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Interdisciplinarité : Kiné, psychomotricien, ergothérapeute… quelles … – EspaceInfirmier.fr

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La rééducation et la réadaptation font appel aux compétences du kinésithérapeute, de l’ergothérapeute et du psychomotricien. Autant de disciplines complémentaires pour prendre soin du corps… que les infirmières ont besoin de bien connaître pour mieux travailler ensemble.
« Dans ma vallée, il n’y a qu’un seul kiné que toutes les Idels connaissent, mais il est très rare que des psychomotriciens ou des ergothérapeutes interviennent à domicile. Je vois à peu près de quoi il s’agit, mais ce n’est pas facile de définir le rôle de chacun ». Dans sa pratique libérale, Anne-Charlotte Le Barazer, infirmière, accompagne essentiellement des personnes âgées à domicile. En cas de dégradation de leur état ou de perte d’autonomie, elle n’hésite pas à alerter le seul kinésithérapeute de la région, ou le médecin traitant qui reste le prescripteur, mais les échanges entre le professionnel de la rééducation et la soignante s’arrêtent là. Manque de temps et de projets construits en commun, plannings qui se télescopent… l’exercice libéral se conjugue souvent mal avec la collaboration interdisciplinaire entre ces deux corps de métiers. Résultat : les représentations vont bon train et les idées reçues persistent. Ce, y compris en institution où équipes soignante et de rééducation travaillent pourtant régulièrement de concert. « Un des préjugés qui revient souvent c’est que, comme on est rééducateur, les IDE pensent que c’est plus facile pour nous de mettre le patient au fauteuil alors qu’en fait il est tellement en perte d’autonomie que même un kinésithérapeute ne peut rien faire. Notre métier n’est pas de faire les transferts, un lève-malade fait très bien l’affaire, mais d’apprendre au patient à se mettre au fauteuil tout seul. Elle est là toute la différence », détaille Julie Montreuil, kinésithérapeute et coordinatrice des services de rééducation à l’hôpital Saint-Philibert de Lomme à Lille (59).
Les masseurs-kinésithérapeutes sont les spécialistes de la rééducation fonctionnelle. Ils interviennent dans les services hospitaliers, tels que la réanimation, la pédiatrie, la gérontologie, l’orthopédie, en Ehpad ou à domicile, où ils côtoient des infirmières. Indiqués à la suite d’un accident, d’une maladie ou d’un traumatisme, leurs soins visent ainsi à atténuer les douleurs musculaires et permettent de restaurer au maximum les fonctions perdues par le patient. Si leur prise en charge après certaines chirurgies (pose d’une prothèse de la hanche, fracture), en post-AVC ou dans la lutte contre l’iatrogénie liée à l’hospitalisation est aujourd’hui bien identifiée des autres professionnels, leur champ d’action, notamment auprès du grand âge, est loin de se limiter à ces seules missions. De fait, en Ehpad, où ils furent les premiers rééducateurs à faire leur entrée, la liste des actes pratiqués concerne autant les troubles de l’équilibre et de la marche que la prévention des déformations articulaires, la diminution des douleurs et l’accompagnement dans le cadre des soins palliatifs. Pour cela, ils ont recours à différentes techniques : étirements, massages, activité physique (marche, équilibre, souplesse, coordination, parcours ritualisé ou à des mouvements de gymnastique à l’aide d’appareils, de poids…). Ils peuvent aussi bien utiliser de l’eau, la chaleur, le froid ou des ultrasons. Par ailleurs, les kinésithérapeutes ont un rôle important à jouer auprès des professionnels pour les former à la prévention des chutes et plus largement à solliciter les capacités motrices des usagers afin de réduire au maximum les risques de TMS. Précieux, ce passage de relais interdisciplinaire s’avère cependant inégalement exploité selon les lieux d’exercice, quand bien même il permet réactivité et qualité de la prise en charge. « Je travaille beaucoup avec les Idels à domicile, notamment celles qui interviennent auprès des populations chroniques stabilisées ou des personnes ayant fait un AVC qui n’évolue pas trop, parce qu’elles voient plus souvent les patients que moi. Elles ont pris l’habitude de me prévenir quand elles repèrent un changement en termes de mobilité, et parfois, je suis bien content qu’elles m’aient appelé rapidement parce que cela permet une meilleure récupération des capacités », abonde Julien Grouès, kinésithérapeute libéral intervenant en Ehpad à Saint-Brieuc (22).
Bien informés, les Idels peuvent aussi se révéler des partenaires de choix dans le repérage d’autres complications, telles que la perte d’autonomie pour les actes de la vie quotidienne, la restriction de participation à la vie sociale ou des difficultés d’accès au domicile. Il s’agit pour eux, le cas échéant, de solliciter l’avis du médecin traitant qui pourra prescrire une évaluation avec un autre professionnel de la rééducation. Une infirmière ayant une bonne compréhension des contours du métier d’ergothérapeute saura que c’est à ce dernier que revient, entre autres, la mission de compenser la diminution des fonctions motrices et cognitives des personnes dès lors qu’elles éprouvent des difficultés à réaliser leurs tâches quotidiennes. Or, pour nombre d’IDE, cette profession n’échappe pas aux raccourcis. Souvent réduit à sa seule capacité à élaborer des aides techniques et appareillages nécessaires à l’autonomie et à la qualité de vie au quotidien, ce professionnel de santé intervient en réalité sur une diversité de plans (moteur, sensoriel, psychique, intellectuel, cognitif et social) et à tous les âges de la vie (du nouveau-né à la personne âgée). Son angle d’intervention ? L’occupation. À travers sa pratique, l’ergothérapeute engage en effet ses patients dans l’exercice d’activités, mais d’une façon différente de ce qu’ils ont l’habitude de faire, comme s’habiller au moyen d’une seule main, changer la disposition des meubles, utiliser un stylo avec un adaptateur pour corriger la préhension, etc. Ces activités respectent les souhaits ou les habitudes de la personne et non ceux voulus par le thérapeute ; ce qui suppose de sa part d’avoir une vision holistique de l’individu qu’il accompagne : ses compétences, ses particularités physiques, affectives et physiologiques, son environnement social, les professionnels qui l’entourent… « L’ergothérapeute se situe au carrefour de tous ces éléments. C’est à lui de s’adapter au fonctionnement de chaque patient afin de trouver un moyen d’améliorer sa qualité de vie. Il n’y a donc jamais de mission standard, car cela dépend de chaque personne », informe Maud Eckenschwiller, ergothérapeute et coordinatrice des instituts de formation aux métiers de la rééducation du groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud-Alsace (GHRMSA) à Mulhouse (Haut-Rhin). S’il est un acteur incontournable du maintien ou du retour à domicile après une hospitalisation, l’ergothérapeute exerce aussi dans de très nombreuses structures : hôpital, Ehpad, centres de rééducation, Clic, CMP, Sessad, Ssiad, Samsah (1), écoles, entreprises, etc., où il est fréquent qu’il intervienne en duo avec un autre professionnel : kinésithérapeute, orthophoniste, éducateur spécialisé ou encore psychomotricien. Avec ce dernier, il partage un but commun : la réhabilitation ou la préservation de l’autonomie et le bien-être de ses patients.
La psychomotricité s’attache au vécu psychocorporel. Aussi, au patient souffrant de troubles liés à des perturbations d’ordre psychologique vécues et exprimées par le corps, l’indication d’un psychomotricien permettra d’en rechercher l’origine à travers ses capacités motrices. Chaque séance a ensuite pour but de réconcilier la personne avec son corps afin de trouver ou retrouver un équilibre psychologique et la confiance en soi. « Si nous sommes d’abord reconnus dans le champ de l’enfance, notre métier s’intéresse à tous les âges de la vie », prévient Pauline Hézard, formatrice à l’institut de formation des psychomotriciens (IFP) de Brest (Finistère). Dès lors qu’une prise en charge nécessite un passage par la concrétisation corporelle et le ressenti, il est habilité à prendre en charge des personnes dans des hôpitaux, centres de rééducation, centres d’aide par le travail, PMI, SSR, soins palliatifs, Ehpad, etc. Dans sa mallette de travail, il utilise des techniques telles que la relaxation dynamique, le chant, le toucher thérapeutique, la médiation animale, la graphomotricité, les jeux symboliques… Chez les personnes âgées ayant chuté par exemple, le psychomotricien va chercher à travailler sur la préhension de la marche en aidant le patient à retrouver des sensations au niveau des pieds et en lui redonnant une conscience au niveau de ses membres. « Parfois, on va juste les encourager à se lever, sans marcher, et à décrire ce qu’ils ressentent, de sorte qu’ils réapprennent à voir leur corps à travers leurs possibilités et non leurs difficultés », détaille Erika Bresson, psychomotricienne dans plusieurs Ehpad de la Vienne. Chez un tout-petit aveugle, il s’agira pour ce professionnel de l’aider à s’orienter et à se déplacer via un travail sur la compensation des sens restants, l’exploration et la structure.
S’il arrive parfois que les actes de soins au sein d’une prise en charge se chevauchent d’une profession à l’autre, notamment sur des missions transversales, chaque rééducateur a ses propres objectifs de travail et interagit en complémentarité. Dans le cas d’un transfert, par exemple, le kiné travaille le fait de se mettre debout, de faire des pas sans forcément avoir d’autres intentions derrière. L’ergothérapeute, quant à lui, associe quasiment toujours le mouvement à une activité, en le complétant avec la mise en place d’aides techniques si nécessaire. De son côté, le psychomotricien va d’abord travailler la remise en confiance avant d’initier un mouvement. Un résident d’Ehpad qui redoute de faire sa toilette ? Le psychomotricien peut créer une ambiance plus confortable pour que ce temps soit vécu de la manière la plus sereine possible, tandis que l’ergothérapeute, lui, peut installer une chaise dans la douche en cas de problèmes d’équilibre. « Quelquefois, on donne l’impression qu’on fait la même chose, mais les intentions ne sont jamais les mêmes. On est très complémentaires. Le but c’est de travailler en équipe pour que tout s’imbrique simplement pour le patient », abonde Julien Grouès. En première ligne, l’IDE est la cheville ouvrière de cette articulation. En institution, cette collaboration interdisciplinaire est facilitée par des temps d’échange et de synthèse en commun et les transmissions écrites, nécessaires quand les agendas respectifs ne coïncident pas. « Il arrive aussi que dans certains services, les rééducateurs viennent au moment des transmissions médicales, pour faire le point sur l’ensemble du parcours du patient. Résultat : tout le monde se connaît et ça fait gagner en temps et en qualité sur la prise en charge », illustre Julie Montreuil. En libéral où elle peut avoir plus de peine à se mettre en place, cette interconnaissance est aussi à favoriser. L’enjeu ? Maintenir les personnes le plus longtemps à domicile et gérer des situations sociales de plus en plus complexes. « Il faut ce travail collaboratif en libéral pour coordonner tous les acteurs de vie qui prennent le relais à domicile en sortie d’hospitalisation ou, s’il fait défaut, des professionnels capables d’identifier le bon intervenant et d’en informer le référent médical », appuie Maud Eckenschwiller.
Une démarche que le soignant, majoritairement l’IDE, sera en mesure d’exécuter avec d’autant plus de facilité qu’il aura auparavant eu pris l’habitude de collaborer de façon précoce avec ces professionnels de la rééducation. Dans cette intention, de plus en plus d’instituts de formation multiplient les occasions d’étudier en interprofessionnalité, à travers des journées d’immersion en mode « Vis ma vie », des projets transversaux ou des interventions dans les écoles respectives. À Brest par exemple, les formateurs en psychomotricité invitent les futurs infirmiers à réfléchir autour des notions qui touchent au corps. À Mulhouse, l’institut d’ergothérapie projette la mise en place de rencontres cafés-débats animés par un philosophe pour « éveiller la curiosité des différents étudiants », défend Maud Eckenschwiller. « Si on peut faire en sorte de développer ce genre d’initiatives, c’est forcément bénéfique pour tout le monde et en particulier pour le patient. »
Éléonore de Vaumas
1 – Clic (Centre local d’information et de coordination), CMP (Centre médico-psychologique), Sessad (Services d’éducation spéciale et de soins à domicile), Ssiad (Services de soins infirmiers à domicile), Samsah (Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés)
2- PMI : protection maternelle et infantile ; SSR : soins de suite et de réadaptation
Cet article est paru dans le n° 26 de L’infirmièr.e (novembre 2022)
SOURCES UTILES
. Référentiel de compétences du DE de masseur-kinésithérapeute en ligne sur fnek.fr (https://bit.ly/3xKNCKQ)
. Tout savoir sur l’ergothérapie consultable sur anfe.fr (https://bit.ly/3xNYGal)
. Texte qui régit l’exercice de la profession de psychomotricien sur www.legifrance.gouv.fr (https://bit.ly/3dzZn06).

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