Comment réagir si l’un de vos collaborateurs vous fait part d’une situation de harcèlement dans votre entreprise ?
Critiques répétées, insultes, intimidations, humiliations… On retrouve ces situations de harcèlement au travail dans tous types d’entreprise, quelle que soit leur taille et leur secteur d’activité. Ces violences n’ont pas disparu à l’heure du télétravail, bien au contraire : elles ont pris de nouvelles formes. « 19% des Français se sentent confrontés à la solitude, soit 6 points de plus qu’en 2018. Le fait de ne pas pouvoir échanger avec leurs collègues sur le comportement inapproprié d’un tel a un impact. Cela se traduit parfois par des signes d’état dépressif, voire, dans le pire des cas, par l’apparition de pensées suicidaires », décrit Elise Chaumont, psychologue du travail au sein du cabinet Egidio, spécialisé dans la prévention des risques et le traitement des situations dégradées au travail.
Quand ces comportements gangrènent l’entreprise, l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour mettre fin à la situation de harcèlement, en vertu de son obligation légale de sécurité (article L.1152-4 du Code du travail). On vous aide à dépasser les idées reçues pour trouver la réponse la plus appropriée.
« Certains pensent que les situations de harcèlement moral sont le fait de pervers narcissiques, à la personnalité psychopathologique, qui agissent dans un environnement toxique. Or, ce schéma ne représente que 5 cas de harcèlement sur 100 », fait remarquer Gilles Riou, psychologue du travail et fondateur d’Egidio.
Selon lui, la plupart du temps, les harceleurs ou les harceleuses sont des collaborateurs lambda qui se sont laissé embarquer, malgré eux, dans la spirale du harcèlement pour diverses raisons :
C’est ainsi que s’installe la « banalité du mal », concept philosophique forgé par Hannah Arendt lors du procès du responsable nazi Eichmann, qui pose la possibilité d’accomplir des actes insupportables, voire inhumains, chez des êtres « effroyablement normaux », selon les termes de la philosophe.
« Le harcèlement moral est plutôt une pathologie du collectif, de l’autorité défaillante, décrypte Gilles Riou. Cette situation s’installe souvent lorsque l’entreprise ne s’interroge pas sur ses dysfonctionnements. La première difficulté est de qualifier les faits de harcèlement, la seconde est de comprendre comment le système s’est installé. »
Au-delà de l’auteur des faits de harcèlement, tous les témoins passifs ont leur part de responsabilité dans la situation, d’après le psychologue : « La première des violences est de ne pas s’opposer à la violence. Le harcèlement est une violence institutionnelle : ce qui est brutal pour les victimes, c’est l’absence de réaction des témoins, c’est ce qui casse le lien social et fait que vous ne vous sentez plus en sécurité nulle part. On peut faire le parallèle avec une agression qui se déroule dans la rue et à laquelle aucun passant ne s’oppose. »
« Certains témoins n’interviennent pas car ils trouvent un intérêt à ne pas agir, à ce que le système soit maintenu tel quel », complète Elise Chaumont.
Le plus souvent, le harcèlement sert les intérêts du harceleur. Si on prend l’exemple du secteur de la culture ou de l’humanitaire, où les missions sont transcendantales, où les valeurs de la mission ne peuvent être quantifiées, la fin peut parfois justifier les moyens, comme l’explique le fondateur d’Egidio : « Les personnes en charge de conduire ces missions peuvent être intoxiquées par l’ampleur de la mission qu’ils portent. Certains supérieurs peuvent devenir insupportables dès qu’ils considèrent que leurs équipes ne sont pas en phase avec leur propre conception de la mission. Or, quand on est investi dans de grandes causes, on a besoin d’une rétribution plus importante que financière, car on estime qu’on mérite plus que la rémunération qu’on touche au vu de notre investissement. D’où parfois des déviances, des fraudes, des actes de corruption de ceux qu’on veut acheter et des faits de harcèlement moral de ceux qu’on veut faire taire jusqu’au harcèlement sexuel. »
Fuir le conflit, n’est-ce pas amenuiser la gravité des faits ? C’est ce que peut laisser penser cet exemple cité par Gilles Riou : « Lors d’une conférence de rédaction au sein d’un groupe de presse, une journaliste, qui en avait assez que son collègue écorche le nom des invités, fait part de son indignation. S’ensuit une altercation violente : la journaliste est publiquement mise en cause de façon inappropriée. Elle s’en plaint aux RH. La responsable RH l’écoute attentivement, prend des notes et lui dit que cette réaction est inacceptable mais qu’elle invite la collaboratrice à faire profil bas. A la suite de cette réponse, la journaliste a été placée 15 jours en arrêt de travail et a déposé une main courante. Prise dans les enjeux de sa fonction, la responsable RH a cherché l’évitement du conflit, une réaction qui a été reçue de manière encore plus violente que les propos du harceleur par la victime ! »
La victime du harcèlement attend de l’entreprise qu’elle reconnaisse sa responsabilité dans la situation pour réparer le préjudice subi. « Au-delà du dédommagement financier, ce qu’attend principalement le salarié, c’est que l’entreprise concède, en tête-à-tête avec lui, sa responsabilité, que le DRH présente des excuses au nom de l’entreprise, qu’il condamne les actes », explique Gilles Riou.
Que peuvent faire les RH lorsqu’un collaborateur vient leur faire part d’une situation de harcèlement ? « Les RH doivent d’abord garantir l’extrême confidentialité des propos rapportés en proposant un cadre où le salarié pourra se confier. Il faut mettre les gens à l’aise, leur poser des questions précises. C’est un travail de maïeutique pour faire accoucher d’une parole difficile », résume le psychologue.
Gilles Riou conseille d’être à deux pour traiter ces alertes, car cela permet de confronter les points de vue et de temporiser. « C’est une souffrance réelle à accompagner avec des mots choisis, complète Elise Chaumont. Il ne faut surtout pas atténuer les faits en disant : ‘’Oui mais tu sais comment il est’’ ou ‘’tu vas voir, ça va aller’’. Ça décrédibilise la parole du collaborateur. »
Après l’écoute et la qualification des faits, vient le temps des actes : « Les RH doivent expliquer à la victime les mesures qui vont être prises et à quelle échéance, lui dire par exemple qu’elles parleront, dès demain, au harceleur ou à son manager, qu’elles vont contacter la médecine du travail ou un psychologue du travail ou qu’elles vont diligenter une enquête d’élucidation des faits auprès d’un cabinet extérieur. L’important est de ne pas laisser la personne dans le flou. Il faut montrer qu’on prend la situation au sérieux. »
Que faire quand c’est le/la DRH qui est le harceleur et que la Direction la suit aveuglément dans ses décisions?
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