Intervenant(s) :
Circonstance : Discussion à l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat
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Prononcé le 5 décembre 2022
Mme la présidente.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (nos 443, 526).
La conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de trente heures.
M. Sylvain Maillard.
Très bien !
Mme la présidente.
La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique.
Deux tiers, c’est la part d’énergies fossiles dans notre consommation finale d’énergie : deux tiers composés de gaz, de fioul et de carburant, dont nous ne pouvons aujourd’hui pas nous passer pour nous déplacer, pour nous chauffer ou pour faire fonctionner notre industrie ; deux tiers d’énergies fossiles importées, au détriment de notre balance commerciale comme de notre souveraineté.
M. Sylvain Maillard.
Eh oui !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
L’an 2035, c’est la date à laquelle vingt-six de nos cinquante-six réacteurs nucléaires arriveront au terme de cinquante années d’exploitation. Tous devront alors passer le cap d’un contrôle de sûreté approfondi pour voir leur activité prolongée de dix années supplémentaires. En matière énergétique, 2035, c’est demain.
Soixante pour cent, c’est selon Réseau de transport d’électricité (RTE) la proportion d’électricité que nous devrons produire en plus à l’horizon 2050 pour répondre à nos besoins croissants d’électrification pour l’industrie, les transports et les bâtiments, si nous voulons devenir le premier grand pays industriel au monde à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone.
Mesdames et messieurs les députés, ces trois chiffres montrent bien que nous sommes à un tournant historique. Et si nous voulons devenir enfin maîtres de notre destin énergétique, nous ne pourrons nous passer d’aucune énergie décarbonée, nucléaire comme renouvelable, tant la marche à franchir est haute. Lorsque je dis renouvelable, je parle bien de toutes les énergies renouvelables, celles qui produisent de l’électricité comme celles qui produisent de la chaleur. Nous devons donc toutes les développer car il y a urgence.
Urgence face à la crise climatique qui provoque les dérèglements que nous constatons tous : mégafeux, inondations, sécheresses. Cela se vérifie plus que jamais : personne ne peut regarder ailleurs. Urgence également face à la crise énergétique la plus grave que nous connaissons depuis les années 1970. Vous le savez, devoir importer des énergies sans en maîtriser le coût, c’est affaiblir le pouvoir d’achat des Français, c’est peser sur la compétitivité de nos entreprises, c’est réduire les capacités d’investissement des collectivités locales.
Face à ces enjeux, nous ne sommes pas sans solutions. Grâce au travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), du Haut Conseil pour le climat ou de RTE, nous savons quels doivent être les quatre piliers intangibles de notre action.
Le premier est la sobriété énergétique. Le 6 octobre dernier, avec la Première ministre, j’ai présenté un plan de sobriété qui vise à réduire de 10% notre consommation d’énergie d’ici à 2024. L’État ainsi que des centaines d’entreprises et de collectivités locales sont déjà mobilisés pour y parvenir.
Deuxièmement, nous menons des actions ambitieuses en matière d’efficacité énergétique, qu’il s’agisse de la rénovation thermique des bâtiments, du verdissement des transports ou encore de la décarbonation profonde de l’industrie. Le rapport de RTE nous le démontre : d’ici à 2050, si nous voulons atteindre la neutralité carbone, il nous faudra réduire de 40% notre consommation d’énergie finale.
Troisième pilier : le déploiement massif des énergies renouvelables. C’est tout le sens du grand plan ” énergies renouvelables ” que j’ai lancé en juin dernier. Grâce à celui-ci, nous avons débloqué 10 gigawatts (GW) de production électrique et 1 térawatt de biométhane. Pour accompagner et assurer la réussite de ce plan, nous avons renforcé les effectifs des équipes d’instruction sur le terrain et nous avons adressé une circulaire aux préfets et services déconcentrés de l’État pour s’assurer de leur implication et de leur engagement. S’agissant des énergies renouvelables, c’est en tout près de trente textes réglementaires qui ont été présentés depuis le mois de mai devant le Conseil supérieur de l’énergie. Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter constitue le volet législatif de ce plan global.
Quatrième et dernier pilier : la relance d’un programme nucléaire ambitieux, comme l’a proposé le Président de la République. Cela fait l’objet d’un débat public, engagé en octobre, mené par la Commission nationale du débat public jusqu’à la fin du mois de février 2023. Afin d’anticiper, car nous n’avons pas de temps à perdre, nous travaillons à simplifier les procédures administratives de construction de nouveaux réacteurs à proximité des sites qui en accueillent déjà.
M. Sylvain Maillard.
Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
C’est tout l’objet du projet de loi qui vous sera présenté début 2023.
Tels sont les grands chapitres de notre stratégie énergétique. Personne ne peut donc douter de la détermination du Président de la République, de la Première ministre et de l’ensemble du Gouvernement à réussir notre transition énergétique.
Il nous appartient maintenant de décliner ces piliers dans une nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Nous avons entamé ce travail en lançant une grande concertation publique ” Notre avenir énergétique se décide maintenant “. Elle a déjà recueilli près de 15 000 contributions en un peu plus d’un mois. Les orientations qui seront exprimées vous seront intégralement restituées et pourront nourrir vos réflexions en amont de l’examen de la prochaine loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) qui devra être adoptée au second semestre de 2023.
Alors, me direz-vous : pourquoi ne pas attendre 2023 pour ce projet de loi d’accélération de la production des énergies renouvelables ? La réponse, vous la connaissez : nous sommes déjà en retard.
Mme Clémence Guetté.
La faute à qui ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Les Français ne comprendraient pas que nous renvoyions à demain l’accélération de la production d’énergies renouvelables dans notre pays. Nous sommes en retard de 20% sur les objectifs que nous nous étions fixés dans le cadre de la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie ; en retard également sur nos voisins puisque la France est le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir atteint ses objectifs en matière d’énergies renouvelables.
Ce retard, il nous faut le rattraper et, pour cela, ne pas nous tromper de combat.
Mme Clémence Guetté.
C’est dommage que vous ne gouverniez pas depuis six ans ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Je tiens à rappeler une évidence, que nous n’avons peut-être pas assez entendue ces derniers jours : le seul combat qu’il convient de mener, c’est celui des énergies décarbonées contre les énergies fossiles. Dans ce combat, nous pouvons toujours perdre notre temps à opposer des technologies entre elles mais, à la fin, ce seront toujours les Français qui paieront le prix de ces postures dogmatiques. Toutes les énergies ont des avantages et des inconvénients, toutes. À nous, responsables politiques, de construire la meilleure combinaison entre elles pour bâtir l’avenir de notre système énergétique. À nous aussi de dépasser les clivages en nous inscrivant dans les pas de l’appel de Johannesburg lancé par Jacques Chirac, du Grenelle de l’environnement conduit par Nicolas Sarkozy et Jean-Louis Borloo ou de l’accord de Paris sur le climat promu par François Hollande et Laurent Fabius.
Le texte que je vous présente aujourd’hui s’inscrit dans cet esprit. Il est le fruit des échanges que j’ai eus depuis plusieurs mois avec des acteurs associatifs et économiques comme avec les élus locaux et leurs associations. Il est le fruit aussi du travail entamé très en amont avec les parlementaires des différents groupes, au Sénat comme à l’Assemblée nationale.
M. Éric Bothorel, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Mme la ministre a raison !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
À cet égard, je tiens à souligner la qualité du travail conduit par les quatre rapporteurs, Aude Luquet, Pierre Cazeneuve, Henri Alfandari et Éric Bothorel ainsi que par le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Marc Zulesi, et celui de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian, et des échanges auquel il a donné lieu. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
M. Sébastien Jumel.
Quel bel exercice d’autocongratulation !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Comme vous le savez, ce projet de loi comporte quatre objectifs : changer de paradigme et construire une véritable méthode de planification des énergies renouvelables, au niveau territorial, conduite par les élus de terrain ; accélérer les procédures administratives sans rien renier de nos exigences environnementales ; faire preuve de bon sens et déployer les énergies renouvelables, particulièrement le photovoltaïque, en libérant du foncier artificialisé ou dégradé ; améliorer la désirabilité et l’appropriation des énergies renouvelables, notamment grâce à un meilleur partage de la valeur de ces projets.
Le texte voté en commission montre que les chemins pour bâtir des compromis existent. Je m’attacherai à ce que nos échanges se poursuivent dans ce même esprit de coconstruction. Je voudrais, à ce titre, prendre le temps de présenter certains enjeux spécifiques du projet de loi auxquels vous êtes, je le sais, particulièrement attentifs.
Je commencerai par la planification, dont l’objet est de remettre les élus locaux et leurs territoires au centre des décisions. Pour cela, nous leur donnons le pouvoir de décider : des leviers pour aménager leur territoire leur permettront de choisir les zones d’accélération où ils souhaitent accueillir des projets d’énergies renouvelables et les zones où ils souhaitent, au contraire, les limiter. Ce sont les communes qui proposent et ce sont elles qui ont le dernier mot. Aucune d’entre elles ne pourra se voir imposer une zone d’accélération sur son territoire. Nous souhaitons bâtir un nouveau pacte territorial au sein duquel l’État jouera un rôle de facilitateur. Nous mettrons notamment à disposition des données et des cartographies, et les référents préfectoraux que nous nommerons seront chargés d’accompagner les collectivités locales.
Quoique de qualité, les débats en commission ont montré que nous devions encore lever certaines incertitudes au sujet de la planification : combien de temps laissons-nous pour définir ces zones ? Quel sort sera réservé aux communes dépourvues de documents d’urbanisme ? Nous y avons beaucoup travaillé ces derniers jours avec vous et les associations d’élus locaux. Le Gouvernement défendra, avec le rapporteur Alfandari, des amendements destinés à répondre à ces questions et à préciser ce dispositif.
Le deuxième enjeu est l’agrivoltaïsme. Notre objectif est ici de concilier souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique. Face à l’anarchie actuelle, il nous faut légiférer. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la proposition de loi du Sénat, qui a été intégrée à ce projet de loi. Pour la première fois, nous donnons en droit une définition de l’agrivoltaïsme, avec des conditions et un encadrement équilibrés et clairs.
Pour s’assurer de la réussite du dispositif, le Gouvernement soutiendra l’amendement du rapporteur Bothorel qui, empreint de la même philosophie que le système de planification que je viens d’évoquer, propose de faire confiance au local pour tenir compte des spécificités agricoles des territoires. Concrètement, dans chaque département, un document cadre coconstruit par l’ensemble des parties prenantes locales, et entériné par le préfet, permettra de préciser les caractéristiques de la compatibilité des installations photovoltaïques avec l’activité agricole.
Troisième sujet : le partage de la valeur, qui constitue un apport majeur de ce texte, afin de s’assurer que les habitants et les communes profiteront directement des retombées des projets et seront associés à leur réussite. La création d’un fonds de financement d’actions locales pour les collectivités, d’un second fonds dédié à la biodiversité et l’ouverture d’un financement participatif des habitants aux projets engagés dans leur territoire sont des apports positifs que nous soutenons.
M. Éric Bothorel, rapporteur.
Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Par ailleurs, si je reste convaincue que les Françaises et les Français doivent aussi bénéficier du partage de la valeur, j’ai entendu vos inquiétudes concernant le dispositif initial de réduction directe sur les factures des riverains. C’est pourquoi le Gouvernement défendra plusieurs amendements permettant aux collectivités de soutenir leurs habitants et soutiendra les amendements déposés par le groupe Socialistes et apparentés, qui ciblent les ménages en situation de précarité énergétique.
Mme Marie-Noëlle Battistel.
Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Quatrième sujet : l’accélération des énergies renouvelables en zones déjà artificialisées. En la matière, les bâtiments constituent une priorité et des mesures importantes avaient déjà été adoptées dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « climat et résilience ». Pour aller encore plus loin, le Gouvernement soutiendra le dispositif ambitieux mais équilibré de l’amendement no 2823 déposé par le groupe Renaissance. Il fixe des objectifs croissants mais progressifs pour les nouveaux bâtiments, afin de maintenir l’ambition de la mesure votée en commission, tout en permettant une flexibilité nécessaire.
Cinquième sujet : le principe de reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur, sur lequel le Gouvernement défendra un amendement de rétablissement de la rédaction initiale. Je sais qu’il soulève des incompréhensions, voire des craintes : certains s’y opposent pour des raisons de protection de la biodiversité, d’autres parce qu’ils ne sont pas convaincus de l’impérieuse nécessité de développer les énergies renouvelables pour notre avenir énergétique.
Si je pense avoir longuement répondu aux seconds au début de ce discours, je veux dire quelques mots à destination des premiers. Cette mesure, qui vient d’être adoptée au niveau européen avec un large soutien des groupes représentés au Parlement européen, dont Les Verts, vise à mettre fin à une pratique quasi systématique de recours dilatoires contre les projets. Sur le fond, elle ne revient pas sur les conditions à remplir en matière d’impact environnemental, qui restent cumulatives et obligatoires pour toute demande de dérogation à l’obligation de protection stricte des espèces protégées. Il est donc clair que le Gouvernement ne sacrifiera pas la biodiversité au profit du climat.
Enfin, je me réjouis que ce texte facilite le développement des énergies renouvelables dans les territoires ultramarins : il s’agit d’un enjeu stratégique pour l’autonomie énergétique de ces territoires, alors que beaucoup connaissent des difficultés en la matière. Je tiens à remercier les députés des outre-mer et des zones non interconnectées pour le travail collectif mené sur ces sujets.
Mesdames et messieurs les députés, je sais que nous saurons ensemble, durant les heures de débats qui sont devant nous, améliorer encore ce projet de loi, et je suis confiante sur le fait que, de la gauche jusqu’à la droite de l’hémicycle, parmi les nombreuses bonnes volontés qui y siègent, nous nous accorderons sur l’essentiel : faire face à la crise énergétique pour le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises ; défendre l’indépendance industrielle, énergétique et politique de la France ; lutter contre le dérèglement climatique pour l’avenir de nos enfants. Car c’est bien tout l’enjeu de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Henri Alfandari, rapporteur de la commission des affaires économiques, applaudit également.)
(…)
Mme la présidente.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Il me sera difficile de répondre à toutes les contre-vérités qui ont été assénées durant les dernières minutes avec une assurance époustouflante, y compris par M. Dupont-Aignan, qui commet un contresens en faisant référence à l’excellente tribune publiée par M. Louis Gallois, que je connais bien pour de multiples raisons. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.)
M. Nicolas Dupont-Aignan.
Alors écoutez-le mieux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
J’ai en effet travaillé avec M. Gallois, précisément pour prendre en considération ses arguments.
Le texte s’attache à la souveraineté énergétique, industrielle et politique de la France. Il vise à produire des énergies à un coût compétitif. Vous semblez ignorer que l’énergie, c’est aussi la chaleur. De nombreuses interventions sont restées centrées sur l’électricité et les éoliennes, mais il se trouve que le projet de loi concerne l’ensemble des énergies renouvelables utilisées pour produire de la chaleur et de l’électricité, et non uniquement les éoliennes terrestres. J’aurais aimé entendre parler davantage de photovoltaïque, mais aussi de géothermie – je rappelle que des amendements ont été déposés sur ce thème, notamment par la majorité – et de biométhane, qui fait l’objet d’une attention particulière dans le texte. De manière générale, le titre Ier du texte concerne l’ensemble des énergies renouvelables.
M. Vincent Descoeur.
Dont l’éolien terrestre, c’est bien ce qui pose problème !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Le texte vise à fournir à la France une électricité produite à un coût inférieur à 100 euros par mégawattheure, et même à 60 euros par mégawattheure – car tel est le coût de production actuel pour un parc éolien marin, raccordement compris.
M. Nicolas Dupont-Aignan.
C’est faux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Voilà la réalité des chiffres.
M. Nicolas Dupont-Aignan.
Non, c’est faux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Le coût du mégawattheure pour le nucléaire installé est quant à lui, d’après les équipes d’EDF elles-mêmes, actuellement supérieur à 49 euros,…
M. Sébastien Jumel.
60 euros !
M. Éric Bothorel, rapporteur.
65 euros !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
…sans quoi vous ne nous accuseriez pas de lui faire vendre son électricité à prix coûtant, monsieur Dupont-Aignan. Ce coût sera nécessairement plus élevé pour le nucléaire à construire, car il faudra amortir les installations. Vous comprenez donc bien que vous jouez contre votre camp. Je ne connais aucune PME ni aucune industrie qui ne signerait pas pour acheter de l’électricité ou du biométhane à un tel prix.
Ensuite, le projet de loi vise à répondre au défi de la lutte contre le réchauffement climatique. Je vois difficilement comment nous pourrions ignorer les jeunes générations en refusant de nous emparer de cette question.
M. Jean-Philippe Tanguy.
Ça n’a rien à voir !
M. Erwan Balanant.
Bien sûr que si !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Comment traiter cet enjeu sans accélérer le déploiement des énergies renouvelables ?
Vous avez été nombreux à évoquer l’importance du débat public. Vous avez raison : il est très important. Mais alors qu’une concertation nationale sur notre mix énergétique futur se déroule partout sur le territoire – des échanges avaient lieu aujourd’hui même à Dijon, en présence d’Olivier Véran, porte-parole du Gouvernement – en vue de bâtir la prochaine PPE, et qu’elle a permis de faire remonter près de 15 000 contributions en un mois, vous voudriez confondre vitesse et précipitation et décider sans tenir compte de la parole des Français. Voilà qui me semble pour le moins contradictoire. Nous aurons le temps d’examiner la future PPE dans les prochains mois, après avoir entendu ce que les Français ont à dire sur cette question.
Cette remarque vaut d’autant plus qu’il existe déjà une PPE, laquelle, vous le savez, fixe, en matière de déploiement des énergies renouvelables, des objectifs que, pour l’heure, nous n’atteignons pas.
M. Sébastien Jumel.
Elle est déjà caduque !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Il me semble donc important de tenir compte de la réalité de cette programmation. Chacun conviendra, je le crois, de la nécessité de renforcer nos efforts en matière de production énergétique. Les Français ne comprendraient pas que nous perdions du temps plutôt que d’agir en adoptant un texte permettant d’accélérer dans ce domaine.
Mme Marine Le Pen.
Alors faites un référendum !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Certains, sur ces bancs, s’interrogent avec plus ou moins de vigueur sur le bien-fondé des énergies renouvelables.
M. Jean-Philippe Tanguy.
Intermittentes !
Mme Clémence Guetté.
On va entendre ça pendant deux semaines…
Mme Alma Dufour.
Vous n’aimez pas les intermittents ! (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Supposant que chacun ici s’accordera à dire le Giec et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) regroupent des experts sérieux, je me permets de partager le constat qu’ils avancent : si nous voulons décarboner notre mix énergétique à l’échelle mondiale, les énergies renouvelables devront couvrir 90% des besoins de la planète à l’horizon 2050. La France a adopté un chemin un peu différent en s’appuyant à la fois sur le nucléaire et sur les énergies renouvelables, mais vous ne pouvez pas affirmer avec autant…
M. Erwan Balanant.
D’aplomb !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
…d’aplomb, exactement, que le développement des énergies renouvelables entraîne mécaniquement une augmentation du recours aux énergies fossiles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme Marine Le Pen.
Mais évidemment que oui !
M. Nicolas Dupont-Aignan.
En France, si !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Notre action produit exactement le contraire : les énergies renouvelables permettent de diminuer l’utilisation d’énergies fossiles :…
M. Jean-Philippe Tanguy.
Ça dépend où !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
…chaque jour, en France, elles produisent cinq à dix gigawatts que nous n’avons pas besoin de produire avec des centrales à gaz.
J’ai bien noté que, selon vous, lorsqu’on importe de l’énergie – du gaz et du carburant – de l’autre bout du monde, on rend service à la France et l’on accroît son indépendance (Protestations sur les bancs du RN)…
Mme Marine Le Pen.
C’est votre bilan !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
…et que ni le pétrole ni le gaz russes ne posent problème du point de vue patriotique.
M. Philippe Ballard.
Ça n’a rien à voir !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Pour ma part, je préfère une énergie produite en France, à bas coût, pour les Français et pour les entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques.
Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Puisque vous parlez au nom des Français, je vous renvoie à un sondage assez récent selon lequel plus de 70 % de nos concitoyens appellent de leurs vœux une accélération du développement des énergies renouvelables. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
M. Éric Bothorel, rapporteur.
Eh oui !
M. Jean-Philippe Tanguy.
Ça ne veut rien dire !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
Vous avez raison, le projet de loi n’épuise pas totalement le sujet de la politique énergétique de la France car cette politique compte plusieurs piliers. Nous avons déjà parlé de deux d’entre eux, la sobriété et l’efficacité énergétique. S’agissant du nucléaire, un projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction et au fonctionnement des centrales sera présenté très prochainement et la question sera abordée dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui s’inscrit dans un plan plus global portant sur les énergies renouvelables. Celui-ci comporte différents volets. L’un est consacré aux moyens – dans le cadre du projet de loi de finances, vous avez en effet examiné une augmentation des moyens de l’État dédiés à l’instruction des projets liés aux énergies renouvelables. Un autre volet porte sur la mobilisation des services de l’État, objet d’une circulaire du 16 septembre 2022, mais ce plan intègre également, dans le cadre de France 2030, les questions de recherche, développement et industrialisation – je rappelle que plusieurs milliards d’euros sont directement ciblés vers les énergies renouvelables –…
Mme Clémence Guetté.
C’est insuffisant, vous le savez bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.
…mais aussi de formation. Près de trente textes réglementaires, relatifs au contentieux, à l’autoconsommation individuelle ou collective, au déblocage des projets, à la prise en compte de l’inflation ou à l’accélération des raccordements ont été soumis au Conseil supérieur de l’énergie.
Puisque la question a été abordée à plusieurs reprises, je dois expliquer pourquoi nous estimons que les énergies renouvelables répondent bien à une raison impérative d’intérêt public majeur. Je vous renvoie à ce sujet à une très bonne tribune parue ce matin et signée entre autres par un certain Noël Mamère et un certain Jean Jouzel, lauréat du prix Nobel de la paix. Les auteurs y expliquent très bien qu’il ne faut pas tomber dans le piège tendu par les opposants aux énergies renouvelables qui se découvrent soudain une volonté farouche de défendre la biodiversité alors même que, par ailleurs, ils piétinent les principes de celle-ci.
Je me réfère à cette tribune pour affirmer que, oui, les énergies renouvelables relèvent de la RIIPM et qu’il faut soutenir cette approche. C’est d’ailleurs ce que vous faites au Parlement européen, mesdames et messieurs les députés des Républicains, au sein du Parti populaire européen, le PPE, et mesdames et messieurs les députés socialistes et verts, au sein de vos groupes respectifs, à propos du plan REPowerEU qui aborde très précisément cette question. Je rappelle la position des forces en présence : les eurodéputés verts suggèrent de reconnaître la RIIPM jusqu’en 2030 afin de produire une accélération tout en prévoyant une limite temporelle. Les eurodéputés socialistes et les républicains proposent, eux, que cette reconnaissance soit possible jusqu’en 2050.
Une certaine cohérence serait bienvenue, nous pouvons en tout cas en discuter. Je tenais surtout à montrer que des points de vue sur cette question ont été exprimés dans d’autres enceintes, par d’autres personnes. Il serait ennuyeux, selon moi, que la France se distingue des autres pays européens sur une question aussi importante.
Je ne reviendrai pas sur tous les sujets qui ont été abordés au cours de la discussion générale mais je tenais à évoquer ces points importants.
Je veux aussi tout de même rappeler que le projet de loi comporte des éléments concernant le biométhane. S’agissant de la géothermie, nous annoncerons prochainement un plan national et plusieurs amendements au projet de loi permettront de conforter cette filière. Pour ce qui est du photovoltaïque, nous avons tenu compte des propositions qui ont déjà été faites même si nous pouvons encore améliorer le texte. J’ai bien compris combien il était important pour vous de distinguer, d’un côté, la nécessité d’assurer la souveraineté alimentaire et la protection des terres agricoles et, de l’autre, la volonté de mettre à disposition des agriculteurs des technologies qui améliorent leur exploitation ou leur activité d’élevage. Nous devons donner une définition stricte en la matière. Ce texte nous le permet alors qu’aujourd’hui il n’en existe aucune et que l’anarchie demeure.
Je répondrai pour conclure à Mme Battistel dont je partage le combat en faveur des augmentations de puissance en matière de production d’énergie hydroélectrique. De telles augmentations sont prévues par la loi « énergie-climat » même s’il restait une question à régler. L’amendement no 2285 à l’article 16 septies de Mme Brulebois viendra compléter l’amendement no 1168 voté en commission pour supprimer l’application de la redevance aux augmentations de puissance. Vous avez soulevé ce problème il y a longtemps. Il est très opportun de le résoudre aujourd’hui car nous avons besoin d’augmenter la puissance de nos installations hydroélectriques. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
source https://www.assemblee-nationale.fr, le 7 décembre 2022
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