De nombreux facteurs influencent le vieillissement en bonne santé. Certains d’entre eux, comme la génétique, ne sont pas sous notre contrôle. Mais d’autres, comme l’exercice physique, une alimentation saine, des contrôles réguliers chez le médecin et la gestion du stress sont à portée de tous. Leur bon respect au quotidien est indispensable pour pouvoir bénéficier à long terme d’une espérance de vie sans incapacité », appelée aussi « espérance de vie en bonne santé ». Cet indicateur mesure le nombre d’années qu’une personne peut compter vivre sans souffrir d’incapacité dans la vie quotidienne. En partant de ce constat, des chercheurs de l’Université de Toronto ont souhaité répondre à cette question : quelles sont les clés d’un vieillissement « réussi » ou optimal ? Leur récente étude publiée dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health a consisté à suivre plus de 7 000 Canadiens d’âge moyen et plus âgés pendant environ trois ans afin d’identifier les facteurs liés au bien-être en vieillissant.
Ils ont constaté que les femmes, mariées, physiquement actives et non obèses et celles qui n’avaient jamais fumé, avaient des revenus plus élevés et qui ne souffraient pas d’insomnie, de maladie cardiaque ou d’arthrite, étaient plus susceptibles de maintenir une excellente santé tout au long de la période d’étude et étaient moins susceptibles de développer des problèmes cognitifs, physiques ou émotionnels. Comme référence, les chercheurs ont sélectionné des participants qui étaient en excellente santé au début de l’étude, c’est-à-dire sans problèmes de mémoire ou de douleur chronique invalidante, sans maladie mentale grave ou handicaps physiques susceptibles de limiter leurs activités quotidiennes ni de troubles dépressifs. « Nous avons été ravis d’apprendre 70 % des participants ont maintenu leur état de santé tout au long de l’étude. », explique sa première auteure, Mabel Ho. « Nos résultats soulignent l’importance d’une approche basée sur les forces plutôt que sur les déficits des personnes âgées. Les médias et la recherche ont tendance à ignorer le positif et à se concentrer uniquement sur les problèmes. »
L’étude fait toutefois état d’une variation dans la prévalence de l’espérance de vie en bonne santé en fonction de l’âge des répondants au début de l’étude : si les trois quarts de ceux âgés de 55 à 64 ans au début de la période d’étude ont maintenu une excellente santé c’est le cas pour la moitié des personnes âgées de 80 ans et plus. « Il est remarquable de constater que la moitié des personnes âgées de 80 ans et plus aient maintenu cette barre extrêmement élevée de bien-être cognitif, physique et émotionnel au cours des trois années de l’étude. « C’est une excellente nouvelle pour les personnes âgées et leurs familles qui peuvent anticiper qu’un déclin précipité est inévitable pour les personnes âgées de 80 ans et plus. », ajoute la chercheuse. « En comprenant les facteurs associés à un vieillissement réussi, nous pouvons travailler avec les personnes âgées, leurs familles, les praticiens, les décideurs politiques et les scientifiques pour créer un environnement propice à une vie future dynamique et saine. » Quels sont-ils, justement ?
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En premier lieu, les personnes âgées obèses étaient moins susceptibles de rester en bonne santé plus tard dans la vie. Comparativement ces dernières, celles qui avaient un poids normal étaient 24 % plus susceptibles de vieillir en bonne santé. « Nos résultats sont conformes à d’autres études qui ont montré que l’obésité était liée à une gamme de symptômes physiques et de problèmes cognitifs et que l’activité physique joue également un rôle clé dans le vieillissement optimal. », déclare le co-auteur de l’étude le Pr David Burnes. « Ces résultats soulignent l’importance de maintenir un poids approprié et de s’engager dans un mode de vie actif tout au long de la vie. » En effet, l’obésité, en particulier au niveau abdominal, est un facteur de risque important de maladies cardiovasculaires puisqu’elle entraîne des conséquences néfastes sur le cœur par divers moyens, dont l’augmentation de la tension artérielle et du taux de mauvais cholestérol LDL.
Le revenu était également un facteur important car environ la moitié seulement des participants qui vivaient en dessous du seuil de pauvreté vieillissent de manière optimale contre les trois quarts de ceux qui vivaient au-dessus du seuil de pauvreté. « Bien que notre étude ne fournisse pas d’informations sur les raisons pour lesquelles un faible revenu est important, il est possible que cela provoque du stress et limite les choix de vie sains tels qu’une nutrition optimale. Des recherches futures sont nécessaires pour explorer cette relation. », estime l’équipe scientifique à ce sujet. Ce constat est également émis en France par l’Ined* qui affirmait dans une étude publiée en 2021 que les départements ayant un double désavantage (faible longévité et faible part de vie sans incapacité) sont ceux que l’on sait les moins favorisés économiquement. « Ces résultats soulignent le cumul d’expositions à des risques de santé jouant à la fois sur la mortalité et sur l’incapacité. », note l’étude. À l’inverse, les départements qui se caractérisent par une forte longévité correspondent souvent à des territoires économiquement aisés avec des profils de population plutôt actifs et socialement avantagés.
Enfin, et sans surprise, les facteurs liés au mode de vie sont associés à une santé optimale plus tard dans la vie. A titre d’exemple, les personnes âgées qui n’ont jamais fumé étaient 46 % plus susceptibles de maintenir un excellent état de santé que les fumeurs actuels. Des études antérieures ont montré que cesser de fumer plus tard dans la vie pouvait améliorer la fonction pulmonaire et la qualité de vie, réduire le risque de maladies cardiovasculaires et respiratoires et donc permettre d’augmenter l’espérance de vie. Un constat confirmé par cette présente étude qui révèle que les anciens fumeurs présentaient les mêmes résultats que les personnes qui n’avaient jamais fumé, et soulignant qu’il n’est jamais trop tard pour arrêter. En outre, l’étude indique également que la pratique d’une activité physique était un autre paramètre tout aussi important pour maintenir une bonne qualité de vie en vieillissant : les personnes âgées qui pratiquaient une activité physique modérée à intense étaient respectivement de 35 % à 45 % plus susceptibles de bien vieillir.
En troisième position se situe le sommeil, et plus précisément l’importance d’un sommeil de bonne qualité puisque les participants qui n’avaient jamais ou rarement éprouvé de problèmes de sommeil au début de l’étude étaient 29 % plus susceptibles de maintenir une excellente santé pendant les trois années suivantes. « De toute évidence, un bon sommeil est un facteur important à mesure que nous vieillissons. Les problèmes de sommeil minent la santé cognitive, mentale et physique. Il existe des preuves solides qu’une intervention appelée thérapie cognitivo-comportementale pour l’insomnie est très utile pour les personnes vivant avec l’insomnie. », concluent l’équipe scientifique. Ces conclusions sont d’autant plus importantes que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu’entre 2015 et 2050, la proportion des 60 ans et plus dans la population mondiale va presque doubler, passant de 12 % à 22 %. Le nombre des personnes âgées de 80 ans et plus devrait, pour sa part, tripler entre 2020 et 2050 pour atteindre 426 millions.
*L’Institut national d’études démographiques