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Pourquoi les grandes écoles soignent leurs réseaux d’anciens – The Conversation Indonesia

Enseignant-chercheur en stratégie et en sciences politiques, INSEEC Grande École
Olivier Guyottot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.


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Depuis près d’une vingtaine d’années, les associations et réseaux d’anciens ont pris une importance stratégique pour les grandes écoles. Si leurs activités se sont longtemps centrées sur la publication d’un annuaire des diplômés, l’organisation de quelques manifestations réunissant les anciens les plus fidèles, et le partage de témoignages de carrière avec les nouvelles promotions, de nombreux moyens humains et financiers sont aujourd’hui investis pour les dynamiser.
Dans un contexte où les réseaux sociaux numériques, notamment professionnels, ouvrent des alternatives crédibles à ce type d’organisations, leur rôle s’est-il redéfini ? Pourquoi demeurent-ils malgré tout essentiels au rayonnement de ces filières ?
Les grandes écoles ont toujours accordé une forte attention aux réseaux d’anciens. D’abord parce qu’ils aident à garantir la promesse d’emploi initiale de ce type de formations. Historiquement, les écoles d’ingénieurs forment par exemple des cadres avec des compétences techniques pour répondre aux besoins identifiés par les ministères de l’industrie ou de l’agriculture et les écoles de commerce des « managers » en réponse aux demandes des entreprises des Chambres de Commerce et d’Industrie. Et les réseaux d’anciens sont un lien utile vers des stages et des contrats d’alternance pour les étudiants ou pour accéder à un premier emploi pour les diplômés. Ensuite, parce qu’ils constituent généralement un « espace » où perdure l’esprit de communauté et de cohésion développé pendant les années d’études.
Depuis quelques années, les initiatives pour densifier et diversifier les activités de ces réseaux se multiplient. Les services dédiés ou les associations en charge des diplômés ont vu leurs effectifs augmenter et se professionnaliser. Les adhésions des nouveaux étudiants à l’association des diplômés sont désormais quasiment toutes « à vie ». Les événements qui leur sont proposés (conférences, afterwork, création d’antennes en France et à l’étranger, journée alumni au sein des établissements, participation aux jurys…) sont également de plus en plus nombreux. Mais, au-delà de la volonté de renforcer les liens avec leurs anciens élèves, ces efforts de structuration traduisent aussi la montée de l’importance stratégique de ces réseaux pour ces filières.
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Avec l’apparition des réseaux sociaux en ligne, notamment professionnels, solliciter des anciens étudiants de son établissement est devenu beaucoup plus facile qu’auparavant. Les liens entre anciens étudiants dépendent ainsi de moins en moins de l’institution dont ils sont issus.
Pourtant, si les réseaux sociaux permettent de garder le contact et de dynamiser un réseau professionnel, il reste nécessaire d’animer la communauté et ses activités. Et une structure spécifique prendra le temps de le faire et aura la légitimité pour solliciter l’ensemble des anciens, quels que soient leurs parcours et leurs liens antérieurs.
En se massifiant et en se globalisant, l’enseignement supérieur est devenu beaucoup plus concurrentiel et les accréditations et classements, nationaux et internationaux, se sont multipliés. Après une période où ceux-ci se fondaient essentiellement sur les déclarations des établissements, ils tiennent désormais de plus en plus compte de l’avis des diplômés pour délivrer leurs labels ou établir leurs hiérarchies. Les anciens sont sollicités de toute part et leur ressenti est devenu stratégique pour garantir la réputation et le rayonnement d’une filière et d’un établissement.
[Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]Cette capacité des réseaux d’anciens à maîtriser et à canaliser les retours des diplômés s’inscrit aussi dans le développement du concept d’« expérience étudiante ». Celle-ci se définit comme l’ensemble des expériences vécues par les étudiants, non seulement au moment de leurs études, mais aussi à partir du moment où ils s’intéressent à une formation… puis lorsqu’ils en sont devenus diplômés. La relation entre les étudiants et leur institution n’est donc plus simplement centrée sur la période d’études mais est désormais perçue comme un « continuum » qui débute avant même d’intégrer l’école et qui se poursuit tout au long de leur vie.
Mais le développement des activités des réseaux d’anciens recouvre aussi des enjeux économiques plus directs pour ces filières. Malgré l’augmentation du budget consacré à l’enseignement supérieur depuis plusieurs années, les moyens apparaissent insuffisants pour faire face à l’afflux régulier de nouveaux étudiants et aux carences du système actuel. L’offre de formation continue fait partie des nouvelles sources de financement que les établissements ont développées pour répondre à ces besoins.
Si la croissance de cette « executive education » est liée au développement nouveau et assez récent en France de l’idée de « formation tout au long de la vie », elle apparait aussi, pour les établissements concernés, comme une source de revenus complémentaire aux financements traditionnels (droits de scolarité des formations initiales, dotation de l’état…). Disposer de relations structurées et soutenues avec ses anciens permet de présenter et de proposer, individuellement et aux entreprises dont ils font désormais partie, ces formations. Et d’améliorer ainsi leur commercialisation et leur rentabilité.
Dans le cadre de la diversification de leurs revenus et face aux pressions visant à augmenter leur impact social, les grandes écoles françaises développent depuis quelques années des activités de fundraising. Le modèle est celui des universités anglo-saxonnes, notamment américaines, qui voient certains diplômés, désormais fortunés, leur verser des sommes parfois colossales pour les aider à financer certaines de leurs activités. Avec parfois pour conséquence un changement de nom de l’institution en l’honneur de ce donateur, comme en témoigne l’exemple de l’école de commerce de l’université de Northwestern près de Chicago rebaptisée J.L. Kellogg Graduate School of Management dès 1979.
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Les grandes écoles françaises sollicitent donc depuis quelques années les dons de leurs diplômés. Mais, malgré le succès de quelques levées de fond comme celles d’HEC et Polytechnique, ces sollicitations pâtissent, pour les établissements français moins prestigieux, de différences culturelles fortes avec les pays anglo-saxons.
Au-delà de la réputation et des métiers auxquels elles mènent, les étudiants français choisissent souvent leurs filières en fonction des cours proposés. Les étudiants américains regardent beaucoup le réseau d’anciens et le profil des diplômés. Et intègrent donc très tôt l’idée de faire un don à leur filière d’origine en reconnaissance de ce qu’elle leur a permis d’accomplir, malgré un prix de leurs études beaucoup plus élevé qu’en France. Dans l’Hexagone, l’idée d’une éducation publique et gratuite reste dominante. Faire des dons conséquents à son ancien établissement, même après avoir fait fortune, reste donc très marginalement envisagé alors que les droits de scolarité de la majorité de ces filières sont déjà perçus comme trop élevés.
Finalement, et malgré un développement globalement réussi des réseaux d’anciens des grandes écoles en France, ces différences culturelles constituent sans doute un des principaux obstacles pour que ceux-ci parviennent à renforcer encore leur importance et leur poids et à dépasser ainsi les missions qui leur ont été assignées lors leur création.
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