Ce 26 octobre 2022, la commission de la culture du Sénat a organisé une table ronde sur le bilan de la loi anti-piratage de 2021, entrée en vigueur en début d’année. L’ARCOM a présenté un bilan chiffré très encourageant, mais les ayant-droits appellent à trouver une solution face aux contournements possibles (IPTV, VPN…).
Un bilan très positif, mais des progrès sont encore à faire. Voilà, en résumé, la teneur du bilan de la loi relative à la protection de l’accès aux œuvres culturelles (dite « anti-piratage »), adoptée en 2021 et entrée en vigueur le 1er janvier 2022.
Au lendemain de la publication d’un bilan chiffré par l’ARCOM, le 25 octobre 2022, la commission de la culture du Sénat a organisé une table ronde centrée sur le streaming sportif, réunissant des représentants de chaînes sportives, des télécoms et de la Ligue de football professionnel (LFP).
« Tout le monde est concerné […] le piratage, ce sont des milliards d’euros qui échappent à tout contrôle », a rappelé Mathieu Ficot, directeur général adjoint de la LFP.
Le blocage dynamique auprès des FAI, obtenu pour la durée d’une compétition et s’étendant automatiquement à tout nouveau site la diffusant illégalement, a prouvé son efficacité : l’ARCOM peut se targuer de 800 sites bloqués, et d’une baisse du piratage sportif de 47 % entre 2021 et 2022.
De quoi satisfaire les diffuseurs et les ayants-droits, d’autant que « près de 15 % des utilisateurs qui font face à un blocage d’un site pirate se tournent vers l’offre légale », selon Denis Rapone, membre du collège de l’ARCOM (et ultime président de la HADOPI avant sa fusion avec le CSA dans cette nouvelle autorité).
Pour autant, les diffuseurs ont souligné que, si cette méthode était efficace, elle poussait de nombreux internautes vers des techniques de piratage plus élaborées, par exemple le recours à un VPN (ou, plus artisanal, à des diffusions en direct sur des réseaux sociaux) pour contourner le blocage DNS, ou à la souscription d’abonnement IPTV illégaux, donnant accès, pour quelques euros et en toute illégalité, à une myriade de chaînes sportives.
Le président de Canal+, Maxime Saada, témoigne ainsi que « 9 % des internautes utilisent l’IPTV », et que certains fournisseurs ont vu leur nombre d’abonnements quadrupler depuis l’entrée en vigueur de la loi anti-piratage, « passant de 50.000 à 200.000 utilisateurs en quelques mois ».
Pour faire face à ces contournements, la secrétaire générale adjointe de beIN media group, Caroline Guenneteau, a plaidé pour un « blocage IP » à la place d’un blocage DNS. Il permettrait de bloquer les sites pirates « à la source », et empêche tout contournement par un VPN. Il est utilisé avec succès au Royaume-Uni, en l’Italie, et au Portugal.
Du coté des opérateurs télécoms (historiquement très réticents à mettre en place le blocage DNS), le ton est bien évidemment différent. Les FAI réclament un partage des frais pour lutter contre le piratage et assurer l’automatisation du blocage des pages.
Le système actuel est « précaire », et doit être « industrialisé », selon Liza Belullo, présidente de la Fédération française des télécoms (FFT). Elle s’est par ailleurs montrée très sceptique sur l’utilisation du blocage IP, qu’elle juge potentiellement responsable de « surblocage », en l’occurrence du blocage d’un site légal.
Elle a ajouté que les FAI avaient pour mission de « fluidifier » l’accès à Internet, et pas « le bloquer », une position assez attendue, qui rappelle le manque criant d’envie des opérateurs télécoms à soutenir la lutte contre le piratage si la loi ne les y oblige pas. Et Liza Belullo ne mentionne bien entendu pas que le principal frein au blocage IP est bien son coût pour les opérateurs.
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