L’Internet mobile est devenu un besoin fondamental dans nos vies quotidiennes. Il est utilisé pour communiquer, travailler, se divertir et même pour accéder à des services de santé et financiers. Cependant, le coût de l’Internet mobile varie considérablement dans le monde. En Algérie, bien que les tarifs soient « abordables », cette connexion mobile est aussi sujette à de nombreuses critiques.
Selon une étude récente du site Cable.co.uk1, qui a analysé 5292 forfaits mobiles dans 233 pays et territoires, c’est en Israël que les données mobiles sont les moins chères, avec un coût moyen de 4 centimes d’euro pour 1 Go (6 dinars algériens). L’Italie arrive en deuxième position, avec un coût moyen de 12 centimes d’euro pour 1 Go (17 dinars), grâce à ses excellentes infrastructures de téléphonie mobile et la disponibilité de la 5G.
À l’autre extrémité du classement, les forfaits de données les plus chers se trouvent dans des nations insulaires isolées de l’Atlantique Sud, comme Sainte-Hélène où un giga-octet coûte en moyenne 40 euros, soit près de 6000 dinars algériens – une petite fortune pour l’équivalent de 4 heures de visionnage en qualité minimale sur Netflix2.
En ce qui concerne l’Algérie, nous n’allons pas considérer les résultats de l’étude de Cable.co.uk, qui expose un prix moyen de 0,48 $/Go avec une fourchette allant de 0,14 $/Go à 1,70 $/Go avec des données recueillies en avril 2022. Au lieu de cela, nous allons calculer le coût du Go en nous basant sur les prix affichés par les opérateurs algériens sur leurs sites web. Nous considérerons exclusivement les forfaits sur 1 mois sans engagement. Ainsi, selon notre calcul, le coût moyen d’un Go en Algérie est d’environ 0,36 €, ce qui est très loin en dessous de la moyenne mondiale de 3,11 euros par Go.
Il est important de souligner que les plans de courte durée, qui sont généralement mis en avant par les opérateurs sur leurs sites web ont des prix exorbitants. L’on citera alors le forfait 3 Go à 300 DZD pour 3 jours ; soit 100 DZD/Go, ou 0,6 €/Go, et le plan 1 Go pour 100 DZD de Djezzy qui est au même tarif et qui n’est valide que 24 h. Cette mise en avant des forfaits les plus chers et à courte durée est récurrente et est partagée par tous les opérateurs, hormis Algérie Télécom.
Ooredoo Algérie, société créée en 2002 sous le nom de Nedjma, avant d’être rachetée par le groupe qatari Ooredoo en 2007 et de changer de nom, est actuellement le deuxième opérateur de téléphonie mobile en Algérie. Sur la page d’accueil de son site web, Ooredoo met en avant un plan 40 Go pour 1500 DZD, soit au prix de 37,5 DZD/Go (0,25 €/Go). Dans la partie dédiée aux forfaits Internet, nous découvrons des offres :
En creusant un peu plus sur le site de l’opérateur qatari, il est possible de trouver une offre postpayée avec engagement sur une année appelée « Switch ». Ses tarifs sont comme suit :
Ces offres « Switch » sont non seulement très concurrentielles, mais comprennent aussi des appels gratuits illimités sur le réseau Ooredoo, un forfait téléphonique égal au tarif (pour les appels locaux), ainsi qu’un certain volume d’appels internationaux gratuits (vers la France, le Canada, le Royaume-Uni, l’Espagne et quelques autres pays), ainsi qu’une SIM supplémentaire « data » qui partage le volume de données de la puce principale. Cette offre « Switch » ne sera pas prise en compte étant donné qu’elle est soumise à un engagement sur une période minimale de 12 mois. Ainsi, le prix moyen du Go chez Ooredoo est de 62 DZD, soit 0,42 €/Go.
Principal opérateur de téléphonie mobile en Algérie, avec plus de 18 millions d’abonnés, Djezzy est également le plus grand opérateur de téléphonie mobile en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest. Djezzy a été créée en 2001 et était détenue par le groupe Orascom Telecom et le groupe Veon, avant d’être nationalisée par l’État algérien3. En effet, depuis 2010, le gouvernement algérien a cherché à prendre une participation majoritaire dans l’entreprise, mais sans succès jusqu’en 2014, lorsqu’il a finalement acheté 51 % du capital d’Orascom Telecom Algérie pour 2,643 milliards de dollars. En juillet 2021, le groupe Veon a annoncé sa décision de vendre l’intégralité de ses actions détenues au sein de Djezzy à l’État algérien. Cette vente a eu lieu en juillet 2022.
Sur son site web, la marque au slogan iconique « Īsh la vie (vie la vie !) » met en avant un plan 60 Go pour 2000 DZD. Sur sa page des forfaits Internet, Djezzy affiche avant tout ses plans sur 24 h – les plus chers –, mais aussi un argument marketing : la 2e souscription est à moitié prix, à supposer que le client s’y prenne à temps. Nous considérons ici uniquement la première souscription avec des durées de 1 mois. Les tarifs sont comme suit :
Ainsi, le prix moyen du giga-octet chez Djezzy est de 58 DZD, soit l’équivalent de 0,38 €, selon les taux de la Banque d’Algérie.
Mobilis été créée en 2003 et appartient à l’entreprise nationale Algérie Télécom. Sur son site web, Mobilis met en avant un forfait 90 Go de data et 400 dinars d’appels pour la somme de 2000 DZD (13 € au taux officiel) – un tarif concurrentiel de 22 dinars/Go qui va jusqu’à défier la logique des prix exercés sur les plans réservés aux données mobiles. Sur ce plan, Mobilis propose un « pass Internet » à 1000 DZD pour 10 Go (soit 100 DZD/Go) ou à 2000 DZD pour 25 Go (soit 80 DZD/Go), ainsi qu’un « pass Navigui » :
Ce n’est donc que sur une durée supérieure à 3 mois que les tarifs exercés par Mobilis s’approchent de la moyenne de la concurrence. Et même le plan sur 6 mois est plus cher que les plans 1 mois des autres opérateurs, d’autant qu’il faudra débourser 15’000 dinars pour obtenir le tarif moyen de la concurrence. Ainsi, Mobilis, avec une moyenne de 80 DZD/Go (0,54 €/Go), se place en bas de ce « classement » des tarifs de la connexion mobile en Algérie.
Bien que l’offre Idoom LTE d’Algérie Telecom ne soit pas à proprement dit une offre « mobile », la technologie utilisée reste la même (4G) et la SIM fournie peut être utilisée sur un téléphone compatible. Avec son réseau LTE, Algérie Télécom crée un très fort contraste avec les autres opérateurs mobiles et peut se targuer d’une moyenne 11 dinars pour 1 Go. Ainsi, les plans « Idoom LTE » sont :
Graphique montrant le prix, en euro, de 100 Go de données mobiles en Algérie. Données : 24 janvier 2023. Source : ObservAlgérie.
Les offres présentées par les 3 opérateurs de téléphonie Ooredoo, Djezzy et Mobilis se situent dans une fourchette allant de 100 dinars/Go à 33 dinars/Go (de 0,68 €/Go à 0,22 €/Go) avec une moyenne de 69 DZD/Go (0,47 €/Go) et un écart type de 21 dinars (0,14 €). L’offre LTE d’Algérie Télécom écrase toute concurrence avec un tarif entre 25 et 6,5 DZD/Go, soit entre 17 et 5 centimes d’euro, soit 1 centime de plus qu’en Israël, premier du classement mondial. Une belle victoire pour l’opérateur national, qui peut ici profiter de sa position dominante pour casser les prix d’une offre réservée aux zones rurales qui ne bénéficient pas encore d’une connexion câblée.
Bien que les coûts de l’Internet en Algérie soient relativement bas, les infrastructures de télécommunications laissent à désirer. Certes, ces dernières années ont vu l’ouverture de nouveaux câbles sous-marins liant l’Algérie à d’autres pays du bassin méditerranéen – comme le mégaprojet Medusa45 – ou l’amélioration des câbles continentaux déjà existants6, mais la gestion de la bande passante par Algérie Telecom et les autres opérateurs est loin de satisfaire à la demande d’un pays qui entre dans l’ère de l’Internet. À une époque où la technologique avance à grand pas et où chaque appareil – de l’ordinateur personnel au réfrigérateur – a besoin d’Internet et où la population passe une grande partie de son temps à consommer du contenu gourmand en bande passante – que cela soit un flux Instagram ou du streaming Netflix –, les lenteurs de la connexion lors des matchs de l’équipe d’Algérie de football n’ont plus leur place.
En effet, il est important de souligner qu’en matière de vitesse et de stabilité, l’Algérie est parmi les derniers pays au monde selon les statistiques d’Ookla, qui classe le pays 119e sur 141 en décembre 20227. Les débits réels offerts par les opérateurs Djezzy, Mobilis et Ooredoo – et même Algérie Telecom avec son offre LTE – sont très en dessous des vitesses prônées sur leurs sites web et sur leur matériel promotionnel. La stabilité est un autre point noir de l’Internet en Algérie – avec des blocages systématiques, des lenteurs et même des coupures qui ne sont jamais reconnues ou communiquées publiquement – et encore moins annoncées au préalable – par ces compagnies, qui préfèrent la politique de l’autruche, mais qui pourtant veillent à garder une présence sur les réseaux sociaux en publiant des mèmes, des minijeux et des quiz ou en souhaitant une « Jumu’ah Mubarak » chaque vendredi à leurs followers.
Il est important que les autorités algériennes prennent des mesures pour améliorer les infrastructures de télécommunications et encouragent les opérateurs à offrir des tarifs plus compétitifs pour les consommateurs. Algérie Telecom pourrait aussi investir davantage et remplacer son réseau vieillissant de câbles ADSL par des technologies plus récentes et comme la fibre optique. Cela permettrait non seulement d’améliorer l’accès à l’Internet, mais aussi de favoriser le développement économique et la croissance du pays – d’autant plus qu’un accent est mis sur les « startups » et le développement du système monétaire vers le « tout numérique », avec la création annoncée d’un dinar algérien numérique8.
Worldwide mobile data pricing 2022, Cabe.co.uk ↩
Comment contrôler la quantité de données utilisée par Netflix ?, Netflix ↩
La nationalisation de Djezzy a coûté 682 millions de dollars à l’État algérien ↩
Submarine Cable Map ↩
Le Maroc parmi les bénéficiaires du méga-projet de fibre optique Medusa, Bladi.net ↩
Algérie : le gouvernement fait du haut débit un axe prioritaire de sa politique générale, Agence Ecofin ↩
Algerian Median Country Speeds December 2022, Speedtest.net ↩
La différence entre cryptomonnaie et monnaie numérique en Algérie, Contribution ↩
http://fragua.org/otdr-pour-detecter-un-point-de-blocage-dans-un-cable-a-fibre-optique/
https://netsolution.fr/detection-dun-point-de-blocage-dans-un-cable-a-fibre-optique/