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VIDEO. Enfants HP : "Je suis sûre qu'on peut sauver des vies … – France 3 Régions

A Vaulx en Velin, en banlieue de Lyon, une association se mobilise autour d’enfants et d’adultes Haut potentiel. Partie du constat que 70% d’entre eux sont en échec scolaire ou professionnel, ACEP HP tente de démontrer qu’un autre scénario est possible.
La salle de l’association se trouve au fond d’un couloir, dans un centre social de quartier à Vaulx-en-Velin. 
Mohammed, 13 ans, m’attend tout sourire devant le bâtiment, les deux mains rapprochées de la taille, bien droit dans ses baskets.
-“Bienvenue! Suivez-moi, c’est par ici, je connais la route, je viens toutes les semaines”. 
“Et vu ton sourire on dirait que ça te fait plaisir?” 
“Ah ça c’est sûr!”
Au bout du couloir, une odeur de thé à la menthe m’attend déjà et un plateau de gâteaux orientaux trône sur la table au milieu de la pièce. 
Soyez la bienvenue ! Kadra Belaroui, la mère de Mohammed, m’a donné rendez-vous à 09 heures, avant que tout le monde arrive pour prendre le temps de m’expliquer : 
-“J’ai accepté de vous parler parce qu’on porte trop souvent un regard biaisé sur nos enfants et il faut que ça change. Moi quand les camarades de classes de mon fils jouaient à la bataille, Mohammed voulait parler du sceptre de Cléopâtre”  raconte-t-elle.


“On me disait que je ne voulais pas être avec mes camarades que je ne m’entendais avec personne, et qu’il fallait que je fasse comme les autres” rebondit le jeune homme, en tenant la main de sa mère. 
“Dans son établissement scolaire mon fils avait été pris en grippe. Un jour je me suis retrouvée devant 11 personnes de l’équipe éducative, j’ai eu l’impression d’être jetée dans la fosse aux lions.
Ils m’ont décrit un élève ingérable, turbulent, incapable de se concentrer… Je leur ai demandé : “vous parlez de mon fils ou vous parlez d’un monstre là?” Je ne le reconnaissais pas du tout dans cette description.” 
“Et moi je me braquais, ça m’énervait !” explique l’adolescent. 
“J’avais l’impression d’être une mauvaise mère et pourtant je faisais tout ce qu’on me demandait”. 
La gorge se serre, les yeux de Mohammed se remplissent de larmes… Entre temps, plusieurs personnes sont entrées silencieusement dans la pièce. D’autres membres de l’association et la psychologue bénévole, Isabelle Chambon, co-fondatrice de ce collectif. 
Elle esquisse un sourire dirigé vers moi, et un regard compatissant sur Mohammed qu’elle connait bien. La discussion s’ouvre alors aux six personnes autour de la table. 
La psychologue explique que depuis cinq ans, les histoires se suivent et se ressemblent. Le témoignage de Kadra et Mohammed est habituel, et tous, se souviennent du premier jour où ils sont venus à l’association. 
“Tout le monde a beaucoup pleuré” se souvient Mohammed.

Tout le monde dans l’assemblée s’accorde à dire que les parents sont souvent pris pour cible quand un enfant peine à trouver sa place du fait de son haut potentiel.  La psychologue estime “qu’on est proche de la maltraitance des familles” dans le système tel qu’il fonctionne. 
Au-delà des témoignages qu’ils voulaient partager, les membres d’ ACEP HP (ACcompagnement & EPanouissement des Hauts Potentiels ) veulent alerter sur une nécessaire prise de conscience des besoins de très nombreuses familles qui relatent des parcours du combattant. 
Première étape lorsqu’on a des doutes, faire un bilan. 
Pour un diagnostic, il y a avait deux ans d’attente à l’hôpital Femme Mère Enfant. Alors j’ai attendu et puis finalement j’ai décidé de payer un cabinet privé

380 euros le test, non remboursé. Une première étape, très sélective. Par chance, Kadra a été orientée vers une personne en qui elle a pu avoir confiance et qui l’a suivie dans le parcours scolaire de son fils. Après une semaine de test, la professionnelle a fait un compte-rendu très clair: ce n’était pas à Mohammed de s’adapter mais bien à l’équipe de le faire. Il a pu bénéficier d’une auxiliaire de vie scolaire, pour l’aider à se canaliser principalement. 

“Sur dix personnes, deux ou trois vont avoir accès à des professionnels adaptés, et les autres se heurtent soient à des professionnels peu ouverts sur ces questions ou pas formés” regrette Isabelle Chambon. 
L’association ACEP HP demande une réduction des coûts des diagnostics qui se situent toujours entre 250 euros et 500 euros et ne sont pas remboursés. Les adhérents vont jusqu’à demander une reconnaissance du statut des personnes haut potentiel, comme porteurs de handicaps, afin de penser une réelle inclusion, à l’école et dans les entreprises; 
Car être haut potentiel raconte Sarah, une lycéenne devenue l’amie de Mohammed depuis qu’ils se rencontrés à l’association : “c’est avoir le cerveau qui tourne tout le temps. Impossible de me mettre sur pause, tout est attractif et ça, parfois, les autres ne le comprennent pas. Nous, entre nous, on se comprend sans se juger. Parfois je suis fatiguée, j’ai envie de me débrancher mais je n’y arrive pas.” 

Ce samedi matin, Sarah, Mohammed et Zaïm, un troisième ado, sont venus participer à un atelier. Thème du jour : initiation au chinois. “Il faut leur proposer de nouvelles choses”, explique la professeure bénévole. Pour des enfants décrits comme inadaptés en classe, ils font preuve de beaucoup d’attention, restent assis longtemps et à l’écoute sans interrompre l’intervenante. Je m’en étonne compte-tenu des difficultés scolaires décrites par les parents quelques minutes plus tôt. 
“Quand c’est nouveau ça nous stimule” m’explique Mohammed avant de se lancer dans l’énumération des prochains ateliers. “On va avoir de l’arabe, de l’espagnol, et on est assis mais c’est moins scolaire.”
“Moi j’aime venir ici le samedi parce que ça me permet de souffler.” 
“Tu souffles en faisant du chinois ?”, j’ironise volontairement. 
“Oui mais surtout en étant avec les autres. Maintenant je peux parler, je suis là !” 
Cette phrase est retentissante de sens, pour nombre de familles parmi la vingtaine qui font vivre l’association.
“Ma vie a changé” raconte Fatiah, la mère de Sarah. “Ma fille, son oxygène, c’est l’asso. Elle est hypersensible, hyper empathique”. Elles aussi ont beaucoup pleuré dans cette salle au bout du couloir du centre social. Mais elles sont désormais hyper investies, “je suis sûre qu’on peut sauver des vies”, conclut Fatiah. 
“On a tous des parcours bancals”, ajoute une autre mère de famille, elle aussi haut potentiel, ancienne institutrice, venue participer à l’atelier d’art thérapie à destination des adultes. “On se retrouve aussi avec des adultes qui ont besoin de comprendre leur parcours de vie et de voir évoluer le monde du travail pour trouver leur place”, explique Lotfi Ben Yahia 


“Ici on se ressource on échange des techniques et des solutions. Car les solutions sont peu nombreuses” regrette-t-elle

Hormis des écoles privées avec un taux d’encadrement plus élevé et surtout des personnels formés et sensibilisés, difficile de trouver un environnement adapté malgré les efforts de l’éducation nationale pour évoluer. 
“Quand j’ai cherché des écoles pour Mohammed, c’était des écoles à 4000 euros par an… Impossible pour nous”, raconte Kadra. Elle juge qu’il y a une discrimination des familles selon leurs moyens financiers. Une discrimination à laquelle s’ajoutent parfois les préjugés sur les enfants venus de zones d’éducation prioritaire, souvent perçus comme décrocheurs avant d’être évalués hauts potentiels. 
L’idée de créer cette association remonte au constat de plusieurs familles de Vaulx-en-Velin, qui avaient constaté l’absence de réponses à leurs questions et d’interlocuteurs dans l’Est lyonnais. 

L’idée c’était de permettre aux parents de reprendre la parole sur ces sujets qui les concernaient directement et de ne pas uniquement s’en remettre aux experts, psychologues ou de l’éducation nationale” explique Lotfi Ben Yahia, le président d’ACEP HP.  “Nous avons beaucoup de demandes de parents qui ont besoin d’être formés et informés”, ajoute-t-il. 
Quand l’association s’est créé la question délicate de sa situation géographique s’est posée.
Vaulx- en-Velin a été choisie pour des raisons de coûts de locaux mais aussi pour toucher des publics plus en difficulté socialement et qui n’ont pas le même niveau d’accès à l’information qu’en centre-ville. 
Mais le revers de la médaille est souvent le même dès qu’une activité s’installe en périphérie : certaines familles ne viennent pas car c’est à Vaulx-en-Velin, “elles pensent que c’est dangereux“, regrette une intervenante.
Un argument auxquels les parents d’un petit garçon de trois ans et demi venus ce jour-là de Lyon n’ont pas pensé. Ils ont découvert sur internet que l’association est une des très rares structures en France à proposer des préavis. 

Visiblement très investis dans l’éducation de leur fils, ces parents semblent démunis. La maman reconnait : “au quotidien, je vous avoue que c’est très difficile”. Le papa a les sourcils froncés d’incompréhension, en décrivant un petit garçon très légaliste, qui veut respecter les consignes mais a du mal à écouter et regarder dans les yeux…
-“La maitresse nous a conseillé de le faire diagnostiquer… mais il est un peu petit non?”
A ce moment, j’ai choisi de quitter la pièce afin que chacun puisse bénéficier de son temps d’écoute et d’intimité. A la sortie du rendez-vous, le petit garçon, visiblement réfractaire à toute activité et perché sur les genoux de sa mère en début de séance, s’est apaisé.
Les parents repartiront avec quelques réponses et des conseils pour engager leur propre parcours, en sachant que cette adresse à Vaulx-en-Velin, aura toujours une porte ouverte, tant que les bénévoles auront l’énergie d’y venir.

Ce jour-là, Isabelle Chambon, a annoncé qu’elle comptait partir, car en plus de ses semaines de travail en cabinet, elle passe tous ses samedis à recevoir des familles très en attente de son écoute précieuse. Devant le désespoir des personnes présentes, la psychologue acceptera finalement de continuer “mais il va falloir me relayer…” 
Le regard vide, Mohammed est comme figé.. La discussion reprend, chacun vaque à ses occupations… Et le jeune homme se précipite vers la psychologue “tu vas rester hein?” 
 

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