Etudiant en première année de droit, Amine Kessaci a décroché la première place de la deuxième édition du Top 35 des « jeunes leaders positifs » pour son association, Conscience, créée en 2020 dans le but d'améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers défavorisés en France.
Par Fleur Bouron
« Quand je vois le sourire des gens, leurs messages d'espoir, les 'enfin quelqu'un qui nous représente', ça me donne la force et l'énergie de continuer à me battre, de jongler entre l'association et mes cours», raconte Amine Kessaci. L'étudiant en première année de droit décroche la première place de cette deuxième édition du Top 35 des « jeunes leaders positifs », pour l'action menée, sans relâche, par l'association Conscience, qu'il a créée en 2020 pour améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers défavorisés en France.
En seulement deux ans et demi, ce jeune Marseillais de 19 ans a développé sa structure partout en France avec 22 antennes. Le champ d'intervention est large car Amine veut agir sur tous les problèmes rencontrés dans les quartiers : inégalités, précarité, insalubrité, racisme… et surtout criminalité.
Et si Amine s'investit corps et âme dans ce projet associatif, c'est qu'il a connu de près les drames engendrés par le trafic de drogue qui prospère dans les quartiers périphériques de Marseille. Son frère, Brahim, a été retrouvé calciné dans une voiture à 22 ans, victime des réseaux de trafiquants. Derrière ces « règlements de compte » – expression déshumanisante qu'il réfute -, ce sont des drames pour les familles qui se retrouvent seules et démunies, explique l'étudiant.
La mort de son grand frère lui a mis « une claque ». Mais Amine a choisi de se battre. « J'ai désormais la légitimité de m'exprimer, un devoir vis-à-vis de mon frère, mais aussi de tous les autres. » A l'entrée de son bureau, à la cité de Frais-Vallon, où il a grandi, on peut lire cette citation de Walt Disney : « La meilleure manière de se lancer, c'est d'arrêter de parler et commencer à agir. »
Comment ? En apportant une aide financière et psychologique aux proches des victimes des réseaux de drogue. L'association les aide également à se reloger. Au fil de l'eau, et au vu des besoins immenses, elle élargit rapidement son action sociale auprès de tous les habitants des quartiers : colis alimentaire, aide administrative, accès à du matériel informatique, sorties culturelles, accompagnement à la recherche d'emploi et à la formation…
A 16 ans, il mène son premier combat : il se bat pour que l'un de ses amis ne soit pas expulsé, écrit au préfet. Puis il fait le choix « politique » de s'orienter vers un BAC professionnel gestion et administration : « J'en avais marre qu'on dénigre cette filière, qu'on dise qu'elle n'ouvre pas de portes », raconte l'étudiant, qui veut être un exemple du « tout est possible ».
En septembre 2021, l'étudiant rencontre Emmanuel Macron, en visite dans la Cité phocéenne pour son plan « Marseille en grand » . Il interpelle le président pour qu'il construise ce projet avec les élus locaux, les associations, les habitants. Depuis, des choses ont été faites, assure-t-il, notamment la rénovation de plusieurs écoles de la ville. Mais c'est « un plan d'urgence d'envergure » qu'il faudrait. « Le 24 décembre, nous n'étions pas en famille, mais avec les proches de deux jeunes assassinés. En 2022, il y a eu 33 homicides en 2022 à Marseille, ce qui veut dire 33 familles brisées. » Amine voit grand pour son association, grâce à laquelle il veut peser dans le débat public.
Pour Elsa Da Costa, directrice générale d'Ashoka France, il ne fait aucun doute qu'Amine va continuer de se révéler dans les prochaines années. « Je l'ai découvert dans un reportage sur la visite du président à Marseille. J'ai été bluffée par la manière dont il s'exprimait du haut de ses 17 ans ! » Elle l'embarque alors dans le projet « Ta voix compte » , lancé par l'ONG pour élaborer des propositions à soumettre aux candidats lors de la campagne présidentielle de 2022. Elle se dit impressionnée par « son niveau de maturité, de conscience, son acuité et sa capacité à être avec les autres dans une grande humilité ». Et de conclure, comme une évidence : « Tout cela nous oblige à l'écouter. »
Et Amine a beaucoup de choses à dire. Il s'est forgé des convictions politiques au fil de toutes ses expériences, en particulier celle d'être scolarisé dans un quartier du centre-ville. Un choix de sa mère qui lui a fait découvrir autre chose que Frais-Vallon : « Cette expérience m'a donné une bonne vision de ce que doit être la mixité sociale », expose-t-il. Décloisonner la société et faire tomber les clichés, voilà le leitmotiv qui traverse son engagement associatif, qu'il associe volontiers à une forme d'engagement politique.
Prochaines échéances ? S'engager aux élections législatives de 2027 – comme candidat ou soutien – pour faire sortir la députée du Rassemblement national actuellement élue dans sa circonscription. En attendant, il prépare la sortie de son livre (prévue en septembre 2023) où il raconte son combat, ce qu'il se passe dans les quartiers et les solutions à y apporter. Objectif : « Faire prendre conscience aux jeunes que rien n'est impossible, qu'ils ont le droit de s'exprimer, la capacité de se battre. »
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L'ensemble du classement des 35 leaders positifs de moins de 35 ans
Fleur Bouron
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