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Pour elle, le goût d’une élégance sur-mesure et la défense de convictions écoresponsables, ne sont pas incompatibles. Loin s’en faut. Elle le prouve à travers la maison de création de robes de mariées qu’elle a fondée : l’Atelier Marielle Maury. Portrait.
C’est une maison de création de robes de mariées pas comme les autres. Fondé en 2013, installé à Montpellier, l’Atelier Marielle Maury, du nom de sa créatrice, est devenu en janvier 2020 le premier atelier certifié BIO GOTS, un label qui garantit le respect de l’environnement et des conditions sociales des travailleurs sur l’intégralité de la chaîne de production.
Un accomplissement pour cette maison qui, une fois la cérémonie nuptiale achevée, offre une seconde vie à ses tenues en leur donnant une place de choix dans la garde-robe de prêt-à-porter de leur propriétaire. « Les artisans d’art préfèrent parler de ce qu’ils font et pas de qui ils sont », assure Marielle Maury, lauréate, en 2022, de l’appel à projet mode du ministère de la Culture. Entretien avec une créatrice passionnée.
Pourquoi vous êtes-vous lancée dans la confection de robes de mariées ?
Mon goût personnel me portait à travailler de belles matières et des coupes sophistiquées qui sont précisément celles que l’on trouve dans le monde du mariage. En dehors de cet événement particulier et de quelques rares occasions, on a assez peu l’opportunité, aujourd’hui, de s’habiller avec une élégance soutenue.
La dimension écoresponsable semble être indissociable de votre activité, elle semble même être dans son ADN…
Ce mot d’ADN me paraît juste. La sensibilité à la cause environnementale vient de mon éducation et de ma culture familiale. Après des études de commerce et de tourisme, j’ai travaillé pendant huit ans dans un parc naturel régional. La nature, qu’il s’agisse d’un végétal ou de la glace sur le pare-brise des voitures, m’émerveille toujours autant. En retour, je me dis à chaque fois qu’il ne faut pas qu’on la détruise. Cette prise de conscience et cet engagement se reflètent naturellement dans mon activité. Il est hors de question que j’éprouve du plaisir dans mon travail mais qu’en contrepartie une personne ou la nature paye pour cela. Or, le secteur du textile est un des plus polluants et des plus exploiteurs de l’être humain. D’où ma démarche pour obtenir la certification GOTS. Deux paramètres sont pris en compte : d’une part, l’aspect social – les conditions de travail des personnes qui sont employées dans la filière textile – d’autre part, le respect de la nature, autrement dit qu’il n’y ait ni pesticides, ni intrants, ni OGM dans les produits.
La nature, qu’il s’agisse d’un végétal ou de la glace sur le pare-brise des voitures, m’émerveille toujours autant. En retour, je me dis qu’il ne faut pas qu’on la détruise
Où vous approvisionnez-vous pour vos matières premières ?
J’essaye le plus possible de m’approvisionner en France, mais pour faire certifier mes produits, mes fournisseurs doivent eux-mêmes avoir reçu la certification, d’où, en plus de la France, le recours à des producteurs en Italie, en Allemagne et en Belgique, en tout état de cause en Europe.
Qu’en est-il de la deuxième dimension de la certification GOTS ?
Chaque fournisseur doit non seulement m’adresser un certificat GOTS mais aussi un certificat de qualité garantissant la non nocivité des produits. Chacun pratique des tests sur les matières qu’il utilise. Les colorants par exemple doivent être conformes au cahier des charges, de même l’utilisation des métaux est proscrite. Pour les boutons recouverts d’aluminium que j’utilise, je dois prouver qu’il n’y a pas de matière interdite. Même chose pour la laine : je dois faire la preuve qu’elle n’est pas issue de pratiques qui nuisent aux animaux. Le cahier des charges est révisé chaque année de sorte que de nouvelles contraintes apparaissent pour garantir et aller au plus près de ce qui est écologiquement et socialement responsable.
Certaines entreprises font des efforts importants pour se procurer des matières premières locales mais doivent ensuite exporter leur produit, ruinant ainsi tout le bénéfice écologique de leur démarche. Comment remédier à cette situation paradoxale ?
C’est un paradoxe en effet. Cette année, je me suis posée la question pour une cliente qui habite au Canada et qui m’a fait faire sa robe à distance. Elle s’est mariée en Grèce et s’est arrêtée en chemin pour prendre sa robe, mais cela ne m’a pas empêchée de me demander si tout cela était bien logique. Pour autant, je n’ignore pas que mon bassin de clientèle est large. L’idée est aussi de développer ma boutique en ligne. L’objectif est de tout mettre en œuvre en amont pour que la cliente reçoive son produit au plus près de ce qui aura été décidé. Je ne vends que quelques pièces par an sur la boutique en ligne, mais depuis son lancement il y a trois ans, je n’ai eu qu’un seul retour sur une erreur de taille.
Comment allez-vous utiliser la subvention du ministère de la Culture ?
L’idée est d’utiliser ces fonds d’une part pour valoriser le savoir-faire artisanal qui est un travail de proximité qui possède toutes les qualités que l’on retrouve dans le développement durable, et d’autre part pour développer précisément la boutique en ligne, et en particulier la gamme dite « prêt-à-porter ». Je souhaite en effet que ces tenues de mariage puissent être portées par la suite. Le but n’est pas de faire des milliers d’exemplaires. On reste sur un produit de luxe écoresponsable avec des conseils personnalisés. Je pars toujours des besoins de la personne. Mon approche du sur-mesure façonne la manière dont je vois le prêt-à-porter, lequel restera destiné à de grandes occasions. Cette ligne s’adresse en premier lieu à la mariée mais aussi à toutes les femmes qui gravitent autour d’elle, la maman, la sœur, les cousines, les demoiselles d’honneur… D’autant que sur ce créneau de la mode chic et écoresponsable, il y a encore très peu d’offre.
En tant que créatrice, je prends tout en compte, du début jusqu’à la fin, ce qui inclut le lien avec la personne, la manière dont elle va bouger, dont elle va se sentir dans sa robe
Et sur le premier aspect, la valorisation du travail artisanal ?
On le ferait à l’aide de courtes vidéos. L’idée est de raconter un geste ou une réflexion en amont du travail, de montrer en quelque sorte la partie immergée de l’iceberg. Dans la mode, on ne voit jamais le travail qu’on peut faire sur la personne, sa silhouette, ses proportions, sur la manière d’utiliser le bon tissu pour la bonne découpe, c’est un savoir-faire, qu’on appelle globalement la couture, qui est assez méconnu. Nous sommes un groupe de créatrices de robes de mariées à nous être regroupées suite à la crise du Covid et nous avons fait le constat qu’on pâtissait de ce manque de connaissances. Nous ne travaillons pas dans le secteur de la haute-couture mais nous ne sommes pas non plus retoucheuses, nous sommes sur un créneau intermédiaire où on est tour à tour styliste, modéliste, couturière, première d’atelier… et chef d’entreprise censée avoir une stratégie pour avancer. L’idée est d’exprimer en images, sans démonstration, le savoir-faire au cœur de la création.
Une sorte de pédagogie par l’image, en somme…
C’est cela. Il s’agit d’un savoir-faire spécifique aux créatrices indépendantes. En tant que créatrice de robes de mariées, je prends tout en compte, du début jusqu’à la fin, ce qui inclut le lien à la personne, la manière dont elle va bouger, dont elle va se sentir dans sa robe. Le but est naturellement qu’elle se sente en confiance, qu’elle soit à l’aise, qu’elle soit en quelque sorte au « top de son top » tout en restant elle-même. C’est un équilibre délicat à acquérir qui ne peut se faire que de personne à personne, au fil du temps. Cela peut paraître antinomique avec le fait de développer une collection de prêt-à-porter mais en vérité c’est un va-et-vient entre les pièces.
On pense à l’automatisation de plus en plus présente aujourd’hui dans le secteur de la mode. Qu’en pensez-vous ?
L’automatisation est un grand progrès mais on reste sur un objet non animé. On marche et on porte les épaules d’une certaine façon, on a des bras et des jambes, autant de spécificités d’habillement fondamentales. Il y a le fait qu’on bouge et le ressenti, or, cela, aucune machine ne pourra nous le dire. Certaines personnes se sentent mal à l’aise si c’est trop léger, d’autres, si c’est trop lourd. L’idée des vidéos, c’est aussi d’avoir une approche poétique.
2013 : fondation de l’Atelier Marielle Maury
2020 : l’Atelier obtient le label écoresponsable GOTS
2021 : lancement de Hybrides, « la collection capsule qui bouscule les codes »
2022 : l’Atelier Marielle Maury est lauréat de l’appel à projets mode du ministère de la Culture
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