L’avenir est peut-être couru d’avance – à en croire Anders Fridén –, en tout cas, celui d’In Flames semble radieux. Fort d’un line-up qui paraît plus harmonieux que jamais – le guitariste Chris Broderick étant le dernier à avoir rejoint les rangs –, le groupe suédo-américain livre aujourd’hui Foregone, un album qui devrait, au moins en partie, réconcilier les adeptes du « c’était mieux avant » et ceux qui trouvaient « trop mou » l’In Flames de ces dernières années. Nourri par la frustration engendrée par la pandémie, Foregone est un album plein de mordant et de rage, sans oublier le sens mélodique qui a fait la force du groupe, faisant parfois écho à ses premiers albums. In Flames n’en oublie pas pour autant les expérimentations et regarde devant lui pour créer une forme de synthèse entre passé, présent et futur.
Nous discutons de tout ceci avec le chanteur qui évoque le rapport d’In Flames à son public et à sa musique qu’il qualifie de « séance de thérapie ». Car si In Flames en est là où il est aujourd’hui, avec le succès qui est le sien, c’est peut-être bien parce qu’il est resté honnête malgré les pressions à la fois des fans et de l’industrie, suivant sa muse et ses humeurs, fier de son passé mais sans s’attarder dessus pour se permettre de se renouveler.
« Si les gens n’aiment pas cet album pour une raison ou une autre, il est temps de lâcher l’affaire [rires]. Parce que c’est ce que nous sommes et c’est ce que nous faisons, point barre. »
Radio Metal : Ce qui frappe avec Foregone, c’est à quel point l’album est metal. Non que vous ayez jamais été autre chose, mais cette fois, vous semblez avoir mis l’accent sur l’agressivité. L’album ayant été conçu pendant la pandémie, à quel point cela est-il dû à l’ambiance générale de cette période ?
Anders Fridén (chant) : Tu as vraiment mis le doigt dessus. Il y a eu beaucoup de frustration pendant la pandémie, car j’ai fait ce métier toute ma vie d’adulte ; je fais partie de cette famille depuis toujours. Ne pas voir les fans et l’équipe, ne pas être avec le groupe et voyager dans le monde entier… C’était étrange, bizarre et carrément frustrant. Au début, je me disais : « Oh, le monde fait une pause. » Tu faisais une pause, je faisais une pause, les gens en Australie, au Japon ou aux États-Unis aussi. D’une certaine façon, tout le monde était concerné. Pour la première fois depuis une éternité, j’avais l’impression que nous étions unis, parce que nous traversions quelque chose ensemble. Mais dans le même temps, nous ne savions pas ce que c’était. Nous n’avions que les médias pour nous expliquer de quoi il s’agissait. Nous n’avons jamais eu de confinement en Suède. Il s’agissait davantage de recommandations, ce genre de choses, mais les entreprises et les restaurants souffraient. Au bout d’un an, le monde s’est un peu remis à tourner, puis il y a eu Omicron, ou je ne sais quoi – je ne me souviens plus du nom –, et c’est devenu encore pire ! Le cirque a recommencé et je me suis dit : « Mais putain, on fait quoi ? » Et c’est reparti pour un an.
Nous n’avons pas du tout écrit de musique. Björn [Gelotte] et moi, nous ne nous sommes pas vus. Je crois que je l’ai vu une fois en deux ans. Et bien sûr, je n’ai pas vu les autres gars, parce qu’ils vivent aux États-Unis, et l’équipe est répartie dans toute l’Europe. J’étais juste à la maison, et je devais essayer de m’occuper, sinon je serais devenu fou. Du coup, j’ai construit un studio et j’ai commencé à écrire de la musique. Nous avons fait ça chacun dans notre coin, mais dès que nous avons à nouveau pu voyager, Björn et moi sommes allés aux États-Unis et nous avons commencé à raccrocher les wagons. Nous avons mis toute cette frustration dans l’album. Nous étions un peu désespérés et avions vraiment envie de nous retrouver dans une pièce avec tout le monde pour créer un album. C’est peut-être pour ça que l’album sonne comme ça – parce que nous avions vraiment envie de revenir. C’est très facile d’être dans un groupe depuis si longtemps : tu enregistres un album, tu le sors, tu pars en tournée et tu t’attends à ce que les fans soient là à tout moment. Tout d’un coup, ce n’était plus le cas. Tu ne peux plus considérer tout ça comme acquis. Il y avait une rage supplémentaire, pour ainsi dire, dans la création de cet album.
L’agressivité de la musique a donc été partiellement alimentée par l’hostilité du monde à ce moment-là…
Rien n’avait été écrit d’avance. L’écriture date d’après le début de la pandémie. Le seul objectif que nous nous étions fixé, Björn, notre producteur et moi, presque sans l’articuler, était de faire un album plus orienté guitare, avec la batterie et les guitares mises en avant. Ce n’est pas comme si nous avions besoin d’être plus metal, mais c’était une question d’ambiance globale. J’avais le sentiment que la production péchait un peu sur les albums précédents. Les chansons étaient super, mais l’ambiance générale était un peu plus détendue. Le processus d’écriture n’a pas changé, nous essayons de faire d’aussi bonnes chansons que possible, mais grâce à cette pause, nous avons pris le temps de nous auto-analyser. La pandémie n’a pas été une bonne chose, parce que des familles et des gens ont souffert, d’autres ont perdu leur travail, mais pour nous en tant que groupe – même si nous avons perdu deux ans et que c’était difficile, parce que nous adorons tourner –, je pense que ça a été positif, parce que nous avons pu faire une pause. Il n’y avait plus la roue de hamster qui consiste à enregistrer l’album, sortir l’album, tourner et recommencer le processus. De ce point de vue, c’était une bonne chose pour nous. Tout ça s’est retrouvé dans l’album, et à mon sens, nous étions plus efficaces. Les gens écoutent nos albums de différentes façons, et chacun a le droit à son opinion, mais j’espère que le public remarquera que chaque élément de l’album a été réalisé avec une plus grande intensité. Les parties lentes sont plus efficaces, les parties heavy sont encore plus heavy. Nous y avons mis tout ce qui nous caractérise, de la mélodie à l’agressivité, et tout ce qu’il y a entre les deux.
As-tu l’impression que votre musique – sans même évoquer les paroles – a souvent été une réaction à votre environnement et à la façon dont le monde se portait ?
Je crois que Björn et moi voyons les choses différemment. Je pense que je réfléchis davantage, tandis que lui… Il a ses techniques et ses façons d’enregistrer. Il se passe beaucoup de choses entre la démo et le produit fini, et nous avons tous des rôles différents dans le groupe. Je dirais donc oui et non. Pour celui-ci, nous étions plus enthousiastes à l’idée d’écrire, à l’idée d’enregistrer, à l’idée de faire tout ce qu’il fallait faire. Encore une fois, pour revenir à ce que je disais tout à l’heure à propos de la roue de hamster, nous n’avons jamais été blasés. Ça ne s’est jamais passé comme ça avec le groupe, mais je pense qu’il nous est arrivé d’être fatigués et il y a eu des moments où nous nous sommes dit : « OK, il faut qu’on fasse un album pour pouvoir partir en tournée. » Nous adorons ça, ce n’est pas un souci. Nous avions la pression des maisons de disques pour… En fait non, parce que nous essayons toujours de leur faire comprendre que nous faisons notre truc, et une fois que nous avons fini, nous leur transmettons l’album, mais il y a le management, les gens de l’extérieur. Tout le monde réclame tellement en permanence. Mais cette fois-ci, nous n’avons eu l’influence de personne. Nous étions entre nous, dans une bulle. Je pense que ç’a été super pour nous. Mais comment ne pas être affecté par l’environnement ? C’est impossible, même sans en avoir conscience. Le jour où tu entres en studio, il se passe des choses autour de toi et tu injectes ça dans la musique, que ce soit bon ou mauvais.
« Je pourrais faire un truc old school, et ce serait putain de facile, parce que je sais le faire, mais je ne veux pas. C’est comme un putain de Big Mac : les premières bouchées sont super, mais quand j’ai terminé le burger, j’ai envie de me foutre en l’air, parce que c’est écœurant. »
À ce sujet, tu as déclaré que, « pour cet album, [vous n’avez] même pas pensé à qui que ce soit d’autre », alors que, par le passé, vous aviez « plusieurs fois essayé de satisfaire d’autres personnes ». Quand était-ce ? Qu’est-ce qui vous a fait céder, dans ces moments-là ?
Nous avons toujours dit : « C’est comme ça qu’on fonctionne, c’est comme ça qu’on fonctionne. » Mais quand nous nous sommes lancés dans l’album Battles, nous avons changé de management et nous avions un nouveau producteur, Howard Benson. Du coup, Björn et moi nous sommes dit : « Peut-être qu’on ne devrait pas dire non tout le temps. On pourrait peut-être dire oui. » On nous a dit : « Vous devriez rencontrer telles personnes, vous devriez écrire avec telles autres, vous devriez faire ci ou ça. » On nous a aussi fait jouer en acoustique pour des trucs promo, ce genre de choses. Nous avons dit : « D’accord, on tente. On va voir si ça nous convient. » Ce n’était pas le cas, et écrire avec d’autres personnes ne nous allait pas. Au moins, nous avons dit oui et tenté quelque chose. Nous savons que ce n’est pas pour nous, et aujourd’hui, nous faisons à nouveau exactement ce que nous voulons et nous sommes nous-mêmes. Je pense que c’est important de tenter, afin d’être sûr. Mais pas de regrets. Les regrets sont une perte de temps.
On retrouve un côté In Flames à l’ancienne dans certaines chansons, comme « State Of Slow Decay », « Foregone Pt. 2 » ou « The Great Deceiver ». Mais d’un autre côté, des titres comme « Pure Light Of Mind », « In The Dark » ou « A Dialogue In B Flat Minor » montrent que vous êtes toujours tournés vers l’avenir. Dirais-tu que cet album associe passé, présent et futur ?
Totalement ! Quand l’album a été terminé, la première chose que j’ai dite quand quelqu’un m’a interrogé à ce sujet est que nous y avons incorporé tous nos éléments. Évidemment, ça ne sonne pas comme The Jester Race, mais on en retrouve des éléments disséminés un peu partout. Nous avons sorti « Foregone Pt. 2 » en clip, et à mon sens, on y retrouve l’ambiance de « Gyroscope ». Ce n’est pas le même type de chanson, parce que je ne chantais pas à l’époque ; la production est différente, ce genre de chose, mais il y a cette ambiance musique folk suédoise qui nous a inspirés à nos débuts. Je pense que ça résume très bien. Si les gens n’aiment pas cet album pour une raison ou une autre, il est temps de lâcher l’affaire [rires]. Parce que c’est ce que nous sommes et c’est ce que nous faisons, point barre. Les gens n’arrêtent pas de parler du passé, mais je ne peux pas faire ce que je faisais quand j’avais vingt-cinq ans. Ce serait gênant, si j’essayais. Je suis qui je suis aujourd’hui, j’ai beaucoup appris et j’emporte avec moi toutes mes influences et tout ce que je suis devenu, mais si je me mettais à faire un truc old school… Je veux dire, je pourrais, et ce serait putain de facile, parce que je sais le faire, mais je ne veux pas. C’est comme un putain de Big Mac : les premières bouchées sont super, mais quand j’ai terminé le burger, j’ai envie de me foutre en l’air, parce que c’est écœurant. Chacun son truc. Malgré tout, j’aime mon passé.
Dirais-tu que, malgré toutes ces années de changements stylistiques et d’évolutions, vous n’avez jamais perdu de vue vos racines de « fondateurs du death metal mélodique » ?
Ce n’est pas nous qui avons créé cette étiquette. Nous créons simplement la musique, et ce sont les médias ou ceux qui ont besoin d’une définition pour leurs lecteurs ou leurs spectateurs qui inventent l’étiquette. Mais effectivement, je n’ai jamais voulu abandonner nos racines. Pourquoi ferions-nous ça ? Elles continuent de nous accompagner. On ne peut pas nous retirer un seul album d’In Flames. Ils sont tous aussi importants les uns que les autres, parce qu’ils nous ont menés là où nous en sommes aujourd’hui. Sans ce passé, nous ne sonnerions pas comme nous sonnons aujourd’hui. Ce serait impossible. Je ne vois pas pourquoi nous voudrions fuir quelque chose que nous avons créé. J’aime tout ce que nous avons fait, et tous les albums sont très importants pour nous. Je crois que ça se voit en live. Nous jouons des titres très anciens et des titres de ce nouvel album, et on entend des liens de parenté. Il est évident que c’est du In Flames. Au final, nous cherchons simplement à proposer un bon album [rires]. C’est comme ça. C’est une question de goût.
C’est drôle, parce que récemment, le groupe The Halo Effect, composé uniquement d’anciens members d’In Flames, a sorti un album très ancré dans le son de Göteborg old school. Y a-t-il une vague de nostalgie à Göteborg en ce moment ?
Non, je ne dirais pas ça. Et nous n’avons rien à voir avec eux, en dehors du fait que ce sont d’anciens membres du groupe. Je n’ai même pas écouté leur album, donc je ne peux pas dire s’ils sont old school. Nous ne sommes pas old school. Nous représentons In Flames à cent pour cent. Que les gens veuillent nous coller tel ou tel qualificatif, c’est eux que ça regarde.
« Si j’écoutais les milliers de personnes en ligne qui me disent ce que je dois faire, In Flames aurait un son vraiment bizarre, parce que tout le monde a un avis différent. »
On entend constamment les fans se plaindre qu’In Flames n’est plus ce qu’il était. D’un autre côté, le groupe n’a fait que grandir et le succès augmenter au fil des années. Penses-tu, en tant que groupe, qu’il soit indispensable d’étendre ses horizons musicaux afin de toucher un autre public ? Si vous étiez restés dans le même couloir musical, auriez-vous le succès que vous avez maintenant ?
Je pense que si nous avions fait treize Lunar Strains, nous n’en serions pas là. En tant qu’individu, il est beaucoup plus facile de se plaindre que de dire quelque chose de positif, du genre : « Oh, tu as une jolie chemise. » Il est beaucoup plus simple de dire : « C’est quoi, le problème ? C’est quoi, ce truc ? » En tant que musicien, que créateur, j’ai besoin de me mettre des défis. Ne te méprends pas, j’adore nos fans. Ils sont la raison pour laquelle nous pouvons voyager dans le monde entier. Les gens viennent en concert et on vit quelque chose ensemble. Mais quand vient l’heure de créer de la musique, je ne peux pas penser à eux. Je me dis : « C’est pour moi. C’est ma séance de thérapie. Quand j’ai fini, je vous la donne et vous en faites ce que vous voulez. » C’est la seule raison pour laquelle je suis ici aujourd’hui. Si j’écoutais les milliers de personnes en ligne qui me disent ce que je dois faire, In Flames aurait un son vraiment bizarre, parce que tout le monde a un avis différent. C’est facile d’écouter la musique et de la disséquer, mais les gens ne soupçonnent pas la masse de travail que participer à un projet pareil implique. Je passe énormément de temps loin de chez moi, et c’est du travail permanent. Je ne m’en plains pas, parce que ce boulot m’a apporté tellement de choses, mais en matière de création, je ne peux tout simplement pas penser aux opinions des autres. Je crois sincèrement que je suis ici aujourd’hui parce que nous repoussons nos limites en permanence. Je comprends que le public n’apprécie pas tout, et ça me va ! Je n’apprécie pas tout ce que les groupes que j’aime proposent, moi non plus. J’ai des phases. Il est impossible d’arriver à la cheville du premier album que j’ai entendu de tel ou tel groupe, parce que pour moi, c’est l’album ultime. Tu es à un certain point de ta vie, tu rencontres quelqu’un ou tu te trouves dans telle situation, et tu entends une certaine chanson, et tu te demandes : « Comment est-ce que je peux recréer ce moment pour moi ou pour quelqu’un d’autre ? » C’est juste impossible. Je pense que même les gens qui se plaignent – parce que, encore une fois, c’est très facile – veulent du changement !
Quelles sont les grandes leçons que tu as tirées de toutes ces années d’exploration musicale ?
Crois en toi, crois en ce que tu fais, fais ce que tu aimes, sans trop écouter les voix extérieures ou ceux qui cherchent à t’enfermer dans une case. Au final, c’est notre musique. Nous devons vivre avec ces chansons jusqu’à nos derniers jours ; du coup, nous avons intérêt à les rendre aussi parfaites que possible pour nous. Il faut bien comprendre que mon premier album était The Jester Race, et que, quand j’ai commencé à donner des interviews, les gens me faisaient remarquer que ça ne sonnait pas comme Subterranean ou Lunar Strain. Et puis, quand nous avons sorti Whoracle, j’ai entendu : « Oh, ça ne sonne pas comme The Jester Race. » Et quand nous avons sorti Colony : « Oh, ça ne sonne pas comme Whoracle. » Ça a toujours été comme ça, mais nous sommes toujours restés fidèles à ce en quoi nous croyions. J’imagine que c’est la raison pour laquelle nous sommes là aujourd’hui. Nous avons fait une super tournée. Beaucoup de gens viennent nous voir malgré la concurrence qu’il y a actuellement. Tellement de groupes sont en tournée, et on est toujours en phase post-Covid, donc les gens ne sont pas totalement certains qu’ils peuvent aller à un concert en toute sécurité. C’est la folie. Tout le monde se bat pour payer sa facture d’électricité, sa facture de gaz, mettre de quoi manger sur la table, ce genre de choses, et malgré tout, les gens continuent de se déplacer. J’imagine que ça veut dire que nous faisons quelque chose correctement. C’est une question de croire en toi et en ce que tu fais. N’essaie pas de courir après les modes. N’essaie pas de surfer sur une vague, parce que cette vague finira par retomber. Et tu feras quoi, à ce moment-là ? Tu devras vraiment te creuser la tête pour trouver quelque chose.
À propos du thème de ce nouvel album, tu as déclaré : « Je pensais que tout ce qu’on a traversé ces dernières années nous aurait rappelé que la vie est précieuse et que le temps n’est pas de notre côté. Malheureusement, j’ai l’impression qu’on s’est réveillés dans un monde encore plus hostile et déprimant qu’avant. Le temps file et le compte à rebous a commencé… » Cela veut-il dire que tu considères le futur comme étant couru d’avance ?
Oui, c’est exactement ça. On se dirige vers l’inévitable. C’est peut-être une surprise pour certains, mais on va mourir un jour ou l’autre, et on ne sait pas quand. Je crois qu’on a une horloge qui égrène les seconds dans notre ADN. Que ce soit demain ou dans vingt-cinq ans, qui sait ? Mais de façon générale, le monde est… Toutes les preuves rassemblées par des gens qui savent de quoi ils parlent nous disent qu’on se détruit beaucoup plus rapidement qu’on ne devrait. Chaque fois qu’on entend parler de changement climatique, c’est pire que ce qu’on en disait quinze jours avant. Et il y a des guerres en Europe, ce qui, pour moi, est juste putain de dingue. On ne sait pas si la Terre sera frappée par un astéroïde ou si on la fera exploser, ou si on finira par se contaminer avec un autre virus. La pandémie m’a vraiment fait réfléchir à ça. Je vois mes enfants, je vois mes parents, je vois les futures générations, et je me dis : « Putain, on fait quoi ? » J’espérais qu’on sortirait de la pandémie avec plus de respect, plus de compréhension et plus d’amour, et c’est tout le contraire. Les réseaux sociaux poussent les gens à s’énerver, à pointer du doigt, et c’est compliqué d’essayer de faire les choses bien, parce que quoi que tu fasses, il y a toujours quelqu’un pour penser que c’est mal.
Quand je discute avec mes enfants… Évidemment, ils sont jeunes – mon fils a quatorze ans, et ma fille, dix-huit –, et le monde dans lequel ils vivent est tellement politiquement correct qu’il devient difficile de faire des blagues à la maison, parce qu’ils vont te dire : « Tu ne peux pas dire ci, tu ne peux pas dire ça. » Et toi tu es là : « Hein ?! Mais je n’essaie pas d’être insultant ou quoi que ce soit ! » Et c’est au sein de ma famille. C’est quoi ce bordel ? Ce n’est pas une bonne chose. Tu dois pouvoir t’exprimer et me dire quelque chose sans que je te réponde : « Tu as tort, et maintenant, je refuse d’écouter ce que tu as à dire. » Et si tu commets une erreur, tu as le droit de dire : « Je suis désolé. J’ai appris, j’ai évolué. » Mais ce n’est même plus possible ! Je veux dire, bien sûr qu’il y a des choses dans la vie qu’on ne doit pas faire. La haine appelle la haine, mais le respect qu’on a entre humains et entre nations, ça devrait… Les réseaux sociaux, la haine, pointer du doigt et dire aux gens qu’ils ont tort – tout ça fait même partie de la politique, maintenant. Vu comment les choses se passent, je ne sais pas comment on peut s’en sortir vers le haut.
« N’essaie pas de courir après les modes. N’essaie pas de surfer sur une vague, parce que cette vague finira par retomber. Et tu feras quoi, à ce moment-là ? »
Tu as déclaré : « On ne peut pas rattraper le temps perdu. On est destinés à mourir. Cette prise de conscience engendre différentes émotions – la panique, la frustration, la peur. » Il s’agissait bien sûr d’un commentaire sur le monde, mais t’arrive-t-il de penser à la fin d’In Flames et au jour où tu n’auras plus cet exutoire ?
L’album ne parle pas uniquement du temps perdu, mais aussi de ce qu’on fait avec le temps et de la façon dont on le gère. Mais pour répondre à la question, faire partie de cette famille, c’est tout ce que j’ai fait de ma vie d’adulte. Je ne veux pas penser à la fin du groupe, je veux vivre dans le présent. Il arrivera bien un moment où je me dirai que ce n’est plus pour moi, mais ce n’est pas maintenant. En fait, je trouve que penser à ça et se dire : « Oh, j’aurais dû faire ceci ou cela dans le passé » est une perte de temps. Il faut être dans le présent, essayer de s’améliorer, apprendre de ses erreurs et ne pas avoir peur de l’avenir. Mais quand on voit ce qui se passe dans le monde au niveau international… Ça me fait peur quand je pense à mes enfants et à leurs éventuels enfants. J’ai peur de l’état du monde, de la façon dont les gens se traitent les uns les autres, de la vitesse et de l’importance qu’ont prise les réseaux sociaux et de ce que notre présence en ligne nous retire en tant qu’humains. Mais je ne pense pas à la fin d’In Flames, parce que là tout de suite, je suis dans la meilleure période de ma vie. C’est la meilleure version d’In Flames qui ait jamais existé. Je ne veux pas critiquer ceux qui étaient là avant, mais tous ceux qui sont là aujourd’hui veulent vraiment y être, et tout le monde veut se donner à cent dix pour cent.
Penses-tu qu’on a tendance à ne pas assez vivre dans le présent, et qu’on réfléchit trop à l’avenir ou au passé ?
Putain, ouais. Les gens ont besoin du passé et de ce qu’ils connaissent déjà comme d’une béquille : « Oh, j’ai déjà entendu ça, c’est confortable. Je connais telle chose, je n’ai pas envie d’essayer cette nouveauté idiote. Je ne veux pas entendre parler de nouvelles idées. » On a vraiment peur de ce qui est nouveau et de ce qu’on ne connaît pas. On est tous humains, il ne devrait pas y avoir de conflit entre nous. Quelle que soit ta couleur de peau ou ta sexualité, on s’en fout, ça n’a aucune importance. On est un. C’est comme ça que ça devrait être, mais on est en permanence terrifiés par la nouveauté. Pour en revenir à la musique d’In Flames, c’est pour ça que je pense qu’il faut du temps pour apprécier nos albums – c’est une question de temps, encore une fois. À chaque fois que nous créons quelque chose, les gens dissent : « Oh, ça ne sonne pas comme telle autre chose. Je préférais cette chose parce que je la connaissais. J’aimerais bien que vous y reveniez. » Mais dans dix ans, la ligne aura bougé et le soi-disant moins bon album d’In Flames sera plus récent. Je pense que le nouvel album réclamera aussi un peu de temps, mais dans dix ans, il sera considéré comme un classique d’In Flames. J’en suis absolument convaincu.
L’album tourne autour du concept de temps en général. Quel est ton rapport au temps qui passe et au fait de vieillir ?
J’ai un excellent rapport avec le temps à l’heure actuelle, parce que, quand je travaille, j’en profite au maximum, et quand je suis à la maison, j’en profite aussi, mais pour simplement me détendre. Je suis bien là où je suis. Je ne me préoccupe pas vraiment des choses qui me rendent négatif. Je préfère me dire que ça ne m’aide pas. Quand les gens racontent ceci ou cela à mon sujet, ça m’est égal, ça me va aussi. Je me préoccupe des gens que j’aime et des personnes de mon entourage qui me donnent l’énergie d’être qui je suis, et c’est tout. Je pense que je profite de mon temps au maximum. Mais bien sûr, quand je vois mes parents ou d’autres personnes autour de moi vieillir, et quand je me dis qu’ils n’ont peut-être plus beaucoup d’années devant eux, ça me rappelle que le temps passe. Je regarde mes enfants et je me dis que je ne serai pas là éternellement, alors je ferais mieux d’en profiter. Ceci étant dit, j’apprécie la personne que je suis, je ne traverse aucune crise. Je ne pense pas vraiment au fait de vieillir, sauf quand je me réveille le matin. Je ne saute plus du lit comme avant [rires]. Je rampe lentement hors du lit. Encore une fois, je ne pense pas vraiment à l’avenir. Je suis dans le présent et je suis à l’aise avec la personne que je suis aujourd’hui.
Dirais-tu qu’on devient un meilleur artiste ou un meilleur frontman avec le temps ?
Je crois qu’il y a un certain charme dans le fait d’être jeune et naïf, parce que cela peut se traduire par quelque chose sans que tu en aies conscience. Faire certaines choses pour la première fois peut donner de la musique ou des albums intéressants. Mais je suis à l’aise là où j’en suis aujourd’hui avec In Flames. Je n’ai pas peur de faire des efforts pour obtenir un résultat, je n’ai pas peur de ce que les gens peuvent dire, et je pense que tout ça vient avec l’âge et l’expérience. Je suis immunisé contre les commentaires en ligne.
« Les réseaux sociaux, la haine, pointer du doigt et dire aux gens qu’ils ont tort – tout ça fait même partie de la politique, maintenant. Vu comment les choses se passent, je ne sais pas comment on peut s’en sortir vers le haut. »
La chanson « Foregone » est en deux parties. Quelle est l’histoire derrière ces deux titres ?
Elles ont un lien ici et là dans les paroles, mais aussi musicalement, parce qu’il y a des parties communes aux deux. Au début, nous pensions en faire trois parties, et « Foregone Pt. 2 » aurait été un passage mélodique. C’était très différent de la démo. Et puis j’ai pensé à cette mélodie pour le refrain et j’ai dit : « Il faut qu’on en fasse une vraie chanson. » Dans le passé, on m’a déjà demandé de disséquer chaque chanson et d’expliquer de quoi ça parlait. Pour cet album, j’essaie de ne pas parler des chansons à titre individuel. Je parle davantage du concept, parce que je veux que tout le monde puisse y voir quelque chose de personnel, quelque chose qui ait du sens pour lui. En ce qui me concerne, c’est une séance de thérapie. Je ne sais pas si tu as entendu parler de cette technique : quand tu as un problème, tu l’écris sur une feuille de papier, puis tu vas dans la forêt et tu le brûles. Le problème te quitte et s’échappe dans l’atmosphère. C’est ce que représente In Flames pour moi. J’écris et je vous donne le résultat. C’est ma façon de gérer mes démons et mes pensées, mais une fois écrits, ils ne m’appartiennent plus. Maintenant, l’album est fini, nous le présentons le 10 février, et ensuite, ce n’est plus de notre ressort. Mais les deux parties de « Foregone » représentent très bien In Flames. Je ne pense pas qu’elles soient représentatives de l’ensemble de l’album, mais si les gens ont entendu ces deux chansons et les ont appréciées, je ne pense pas qu’ils seront déçus du reste.
« Cynosure » est un titre qui apporte de nouvelles sonorités à votre musique, en particulier avec la basse et la batterie qui rappellent largement Tool. Était-ce une influence consciente ?
Ça y ressemble, j’imagine, mais non. C’est extrêmement difficile d’être totalement original de nos jours. Dès qu’on commence à s’aventurer dans ces eaux-là avec la basse, les gens pensent sans doute à Tool. J’aime bien Tool, mais Björn, pas vraiment. Donc ça n’a rien à voir avec ce groupe. Je veux dire, Tool est un groupe génial, donc si les gens pensent que ça sonne comme eux ou qu’il y a une influence, ça me va. Avant toute chose, cette chanson était nécessaire pour l’album, pour apporter la dynamique. On s’éloigne un peu du son classique d’In Flames, mais je pense que nous avons toujours quelque chose comme ça. C’est une chanson assez heavy, où la basse et la batterie sont davantage centrées. C’est un super titre, nous l’adorons, mais encore une fois, il était nécessaire à l’album. Nous n’écrivons pas de singles. Nous écrivons des albums, encore aujourd’hui. J’ai parfaitement conscience que les gens écoutent de la musique différemment, de nos jours, mais ce que je crée, c’est un album. Je pense à la face A et à la face B, et cette chanson était nécessaire.
Plusieurs chansons offrent énormément de contraste et de dynamique, comme « Foregone Pt. 2 » ou « In The Dark ». Penses-tu que ce soit la clé pour écrire de la musique marquante, avec les parties agressives et les parties mélodiques qui se mettent mutuellement en valeur ?
Oui, je suis convaincu que la dynamique est très importante dans une chanson, dans un album ou dans un concert. Il ne faut pas que ce soit constant, parce que la constance en matière de musique est assez ennuyeuse, on s’en lasse rapidement. C’est très important à mes yeux, et c’est une chose avec laquelle nous jouons beaucoup. In Flames a toujours associé mélodie et agressivité, et cet équilibre se traduit toujours différemment, mais c’est quelque chose que nous avons en permanence. C’était aussi intéressant dans l’intro. Björn avait quelques idées et je lui ai dit : « Faisons une intro instrumentale. » C’est quelque chose que nous n’avons pas fait depuis longtemps, et ça fait aussi un peu office de flashback. Dès que tu l’entends, tu sais que c’est du In Flames et tu es à l’aise. Elle rappelle cette atmosphère que nous avons eue pendant longtemps. Et puis la suite te met une gifle et tout part en vrille [rires].
Non seulement cette intro, « The Beginning Of All Things That Will End », est acoustique, mais on retrouve aussi cette ambiance dans « Pure Light Of Mind ». En fait, comme tu le disais tout à l’heure, une partie de ce qui différenciait In Flames sur la scène de Göteborg, ce sont les influences de la musique folk suédoise. Quelle est l’histoire du groupe avec la musique folk ?
Je crois que le père de Jesper [Strömblad] jouait de la musique folk, donc il en a beaucoup entendu dans son enfance. Je me souviens que lui et notre ancien bassiste, Johan Larsson, qui était avec nous sur les premiers albums, en écoutaient beaucoup. Je ne peux pas vraiment citer de groupes, parce que ce n’était pas vraiment mon truc. Je n’ai jamais joué ce type de musique et je n’en écoute pas vraiment, mais les influences ont toujours été là, même quand nous étions jeunes. Quand on fête le solstice d’été, il y a toujours quelqu’un qui en joue. Le rythme est sympa. Je me suis sans doute déjà fait honte en chantant, en tenant des gens par le bras et en buvant de la bière sur ce style de musique. C’était un élément intéressant à associer au thrash, au death et au speed que nous jouions à nos débuts. C’est en gros de là que ça vient. Et puis nous avons écrit des classiques comme « Moonshield » et « Gyroscope », et nous avons capitalisé là-dessus pendant un moment. Je me suis dit que ce serait vraiment cool de revenir à ces influences. Nous avons joué « Moonshield » récemment, et « Gyroscope » quelques fois, et je me disais que ce serait intéressant d’incorporer ces éléments dans le nouvel In Flames, ou appelle-le comme tu veux.
« Le nouvel album réclamera aussi un peu de temps, mais dans dix ans, il sera considéré comme un classique d’In Flames. J’en suis absolument convaincu. »
Le point commun de toutes les phases d’In Flames est le sens de la mélodie accrocheuse. Foregone ne fait pas exception, en particulier avec les refrains très accrocheurs de « State Of Slow Decay », « Pure Light Of Mind » ou « In The Dark ». À vos débuts, on sentait l’influence du heavy metal traditionnel, mais d’où vous vient aujourd’hui ce talent pour les mélodies et les refrains accrocheurs ?
Qui n’apprécie pas une bonne mélodie ? Et il y en a partout. Je trouve ça important, et il est difficile de ne pas écrire une bonne mélodie. Nous voulons écrire des chansons accrocheuses que les gens peuvent chanter tout en pogotant. Ça a toujours été là. Nous avons grandi en écoutant du heavy metal, évidemment, et ça nous a énormément influencés dans les premiers temps, même avant que nous commencions à écrire notre propre musique. De façon générale, c’était du speed et du thrash allemands qui avaient toujours des mélodies, comme le Helloween des débuts, Running Wild, ce genre de groupe. Et Iron Maiden, bien sûr. Que des bonnes mélodies !
Foregone est le premier album avec Chris Broderick à la guitare. Niclas Engelin était jusqu’à présent considéré comme étant en hiatus dans le groupe. Quel est le statut de Chris et de Niclas par rapport à In Flames à l’heure actuelle ?
Chris est dans le groupe ; c’est un membre d’In Flames. Niclas fait son propre truc. Quand il a été temps de tourner pour I, The Mask, nous devions commencer aux États-Unis et l’équipe était déjà en chemin quand nous avons reçu un message de Niclas disant qu’il ne pouvait pas en être. Il était à l’hôpital pour… Il était épuisé, il avait atteint sa limite, il a fait un burn-out. Nous nous sommes demandé ce que nous allions faire, parce que notre musique est censée être jouée par deux guitaristes. Nous n’avions que quelques jours devant nous, nous étions déjà en route. « Qui est-ce qu’on appelle ? SOS Fantômes ? [Petits rires] Qui est-ce qu’on connaît ? » C’était plus simple de trouver quelqu’un en Amérique qu’en Europe, parce que c’est là que nous allions. Nous avons pensé à Chris Broderick, que nous connaissions depuis vingt ans et l’époque de Jag Panzer, Nevermore et Megadeth. Nous étions amis depuis longtemps, nous nous sommes dit qu’il pouvait nous aider, parce qu’il n’avait rien d’autre sur le feu en dehors de son autre groupe, Act Of Defiance. Il a répondu qu’il pouvait le faire. Nous n’avons eu que deux jours pour répéter, ou quelque chose comme ça. Il a appris les chansons à ce moment-là, parfois même entre les concerts au début de la tournée. Il ne faisait que répéter, répéter, répéter. Depuis, il fait partie du groupe. Aujourd’hui, il participe à l’album et il est dans le groupe, tandis que Niclas fait son propre truc.
Au cours des cinq dernières années, vous avez complètement revu le line-up du groupe. Que penses-tu que Bryce Paul, Tanner Wayne et Chris Broderick apportent à In Flames ?
Une ambiance différente. Encore une fois, je ne veux pas dire du mal des anciens membres, parce que chacun a sa propre personnalité. Évidemment, ce sont d’excellents musiciens. Björn et moi continuons d’écrire la musique, nous créons les démos, et quand les autres gars arrivent en studio, ils apportent leurs influences, leur talent et leur façon de jouer. Même si nous sommes responsables de la plus grande partie de la musique et des démos, ça ne sonnerait pas pareil sans Bryce, Tanner et Chris. Ils ont leur propre patte, et je pense que c’est la raison pour laquelle cet album sonne de cette façon. En tant que collectif, en tournée et dans la vie en général, nous sommes un groupe très équilibré. Nous revenons de deux mois de tournée aux États-Unis et au Canada. Nous vivons dans le même bus et nous finissons par être fatigués, mais il n’y a pas de catastrophe, pas de disputes. Tout le monde se respecte, malgré la fatigue ou la maladie ou tout le reste. J’ai l’impression que, sur scène, nous n’avons jamais aussi bien sonné.
Ça fait six ans que Bryce est avec nous, cinq pour Tanner et quatre pour Chris, depuis le début de la tournée pour I, The Mask. J’ai le sentiment que nous avons vraiment solidifié le line-up. C’est génial d’avoir avec nous ces musiciens qui maîtrisent vraiment leur instrument. Je sais que c’est un peu tôt pour en parler, parce que l’album n’est pas encore sorti et que je viens de dire que je veux vivre dans l’instant présent [petits rires], mais j’ai hâte de voir ce que l’avenir nous réserve avec le prochain enregistrement et le prochain album. Maintenant que nous avons tenté l’expérience, nous savons ce dont nous sommes capables. Tanner est un animal de compétition, il faut qu’il se lâche ! Nous n’en sommes qu’aux débuts de ce line-up, et si l’apocalypse ne nous tombe pas dessus avant le prochain album, je pense que vous entendrez une plus grande contribution de la part de chacun. Tout le monde participera davantage. J’adore faire partie d’In Flames à ce stade de ma vie. C’est important pour moi. Je fais ça depuis tellement longtemps, et je me lève le matin en me disant : « Putain, c’est génial ! J’ai tellement de chance de pouvoir faire ça. J’ai tellement hâte de voir les gens. » Ce n’est pas : « Pfff, il faut que je parte en tournée… » Tout le monde veut y aller.
« Les gens ont besoin du passé et de ce qu’ils connaissent déjà comme d’une béquille. […] Il faut être dans le présent, essayer de s’améliorer, apprendre de ses erreurs et ne pas avoir peur de l’avenir. »
Björn et toi formez une équipe très efficace. Tu as d’ailleurs mentionné que tu connais sa façon de jouer et que tu aimes chanter par-dessus. Qu’apprécies-tu à ce point dans son jeu ?
Il sait où je me situe vocalement, il sait quoi faire, et nous savons trouver un bon équilibre. C’est difficile à expliquer. C’est juste le genre de chose qui fonctionne parfaitement après des années passées avec quelqu’un. Et il a beaucoup de feeling. Pour In Flames, ça marche très bien. C’est une constante. C’est comme faire du vélo – je ne saurais pas non plus comment expliquer ça. Il est comme mon frère, plus qu’un meilleur ami. C’est un véritable membre de ma famille.
Foregone est votre troisième album – sans compter l’édition des vingt ans de Clayman – avec le producteur Howard Benson. Par le passé, vous avez beaucoup travaillé avec Fredrik Nordström, puis avec Daniel Bergstrand. Comment comparerais-tu la façon de travailler de ces producteurs ?
Ce sont des gens totalement différents qui ne voient pas les choses de la même façon. Fredrik nous a donné notre chance et a eu une grande importance pour nous à nos débuts. Je ne pense pas qu’il y aurait ce fameux « son de Göteborg » sans Fredrik. C’est dire s’il a été important pour nous. Mais il a sa façon de faire, et au bout d’un moment, peut-être qu’on finit par trop connaître les gens. Le respect qu’on avait pour cette personne disparaît. Nous sommes devenus amis et certaines choses ont fini par devenir très pénibles. Du coup, il était temps d’aller voir ailleurs. Nous étions à deux doigts de travailler avec Daniel Bergstrand pour Clayman. Il était censé enregistrer cet album, mais ça ne s’est pas fait parce qu’il travaillait avec Misery Loves Co. ou je ne sais plus quel groupe. J’avais déjà pensé à lui, parce qu’il avait fait l’album City de Strapping Young Lad, et bien sûr, il avait travaillé avec Meshuggah. Je me suis dit que c’était quelqu’un avec qui j’avais envie de bosser. Daniel a une attitude complètement différente. C’est un vrai nerd en matière d’instruments, et surtout de chant. Fredrik s’en souciait, mais pas autant. La collaboration entre Daniel et moi a vraiment été très étroite. Et puis, encore une fois, nous avons réalisé beaucoup d’albums ensemble, et il était temps de changer et de faire autre chose. Mais j’avais vraiment peur de l’abandonner. Je l’ai presque fait venir aux États-Unis pour l’album suivant, mais il faut être sûr de la personne avec qui on veut travailler et ne pas faire venir un intermédiaire. Du coup, nous avons décidé de passer à autre chose. Je suis toujours très ami avec Daniel, donc tout va bien.
Travailler avec Howard Benson, c’est une tout autre histoire. Il aborde les chansons différemment. Aujourd’hui, je suis très à l’aise quand j’enregistre avec lui. Il a une vision d’ensemble. Il n’est pas présent en studio avec Bryce, Tanner, Björn et Chris ; c’est quelqu’un d’autre, Mike Plotnikoff, qui s’occupe de l’enregistrement. Il n’est pas tout le temps là à dire : « Fais ci, fais ça. » Il a davantage une vue d’ensemble, et je travaille en étroite collaboration avec lui pour le chant. Il réfléchit aux arrangements, à la préparation, ce genre de choses. J’adore bosser avec lui. Cette fois, nous avons vraiment trouvé notre rythme, le fonctionnement idéal. Au début, quand nous avons commencé l’enregistrement de Battles, nous avions un nouveau management, nous étions à LA avec Howard Benson, et connaissant son palmarès, nous étions un peu… Je ne dirais pas que nous avions peur, mais nous avions tellement de respect pour lui que nous n’avons peut-être pas complètement mis à profit son expérience et la nôtre. Mais aujourd’hui, nous sommes amis et nous savons exactement quelle est notre zone de confort.
Je viens d’évoquer la réédition 2020 de Clayman, pour laquelle pour avez réenregistré plusieurs chansons. Penses-tu que cela ait eu un impact ou une influence sur votre approche de Foregone ?
Pas du tout. La raison pour laquelle nous avons fait ça est que nous n’avons jamais rien célébré de toute notre carrière. J’entends les gens dire : « Oh, Whoracle fête ses vingt-cinq ans aujourd’hui » ; « The Jester Race a vingt ans aujourd’hui ». Nous oublions systématiquement. Nous n’y pensons pas du tout. Il n’y a que les fans ou nos amis pour penser à ce genre de chose. Nous avons discuté avec notre maison de disques et notre management : « Comment peut-on fêter ça, pour une fois ? » Même si Clayman ne marque pas exactement la moitié de notre carrière, il y a un avant et un après Clayman. J’ai pensé que ce serait intéressant de marquer le coup, pour une fois. La seule chose que je voulais vraiment changer, c’était la pochette – ou plutôt le livret. L’original était affreux. Nous voulions travailler avec Blake [Armstrong], qui s’occupe désormais de tous nos artworks et qui a fait une super version du Clayman – ce à quoi il est censé ressembler. Ce n’est rien de plus qu’une célébration. Ça n’a pas eu la moindre influence et nous ne nous sommes pas arrêtés dessus, mais au final, j’ai pu me dire : « Cool, on a créé un son qui a fait date. » Quand tu écoutes du In Flames, que tu aimes ou pas, tu sais immédiatement que c’est du In Flames. Nous ne sonnons pas comme d’autres groupes. Nous ne sommes pas un groupe de reprises. Nous sommes un groupe original.
« Je n’ai aucun respect pour les gens qui chient sur l’art, quel qu’il soit. »
Vous avez annoncé la sortie d’un comic. Peux-tu nous en dire davantage ?
Nous en avons déjà sorti un, intitulé The Jester’s Curse. Celui-ci est une suite. C’est une idée de Blake et de ses amis. Nous sommes des nerds, nous aimons les jeux, les comics et l’art inspiré dans ce style, et Blake s’est dit : « Penchons-nous davantage sur les paroles. Créons un univers autour de ces paroles et faisons quelque chose d’inédit. » Nous avons des idées pour plus de deux comics. Un épisode doit sortir l’an prochain. C’est fou ce que ces gars ont fait avec les paroles et la musique, ce qui a pu les inspirer, parce que le résultat est dingue. C’est tout ce dont j’ai toujours rêvé. J’ai tout lu, tout vu, mais je n’ai pas encore eu l’exemplaire physique entre les mains. Je pense qu’il devrait être disponible pendant la tournée, et il sortira l’an prochain. C’est génial. Pour les vrais fans d’In Flames, ce sera un truc super cool à avoir.
Quels sont vos goûts en matière de comics ?
Bryce est à fond dans les comics cyberpunk et indépendants. J’étais plus tourné vers Phantom, les débuts de Batman, Spiderman, Modestly Blaise dans mon enfance – et bien sûr, quand j’étais super jeune, Donald Duck et tout le tintouin. J’adore l’esthétique de Sandman et ce genre de style, et puis… C’est quoi, le titre ? Comment s’appelle la série dont Trent Reznor a fait la musique ? Il y a eu un film et ils ont fait un remake. Watchmen. Le film est génial, et la série aussi.
La vidéo de « Foregone Pt. 1 » a été réalisée par un artiste ukrainien à l’aide d’une intelligence artificielle, ce qui fait d’In Flames l’un des premiers groupes à utiliser cette technologie. Cependant, l’art généré par IA provoque une énorme controverse à l’heure actuelle. Considères-tu l’IA comme l’évolution naturelle de l’art ou comme un danger pour celui-ci ?
Non, je pense que l’art doit venir de l’intérieur. J’aime débattre de ce qui constitue de l’art ou non, et on a tous des opinions différentes. Même chose avec la musique. Je n’ai aucun respect pour les gens qui chient sur l’art, quel qu’il soit. Personnellement, je suis très ouvert, mais je connais des gens qui ne le sont pas du tout et que ça n’intéresse pas. Je peux regarder une peinture et y voir tellement de choses ou penser aux coups de pinceau que le ou la peintre a utilisés pendant qu’il ou elle travaillait. L’IA repousse les limites et c’est intéressant, mais pour moi, l’art ne devrait pas être créé par des robots. C’est une question de sentiments bruts et d’interprétation. Mais j’aime le débat. Si je me mettais à faire uniquement des vidéos en IA, de la musique en IA et tout ce que tu veux en IA, ce serait la fin. C’est déjà utilisé dans la pop, mais je ne pense pas que ça puisse… L’humanité de façon générale veut pouvoir créer et repousser ses limites. C’est important pour elle que tout ça se fasse de façon très organique. Personne ne veut uniquement de la nourriture mainstream, de la musique mainstream ou de l’art mainstream. Il faut une autre facette. On peut toujours débattre de comment ça évoluera, et les gens rêvent du futur, mais ça fait une éternité que ça dure. Si les rêves de ceux qui vivaient dans les années 50 étaient devenus réalité, en 2023, le monde serait peuplé de robots – mais ce n’est pas le cas. Ce ne sont pas les robots et les Terminators qui nous tuent, ce sont les êtres humains. C’est la même chose pour l’art. Mais je comprends qu’on puisse trouver ça intéressant, même si je n’ai pas envie d’aller voir un concert donné par des robots.
Foregone ne sortira pas avant février prochain, mais « State Of Slow Decay » est sorti en juin, « The Great Deceiver » le 1er août, et « Foregone Pt. 1 » en septembre. Je n’ai pas souvenir que le premier single sortait huit mois avant l’album il y a quelques années. Est-ce la façon dont fonctionne l’industrie aujourd’hui ? La pandémie a-t-elle durablement changé les choses ?
Certains groupes sortent leur album, boum, sans rien dire à l’avance. Donc je ne sais pas vraiment comment fonctionne l’industrie en la matière. Évidemment, ça a quelque chose à voir avec la pandémie. Notre album était déjà fini en avril. La tournée que nous faisons actuellement est toujours pour I, The Mask, d’une certaine façon, parce qu’elle a été interrompue. Nous n’avons tourné qu’un an, puis nous avons dû rentrer à la maison à cause de la pandémie. Mais puisque nous avons un nouvel album prévu, nous voulons jouer de nouvelles chansons. I, The Mask n’est pas un vieil album, mais il en a l’air, dans le sens où il appartient déjà au passé. Nous voulons proposer de la nouveauté. Nous nous sommes dit que c’était le moment idéal pour montrer que nous sommes toujours là, qu’In Flames est à nouveau sur la route, en sortant quelque chose de nouveau, que les gens n’ont encore jamais entendu. Du coup, nous avons sorti ces chansons pour pouvoir les jouer sur scène. Nous aurions probablement pu sortir l’album plus tôt, mais avec les problèmes dans la production des vinyles, il y a parfois des délais d’attente de six à huit mois. Nous voulions tout sortir en même temps. Nous n’avions pas envie de sortir d’abord la version streaming, puis le CD, puis, des mois plus tard, le vinyle. Bien sûr, le streaming est devenu extrêmement important, et les gens écoutent de la musique différemment, aujourd’hui, mais le vinyle est très important pour nous. Le format album compte beaucoup à mes yeux. Il faut s’adapter à la situation et continuer à aller de l’avant. Nous avons donc reporté l’album à 2023 pour que tout soit prêt, mais nous voulions avoir quelques nouvelles chansons que nous pourrions présenter en tournée.
Interview réalisée en face à face les 9 et 28 novembre 2022 par Tiphaine Lombardelli & Nicolas Gricourt.
Retranscription : Nicolas Gricourt.
Traduction : Tiphaine Lombardelli.
Site officiel d’In Flames : www.inflames.com
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