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Schweitzer-Mauduit, SWM International pour les intimes, est un industriel américain spécialiste de la fabrication de produits en fibres naturelles et synthétiques. L’entreprise s’est d’abord spécialisée dans la fabrication de papiers à cigarettes avant de diversifier amplement ses activités. En sus de fournir l’industrie du tabac, la division Engineered Papers développe des papiers spécialisés utilisés pour fabriquer des revêtements de table, des produits d’hygiène ou encore des emballages.
La deuxième unité, Advanced Materials & Structures, elle, conçoit des filets, des bandes adhésives, des polymères, des films de protection, ou encore des filtres pour traiter l’eau de mer. Les applications des technologies développées par la firme sont nombreuses. Et le groupe est implanté dans 90 pays et emploie environ 5 000 collaborateurs dans le monde.
En France, la division Engineered Papers compte trois usines : à Quimperlé, dans le Finistère, à Allonnes, en Sarthe et à Saint-Girons, dans l’Ariège.
C’est depuis son site breton que l’industriel a lancé son programme consacré à l’industrie 4.0 sous la supervision de Florent Martin, directeur de la technologie Engineered Papers chez SWM International.
« Je ne viens pas du tout du monde de l’IT », indique l’intéressé. « J’ai commencé comme ingénieur process, puis je suis devenu responsable de production, et directeur d’usine. J’ai un passé d’utilisateur des outils en charge de leur optimisation ».
Chez Schweitzer-Mauduit, un tel programme ne vise pas uniquement à connecter les machines au réseau ou à les moderniser. Ce travail est déjà bien avancé. « Nos usines clés sont très fortement automatisées, robotisées, et les procédés sont mis sous contrôle à l’aide de systèmes numériques tels ceux proposés par ABB ou Honeywell », relate le directeur.
« Nous avons beaucoup de données, beaucoup de systèmes – pour superviser les processus, pour centraliser les contrôles qualité, un ERP, un système Oracle pour administrer la finance au niveau du groupe, etc. », ajoute-t-il.
Même si la modernisation des outils de production était en cours, le PDG du groupe estimait que son entreprise accusait un certain retard concernant le passage à l’industrie 4.0. Sans imposer de solutions, le dirigeant a demandé à ses collaborateurs de lui faire des propositions. « Au sein de la division papier, il nous est arrivé un peu comme une évidence que si nous voulions franchir une étape supplémentaire, il fallait pouvoir optimiser la production en exploitant nos données », explique Florent Martin.
Problème, comme chez la plupart des entreprises, ces données de processus, de production, de traçabilités financières résident dans des SI différents. « L’on s’est finalement aperçu que ces systèmes ne communiquent pas d’emblée les uns avec les autres », remarque le directeur.
Pendant ce temps-là, un des concurrents principaux de SWM se vantait de ses avancées en la matière, une pression supplémentaire qui a accéléré le processus de recherche d’une solution.
« Nous voulions un outil compatible avec nos processus et qui puisse se placer par-dessus nos systèmes », précise Florent Martin. « Nous avons étudié les offres de nos fournisseurs IT/OT, mais elles ne permettaient pas de se départir de ce problème de silos ».
La division Engineered Papers avait conscience qu’elle devrait investir pour équiper les usines les moins avancées, mais elle ne voulait pas refaire le travail de modernisation déjà effectué sur ses sites industriels clés.
« Il nous fallait donc un outil indépendant des systèmes de supervision classiques que l’on retrouve dans notre industrie », note le directeur de la technologie.
Autre exigence, cette fois-ci opérationnelle : la plateforme devait être « accessible à tous ». « Nous voulions un outil de contrôle de procédés qui peut être mis dans les mains des opérateurs et non dans celles d’un data scientist dans un bureau », poursuit-il. « Il fallait qu’il nous aide à améliorer nos performances industrielles et à nous assister dans nos routines managériales ».
Les évaluations effectuées par les équipes du papetier l’ont mené à choisir la plateforme IIoT de l’éditeur français Braincube. Cette suite analytique est conçue pour se connecter aux équipements industriels. En sus de la collecte et de l’organisation des données de séries temporelles, elle offre plusieurs fonctionnalités de visualisation de données, de modélisation, de supervision, d’analytique avancée, de maintenance prédictive, de prescription, de vérification des processus de contrôle et de qualité, ainsi que de recommandations. L’éditeur mise entre autres sur son système de gestion de workflows low-code/no-code et des applications précâblées, développées en partenariat avec SAS.
Chez SWM, le premier projet test a été lancé à la fin de l’année 2019… et n’a pas rencontré le succès escompté. « Nous avons lancé le premier POC au sein d’une de nos usines les plus avancées », raconte Florent Martin. « J’ai moins peur de le dire maintenant : ce POC n’a pas abouti. Nous n’avions pas choisi la bonne machine à superviser ».
Cette machine était en cours développement, ne fonctionnait pas en continu et visait à fabriquer de nouveaux produits. « Il n’y avait pas assez de données historiques. La gestion de la production n’était pas assez établie. Nous nous sommes dit qu’analyser les données de ce nouvel équipement nous permettrait d’accélérer sa mise en production. C’était une erreur », constate après coup le directeur de la technologie.
En revanche, d’un point de vue fonctionnel, la plateforme IIoT a tenu ses promesses. SWM International a d’abord déployé le module IoT Server afin de tirer les flux de données en quasi-temps réel et concevoir en low-code/no-code les tableaux de bord et les rapports nécessaires au suivi de la production.
« En matière de facilité d’usage, de rapidité d’accès à la donnée, de connexion, etc., nous avons pu prouver que l’outil répondait à nos attentes. Il fallait maintenant en tirer les bénéfices opérationnels », continue le responsable.
Les équipes ont appris de leurs erreurs. « Nous avons compris qu’il fallait établir des enjeux de production et économiques concrets à améliorer, avoir une certaine volumétrie de données pour ce faire, ainsi que l’organisation humaine en place », liste-t-il.
La deuxième tentative lancée à la fin 2020 fut la bonne. Sur le même site, l’équipe de Florent Martin a connecté l’outil aux systèmes supervisant « la plus grosse machine du groupe, celle qui produit le plus et qui posait la plus grosse problématique client du moment ». Rien que ça.
En l’occurrence, la machine 10 installée sur le site de Quimperlé souffrait d’un taux de rebut supérieur à la moyenne. Cette dégradation des performances résultait en partie d’une configuration spécifique du papier afin de répondre aux exigences du client. Le déploiement de Braincube, son adoption par les opérateurs et la mise en place des processus de production ont permis une forte baisse du bourrage papier. Résultat, en un an, SWM a économisé 500 000 dollars.
« Ce projet a été une très belle réussite : nous avons résolu notre problématique », se réjouit Florent Martin.
Plus précisément, à l’aide de l’éditeur Braincube, son équipe a mis en place différents tableaux de bord pour que les opérateurs puissent suivre les métriques importantes de la machine (débit, pression, température, etc.) et y paramétrer des alertes.
Pour ce faire, SWM a déployé le module Data Visualization.
De leur côté, les responsables de production reçoivent depuis des notifications de dérives et des rapports afin qu’ils bénéficient d’une vision des processus et des indicateurs pour prendre des décisions.
Ce sont les rôles des modules Condition Monitoring et Process & Quality Control. Le premier est réservé au suivi des performances des ressources, du taux de rendement global ou bien des taux de production. Comme son nom l’indique, Condition Monitoring doit permettre d’identifier les raisons pour lesquelles les conditions de production ne sont pas optimales à un instant T et de déclencher des alertes après le paramétrage de seuils.
Le second module facilite la conception de cartes de contrôle modélisées afin d’établir la maîtrise statistique des processus (Statistical Process Control ou SPC en anglais). Il s’agit d’identifier les normes de production, de les enregistrer et d’observer les possibles dérives en temps réel (les mesures peuvent être prises toutes les 200 millisecondes, par exemple).
En conséquence, l’organisation des rendez-vous de production quotidiens est accélérée puisque la plateforme permet d’obtenir et d’afficher sur les écrans présents dans l’usine des rapports avec des données à jour.
« Mais tout le mérite ne revient pas à la plateforme Braincube », souligne-t-il. « Le plus important, c’est ce que nous avons observé concernant l’adoption de l’outil par la direction et les équipes de production de PDM Industries [l’usine située à Quimperlé, N.D.L.R]. Nous avons mis l’outil en support des routines managériales, nous avons mis sous contrôle les procédés et les performances globales de la machine s’en sont retrouvées améliorées ».
Par la suite, les équipes en charge du projet ont connecté la machine 11 – la petite sœur de la machine 10 – et une partie des équipements de l’atelier pâte à papier à la plateforme IIoT afin d’étendre la supervision à l’ensemble de la ligne de production papier à cigarettes de PDM Industries. Puis, un atelier de transformation de papiers a également déployé l’outil en fin d’année 2021. « En 2021, nous sommes passés d’un projet pilote à une usine pilote », résume le directeur de la technologie.
L’usine de Quimperlé est devenue la vitrine interne de l’industrie 4.0 au sein du groupe. Florent Martin et son équipe ont raconté cette histoire afin de convaincre les directeurs de production et favoriser l’adhésion au programme. En 2021, le déploiement de la plateforme IIoT a été répliqué au sein de LTR Industries, la deuxième usine du groupe en taille, installée dans la Sarthe. « Nous avons commencé par la plus grosse machine de fabrication de tabac reconstitué au monde. En parallèle, nous avons réalisé les audits et le début de la mise à niveau IT nécessaires sur les sites plus à la traîne ».
En fin d’année 2021, une feuille de route est validée par la direction générale du groupe. L’adoption de Braincube et la modernisation des systèmes de supervision IT/OT sont désormais en cours. « Nous sommes dans une phase de déploiement et d’exécution. Un projet a été lancé dans l’usine de Saint-Girons en mars, nous avons lancé un projet au Brésil en mai 2022 et nous en avons lancé un autre à la fin du mois de juin en Pologne », énumère Florent Martin. En juin, SWM a commencé le déploiement du programme et de Braincube sur l’autre activité de l’usine de PDM, à savoir la fabrication de papiers spéciaux.
Cette généralisation de l’adoption ne vise pas en premier lieu à réaliser des gains économiques significatifs, comme ce fut le cas à Quimperlé. « Je n’ai pas eu de mal à convaincre la direction générale quand j’ai exprimé les objectifs principaux du programme : l’amélioration continue, les changements des routines managériales et l’amélioration de la performance », rappelle l’interlocuteur du MagIT.
L’accompagnement des collaborateurs est effectué site par site. En revanche, la DSI centrale de SWM s’occupe des déploiements. La plateforme analytique de BrainCube est déployée dans le cloud, ce qui permettra à terme de visualiser les données de production des différentes usines.
Concernant l’adoption de l’analytique avancée et du machine learning, deux des fonctions importantes de la plateforme IIoT, Florent Martin considère que c’est la prochaine étape. Il faudra d’abord approfondir l’analyse des données de l’usine de Quimperlé. En ce sens, SWM prend en main l’application Advanced Analysis motorisée par les algorithmes de Braincube. Celle-ci doit permettre d’étudier différentes variables de production et de repérer automatiquement celles qui diffèrent d’un ensemble de données à un autre ou qui influent sur les résultats observés.
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