“Monsieur Dupont n’est pas disponible, rappelez plus tard !” La tonalité retentit : fin de l’entretien. Encore une fois, on vient de vous raccrocher au nez. Depuis plusieurs jours, vous essayez de joindre cette personne que vous jugez indispensable pour développer vos affaires. Mais, visiblement, son assistante fait barrage. “Cela arrive quatre fois sur dix”, note un télévendeur. “Aux Etats-Unis, il y a plus de chances d’avoir un décideur directement au téléphone”, rappellent les experts en téléphonie d’entreprise. Pourquoi une telle différence ? “On considère, là-bas, qu’une nouvelle affaire sur trois est apportée par quelqu’un que l’on ne connaît pas.” En France, il faut bien le reconnaître, les commerciaux en quête de prospects, les enquêteurs à la recherche d’informations ou les téléacteurs spécialisés dans la prise de rendez-vous sont considérés avant tout comme des gêneurs. Il faut donc s’en débarrasser au plus vite : “Je ne suis pas habilité à répondre à ce type de demandes”, devient une phrase fétiche. Pour parvenir à leurs fins et parler directement à un interlocuteur, ces professionnels doivent recourir quotidiennement à certaines astuces. Quelles sont celles qui fonctionnent ? Comment ne pas abuser de ces subterfuges ? Panorama des techniques utilisées par les pros du téléphone.
Mettre l’assistante dans sa poche
> Introduisez un sourire dans votre appel. Le sourire se perçoit très bien au téléphone, assènent tous les professionnels du télémarketing. “Il faut toujours rester cordial, affirme un téléconseiller. Placer un sourire et de la chaleur dans votre voix permet de susciter une écoute positive.” > Demandez-lui de vous aider. S’enquérir de l’objet de votre appel fait partie des attributions de l’assistante. Ne dites jamais : “C’est personnel” ou “Je préfère lui en parler directement”, mais “Je suis perdu, j’ai un grand problème, vous allez sûrement pouvoir m’aider…”. Jouez sur un principe bien connu : le fait de demander de l’aide à quelqu’un est toujours valorisant pour cette personne. > Créez une relation de sympathie. Essayez, au fil de vos appels d’approche, de faire valoir ce que vous avez à proposer auprès de l’assistante. Vous pouvez espérer la voir plaider votre cause auprès de son patron. Le meilleur moyen est un classique : provoquez le rire ou le sourire mais en gardant le juste milieu et en évitant d’être excessivement familier. > Soyez persuasif. Plus le barrage est ferme, plus il y a de chances pour que l’assistante soit aussi chargée de repérer au passage les propositions les plus intéressantes. “Ma secrétaire garde toutes les offres qu’on lui présente par téléphone, raconte la présidente d’une société. Et lorsque nous organisons une réception, par exemple, elle peut me dire : “On devrait rappeler tel fournisseur, il avait l’air intéressant.” Je me fie toujours à son jugement.”
Savoir reconnaître un barrage Malgré une courtoisie de rigueur, vous pouvez être sûr que l’on vous mène en bateau si : – on vous met en attente plus de cinq minutes sans vous tenir au courant des avancées de la recherche. On attend en fait que vous raccrochiez ; – à chaque appel, on vous demande systématiquement de “rappeler plus tard” ; – les questions que l’on vous pose sont “pointues”, comme si l’on cherchait à vous soutirer le maximum d’informations pour vous contrer avec des arguments précis ; – on vous éconduit tout en vous “cuisinant” afin de connaître vos produits, d’obtenir l’information la plus complète possible, sans vous passer votre interlocuteur ou vous accorder un rendez-vous.
Répondre à toutes les objections
> Contournez l’objection du temps. Si la secrétaire vous dit à propos de son patron : “Il n’a pas le temps” ou “Elle n’est pas là”, ripostez aussitôt, selon la bonne vieille tactique du contournement. Répondez : “Quel est le meilleur moment pour le joindre ?”, ou “Vous me permettez de rappeler plus tard ?” > Si l’on vous demande d’envoyer un courrier. Demandez : “Je ne pourrais pas plutôt envoyer un e-mail, ce sera plus rapide”. Autre riposte : “Je vous l’ai adressé il y a dix jours. Il y a peut-être une autre personne avec laquelle vous pouvez me mettre en contact ?” > Une plaquette ? Ne dites pas oui trop vite. Quand on vous dit : “Faites-moi parvenir une plaquette”, demandez à venir la présenter en personne ! Autre bon plan : donnez l’adresse de votre site web, si vous en avez un. Vous économiserez du temps. Votre interlocuteur aura eu le temps d’aller sur internet si votre produit l’intéresse, et vous pourrez le relancer. > Pas de projet ? Prenez date ! Lorsque l’on vous dit : “Notre projet d’achat a été différé”, essayez de connaître cette nouvelle échéance. Notez-la, et rappelez à ce moment-là. Même si c’est trois ou six mois plus tard, faites-le, conseille un spécialiste du marketing téléphonique. Vous disposez ainsi d’une information stratégique d’avance sur vos concurrents. > Intéressez-vous aux autres besoins de votre client. Lorsque l’on vous dit : “Je n’en ai pas besoin”, acquiescez. “Je vous comprends très bien, mais quels sont vos besoins précis en la matière ?” Et essayez d’obtenir des informations complémentaires. Le prospect ne veut pas de vos photocopieurs ? Soit. Mais insistez pour avoir une adresse e-mail ou une adresse postale afin d’envoyer une plaquette. > Ne laissez pas le prix être un obstacle. Faut-il donner ses tarifs à une secrétaire ? Il vaut mieux l’éviter. Mais lorsqu’on vous dit : “Combien est-ce que ça coûte ?”, entrez dans le détail du prix, en expliquant les services qui l’accompagnent. Là encore, il s’agit de convaincre l’assistante, afin qu’elle puisse ensuite préconiser votre offre à son patron. > Ne soyez pas naïf. Lorsque l’on vous dit : “Nous vous rappellerons”, n’en croyez rien ! C’est le deuxième mensonge le plus répandu après… “Je te rembourse demain” ! C’est un refus à peine déguisé. Demandez plutôt à quel moment il vous est possible de rappeler.
Pratiquer la guerre psychologique
> Insistez… à bon escient ! Lorsque vous avez respecté la procédure que l’on vous avait indiquée (envoyer un courrier, par exemple), vous pouvez vous permettre de vous faire plus pressant(e). “Après avoir envoyé la plaquette demandée, ou bien en respectant bien la date et l’heure fixées, je rappelle que l’on m’avait prié de procéder ainsi. C’est en général suffisant pour faire céder le barrage, raconte un commercial. L’assistante ne peut plus raccrocher, puisque c’est elle qui m’a donné la consigne.” > Faites-lui lâcher prise. Rentrer peu à peu dans les détails techniques permet de montrer à votre interlocutrice qu’elle n’a pas assez de réponses valables à opposer à des arguments objectifs. Dépassée, elle est alors censée vous passer quelqu’un de plus compétent. > Brandissez la menace voilée. A tenter avec précaution. N’attaquez pas frontalement la personne ou sa fonction, mais plutôt des points sensibles liés aux intérêts de l’entreprise. Par exemple : vos tarifs ont changé, vous devez en informer votre interlocuteur pour qu’il paie le meilleur prix possible. Si la personne s’obstine, dites que vous confirmerez par e-mail à son directeur son refus.
Chercher à entrer “par la fenêtre”
> Procurez-vous le numéro de téléphone portable de votre interlocuteur. Vive les mobiles ! Finalement, le meilleur moyen d’éviter le barrage d’un standard ou d’une assistante est aujourd’hui d’appeler directement votre cible sur son mobile. Le truc est de systématiquement obtenir ce numéro de téléphone magique lors d’un échange de carte de visite, à la fin d’un rendez-vous d’affaires, lors d’une rencontre fortuite… Normalement, votre contact se sentira obligé de le donner : dire non reviendrait à entrer en défiance. Lorsque vous êtes mis en relations par un tiers, là aussi, demandez toujours le portable. Soyez également rusé : un bon moyen d’entrer en possession de ce précieux sésame est de noter ou d’enregistrer le portable qui s’affiche lorsque l’on vous appelle. Enfin, tentez toujours de le demander à l’assistante de votre interlocuteur. Les chances de réussite sont infimes, mais qui ne tente rien n’a rien… > Changez d’heure. Certains horaires sont plus propices que d’autres pour joindre directement la personne que vous cherchez à contacter : ce sont ceux pendant lesquels sa secrétaire n’est pas là. Il y a une forte probabilité pour que le directeur de service prenne alors directement ses appels. Tentez votre chance dès 7 h 30 (et avant 9 heures), puis à partir de 18 heures. Evitez d’appeler entre 12 heures et 14 heures, vous risquez d’irriter : c’est la pause déjeuner… > Testez un autre interlocuteur. Ne cherchez pas systématiquement à obtenir un contact avec la personne la plus élevée dans la hiérarchie. Elle est sans doute entourée d’un adjoint, d’un conseiller ou d’un bras droit pour l’aider à prendre ses décisions, et qui est plus accessible.
> Contactez le secrétariat du PDG. Joignez le secrétariat de la direction. Souvent plus facile à atteindre que votre cible : les commerciaux ayant généralement peur d’appeler le top management, celui-ci est moins enclin à s’entourer de cerbères. Certes, on ne vous passera pas le “grand patron”, mais on vous orientera dans l’entreprise et cela vous permettra de glisser en phrase d’introduction : “Mme Unetelle, l’assistante de M. Machin, m’a donné vos coordonnées…” > Recommandez-vous d’un tiers. Trouvez le client, le fournisseur ou le prestataire que vous avez en commun avec l’entreprise et recommandez-vous de lui. Ce sera peut-être l’information qui vous distinguera dans la masse des appels traités. > Camouflez votre motif. Vous appelez pour un autre motif que le motif réel : pour acheter quelque chose si vous êtes identifié comme vendeur, pour demander un conseil si vous voulez vous faire embaucher, etc. Venez-en à la vraie raison de votre appel pendant la discussion, de manière totalement accidentelle.
ENCADRE
Comment passer le barrage des standards
Dans les grands groupes, remplacez les deux derniers chiffres de votre contact par un autre nombre, proche. Vous tomberez forcément sur quelqu’un de la société. Jouez l’étonné : “Excusez-moi, je tentais de joindre telle personne, ce n’est pas ce numéro ?” Il y a de fortes chances pour que votre interlocuteur vous indique un numéro direct, voire transfère la communication, faisant sauter le barrage de l’intérieur.
Privilégiez toujours la transparence. Pour certains, le mensonge est à proscrire. Dans le milieu des professionnels du téléphone, on assure qu’on ne vérifiera “qu’une fois sur dix ce que vous dites, mais si vous êtes découvert, l’image de l’entreprise en sera ternie”.
Laissez entendre que vous connaissez l’interlocuteur avec qui vous souhaitez parler : d’un ton décidé et sûr, appelez-le par son prénom et son nom plutôt que par sa fonction.
Faites croire que vous avez déjà été en contact : “Lors de mon dernier contact, on m’a demandé de rappeler.” Tout le monde aura oublié que ce contact était un simple courrier et que vous n’avez eu personne en ligne.
Demandez les lignes directes. Cela ne coûte rien. Dans la plupart des sociétés on est habitué aujourd’hui à ce genre de demandes. On vous répondra rarement que ces informations ne sont pas disponibles. En plus, vous aurez le bénéfice de pouvoir essayer de joindre votre interlocuteur à votre guise, ou d’envoyer des e-mails qui puissent éveiller son intérêt. Le séduire. A la limite, envoyer une carte de voeux électronique.
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