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L'ostéopathie a besoin d'un coup de main de la science – L’actualité

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L’ostéopathie existe depuis près d’un siècle et demi. Dommage qu’elle ait été si peu étudiée, dit le communicateur scientifique Jonathan Jarry.
L’auteur est communicateur scientifique pour l’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill. Il est titulaire d’un baccalauréat en biochimie et d’une maîtrise en biologie moléculaire. En plus d’écrire de nombreux articles, il coanime le balado The Body of Evidence.
Chaque année, je suis invité comme conférencier à l’Université d’Ottawa pour parler des pseudo-sciences à de futurs communicateurs scientifiques. J’utilise un certain nombre d’exemples de plus en plus confus pour montrer à ces étudiants qu’il n’y a pas de démarcation nette entre la science et la pseudo-science ; il s’agit plutôt d’un spectre, et il peut être ardu de déterminer quelle place y prend une discipline.
L’ostéopathie est l’un des exemples flous qu’il est difficile de situer sur ce spectre, à mon avis. Est-ce une fausse science ? Une science en devenir ? S’agit-il, à l’heure actuelle, d’un « projet peu prometteur », une étiquette qu’on aurait pu coller à l’astrologie avant qu’il soit clair qu’elle était pseudo-scientifique, selon le philosophe des sciences Paul Thagard ?
À l’instar de la créature extraterrestre du film L’effroyable chose, de John Carpenter, l’ostéopathie est un animal changeant qui peut paraître scandaleux dans certains contextes, mais parfaitement respectable dans d’autres. La remise en question de la valeur de l’ostéopathie nous entraîne dans le débat à savoir quelles professions de la santé soutenues par des concepts simplistes méritent d’être sauvées, compte tenu notamment de notre piètre bilan en matière de traitement d’un problème grave : la douleur chronique.
Les origines de l’ostéopathie remontent à 1873. Elle a été conçue dans le Missouri par le Dr Andrew Taylor Still, qui a ouvert le premier collège d’ostéopathie dans cet État, 17 ans plus tard, avec le Dr William Smith.
Essayer de définir l’ostéopathie, c’est comme tenter d’attraper un poisson mouillé. Les définitions sont généralement vagues, même celles qui émanent d’organismes officiels. Comme tant d’autres solutions de remplacement à la médecine, l’ostéopathie est axée sur un croque-mitaine imaginaire. Les maladies et leurs symptômes sont censés provenir d’un trouble du mouvement des muscles, des os, des tendons ou des ligaments. L’ostéopathe peut prétendument sentir ces blocages en touchant le corps de son client et les traiter en manipulant les muscles, les membres, les articulations et surtout le fascia, la membrane de tissu conjonctif qui enveloppe nos muscles et nos organes. Cette intervention manuelle est censée « aider le corps à se guérir lui-même », une expression souvent utilisée par ceux qui commercialisent des interventions de santé non éprouvées pour éviter de prétendre illégalement qu’ils peuvent traiter ou guérir des maladies.
Vous aurez remarqué que l’ostéopathie ressemble jusqu’à présent à la chiropratique. Cela s’explique. D.D. Palmer, le guérisseur magnétique spirituel à l’origine de la chiropratique, était un contemporain d’Andrew Taylor Still et il a suivi une formation en ostéopathie. La lésion ostéopathique, accusée de tous les maux, est devenue la subluxation chiropratique, qui fait écho au blocage du qi en acupuncture. Avant que la biologie nous informe de la complexité du corps humain, de nombreux gourous s’imaginaient que toutes les maladies étaient attribuables à des blocages qui pouvaient être dénoués par une seule intervention. Le corps était une tuyauterie et les guérisseurs étaient des plombiers. Cela s’est révélé très erroné.
Mais 1873, c’était il y a longtemps. Il fut un temps où la médecine elle-même faisait appel aux humeurs et aux sangsues. L’ostéopathie a évolué au fil des décennies et nombre de ses affirmations ont été mises à l’épreuve. Mais la littérature scientifique sur les interventions ostéopathiques met au jour de nombreuses branches pourries et un tronc qui a été peu étudié.
Tout comme l’acupuncture a donné naissance à l’acupuncture auriculaire, l’ostéopathie a ses propres enfants étranges. Dans les années 1980, des ostéopathes français ont inventé le concept d’ostéopathie viscérale. Les organes de notre abdomen, comme l’estomac, le foie, l’intestin grêle et le gros intestin, bougent naturellement un peu, par exemple lorsque nous respirons. Si leur mobilité était entravée, cela ne pourrait-il pas déclencher des problèmes gastro-intestinaux, voire musculo-squelettiques ? Ces ostéopathes français le croyaient. Mais un groupe de chercheurs a passé au peigne fin la littérature scientifique sur le sujet en 2018 pour voir ce qui se passait quand la précision des diagnostics et des traitements de l’ostéopathie viscérale était mise à l’épreuve, et les résultats se sont avérés catastrophiques. « Il y a absence de preuves solides et bien établies de la fiabilité et de l’efficacité des techniques de l’ostéopathie viscérale », ont conclu les auteurs.
Il y a ensuite l’ostéopathie cranio-sacrée. Ce dérivé centenaire (d’abord appelé ostéopathie crânienne) repose sur la croyance que le liquide incolore qui entoure notre cerveau et notre colonne vertébrale, le liquide céphalo-rachidien, a des pulsations ; que ces pulsations peuvent être ressenties en touchant la tête ; qu’elles sont indicatives de la santé ou de l’état maladif ; et que, incroyablement, les ostéopathes peuvent les corriger en déplaçant les plaques du crâne avec leurs doigts. Si un toucher aussi léger pouvait guérir des maladies, je ne peux qu’imaginer ce que la danse, le saut ou même la simple marche pourraient faire aux plaques de notre crâne, qui bougent à peine même quand on fait usage d’une force énorme. En fait, l’ostéopathie cranio-sacrée n’a aucun sens. Les ostéopathes ne parviennent pas à se mettre d’accord sur ce pouls, dont l’existence n’est pas prouvée, et le même groupe qui a étudié la littérature sur l’ostéopathie viscérale a conclu à propos de son homologue cranio-sacrée que ses procédures de diagnostic n’étaient pas fiables et que les preuves de son efficacité étaient « presque inexistantes ».
On pourrait penser que cette absence de preuves solides inciterait les ostéopathes à demeurer humbles, mais ils se vantent souvent sur leurs sites Internet de s’attaquer à toutes sortes de problèmes de santé. L’examen au hasard de 100 sites Web d’ostéopathes établis au Royaume-Uni, en 2016, a révélé que près des trois quarts offraient des services d’ostéopathie cranio-sacrée (particulièrement recommandée pour les bébés et les enfants), et près des deux tiers proposaient de contribuer au traitement de problèmes non musculo-squelettiques, comme l’asthme, les infections de l’oreille et la dyslexie. Un an plus tôt, on avait mis en garde les ostéopathes britanniques contre l’annonce de ces mêmes services, à la suite d’une enquête de la Good Thinking Society. Ici, au Québec, le communicateur scientifique Olivier Bernard a demandé à des consultants scientifiques d’effectuer un exercice semblable sur 50 sites Web d’ostéopathes locaux choisis au hasard. L’ostéopathie viscérale ou cranio-sacrée était proposée par près des trois quarts d’entre eux, et presque tous ces ostéopathes prétendaient traiter des problèmes non musculo-squelettiques.
Il s’agit d’une tendance inquiétante. Les interventions qui étaient autrefois considérées comme efficaces mais qui ont été déboulonnées devraient être éliminées d’une discipline. Elles sont ici portées par leur popularité, d’autant plus que de nombreux ostéopathes travaillent en cabinet privé et qu’un vaste champ de pratique signifie davantage de clients potentiels.
Lorsque nous élaguons les absurdités évidentes de l’arbre de l’ostéopathie, il nous reste une hypothèse plausible : le fait de bouger les membres et de masser certains endroits du corps peut soulager les douleurs musculo-squelettiques. Mais même là, l’ostéopathie s’embourbe.
Malgré sa longue existence, l’ostéopathie n’a été examinée sous l’angle empirique de la science qu’assez récemment et assez rarement. Une analyse de la littérature couvrant les années 1966 à 2018 n’a permis de trouver que 389 articles, dont plus du tiers étaient de simples rapports de cas, d’une valeur très limitée.
Lorsque les interventions musculo-squelettiques de l’ostéopathie ont été étudiées dans des revues systématiques et des méta-analyses, les conclusions étaient presque toujours les mêmes. Les bénéfices étaient soit inexistants, soit non concluants, soit très soigneusement présentés comme préliminaires, tandis que les études examinées dans ces revues étaient considérées comme de faible ou très faible qualité et comportaient un haut risque de biais.
Cela est souvent dû au fait que l’on ne sait pas si ces essais cliniques sont menés à l’aveugle (type d’essai où le participant ignore s’il reçoit le vrai traitement ou un simulacre). Parmi les simulacres fréquents, citons le toucher léger ou l’utilisation d’ultrasons, dont l’apparence et la sensation sont différentes de celles des manipulations ostéopathiques. Dans une mise à l’épreuve particulièrement solide de l’ostéopathie pour soigner la fibromyalgie, cependant, le traitement fictif consistait en toutes les manipulations ostéopathiques habituelles, dans le même ordre et accompagnées des mêmes commentaires par les praticiens, mais les manœuvres étaient arrêtées à mi-parcours pour empêcher la mobilisation des articulations. Résultat ? Aucune diminution de la douleur n’a été observée chez les patients atteints de fibromyalgie qui ont reçu des traitements ostéopathiques par rapport à ceux qui ont reçu des traitements fictifs, mais, fait intéressant, leurs attentes au départ pouvaient prédire le niveau de douleur après l’intervention. Après tout, la douleur est dans le cerveau de celui qui la ressent et peut être modulée par les attentes.
Même le mal de dos, que l’on pourrait croire du ressort de l’ostéopathie, ne semble pas un bon baromètre des bienfaits des manipulations ostéopathiques. L’année dernière, un examen systématique et une méta-analyse des preuves n’ont pas donné de résultats concluants : aucun effet cliniquement pertinent par rapport aux interventions fictives, mais la qualité des essais était si mauvaise que les auteurs n’ont rien pu affirmer avec certitude. Comme l’a souligné le professeur Edzard Ernst, qui a passé sa carrière à examiner la médecine dite alternative sous l’angle de la science, les bienfaits de l’ostéopathie pour soigner les lombalgies paraissent reposer sur les travaux d’un seul chercheur, attaché au « vaisseau amiral de la recherche en ostéopathie ». Ce chercheur ne cessant de dévoiler des résultats positifs que le reste du monde ne parvient pas à reproduire, nous avons des raisons d’être sceptiques.
Il serait hypocrite de ma part de rejeter en bloc l’ostéopathie alors que ses manipulations m’ont grandement aidé. Je souffrais beaucoup d’un problème musculo-squelettique qui s’aggravait. Les interventions régulières d’une ostéopathe, aussi douloureuses aient-elles été au début, ont vraiment détendu mon corps, augmenté ma mobilité, et m’ont permis de pratiquer une activité physique qui pouvait éloigner cette douleur. Son traitement n’était pas insensé ; il comprenait un massage des tissus profonds (la partie douloureuse), le recours à des orthèses et un programme d’entraînement progressif de yoga et de Pilates.
Mais quelque chose d’intéressant s’est produit un jour. Ma thérapeute avait participé à une séance de formation spéciale et voulait essayer une intervention ostéopathique différente. Il s’agissait d’un toucher léger et de pincements, et ça sentait la pseudo-science à plein nez. Elle ne s’y est jamais reprise avec moi. Un autre ostéopathe, en revanche, pourrait en faire son pain quotidien. Vous ne savez tout simplement pas ce que vous allez obtenir.
C’est d’autant plus frustrant que nous n’arrivons pas à bien traiter les affections musculo-squelettiques douloureuses. Une partie du problème réside dans le fait que de nombreuses disciplines de la santé qui cherchent à soigner ces affections se rebiffent quand on veut les faire entrer dans l’ère des données probantes. Il fut un temps où un homme pouvait tout simplement créer une méthode de diagnostic et de traitement et commencer à l’enseigner. Les praticiens se laissaient influencer par la renommée de leurs pairs, ce qui conduisait à privilégier l’éminence au détriment des preuves. La médecine, même si elle n’est pas encore en mesure d’étayer chacune de ses interventions par des preuves solides, a adhéré à l’idée de fonder sa pratique sur des données rigoureuses et non sur des anecdotes, mais d’autres disciplines n’ont fait que tremper un orteil hésitant dans ces eaux.
La massothérapie repose sur tellement d’idées fausses que tout bénéfice objectif qu’elle affirme offrir devrait être remis en question. Même la physiothérapie (également connue sous le nom de kinésithérapie) s’est fait reprocher de ne pas être en mesure de soulager les problèmes sur lesquels elle prétend se concentrer (voir, par exemple, ici, ici et ici). Rejeter ces disciplines — y compris le cœur de l’ostéopathie, consacré au système musculo-squelettique — parce qu’elles ne semblent pas fonctionner, c’est passer à côté de l’essentiel. Ce n’est pas qu’elles ne fonctionnent pas ; c’est que souvent nous ne savons pas si elles fonctionnent et qu’il y a, surtout en ostéopathie, un manque d’uniformité dans la pratique.
L’ostéopathie peut-elle être sauvée et réformée d’une manière ou d’une autre ? Les États-Unis sont un exemple à étudier à cet égard. Les médecins ostéopathes américains sont dans une classe à part comparativement aux ostéopathes qui exercent dans la plupart des autres pays du monde. Ils reçoivent une formation semblable à celle des docteurs en médecine, laquelle est complétée par quelques centaines d’heures de thérapie manuelle ostéopathique. Il est intéressant de noter que plus de la moitié des médecins ostéopathes américains déclarent ne pas pratiquer ces interventions manuelles sur leurs patients. Ils prescrivent des pilules, recourent à l’imagerie médicale et font les mêmes choses que les médecins. Mais la pratique de l’ostéopathie proprement dite ? Elle se fait rare, et on en voit de moins en moins au fil des ans. Pas tant parce qu’ils croient que ces manipulations ne fonctionnent pas ; les trois quarts disent plutôt que c’est parce qu’ils manquent de temps, souvent en raison de la « charge administrative ». En gros, l’augmentation de la paperasse les empêche de s’engager dans une intervention dont l’efficacité n’est pas prouvée. On pourrait y voir l’avantage d’un inconvénient.
Le printemps dernier, l’Office des professions du Québec a donné le feu vert à la constitution d’un ordre professionnel des ostéopathes. Les ordres professionnels permettent de réglementer la pratique, mais ils confèrent aussi une légitimité à des disciplines qui ne la méritent pas forcément. Et lorsqu’ils sont dirigés par des confrères qui croient en la pseudo-science qui sous-tend leur profession, le public est en droit de se demander si la réglementation n’est pas trop faible et la légitimation trop grande.
L’Office des professions du Québec semble laisser entendre dans son rapport qu’une bonne raison d’accorder aux ostéopathes un ordre professionnel est la popularité de l’ostéopathie : deux millions de séances de thérapie par an ; 3 000 ostéopathes dans la province ; le remboursement des services par les assureurs ; et la reconnaissance de l’ostéopathie en tant que service essentiel pendant la pandémie. Mais la popularité n’est pas un gage d’efficacité.
Au sujet de l’ostéopathie cranio-sacrée et viscérale, le rapport affirme qu’il faut plus de données pour se prononcer. Il en va de même pour la reconnaissance officielle du besoin pour les ostéopathes d’insérer un instrument ou un doigt dans un orifice corporel à des fins de traitement.
Compte tenu de l’ensemble des données sur l’ostéopathie, je pense que ces questions devraient déjà être réglées. Pour le reste, et comme le concluent tant de méta-analyses de cette pratique, de bien meilleures études sont nécessaires pour voir ce qui peut être sauvé.
La version originale (en anglais) de cet article a été publiée sur le site de l’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill.
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