L’Ukraine appelle la France à conserver le leadership européen en matière de livraisons d’armes. « Nous espérons que la France sera la première à donner à l’Ukraine des avions modernes. Nous devons fermer le ciel au-dessus de l’Ukraine », a lancé mercredi Rouslan Stefantchouk, le président de la Rada, le Parlement ukrainien, qui était invité à s’exprimer depuis la tribune du Sénat à Paris. Ces déclarations interviennent alors que plusieurs pays occidentaux, dont l’Allemagne et les Etats-Unis, ont annoncé des livraisons de chars lourds à Kiev, tandis que Paris s’interroge depuis plusieurs semaines sur la pertinence de fournir des blindés Leclerc à l’Ukraine. « Si vous regardez les choses, c’est la décision française d’envoyer des chars AMX-10RC (véhicule blindé à roues) qui a poussé d’autres pays, qui tergiversaient, à intervenir », nuance le sénateur Christian Cambon (LR), président de la commission des affaires étrangères, invité ce jeudi 2 février de « Bonjour chez vous », la matinale de Public Sénat.
« Une guerre, ça n’est pas un magasin de jouets ou l’addition d’une série de matériels », avertit ce spécialiste des relations internationales. « Je pense que les Ukrainiens lancent un message pour avoir des F-16, qui sont en très grand nombre en Europe. Car le fait d’avoir de petits contingents d’avions très différents ne réglerait pas le problème et en poserait beaucoup plus. Un pilote sur Rafale ou sur Mirage ne se forme pas en huit jours », rappelle Christian Cambon. « C’est très compliqué, il faut des équipes logistiques pour l’entretien. Le raisonnement est le même pour les chars ». Et d’ajouter : « Je ne suis absolument pas persuadé que c’est ce qui aiderait l’Ukraine dans l’immédiat. »
Pour autant, Christian Cambon estime que la France doit « continuer à montrer son soutien ». « Un soutien à la mesure et à la hauteur de nos capacités. Nous allons leur envoyer huit canons Caesar supplémentaires. Ce sera 30 canons Caesar au total, c’est beaucoup. »
Le sénateur appelle également l’exécutif à porter la question de la livraison d’armes à l’Ukraine devant les deux chambres du Parlement, estimant que le soutien de l’opinion à la ligne définie par Paris, celle d’un soutien militaire appuyé à Kiev, menace de s’éroder. « Même si je respecte les décisions d’Emmanuel Macron – constitutionnellement, il est le chef des armées -, je pense qu’il serait temps que le Parlement puisse en débattre. J’ai vu que des collègues députés demandaient un débat dans ce domaine », relève notre invité.
Pour Christian Cambon, ce débat doit pouvoir se tenir « dans les prochains jours, ça n’est pas la peine de le renvoyer dans 6 mois. » « Nous sommes à un moment où, dans l’opinion, il peut y avoir un peu de flottement », explique l’élu du Val-de-Marne. « Les gens voient cette crise qui ne se termine pas, aucune négociation ne se noue actuellement. Or, le Parlement reste une interface entre l’opinion et le gouvernement ».
« Imaginez que l’Ukraine perde cette guerre ? Où est-ce que cela s’arrêtera ? », interroge encore Christian Cambon. « On a déjà eu beaucoup d’exemples par le passé d’avancées de la Russie. Je garde des inquiétudes pour les Pays baltes, la Pologne, la Roumanie et la Moldavie, un pays qui n’a pas d’armée », conclut-il.