Plutôt que de gagner plus, certains salariés préfèrent avoir davantage de temps. Mais au moment d'un entretien d'embauche ou une fois en poste, peut-on négocier avec son employeur des congés supplémentaires ?
Par Chloé Marriault
« J'ai un salaire qui me suffit, et la suite logique c'est promotions/augmentations. Ça ne m'intéresse pas vraiment », expose un internaute sur le réseau social Reddit. Ce qu'il préférerait ? Que son employeur lui accorde plus de temps, pour pouvoir plancher sur des projets créatifs, prendre soin de lui et voir davantage ses proches. Il s'interroge toutefois : « Est-ce que c'est dans la culture des boîtes françaises aujourd'hui » de faire preuve de flexibilité sur les jours de congé ? « Est-ce que c'est même possible légalement en termes de contrat de travail/avec les RH ? »
Comme lui, nombre de salariés aimeraient avoir plus de temps pour eux. C'est en tout cas ce qui ressort d'une enquête de l'Ifop pour la plateforme Solutions solidaires réalisée en septembre 2022 sur un échantillon représentatif de 1.011 Français. Alors qu'en 2008, une large majorité de Français interrogés (62 %) disait préférer gagner plus d'argent au détriment du temps libre, la tendance s'est inversée depuis. Désormais, 61 % des salariés français préfèrent gagner moins d'argent pour avoir plus de temps libre. Mais négocier des congés est plus compliqué qu'il n'y paraît. « Pour l'heure, il n'existe pas de système de congés à la carte », résume maître Diane Reboursier, avocate spécialisée en droit social.
En France, les salariés bénéficient légalement de cinq semaines de congés payés pour une année complète de travail. Certains peuvent s'absenter plus longtemps si cela est prévu par leur convention collective, un accord collectif, un accord de branche, d'entreprise ou d'établissement, leur contrat de travail… En théorie, les salariés qui occupent la même fonction au sein d'une même entreprise sont logés à la même enseigne. « Le principe 'à travail égal, salaire égal' vaut également pour les congés », explique Diane Reboursier, sauf à démontrer un critère objectif de différenciation, comme l'ancienneté.
Mais alors, que faire quand on souhaite avoir plus de temps pour soi ? Les salariés ont quelques marges de manoeuvre. Ceux qui sont embauchés avec un contrat de 39 heures hebdomadaires peuvent demander à bénéficier de jours de congé supplémentaires, appelés « repos compensateurs », plutôt que de se faire payer leurs quatre heures hebdomadaires supplémentaires.
5 conseils pour réussir votre entretien annuel
Publicis, Renault, Google… Ces entreprises où les salariés peuvent télétravailler à l'étranger
Quid des salariés qui sont embauchés avec un forfait jours, et dont la durée du travail n'est pas comptabilisée en heures, mais en jours travaillés dans l'année ? « Dans certaines professions, comme les vétérinaires, il est courant de négocier un forfait jours réduit », observe l'avocate. Dans ce cas, la rémunération est, en principe, proportionnellement réduite. « Un employeur n'est pas censé rémunérer au même niveau un salarié qui travaillerait 218 jours dans l'année et un autre qui travaillerait 200 jours par an, détaille-t-elle. Il doit respecter le principe d'égalité entre les salariés s'ils exercent les mêmes fonctions et disposent d'une expérience comparable. »
En revanche, un salarié qui est le seul d'une entreprise à occuper son poste peut plus facilement négocier. « Il peut demander à travailler moins, mais à ce que sa rémunération ne soit pas amputée proportionnellement, car cela ne créerait pas d'inégalité », souligne-t-elle. Exemple : le collaborateur peut négocier un contrat où il exercerait à hauteur de 80 % du temps complet… mais avec une rémunération équivalente à 90 % d'un temps complet.
Autre option pour les salariés : négocier des congés sans solde. « Certaines entreprises sont très souples en la matière et vous accorderont volontiers une semaine de congé sans solde si vous souhaitez, par exemple, prendre des vacances six semaines dans l'année », remarque-t-elle. Lors de ce congé sans solde, le collaborateur n'est pas rémunéré. Cependant, si un compte épargne-temps (CET) a été mis en place dans son entreprise et qu'il l'a alimenté, il peut l'utiliser à ce moment-là. En effet, le CET permet, entre autres, de transformer des sommes d'argent (primes d'intéressement, primes de participation, treizième mois…) en financement mobilisable durant des congés sans solde.
« Pour attirer de nouvelles recrues et fidéliser leurs salariés, certaines entreprises vont plus loin en proposant des congés sabbatiques rémunérés », observe Karine Trioullier, consultante RH indépendante. C'est le cas de l'entreprise de conseil et de technologie Accenture. Elle a mis en place en mai 2021 le « congé priorité personnelle », un congé de trois mois durant lequel ses salariés peuvent s'absenter en percevant la moitié de leur salaire. Chaque collaborateur avec cinq ans d'ancienneté peut y prétendre, peu importe son poste, sans avoir à préciser la nature de son projet.
Les BSPCE, cet outil qui peut rapporter gros aux salariés de start-up
Connaître la rémunération de ses collègues, la réalité de ces entreprises
Chez Orange, les collaborateurs peuvent prendre le large encore plus longtemps (jusqu'à douze mois) en empochant 70 % de leur salaire. Le groupe teste depuis janvier 2022 ce qu'il appelle le « congé respiration », qui s'adresse aux salariés qui ont plus de dix ans d'ancienneté. Ces derniers peuvent profiter de ce dispositif pour s'engager dans une association ou une ONG, enseigner, suivre une formation, ou encore exercer… dans une autre entreprise ! Pour l'heure, ce programme est limité à 250 salariés par an, sur les 76.000 que dénombre le groupe en France. Si la direction trouve les résultats concluants à la fin de l'expérimentation en décembre 2023, elle envisage de l'élargir à 1.000 salariés par an et de le pérenniser. Et pourquoi pas, de l'étendre aux salariés qui ont moins de dix ans d'ancienneté.
À ce jour, rares sont les entreprises à proposer de tels dispositifs. Mais Mathilde Luc, responsable de la division RH et juridique chez Robert Half, assure que les dirigeants d'entreprise ont bien conscience qu'ils doivent jouer sur la flexibilité et le travail hybride pour attirer les talents et fidéliser leurs collaborateurs. Qui plus est durant cette période où nombre de secteurs manquent de bras. « Beaucoup offrent davantage de possibilités de travail flexible, avec du télétravail à la carte ou encore la possibilité de travailler en horaires décalés pour les collaborateurs qui le souhaitent. Certaines adoptent aussi la semaine de quatre jours. » Preuve que la question du temps de travail fait son chemin, autant du côté des salariés que des entreprises.
Chloé Marriault
Pratique
Services
Le Groupe
Tous droits réservés – Les Echos Start 2023