Prendre des risques fait partie du quotidien des entrepreneurs et des indépendants. En amont, lorsqu’ils choisissent de se mettre à leur compte, puis tous les jours dans le pilotage de leur affaire, tous doivent apprendre à faire avec les imprévus. Si, globalement, ils semblent plutôt bien avertis sur la question, tout n’est pas toujours bien maîtrisé, ainsi que le révèle le troisième baromètre de la prise de risque des entrepreneurs et indépendants* réalisé par OpinionWay pour Agipi.
La majorité a tout à fait conscience des risques qui entourent leur activité. Des risques financiers, surtout. En effet, 77 % des dirigeants se sont préparés à l’idée de ne pas avoir de rémunération fixe tous les mois (+ 9 % par rapport à 2017) et 64 % à toucher moins qu’un salarié. 60 % des entrepreneurs et indépendants interrogés ont anticipé d’éventuels problèmes de trésorerie et de finances personnelles, ce qui représente 10 % de progression par rapport au baromètre 2017. Tant mieux, car dans les petites structures de moins de 10 salariés, le risque pèse encore plus sur les épaules du chef d’entreprise. « Plus l’entreprise est grande, plus le risque se trouve dilué pour l’entrepreneur », rappelle Arnaud Lacan, professeur de management à Kedge Business School et titulaire de la chaire « travail indépendant et nouvelles formes de travail isolées ».
En revanche, seuls 28 % des dirigeants (34 % pour les start-up) ont pris le temps de mesurer les risques autres que financiers. Ce sont, par exemple, l’ équilibre entre vie privée et vie professionnelle (envisagé par seulement 24 % des patrons), la santé (17 %), la surcharge de travail (15 %), les assurances et la prévoyance (5 %) ou encore la sécurité (2 %). Des questions essentielles pour l’avenir de toute entreprise et qui, pourtant, sont bien souvent reléguées au second plan. « Ce désintérêt s’explique en partie par un manque d’informations sur ces questions mais aussi sur une hiérarchisation des priorités qui laisse plus de place aux problématiques présentes que futures », commente Arnaud Lacan.
Malgré les risques qu’elle comporte, la décision d’entreprendre est voulue et non subie dans 90 % des cas. Et pas forcément pour les raisons qu’on pourrait croire. En effet, 65 % des entrepreneurs et indépendants se sont lancés pour se mettre à leur compte et gagner en liberté. La passion (6 %), l’envie de gagner plus d’argent (2 %) ou le besoin de créer son propre emploi (2 %) n’arrivent que bien plus loin. « Il s’agit d’une véritable rupture avec l’entrepreneuriat d’il y a dix ou quinze ans. Désormais, les entrepreneurs – et c’est très vrai chez les start-up – ont un nouveau rapport au risque , analyse Arnaud Lacan. Ils sont capables de davantage d’agilité. La conséquence directe, c’est qu’on voit émerger de nouvelles motivations à créer son entreprise, qui tournent autour de la volonté d’être libre de choisir ses propres conditions de travail. »
Ce baromètre est aussi révélateur d’une tendance nouvelle : le recul d’une certaine forme d’aversion au risque. « Chez les jeunes générations et les start-up en particulier, les risques sont moins facteurs d’empêchement que par le passé, commente Arnaud Lacan. Ce phénomène est non seulement générationnel – les jeunes générations n’ont pas le même rapport au travail institué – mais aussi sociétal avec une pluralité des activités et, surtout, une conscience claire que la vie professionnelle sera une succession d’expériences différentes. »
*L’étude a été réalisée par téléphone entre le 7 et le 29 novembre 2018 auprès d’un échantillon de 800 indépendants, chefs d’entreprise et artisans-commerçants à la tête de structures de 0 à 9 salariés.
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