Catégories
TENDANCES & MUTATIONS
VSCO girl, NLOG, TradWife… Internet adore les étiquettes et les femmes n’échappent pas à cette envie de cartographie frénétique. Top des archétypes féminins les plus emblématiques de la pop culture.
Tour à tour, elles nous agacent, nous font rire ou nous inspirent. C’est le cas de l’Union Girl, engagée politiquement qui lutte pour les syndicats en entreprise, ou de la Coastal Grandmother, qui a parfaitement compris comment mener la dolce vita façon Nancy Meyers. Retour sur ces personas féminins devenus mythiques qui hantent les réseaux et irriguent nos imaginaires.
La Sad Girl, c’est celle qui porte son mal-être en banderole, rend glamour la dépression et reblog des photos de paquets de clopes agrémentés de la citation savante « life is a bitch and then you die » (la vie c’est horrible et ensuite on meurt). Après des débuts réalisés sur Tumblr dans les années 2010, la Sad Girl s’est infiltrée absolument partout, dans la musique (Lana Del Rey, Billie Eilish, Phoebe Bridgers…), les séries (Crazy Ex-Girlfriend, Fleabag…) et les bouquins (Norman People, My year of rest and relaxation…). Pour les Youtubeuses de The Take, la fonction de la Sad Girl – sorte de croisement entre la poétesse américaine Emily Dickinson et une version emo de la VSCO girl – serait de « nous fournir une fonction cathartique en des temps difficiles ». En exacerbant la tension entre la beauté (#prettywhenyoucry) et la douleur, la sad girl rendrait cette dernière plus supportable et contribuerait à créer un safe space thérapeutique pour une génération rongée par les incertitudes et l’éco-anxiété.
La dénomination provient de la contraction de Traditionnal Wife, pour « épouse traditionnelle. » Le parfait exemple de la TradWife ? Alena Kate Pettitt, la Britannique à la tête du blog The Darling Academy, qui explique sur YouTube et Instagram comment devenir l’épouse idéale. Ou comment dépoussiérer sa bibliothèque, repasser les chemises de son époux et subvenir à tous les besoins (domestiques et autres) de ce dernier. Le tout dans une atmosphère qui n’est pas sans rappeler celle des banlieues américaines des années 50. Ce qui différencie la TradWife de la femme au foyer moderne, c’est la place prépondérante qu’elle accorde au travail domestique et la famille. Pour Myriam Boussabah-Bravard, professeur spécialiste de l’histoire des femmes et du genre, tout n’est pas rose dans l’univers de la TradWife. Si beaucoup d’entre elles se revendiquent apolitiques et affirment avoir fait un choix libre, l’universitaire rappelle dans nos colonnes qu’ « elle habille un choix, qui dans son cas est présenté comme personnel, avec les habits de la politisation, ceux de la droite dure. » C’est bien cette vision de la tradition — exclusive et nationaliste — que défend l’influenceuse américaine de la chaîne YouTube Classically Abby (100 000 abonnés), sœur de Ben Shapiro (homme politique ultra-conservateur) et fervente défenseuse des mouvements pro gun et pro life.
Littéralement, une « petite amie qui reste à la maison ». Version plus détente (et plus à gauche) de la TradWife, la stay at home girlfriend qui fait son entrée dans le Urban Dictionary en 2007 est décrite comme suit : « Une petite amie de longue date qui reste chez vous. Semblable à une mère ou femme au foyer, à l’exception que vous n’êtes pas marié et n’avez pas d’enfants. Elle cuisine, nettoie, joue avec le chien, regarde la télé et te ba**e quand tu rentres à la maison. Et a généralement un emploi occasionnel à temps partiel, juste pour briser l’ennui. » En deux mots, elle vit sa meilleure vie aux crochets de son mec, sans pour autant être une croqueuse de diamants. Comment l’utiliser dans une phrase : « Mon ex était une vraie stay at home girlfriend ! »
C’est la Stakhanov de la morning routine toxique : That Girl (littéralement : cette fille) veut absolument nous transformer en la meilleure version de nous-mêmes à coups de smoothies au lait d’amande, de body pump, de garde-robe minimaliste, de méditation et de lecture matinale (15 minutes des Quatre accords toltèques : la voie de la liberté personnelle, 15 minutes de Good Morning: How To Hack Your Morning And Win The Rest Of The Day) Pourquoi tous ces efforts ? Car il ne faut jamais arrêter de s’optimiser. Et surtout toujours émuler la That Girl qui est en vous.
C’est une infatigable business woman qui ne jure que par son réveil à 4h du matin, n’a pas peur de « casser les codes » et de réaliser une entrée fracassante dans le boy’s club grâce à sa ténacité, son travail acharné et sa forte personnalité. Exemple : la fondatrice de la plateforme de mode Nasty Gal Sophia Amoruso ou encore la COO de Facebook Sheryl Sandberg. Cool en 2007, la Girl Boss est résolument ringarde (et surtout méphitique) en 2022. En cause : son adhésion complète au capitalisme le plus sauvage et à un féminisme de façade.
En 2022, la crypto baddie persiste et signe. Sauf qu’au lieu de vouloir « disrupter » et « ubériser » quelque chose, elle entend s’émanciper et faire fortune grâce aux NFT et à un « girl power » très relatif. Fan du Web3, de crypto-monnaies et de métavers, la crypto baddie (dont les connaissances en la matière ne sont pas forcément très approfondies) est convaincue du bien-fondé des nouvelles technologies et de leur vocation à « changer le monde » et « sauver la planète. » Tout en se remplissant les poches au passage. Son pendant masculin, le crypto bro, est tout aussi pénible.
Elle est le remède à la très délétère figure de la Girl Boss… L’Union Girl, c’est un peu la fille spirituelle de Rosie la riveteuse et de Bernie Sanders, moteur dans la lutte des classes et désireuse de syndicaliser les travailleurs œuvrant dans les big life sucking corporations (ces grandes entreprises qui nous saignent) comme Amazon et Walmart. Dans la fiction, la parfaite Union Girl, c’est Amy, mère célibataire de la série américaine Superstore, qui s’attache à défendre les intérêts de cols-bleus fatigués. Sur Internet, on pense par exemple à leftist_ace.
C’est la dernière en date à avoir été étiquetée par les médias. Récemment, c’est le média The Independent qui a noté l’émergence d’un nouveau type de personnage féminin : la Waif Girl, « l’un des tropes de personnages des plus insupportables. » La journaliste Roisin O’Connor rapporte à quel point la Waif Girl est un nœud de contradictions : « normale mais extraordinaire, (…), terne mais canon, asexuée mais sexy, virginale mais séduisante. » Pour la journaliste, ce trope provient de la littérature classique anglaise (Cathy dans Les Hauts de Hurlevent, Marianne de Raison et Sentiments, Tess de Tess d’Uberville…) dont il aurait tellement dérivé qu’il aurait perdu son essence. Jusqu’à devenir problématique… Qui est donc la Waif Girl ? En anglais, waif signifie littérairement « une femme frêle et squelettique ».
just another waify brunette #SallyRooney #BookTok #FYP #Comedy #Irish #Ireland #NormalPeople #conversationswithfriends #Book #Women
Elle est maigre, tourmentée, souvent brune, et insaisissable. Après avoir été explorée par les auteurs du 19ème siècle, la Waif Girl revient durant les années 60 sous les traits de top models comme Twiggy, Edie Sedgwick ou Audrey Hepburn dans Breakfast at Tiffany’s. Trente ans plus tard, on retrouve une incarnation de la Waif Girl dans les personnages joués par Winona Ryder (Bram Stoker’s Dracula, Little Women et Girl, Interrupted). Et c’est après tout ça que les choses tourneraient au vinaigre… La Waif Girl revient alors à la culture pop avec une nouvelle identité plus dérangeante et insupportable. « Elle est “douloureusement maigre” mais toujours attirante ; elle insiste sur le fait qu’elle est ennuyeuse mais réussit toujours à fasciner ceux qui l’entourent ; elle est normale mais extraordinaire (sans que l’on sache trop en quoi) ; intelligente sans essayer (mais jamais geek, bien qu’elle puisse prétendre l’être) ; socialement maladroite mais le centre d’attention (…) ». Pour Roisin O’Connor, on retrouve la Waif Girl dans la littérature YA, chez Bella Swan de Twilight, Anastasia Steele de Fifty Shades of Grey et Tessa Young de After. Et chez tous les personnages féminins de la romancière Sally Rooney. « Même leur impression d’être des parias, ces personnages sont souvent issus de milieux sociaux les plus privilégiés : elles sont blanches, minces, éduquées, riches (ou soutenues par quelqu’un qui a de l’argent), cis et (principalement) hétéros. » Intello paumée, la Waif Girl de Rooney souffre volontiers d’un trouble alimentaire et de vagues tendances suicidaires, comme aiment ironiser les internautes.
Sally Rooney novel generator: Skinnily, I sadly and hotly forgot to eat for 7 days and I only realised when I fell over in front of trinity college and everyone was worried about me. Then a horrible man fed me something and we had sex. It felt good, and bad.
En ligne, on retrouve sur Pinterest des moodboards permettant de synthétiser l’esthétique Waif Girl. Au programme : des cendriers en forme de coquillage, des shorts en dentelle et des gros pull-overs, des ailes d’ange (beaucoup), des cierges allumés, et du maquillage qui coule sous les yeux. Cela vous rappelle quelque chose ? En termes de look vestimentaire, on n’est pas loin de l’indie sleaze ou du 2014 soft grunge.
Les cool girls sont très très cool, et les NLOGS (pour Not Like Other Girls) très très différentes des autres filles, celles qui ne peuvent pas sortir sans maquillage, ne connaissent rien aux moteurs de voiture et ne vivent que pour attirer l’attention des hommes. Comment repérer une cool girl ou une NLOG ? Elle aime à subtilement rappeler qu’elle ne s’entend pas avec les autres filles, trop normales ou basic à son goût pour ses goûts ultra-pointus : peinture polonaise du XIXème siècle, littérature slave, podcasts qui reviennent sur l’histoire des rois Mérovingiens, hacking ou sérigraphie. Dans les années 90, la cool girl, c’est Cameron Diaz dans Mary à tout prix ; dans les années 2000, Megan Fox dans Transformers ou Cara Delevingne dans La Face cachée de Margo.
Contrairement à la NLOG, la bimbo se fiche d’être plus cool que les autres : elle préfère embrasser qui elle est vraiment et s’aligner au mieux sur son amour du rose, des paillettes, du platine et des talons hauts. Dans la fiction, on pense à Margot Robbie dans le film Barbie. Loin d’être confinée à la blonde évaporée et naïve qu’elle a longtemps été, la bimbo s’impose aujourd’hui comme icône féministe. Comme le déclarait en 2021 l’une des plus grosses figures du #bimbotok : « Être une bimbo qui s’assume est fantastique. Vous devenez tout ce que les hommes désirent tout en étant tout ce qu’ils détestent (pleine de confiance en soi, libérée sexuellement et engagée politiquement). » En effet, après avoir longtemps été dénigrée avec une certaine condescendance de classe (ex : Loana…), la bimbo s’impose désormais comme une figure plus subversive qui se moque des injonctions adressées aux femmes (être sexy mais pas trop etc.) Ce n’est pas pour rien que l’esthétique de l’été 2022 est le barbicore. D’ailleurs, le pendant masculin de bimbo, le himbo, connait aussi son heure de gloire.
BIMBOS, RISE 💖‼️ #bimbo #bimbotok #fyp #ily #ihatecapitalism
Née sur Tumblr, la VSCO girl est l’adolescente parfaite de la fin des années 2010 qui ne déplace jamais sans quelques accessoires clés : gourde en inox, chouchou coloré, peau bronzée, t-shirt trop grand et pumpkin spice latte. Rapidement raillée car estimée trop banale, elle revient en force cette année avec sa panoplie de sacs à dos Kanken déclinés dans toutes les couleurs et son amour assumé pour Friends et Billie Eilish.
Après avoir renoncé à leur durag, baggy, peau brunie et cornrows, elles se définissent dorénavant comme des « retired ghetto girl » ou « hot retired Cheeto girl. » Comprendre : de jeunes filles blanches qui après avoir emprunté les attributs de la beauté et culture afro-américaine pour coller à la mode s’empressent de revenir blanche. Car c’est quand même plus pratique dans la vie de tous les jours. Exemple : Miley Cyrus, Kim Kardashian.
C’est l’un des archétypes féminins les plus répandus de la pop culture. Si comme la Waif Girl on la retrouve principalement dans les films et séries télé, elle s’est aussi frayé un chemin sur les réseaux, notamment sur TikTok, où les internautes se plaisent à la parodier dans toutes ses déclinaisons : le rat de bibliothèque (#bookworm), la mignonne à l’allure un peu gauche, la fana de musique, la frondeuse sardonique etc… Décortiquée pour la première fois en 2007 par Nathan Rabin dans The A.V. Club, la Manic Pixie Dream Girl est lumineuse, fantasque, et indépendante. Son rôle : apaiser et soulager le protagoniste hanté par un sombre passé. Quelques exemples de Manic Pixie Dream Girl : Zooey Deschanel dans New Girl et 500 Days of Summer, Kirsten Dunst dans Elizabethtown, Cara Delevingne dans Paper Towns et Natalie Portman dans Garden State. Son pendant masculin, le Manic Pixie Dream Boyfriend, s’est imposé en début d’année dans les médias avec l’émergence de couple de célèbres comme Pete Davidson et Kim Kardashian.
Choose your character: manic pixie dream girl edition. Who do you choose? #chooseyourcharacter #foryoupage #quarantine #cosplay #manicpixiedreamgirl
Ou « grand-mère de la côte », dont l’idéal de vie peut se résumer avec ces émojis : 👵, 🌊, ⛵ et 🦞. C’est l’américaine Lex Nicoleta (plus de 118 000 abonnés sur TikTok) qui après avoir forgé le terme s’est imposée comme ambassadrice du lifestyle Coastal Granny. Sur son compte, elle partage ses astuces art de vivre et les caractéristiques qui façonnent le persona : « une maison qui donne sur la côte (…) dans une ville où les stations-service sont plus agréables que n’importe quel restau où vous avez déjà été » et « un grand bol rempli de citron. » En gros, n’importe qui vivant la vie du personnage de Meryl Streep dans It’s Complicated. (Précisons que la coastal grandmother n’est pas vraiment une grand-mère, tout le monde peut revendiquer le titre quel que soit son âge.)
Et vous, êtes-vous plutôt Waif Girl, That Girl ou Union Girl ? Pour le savoir, faites notre quiz.
Participer à la conversation
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.