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Mis à jour le 30 juin 2022 à 16:04
Qui pourrait croire que derrière des effusions d’amour, il y ait en réalité une volonté malveillante de soumettre l’autre, voire une forme de perversion ? C’est pourtant bien là la réalité du love bombing, une technique de manipulation particulièrement toxique pour celle ou celui qui la subit. Comment la reconnaître, l’expliquer et l’éviter ? Décryptage avec Geneviève Krebs, psychopraticienne en thérapies brèves et auteure, entre autres ouvrages, du best-seller : Dépendance affective : six étapes pour se prendre en mains et agir (Ed. Eyrolles)
Qui pourrait croire que derrière des effusions d’amour, il y ait en réalité une volonté malveillante de soumettre l’autre, voire une forme de perversion ? C’est pourtant bien là la réalité du love bombing, une technique de manipulation particulièrement toxique pour celle ou celui qui la subit. Comment la reconnaître, l’expliquer et l’éviter ? Décryptage avec Geneviève Krebs, psychopraticienne en thérapies brèves et auteure, entre autres ouvrages, du best-seller : Dépendance affective : six étapes pour se prendre en mains et agir (Ed. Eyrolles)
Un déferlement de mots doux de jour comme de nuit, des cadeaux incessants, des déclarations toujours plus intenses, des surprises parfois troublantes… Aussi intenses soient-ils, ces premiers pas dans une relation amoureuse pourraient séduire bon nombre d’entre nous. Après tout, qui n’a jamais eu envie d’être adoré.e et valorisé.e par son/sa partenaire, transporté.e par un amour digne d’un roman ou d’un film ? Pourtant, quand elles génèrent un je ne sais-ne-sais quoi de gêne ou une intuition de méfiance, ces marques d’affection excessives doivent nous alerter. Et pour cause : elles pourraient être les éléments précurseurs d’une technique de manipulation affective au nom particulièrement évocateur : le love bombing (littéralement, le bombardement d’amour).
Il ne faut pas s’y méprendre : les romantiques invétérés prêts à s’éprendre au premier regard, à rivaliser d’attentions pour leur déclarer leur flamme existent bien… Il n’y a pas toujours lieu de se méfier d’un sentiment amoureux (très) intense. Heureusement d’ailleurs : cette spontanéité fait aussi la beauté de la relation naissante. Le love bombing, par contre, relève d’une mécanique bien huilée, qui doit nous alerter. Ses étapes :
1. La séduction :
Lors de cette première phase, le manipulateur inonde sa victime d’amour. L’objectif : la sublimer ou la sécuriser selon son besoin, pour créer, dès les premiers frémissements de la relation, un engagement. « Le love bomber ne va pas arrêter d’accaparer l’attention de sa victime par des preuves d’amour, pour l’empêcher de réfléchir à la situation, de prendre vraiment conscience de la démesure de son affection. Pas une journée, pas une heure ne passe sans qu’il se rappelle à elle » explique Geneviève Krebs, psychopraticienne. « Parfois, il va lui dire je t’aime au bout de quelques jours, quand bien même il connaît à peine l’autre. C’est totalement dénué de sens, mais le manipulateur a l’art de choisir les personnes qui ont tant manqué d’affection ou tellement besoin d’être reconnues qu’elles rentrent dans son jeu ».
2. L’attachement :
Une fois la phase de séduction passée et la relation installée, le manipulateur (ou la manipulatrice d’ailleurs car le love bombing n’a pas de sexe) fait tout pour créer l’attachement sentimentale. Il/elle est va être très à l’écoute, très attentionné.e, plus langoureux.se aussi… Le tout, là encore, dans un effort constant visant à se faire aimer. « Dans cette phase, le manipulateur cherche à créer une addiction, à rendre l’autre ‘accro’ » précise-t-elle. Pour la victime, la relation devient une drogue et les preuves d’amour autant de doses quotidiennes. Elle ne contrôle plus la situation, se laisse complètement porter par cet amour extraordinaire. « C’est là que le manipulateur vient chercher la confidence, identifier sa faille pour mieux la détruire ».
3. L’emprise :
Une fois l’attachement installé, le couple brûle souvent les étapes : les présentations à la famille sont faites rapidement, les partenaires s’installent ensemble alors qu’ils se connaissent peu et les effets pervers de la manipulation se mettent en place. « Généralement, le love bomber commence par isoler sa victime, l’engage à se distancier de ses proches. Puis, quand le couple ne vit pas ensemble, il va arrêter de donner des nouvelles du jour au lendemain, alors même que sa victime pensait leur histoire dans une phase idyllique. Quand le couple partage déjà un foyer ou une famille, le love bomber va plutôt chercher à rabaisser son/sa partenaire, faire preuve de méchanceté, de cynisme pour générer de la peine et de l’incompréhension », décrypte la thérapeute. Or l’addiction générée par le love bombing rend toute prise de hauteur ou de détachement impossible. La victime n’a alors pas d’autre option que de subir, voire pire. Et pour cause : « ce type de manipulation est très similaire à des pratiques sectaires. Il peut mener la victime à la violence, voire au suicide. » rappelle Geneviève Krebs.
Si le love bombing est si délétère, c’est qu’il naît des failles psychologiques de ses protagonistes.
D’un côté, le manipulateur ou la manipulatrice est généralement dénuée d’émotions, de sentiments ou de capacité d’ empathie.« Il y a une faille narcissique de base chez ces personnes. On ne peut pas s’épanouir en détruisant l’autre si l’on n’est pas coupé de ses propres émotions » continue-t-elle.
De l’autre, la victime est vulnérable : « Les personnes dans des situations de dépendance affective sont particulièrement sensibles au love bombing. Elles ont tellement peur de l’abandon, du vide, de la solitude, elles ont tellement besoin de l’autre pour vivre, qu’elles restent toujours et finissent par accepter l’inacceptable. Les manipulateurs s’en repaissent, » souligne Geneviève Krebs. Et de préciser que les personnes dont les blessures affectives (blessures de rejet, d ‘abandon, d’humiliation, d’injustice…) ne sont pas encore apaisées sont elles aussi souvent dans le viseur de ces prédateurs qui savent très bien les repérer : « Une fois que le love bomber a acquis la confiance de sa victime, il va œuvrer inlassablement à réactiver la blessure ou le traumatisme. Plus l’autre souffre, plus le love-bomber savoure son succès ».
Le love-bombing peut donc laisser une trace durable et profonde sur les personnes qu’il touche. D’où l’intérêt de savoir le repérer à temps. Et en la matière, il y a des signes qui en disent souvent long :
– un comportement anormal :« tout ce qui va trop vite, toute personne qui s’enflamme beaucoup trop intensément, trop tôt dans la relation doit alerter » prévient la thérapeute. Mais dans ce cas, comment faire la différence entre un love bomber et un.e amoureux.se très enthousiaste ? Selon Geneviève Krebs, tout est dans l’excès du comportement. Une personne qui vous envoie des fleurs le lendemain de votre rencontre peut être un.e grand.e romantique. Par contre, une personne qui vous apporte des fleurs chez vous alors que vous ne lui aviez pas donné votre adresse ou qui vous offre un cadeau d’une très grande valeur au bout de quelques jours est bien plus inquiétante.
– une intuition : « Face à un manipulateur, il est essentiel de s’écouter », martèle Geneviève Krebs.« La plupart du temps quand une relation dérape à cause d’un love bombing, la victime n’a pas écouté son intuition, par envie d’y croire, de vouloir palpiter » . Or notre petite voix intérieure est souvent extrêmement fiable : il est temps de lui donner plus de crédit !
– des décisions qui ne nous appartiennent plus : Quand le manipulateur commence à prendre des décisions à la place de son / sa partenaire sans évaluer si ses limites sont atteintes, qu’il/elle cherche à tout diriger, c’est qu’un phénomène de domination commence à se mettre en place. « Le love bomber prétexte souvent que c’est pour rendre service, pour faire une surprise extraordinaire, mais en réalité, il/elle vise à contrôler » continue-t-elle, précisant que cette bienveillance apparente cache toujours, dans ces cas, une intention de nuire.
– un cycle de violences : quand la manipulation s’installe, le love bomber multiplie les petits et grands actes de malveillance ( ghosting, humiliation…). Un nouveau schéma facilement identifiable se met alors en place :« quand il va sentir sa victime s’éloigner (à juste titre), le love bomber se confond en excuses, fait tout pour récupérer l’autre à coup de promesses et d’attentions. Le/la partenaire est alors touché.e : il/elle ne veut pas juger, tend à donner une, voire plusieurs nouvelle(s) chance(s)… Après tout, le love bomber était tellement charmant au début de la relation » décrit Geneviève Krebs. Or quand ces épisodes se renouvellent sans cesse, c’est qu’il est temps de nous préserver et de partir !
Quand nous sommes victime d’un manipulateur, nous protéger n’est jamais aisé. Le love bombing ne fait pas exception à la règle, même si certaines pistes d’auto-préservation peuvent être creusées selon le stade de la relation.
– Au début de la relation, il est essentiel de repérer tous les comportements qui interpellent. « Quand c’est trop, trop vite, qu’on sent que quelque chose cloche, la meilleure solution est toujours de couper court à la relation. Si on doute, on peut temporiser la relation dire à l’autre que cela avance trop vite, qu’on veut prendre notre temps. S’il/elle est vraiment amoureux.se, il/elle respectera cette envie d’installer la relation dans la patience et dans la douceur. Par contre, s’il/elle se met en colère, profère des menaces à demi-mots (‘on va passer à côté de quelque chose de bien, tu vas tout gâcher’), voire cherche à dévaloriser l’autre (‘tu ne trouveras jamais quelqu’un d’autre comme moi’), il faut dire stop !». Et en la matière pas de demi-mesure : « il faut arrêter de répondre aux messages et aux appels, le.la bannir de ses réseaux sociaux : il faut absolument couper le lien ! »
– Quand la relation évolue vers quelque chose de plus sérieux, il peut être bon de prendre le temps de la réévaluer régulièrement. « Etre amoureux.se.s, c’est se faire confiance, se sentir libre, vouloir que l’autre s’épanouisse seul.e ou à deux, c’est être dans une relation fluide, où chacun respecte les limites de l’autre » rappelle la thérapeute et enjoignant chacun.e à « sortir ses antennes ». Ainsi, une personne qui cherche à isoler son/sa partenaire, lui fait vivre des montagnes russes émotionnelles (en lui faisant des compliments un jour et le/la rabaissant le lendemain), veut l’engager trop rapidement dans une relation, ou lui fait du chantage affectif peut légitimement inquiéter. La seule solution viable : envisager la rupture. Quant à la thérapie (individuelle ou de couple), Geneviève Krebs n’y croit pas trop dans le cas du love bombing : « Ces personnalités ne changent jamais. Elles peuvent aller une ou deux fois en consultation pour donner le change, mais seront toujours malveillantes. La seule issue est de sortir de la relation ! ».
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