières, le racisme, le sexisme et l’apocalypse climatique ». Le groupe est actuellement dans le viseur des renseignements territoriaux soulignant « un virage radical ». Le problème, c’est que la spontanéité du « système » dont il s’agirait de sortir empêche la réussite de l’entreprise. Dans La Dynamique du capitalisme (1985), l’historien Fernand Braudel démontre que le capitalisme est le résultat d’une lente évolution. Personne ne l’a inventé, stricto sensu, telle une structure qui aurait surgi de l’Histoire et qu’on pourrait aujourd’hui renverser. Il parle « d’innombrables gestes hérités, accumulés, pêle-mêle, répétés indéfiniment jusqu’à nous […] qui décident pour nous à longueur d’existence ». Enfin, si l’impact de l’être humain sur le climat est bien acté, mettre tous ses efforts dans la recherche d’une cause unique au problème relève, selon François Gemenne, d’une perte de temps, voire d’un « caprice d’enfant gâté ». Avec ou sans le renversement du capitalisme, l’urgence commande d’être efficace avant d’être révolutionnaire. 
La Raison
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source

http://fragua.org/otdr-pour-detecter-un-point-de-blocage-dans-un-cable-a-fibre-optique/

https://netsolution.fr/detection-dun-point-de-blocage-dans-un-cable-a-fibre-optique/

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