« Si nous avons une tendance qui sort de ces groupes, c’est l’absence de consensus sur l’augmentation de 50% des périodes de formation en entreprise ». Présentant les propositions des groupes de travail sur la réforme du lycée professionnel le 27 janvier, Carole Grandjean annonce l’abandon d’un point clé du programme d’Emmanuel Macron. Après les mobilisations massives des 18 octobre et17 novembre, c’est une réelle victoire pour les enseignants. La ministre de l’Enseignement et de la formation professionnelle confirme aussi le maintien des postes de PLP pour la rentrée 2022. Pour autant, la réforme de la carte des formations et l’entrée des entreprises dans les lycées professionnels sont toujours au programme.
Marche arrière sur la durée des stages « Il y a absence de consensus sur l’augmentation de 50% des périodes de formation en milieu professionnel sur toutes les années de formation… Ce qui fait consensus c’est que comme (les élèves) sont plus jeunes ils ne sont pas assez matures pour bénéficier de ces périodes de formation. Cette augmentation de 50% à tous les niveaux n’est pas forcément aussi indispensable que cela… Certaines autres modalités pourraient être aussi enrichissantes pour permettre une augmentation peut-être sur une dernière année ou d’autres moments par exemple post bac ou post cap. On va travailler les modalités« .
Même si Carole Grandjean affirme qu’elle ne fait pas d’annonce, ces propos en sont une et de taille. Après deux journées de mobilisation organisées par une intersyndicale très large, la ministre revient sur un engagement du candidat et du président Macron. Elle n’a finalement pas trouvé la solution à la contradiction portée par la réforme. Celle ci voulait à la fois améliorer le niveau de maitrise des fondamentaux tout en augmentant fortement le temps passé en entreprise. » Je n’ai pas encore d’annonce. Mais c’est important de signifier qu’on a entendu l’absence de consensus« , dit C Grandjean.
Une année complémentaire post bac et post CAP
En lieu et place de cette augmentation de la durée des stages, la ministre envisage une année post bac et post cap avec des stages en entreprise. Des dispositifs post diplôme ont déjà été envisagés dans le passé, sous F Hollande et plus récemment sous le premier quinquennat sans grand succès car ils n’ouvraient pas réellement l’accès en BTS. L’année supplémentaire envisagée par C Grandjean reste encore à définir.
La question des moyens
Une seconde annonce c’est la confirmation du maintien des moyens à la rentrée 2023. La ministre annonce également des moyens supplémentaires pour la réforme. Des moyens supplémentaires, il en faut pour accompagner cette réforme des LP. On aura un mouvement inédit. « C’est la volonté du président de la République« , dit-elle. « Sans ces moyens supplémentaires on ne pourrait pas afficher le maintien des moyens en professeurs pour la rentrée prochaine et pas non plus annoncer les gratifications pour les périodes de formation en entreprise (des élèves) dès la rentrée et ouvrir des pistes pou rune année complémentaire« . La ministre pense bénéficier des fonds de France 2030 pour financer ces années supplémentaires, des programmes de mentorat et aussi des formations pour recycler les enseignants touchés par la réforme de la carte des formations. Cela à l’horizon de la rentrée 2024.
L’apprentissage, levier de la réforme
Car les groupes de travail ont validé les autres aspects de la réforme voulue par Emmanuel Macron. Ils demandent le développement de la mixité des parcours « avec comme levier la prise en compte des apprentis en lycée professionnel dans la DGH« . Le ministère pourrait repenser la DGH « en faveur du développement de l’apprentissage dans les LP« . Parmi les propositions qui font unanimité dans les groupes on trouve « repenser le service des PLP en inscrivant dans celui ci les enseignements dispensés aux apprentis« , « intégrer les effectifs d’apprentis dans les moyens d’enseignement« , « ouvrir le service des enseignants à l’apprentissage en mixité de publics ou en groupes autonomes en plus de la voie scolaire« . C’est donc toujours le modèle de l’apprentissage qui est présenté comme le coeur de la réforme des lycées professionnels.
Redéfinir les missions des PLP
Une autre évolution se dégage dans les groupes de travail. Il s’agit de « redéfinir les missions des PLP » en identifiant des missions supplémentaires dans le cadre du Pacte : développement du mentorat, animation de réseaux de tuteurs en entreprise, référent entreprise en établissement, prospection de la taxe d’apprentissage, maintenance des plateaux techniques. Les groupes souhaitent aussi revoir la formation des enseignants pour « favoriser l’immersion des enseignants en entreprise« , « accueillir des professionnels notamment les tuteurs et futurs professeurs associés« .
La part des entreprises
D’autres propositions touchent les élèves. Les groupes recommandent le développement du tutorat et du « mentorat avec le monde économique » et la ministre va y consacrer plusieurs millions dès 2023. Il est question aussi de parrainage avec des chefs d’entreprise et d’interventions de professionnels. Les groupes veulent « créer un parcours d’éducation à la mobilité » et accompagner les familles, ce qui serait un réel effort compte tenu de l’origine sociale des élèves. Ils souhaitent aussi « développer les compétences transversales » des élèves et les compétences psychosociales.
Inversement on trouve peu de recommandations concernant les entreprises alors que de nombreux dérapages sont signalés par les enseignants à propos des stages. Les groupes envisagent de « développer un label aux entreprises qui accueillent des jeunes« . C’est assez dérisoire face au manque de formation des tuteurs, à la puissance des préjugés sexistes et racistes, aux risques et au manque de formation réelle vécus par les élèves.
Le gouvernement semble avoir enterré l’idée du doublement des stages. Mais il continue à avancer dans une réforme progressive du lycée professionnel. Il s’agit toujours de l’ouvrir largement aux entreprises locales, d’envisager les formations au niveau de l’établissement et de réformer la carte des formations en prenant en compte les besoins immédiats des entreprises locales. Après un premier succès, qui retoque l’augmentation des périodes de stage, la route va être encore longue vers une réforme que la ministre veut progressive mais profonde.
François Jarraud
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