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Les Bobines du Cinéma : Tinne Bral, distributrice passionnée – RTBF

Les Grenades
© Dominique Houcmant
Elles tournent, jouent, montent. Elles font, regardent, racontent. Elles sont dans la fiction, le documentaire, l’animation. On les croise en festivals, en plateau ou dans leur bureau. Toutes les 3 semaines, dans la série Les Bobines du Cinéma, Les Grenades tirent le portrait d’une professionnelle de l’audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Un entretien en profondeur, pour découvrir une personnalité, une passion, un métier – mais aussi pour aborder le cinéma sous l’angle du genre, et réfléchir collectivement à plus d’inclusivité.
Après une première saison dédiée aux jeunes visages émergents, la saison 2 laisse la place à des personnalités plus “installées”, souvent à des postes à responsabilités. Pour ce quatrième épisode, on a rencontré Tinne Bral, distributrice de films chez Imagine Film Distribution.
En collaboration avec Elles Font Des Films.
FICHE TECHNIQUE
Nom : Bral
Prénom : Tinne (elle)
Profession : Distributrice
Formation : Histoire de l’Art
Filmographie : Une Vie Démente d’Ann Sirot & Raphael Balboni, Mon Légionnaire de Rachel Lang, 4 mois 3 semaines 2 jours de Crisitan Mungiu, The Lobster de Yorgos Lanthimos…
Femmes inspirantes : Claire Denis, Chantal Akerman, Jane Birkin
Pour ce nouvel épisode des Bobines du cinéma, on retrouve Tinne Bral dans un café ixellois. Tinne est associée depuis 2007 chez Imagine, une compagnie de distribution de films.
Ses premiers films à elle, elle les a vus à Tielt, le village en Flandre où elle a grandi. Grâce à des décentralisations de la Cinémathèque, elle a découvert François Truffaut ou Charlie Chaplin projetés dans un local pour l’occasion. “Et pour un vrai cinéma, on prenait la bicyclette et on allait à Pittem, à quelques kilomètres de là. J’ai découvert plus tard que c’était le cinéma qui avait, à l’époque le plus grand écran de Belgique ! (Le cinéma Alfa, qui a fermé au début des années 80, NDLR). Je me souviens, à 12 ans, on y était en séance scolaire, et je trouvais le film mièvre au possible. Alors j’ai décidé que je ne pouvais pas voir ça. Je me suis levée, et je suis sortie de la salle. Tout le monde était scandalisé ! J’ai failli être renvoyée (rire).”
Déjà un signe de son caractère bien trempé. Mais souvenir le plus fort, c’est The Man Who Fell To Earth, avec David Bowie. “C’était au Studio Skoop à Gand. J’ai menti à la caisse, car je n’avais pas encore 16 ans. Je suis rentrée le soir, et j’étais complètement subjuguée. J’étais déjà fan de Bowie, mais après ce moment, ça a été pour la vie.” Grâce à ce film, Tinne découvre aussi la différence entre cinéma commercial, et les films d’auteur.
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Passionnée d’images, la jeune femme écume les cinémas et les musées. Parfois seule, parfois avec son papa. “Je suis très visuelle”, explique-t-elle, ouvrant grand ses yeux clairs. Elle optera, en toute logique, pour des études d’Histoire de l’Art – mais avec des cours à options en ciné. Elle parle de ses années d’étudiante avec des étoiles dans les yeux, entre souvenirs joyeux de guindaille et découvertes artistiques stimulantes. Caissière au Studio, la salle art et essai de Leuven, elle voit “environ 365 films par an”. Elle s’essaye aussi à la critique d’art, sans succès. “Le cinéma m’emballait, mais je ne savais pas encore ce que je voulais y faire.”
Au début des années 90, ses recherches d’emploi la font atterrir chez K com, une agence de pub qui venait de reprendre les rênes du Festival du film de Bruxelles (aujourd’hui devenu le BRIFF). Dans les bureaux de K com, elle œuvre en tandem avec un certain Christian Thomas : “J’étais le pendant néerlandophone, lui le pendant francophone.” Quelques années plus tard, ce dernier allait fonder Imagine Film Distribution…
Ensuite, Tinne quittera les terres belges pour vivre brièvement à Madrid avec son compagnon, puis aux Pays-Bas où elle travaille pour l’institut Binger, un incubateur de talents pour le cinéma. Elle y apprend à lire des scénarios, développer un projet de long-métrage, et voyage dans des festivals internationaux. “Quand le Binger a fermé faute de subsides, je suis rentrée, car la Belgique me manquait”. Mais le retour fin 2005 est brutal : sans emploi, elle traverse des soucis de santé, et une rupture qui l’amène à quitter son logement. “J’ai commencé l’année 2006 avec rien. Je me suis dit : ça ne peut qu’aller mieux.”
Haut les cœurs. Les années qui suivront lui apporteront le meilleur mais aussi le pire en termes d’expériences professionnelles. Son passage à la Fondation de la Vocation (aujourd’hui vocatio.be), lieu de rencontres fascinantes avec des personnalités hautes en couleur, fut une expérience riche : “Pour quelqu’un qui devait se reconstruire comme moi, c’était génial”. Tout le contraire du poste de directrice de communication au Flagey qu’elle décroche ensuite, ignorant qu’à l’époque le lieu est au cœur d’un conflit linguistique et culturel :”C’était le panier de crabes de la politique belge, tout le monde démissionnait ou avait peur pour sa place…”
Je suis très sensible à la question des représentations des minorités, dans les arts plastiques en général et dans le cinéma en particulier
Et puis un jour, Christian Thomas entre dans son bureau. Tinne et lui n’avaient jamais perdu contact : depuis qu’il avait lancé Imagine Film en 2002, elle faisait parfois des traductions pour lui. “Il me donnait des DVD en échange, j’étais contente. J’aimais bien son catalogue.”
C’est justement après une avant-première de We Feed The World, un film Imagine présenté au Flagey, que Tinne fait une confession à Christian qui va tout changer. “La salle était bondée, c’était une super soirée, il m’a dit ‘Tinne t’as un boulot en or’. Il ne savait pas l’envers du décor… J’ai rétorqué que oui, mais que si un boulot 100% dans le cinéma se représentait, j’y réfléchirais sérieusement. A ce moment-là, Christian était en recherche de remplaçante pour sa collaboratrice. Il hésitait entre former une nouvelle recrue, ou trouver une associée expérimentée… Il n’en a pas dormi pendant une semaine, et c’est sa femme qui a fini par lui dire ‘Appelle Tinne ! Si tu ne lui demandes pas, tu ne sauras jamais.’ Alors il m’a appelée. On est allés manger un vendredi, et le lundi je lui ai dit c’est bon, je fais le saut dans le vide.”
Au lendemain de son dernier jour au Flagey, Tinne commence chez Imagine sur des chapeaux de roues : départ à six heures du matin pour Cannes. “Le premier jour du festival, on voit 4 mois 3 semaines 2 jours, (film roumain sur l’avortement de Cristian Mungiu, NDLR) dans une salle à moitié vide. Je le trouve excellent, je dis à Christian : C’est un bon film pour le festival – Tinne, pas festival ! Il faut penser distribution maintenant ! (rire)’
Le soir même, ils achètent le film…. Et deux semaines plus tard, celui-ci décroche la Palme d’Or. Christian m’a regardée : “Dis donc, t’es la bonne étoile toi (rire) !”
Depuis, Tinne et Christian ont ensemble déniché et sorti en Belgique des films The Wrestler d’Arronofsky, Canine de Yorgos Lanthimos, La Tête la première d’Amélie Van Elmbt… “Je travaille en même temps sur plusieurs films, et chaque film est différent, donc chaque journée aussi”, raconte-t-elle avec enthousiasme.
Ce qu’elle préfère dans son job ? “Les acquisitions : on achète beaucoup de films ‘sur scénario’, et parfois on voit le résultat bien plus tard. Et souvent c’est splendide. Mais parfois on se trompe aussi, et le résultat tombe à plat…” La distribution, ce n’est pas (uniquement) acheter les droits d’un film qui existe déjà – c’est parfois être impliqué·e bien plus en amont dans le processus de création. “Encore plus si c’est un film belge”, renchérit Tinne. “On voit un premier montage du film, on peut donner notre avis… “
Et ce qu’elle aime le moins ? “La programmation”. A savoir, négocier avec les exploitants de salles pour programmer les films qu’elle leur propose. “Avant, quand les films étaient en 35mm, ça prenait 2 semaines pour tirer la copie, la sous-titrer, et l’envoyer au cinéma. Donc il y avait une plus grande fidélité pour continuer un film, le bouche-à-oreille pouvait fonctionner. Aujourd’hui avec la dématérialisation, en 24 heures on peut avoir une copie. Le cycle de vie des œuvres est plus court : si ça ne marche pas, on diminue direct, et puis on vire.”
La pandémie a accentué la compétitivité
Qu’est-ce qu’elle changerait dans son travail si elle le pouvait ? “Ce que j’appelle le phénomène du ‘blockbustering’ : même dans l’art et essai, certains films sont plus porteurs que d’autres, et vont prendre beaucoup de séances, au détriment des autres. On vient de sortir Pacifiction, et il a beau avoir 4 étoiles partout dans la presse, il ne trouve pas facilement sa place en salles. Alors oui, il dure 2h45, c’est plus difficile à programmer, mais avant ça passait. La pandémie a beaucoup changé les choses, et accentué la compétitivité entre distributeurs.”
Après Corsage fin 2022 (distribué notamment au Vendôme, Peggy Fol en parlait dans l’épisode 2 de notre série), et Pacifiction début 2023, Tinne prépare la prochaine sortie Imagine : Retour à Séoul de Davy Chou, récit vibrant d’une jeune femme adoptée en quête de sa mère biologique. Sortie le 8 février.
“Je suis très sensible à la question des représentations des minorités, dans les arts plastiques en général et dans le cinéma en particulier. Cela guide aussi mes choix et envies en tant que distributrice”, explique-t-elle, citant pêle-mêle La nuit des Rois, Lingui, Bird People ou encore Woman at War.
Il y a 6 ans, à une exposition au Musée du Quai Branly sur la ségrégation, elle rencontre celui qui est aujourd’hui son compagnon. “On a commencé à discuter, et voilà, on continue encore aujourd’hui. Il est Afro-Américain, et avec lui mon monde s’est ouvert encore davantage. Je me suis plongée dans l’histoire des États-Unis, mais aussi celle de l’Europe, car en Belgique, on n’est pas des saints non plus…”
Je ne pense pas que ma mère était féministe, mais à sa manière, elle m’a montré l’indépendance
Elle raconte que le féminisme a aussi toujours fait partie de sa vie. “Petite, une de mes sœurs était Dolle Mina (mouvement féministe néerlandais NDLR), elle brûlait son soutien-gorge, ma mère était scandalisée, mais moi j’étais curieuse, je me suis renseignée…”
Quand elle lit un scénario, hormis ses lunettes carrées, elle porte aussi celles de la question genrée : “Les hommes perçoivent moins ça en général, et des fois je dis mais les gars, vous n’avez pas vu que c’est complètement ‘male gaze’là ? !” Les valeurs féministes ont aussi déterminé certains de ses choix de vie – comme celui de ne jamais se marier. “Dès 16 ans, j’ai toujours dit que je ne voulais pas dépendre de quelqu’un pour gagner ma vie. C’est parce que j’ai toujours vu ma mère travailler – je croyais que c’était comme ça partout. Je ne pense pas que ma mère était féministe, mais à sa manière, elle m’a montré l’indépendance.”
Indépendante et fière de l’être, Tinne est une exception dans le milieu de la distribution : “Il y a aussi Annie Schmidt, la patronne de Sony Belgique, mais sinon oui, c’est vrai que ça reste un métier à domination masculine. En tout cas, chez Imagine on a toujours fait attention à la parité dans l’embauche, et dans notre catalogue.
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De Claire Denis à Pascale Ferran en passant par Jessica Chastain pour le film Eleanor Rigby, son métier l’amène à rencontrer régulièrement des femmes fortes et inspirantes. Et certaines deviennent parfois même des amies, comme Jane Birkin : “Je connaissais ses chansons, mais quand je l’ai vue défendre bec et ongles le film La Pirate de Jacques Doillon à Cannes en 1984, une romance entre femmes qui s’était fait huer, elle m’a impressionnée. J’ai commencé à la suivre dans tous les domaines, et en 1994 j’ai eu le grand bonheur de l’accueillir au Festival de Bruxelles. Une amitié s’est liée là, et quand elle est venue deux mois plus tard à Bruxelles pour jouer une pièce, elle m’a appelée pour m’inviter. On continue à se voir depuis. C’est vraiment une très belle personne.”
Avant de se quitter, je lui demande le dernier film qu’elle a aimé, et elle cite The Banshees of Inisherin de Martin McDonagh, actuellement au cinéma. “L’idée de base est assez simple, mais ça va au bout de son sujet. C’est vrai que c’est plutôt un film de mecs, les personnages féminins ne sont pas très présents, mais ils sont importants, une lecture féministe du film est aussi possible.”
Mais l’art reste le grand amour de Tinne, et on se quitte sur la dernière expo qui l’a fait vibrer. “J’ai passé le nouvel à Hawaii avec mon amoureux, et le retour à Bruxelles m’avait déprimée. Alors je suis allée au Musée d’Art et Histoire voir les estampes japonaises. Oh ! Ça m’a vraiment consolée, et ça m’a nourrie”, conclut-elle avec une passion dans la voix qui ouvre l’appétit.
Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be.
Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.
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