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Cette étude montre comment les émotions positives peuvent aussi conduire à des effets négatifs sur la santé et être une source de dysfonctionnement social et psychologique. Intensité, timing, discernement, l’émotion positive a aussi ses conditions pour rester positive sur nos comportements et notre fonctionnement. Le point avec l’American Psychological Association.
L’émotivité positive a longtemps, expliquent les auteurs, été considérée comme un mécanisme adaptatif, la fréquence et l’intensité des expériences d’émotion positive étant associées à une réduction de la réponse au stress, un meilleur fonctionnement social et une capacité améliorée d’accomplir les activités et d’atteindre les objectifs de la vie quotidienne. Jusque-là donc, peu d’études ont porté sur les effets néfastes possibles des émotions positives et sur le processus par lequel elles peuvent être une source de dysfonctionnement.
Les chercheurs du Positive Emotion and Psychopathology Laboratory de l’Université du Colorado Boulder également à l’origine de cours de psychologie (Yale) sur l’émotion humaine se sont posé la question : les émotions positives sont-elles toujours bénéfiques ? Existe-t-il des intensités ou des contextes par lesquels les émotions positives deviennent en quelque sorte « négatives » ? Leur recherche suggère que les émotions positives peuvent également être liées à toute une série de mauvais résultats de santé, en particulier lorsque leur ampleur et leur durée ne sont pas adaptées au contexte. Par exemple, l’émotivité positive excessive peut entraîner des comportements inadaptés et compensatoires tels que l’usage de drogues, des comportements sexuels à risque, des troubles du comportement alimentaire et finalement (même) un risque de décès prématuré plus élevé. Les chercheurs ont donc documenté de manière systématique ces perturbations associées aux réactions émotionnelles positives excessives.
7 « S » pour les « perturbations » de l’émotion perturbation positive : Ici, les auteurs résument avec les items suivants, Size, Situation, Spécificity, Spice, Self-regulation, Stability et Striving, les processus par lesquels une réponse émotionnelle positive peut entraîner des perturbations sur le comportement et le fonctionnement. Ces perturbations ont pu, précisent les chercheurs, être mieux comprises, voire confirmées, pour certaines par neuro-imagerie :
1. Size or magnitude of positive emotion response, ou l’ampleur de la réponse émotionnelle positive
2. Situation or context in which positive emotions unfold, ou l’inadaptation de l’émotion positive au contexte vécu,
3. Specificity of which positive emotions are experienced, ou comment spécifiquement ces émotions peuvent se traduire en comportement négatifs,
4. Spice or diversity of positive and negative emotions represented, ou l’ampleur du spectre d’émotions positives et negatives ressenties,
5. Self-regulation of one’s positive feelings, ou la capacité de contrôle de sa réponse émotionnelle positive,
6. Stability or degree positive emotions dynamically change over time, ou la variabilité (voire bipolarité) de cette émoion positive au fil du temps,
7. Striving or the degree to which one exerts effort in pursuing or attaining positive feelings, ou l’intensité de la poursuite de ces émotions positives.
De l’ampleur de la réponse émotionnelle positive : l’idée est que les émotions positives sont bénéfiques à un degré modéré, mais peuvent entraîner des effets négatifs à un degré intense. Les sujets expérimentant des niveaux d’émotion positive extrêmement élevés sont enclins à adopter des comportements plus risqués, tels que l’excès d’alcool, l’hyperphagie ou encore l’usage de drogues. Intenses et persistantes, ces émotions positives sont également associées à certaines pathologies psychotiques tels que le trouble bipolaire. Ainsi, dans le trouble bipolaire, elles « sapent » la capacité d’éprouver des émotions négatives dans des contextes menaçants ou à risque, et de prévoir une évolution plus grave et la rechute. Ainsi l’ampleur de l’émotion positive lorsqu’elle dépasse un certain seuil peut être associée à des résultats indésirables et sur le plan de l’évolution pourrait réguler à la baisse la survie de l’individu et le succès de la reproduction…
Sur la situation dans laquelle de telles émotions peuvent être éprouvées, a également son importance. Si les émotions ont également pour fonction de nous aider à répondre à des besoins particuliers dans des contextes spécifiques et donc de nous aider à nous adapter, l’émotion positive devrait avoir son « discernement » : une étude a montré qu’un état d’esprit (trop) positif est associé à de moins bons résultats sur des tâches compétitives. Des personnes qui vont éprouver des sentiments positifs ou percevoir des émotions positives chez les autres tout en regardant des films tristes ou en écoutant le récit d’un événement de vie pénible sont à risque accru de développer des troubles de l’humeur cliniques ou des symptômes cliniques, comme la « manie ». L’émotion positive a son timing contextuel approprié et ne convient pas à toutes les situations.
Certaines émotions spécifiques, quoique positives, peuvent se « retourner » contre elles : si la plupart de ces émotions profitent à l’adaptation et à la sociabilité, certains types spécifiques n’ont pas que des résultats bénéfiques. L’orgueil par exemple est associé à la réussite socioprofessionnelle mais également à des résultats sociaux négatifs en l’absence de raisons appropriées, comme l’agressivité envers les autres ou encore un comportement antisocial. Des émotions positives trop autocentrées peuvent s’autodétruire.
De l’émodiversité : la diversité des émotions compte pour l’équilibre psychique, tout comme la biodiversité est essentielle à la survie d’un écosystème biologique. La diversité émotionnelle ou emodiversity est un élément clé pour notre écosystème émotionnel humain. Cela signifie que la variété et le nombre des émotions que chacun expérimente sont associés aux résultats de santé mentale. Vivre toute une gamme d’émotions positives et négatives est donc important pour notre bien-être.
Le « self-contrôle » doit avoir prise aussi sur la réponse émotionnelle positive : la capacité de réguler de manière adaptative l’émotion est également liée à l’état de santé, au bien-être et à l’adaptation sociale. Contrôler ses émotions postives, comme négatives, permet de maintenir, voire d’améliorer, les résultats de santé mentale, rappellent ici les auteurs. La régulation des émotions positives est donc associée à des résultats de santé mentale bénéfiques. Des émotions positives mal gérées peuvent engager des investissements personnels trop importants. L’exemple est donné avec les personnes atteintes de trouble bipolaire qui présentent des difficultés à gérer des émotions positives qui les mènent à des comportements impulsifs et à risques. Les personnes souffrant de dépression auront quant à elles des difficultés à maintenir, soutenir et promouvoir des émotions positives. Bref, la réponse émotionnelle positive mal régulée n’a pas forcément des effets bénéfiques.
La stabilité émotionnelle, et sa « dynamique temporelle » profite à son impact bénéfique. Ainsi, des oscillations d’intensité émotionnelle trop rapides ou injustifiées sont associées à une moins bonne santé psychologique, à une réduction du bien-être et de la satisfaction de la vie. Les chercheurs citent ici les textes bouddhistes anciens qui soulignent l’importance de parvenir à cette stabilité émotionnelle dans le cadre du bien-être général.
Une recherche trop absolue de l’émotion positive peut rendre plus difficile son atteinte et conduire finalement à une diminution du bien-être. Ainsi, la recherche à tout prix de l’émotion positive peut effectivement causer plus de mal que de bien. Le bonheur ne se poursuit pas, mais se vit. La poursuite effrénée du bonheur conduira plus souvent à la déception. C’est d’ailleurs un trait marqueur des sujets à antécédents de dépression.
Alors quels sont les mécanismes associés à la « production » et à la stabilité de l’émotion positive et des états d’humeur positifs ? Quels sont les mécanismes associés à leur déviance et qui conduisent à la prise de risque, à la toxicomanie ou aux psychoses ? C’est le prochain objectif de ce groupe de travail, avec l’idée de pouvoir, une fois comprises ces perturbations de l’émotion positive, poursuivre les efforts de « translation » clinique pour réduire les souffrances associées.
American Psychological Association 2015 Emerging themes in positive emotion disturbance et Yale « Human Emotion » Courses
Lire aussi : PSYCHO: Les émotions positives sont nos meilleurs anti-inflammatoires–
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Cette actualité a été publiée le 7/02/2016
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