La cité phocéenne est un point stratégique pour les « autoroutes numériques ». Depuis la ville, 16 câbles sous-marins desservent le continent africain et au-delà. Marseille capitalise sur sa position stratégique et un nombre élevé de data centers.
Par Raphaël Balenieri
C'est une facette encore méconnue de Marseille. Et pourtant, elle prend de l'ampleur. Petit à petit, la cité phocéenne est en train de devenir un point névralgique pour le trafic Internet mondial, comme le sont déjà Miami ou Singapour. Aujourd'hui, 16 câbles sous-marins (qui acheminent les flux de données) arrivent et partent de Marseille. Ce qui, en termes de trafic Web transporté, fait de la ville le septième hub mondial. Mais avec l'arrivée début novembre du câble 2Africa, le plus long du monde, et les projets futurs, la métropole méditerranéenne devrait se hisser bientôt à la cinquième place.
Le grand public ne le sait pas, mais lorsqu'un Français visionne une série hébergée sur les serveurs de Netflix aux Etats-Unis, ou passe un appel WhatsApp vers l'Asie, le trafic passe par ces quelque 430 tuyaux posés au fond des mers et océans. Une fois à terre, les données transitent ensuite par les réseaux terrestres, que ce soit la fibre ou les antennes 4G-5G des opérateurs télécoms. Les câbles sous-marins doivent donc nécessairement arriver dans des endroits stratégiques qui relient les continents.
Or Marseille a un double avantage. Elle peut desservir le Maghreb, le reste de l'Afrique via le détroit de Gibraltar, ainsi que le Moyen-Orient puis l'Inde en passant par le canal de Suez. En même temps, la ville est bien connectée aux autres hubs terrestres comme Paris ou Francfort. En Europe, c'est aussi le cas de Gênes, Lisbonne ou Barcelone. Mais Marseille tend à leur voler la vedette.
« Avec Paris, la France est le seul pays d'Europe à avoir deux villes dans le Top 10 mondial », rappelle Fabrice Coquio, directeur général France de Digital Realty (ex-Interxion), un grand opérateur américain qui exploite 300 data centers dans le monde dont quatre à Marseille. « Ici, on peut se connecter à Bombay en 95 millisecondes. D'ailleurs, 20 % du trafic Web en provenance de Marseille part vers l'Inde ! »
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Car en plus de sa position stratégique privilégiée, la ville a un autre atout : elle abrite de nombreux centres de données, notamment autour du port de Marseille-Fos. Or aujourd'hui, les opérateurs télécoms et les Gafam qui investissent dans les câbles sous-marins veulent qu'ils soient directement reliés aux data centers, de la même façon que les autoroutes passent par les péages et les ronds-points.
Pour cela, les investisseurs derrière les câbles sont prêts à payer cher, avec des loyers versés pendant vingt à vingt-cinq ans aux opérateurs de data centers. C'est pour eux l'assurance de toucher directement les multinationales qui ont déjà mis leur informatique dans ces data centers, et ainsi de rentabiliser les câbles plus rapidement.
A Marseille, les 16 câbles sous-marins arrivent tous dans les data centers de Digital Realty, lequel les loue aux géants du cloud comme Amazon et aux opérateurs télécoms. Celui qui « accueille » 2Africa est une ancienne base sous-marine construite par les Allemands en 1943 et qui est restée inutilisée pendant soixante-quinze ans. Mais Marseille est aussi le point d'arrivée en France de Peace, le câble construit et financé par la Chine qui relie Singapour au Pakistan en passant par la côte Est de l'Afrique, l'Egypte puis Malte. « Orange a acheté de la capacité sur Peace, mais a exigé en contrepartie qu'il arrive bien à Marseille », explique un spécialiste du secteur.
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La géopolitique n'étant jamais très loin dans les câbles sous-marins, des hubs peuvent émerger ou au contraire disparaître en fonction de la marche du monde. La place de Marseille n'est donc pas acquise par principe. Au XIXe siècle, lorsque les câbles sous-marins ont commencé à être déployés par les grandes puissances industrielles de l'époque (Etats-Unis, Royaume-Uni, France), l'Amérique latine était un carrefour stratégique majeur pour les communications transcontinentales, avant de décliner au profit de l'Asie au cours du XXe siècle.
Raphaël Balenieri (à Marseille)
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