Nicolas de Pommerol, directeur stratégie et innovation du groupe Pomona, un grossiste alimentaire, fait le point sur un secteur qui "revient de loin", sur sa transformation digitale laborieuse mais qui accélère, et sur la façon dont les outils numériques peuvent faire la différence.
15h30
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Pouvez-vous nous présenter le groupe Pomona en quelques chiffres-clés ?
Nicolas de Pommerol : Nous sommes un groupe familial en activité depuis plus de 110 ans mais peu connu du grand public car nous travaillons uniquement en B2B. Nos clients sont des professionnels des métiers de bouche : la RHD (restauration hors domicile) et le commerce spécialisé de proximité.
Nous fonctionnons avec six réseaux en France : TerreAzur (fruits & légumes et produits de la mer), PassionFroid (produits carnés, laitiers et surgelés), EpiSaveurs (épicerie, boissons, produits d’hygiène et d’entretien), Relais d’Or (pour la restauration commerciale indépendante), Délice & Création (à destination des artisans-boulangers-pâtissiers) et Saveurs d’Antoine (pour les bouchers-charcutiers-traiteurs). Nous avons également deux réseaux en Suisse et en Espagne.
Après deux années de Covid, et la fermeture des restaurants et cantines d’entreprise, très compliquée à gérer pour tout le secteur, cette année devrait être plus réjouissante. Fort de nos 12 000 collaborateurs, nous devrions retrouver un chiffre d’affaires comparable à celui de 2019, soit au-dessus des 4 milliards d’euros.
Quel regard portez-vous sur l’évolution du parcours digital du groupe, et son articulation avec les canaux plus historiques ?
Nous avons lancé notre activité e-commerce il y a cinq ans. Aujourd’hui, nous progressons doucement mais sûrement, avec un peu plus de 20% de l’activité enregistrée sur le web. Mais nous revenons de très loin. Il y a quelques années, une étude avait démontré que le secteur de l’HoReCa (hôtellerie, restauration, cafés) était le moins digitalisé de l’univers du B2B (juste après le bâtiment) – à l’inverse du secteur des voyages et des transports, numéro un de ce classement.
Non seulement la pandémie a été un fort accélérateur, mais la sortie de crise Covid aussi car les restaurateurs ont de très gros problèmes de recrutement. Vu le manque de personnel, ils cherchent à gagner du temps partout ailleurs, et voient le web comme un véritable atout. Dans cet environnement très traditionnel, les restaurateurs se sont aussi enfin digitalisés grâce à une nouvelle palette de services – notamment la vente à emporter. En revanche, l’action concrète de livraison n’est pas “digitalisable”. Et la livraison, que nous assurons avec notre propre outil, demeure notre cœur de métier : tous les jours, nos 2500 camions livrent nos clients.
Nous avons globalement une approche omnicanal unifiée. Nous avons des chefs de secteur qui sont les commerciaux sur le terrain ; des conseillers commerciaux sur des plateaux téléphoniques qui peuvent répondre aux clients et prendre leurs commandes ; et le web. Ces trois canaux sont totalement alignés : par exemple, une commande passée sur le site rentre dans le portefeuille du chef de secteur, et vice-versa. Lorsqu’une promotion est lancée, elle l’est sur tous les supports. Cela nous permet de ne pas cannibaliser un canal par rapport à un autre.
Quels sont les freins qui retiennent encore ceux qui ont du mal à faire le grand saut digital ?
Le tout premier, c’est le restaurateur qui passe du temps dans sa cuisine, et non en salle, et ne voit pas forcément ses clients : la visite de son chef de secteur est un bol d’air. Il apprécie ce contact avec l’extérieur qui va lui apporter des idées de nouveautés. Il a parfois du mal à s’en passer.
Le deuxième, c’est le chef de secteur qui peut se demander à quoi il va servir si les commandes passent par le web. Il n’a pas encore compris que son métier devait évoluer vers plus de conseils et d’expertise pour apporter de la valeur ajoutée aux clients et lui faire gagner du temps. La commande récurrente, qui peut se faire en trois clics sur le web, n’est alors plus intéressante pour lui.
A l’heure des bilans, quels ont été les rendez-vous marquants de cette année ?
C’est avec ce leitmotiv, qui est de faire gagner du temps à nos clients, que nous avons lancé en avril 2022 : myPomona, notre nouvelle application de prises de commandes ultra-simplifiée. Nous sommes partis du principe qu’il n’y a pas forcément d’ordinateur dans une cuisine, et que nous devions offrir à nos clients la possibilité de passer une commande en cinq minutes. Cette app’ rencontre un franc succès, surtout auprès de notre clientèle de restauration commerciale indépendante.
Autre nouveauté plus récente : nous avons lancé, en octobre, le site e-commerce de notre branche Saveurs d’Antoine à destination des bouchers-charcutiers-traiteurs – la dernière à ne pas avoir de déclinaison e-commerce. Il s’agit d’une profession encore plus traditionnelle et moins digitalisée que les restaurateurs : il y a donc un vrai défi en termes d’adoption.
Votre secteur est chahuté par l’émergence de start-up : qu’en pensez-vous ?
Je ne pense pas que celles-ci nous bousculent, je dirais plutôt qu’elles complètent cet environnement très traditionnel. Car si ces start-up proposent certes des services digitaux, elles ne livrent pas et ne viennent pas non plus, si je peux me permettre, mettre le steak haché dans la poêle !
En revanche, elles aident aussi les professionnels à gagner du temps, et complètent donc notre proposition de services. Qu’il s’agisse de référencement web, de notoriété sur les réseaux sociaux ou de solutions d’encaissement via QR code – si cela aide le restaurateur à faire marcher son affaire, c’est bénéfique pour tout le monde.
Où en êtes-vous en matière d’engagement RSE ?
C’est un sujet dont nous nous sommes emparés depuis très longtemps. Nous avons été labellisés “Engagé RSE” par l’AFNOR en juillet dernier, avec le niveau “Confirmé”.
Notre politique repose sur quatre axes : une alimentation meilleure et responsable. Cela passe notamment par le sourcing des produits et le développement d’offres alternatives. Nous travaillons aussi sur une proposition de service écoresponsable : réduire les déchets en interne, réduire notre empreinte carbone en optimisant nos livraisons, développer des énergies alternatives pour notre flotte de véhicules… Nous nous engageons en plus auprès de nos équipes pour améliorer leur cadre de travail, favoriser leur évolution et encourager la diversité. Enfin, nous travaillons sur le développement local des territoires, notamment sur les fronts de l’emploi et de la production.
Quel usage faites-vous de la data ?
Il s’agit d’un sujet stratégique majeur dans un contexte de RGPD. A l’arrivée, notre enjeu est celui de créer de la valeur pour nos clients. Ces derniers veulent savoir comment mieux anticiper et comprendre leurs besoins pour avoir une livraison parfaite et éviter les ruptures d’approvisionnement. Donc, désormais, nous utilisons la data combinée à des modèles d’IA pour prévoir les ventes en fonction de nos historiques de commandes mais aussi en fonction de la météo (un jour de pluie est défavorable par exemple) et du calendrier (un jour de match est favorable à ceux qui les diffusent).
Mais cela demeure compliqué dans le contexte actuel avec des tensions sur les chaînes d’approvisionnement. Nous avons beau avoir une panoplie technologique impressionnante, les prévisions sont particulièrement complexes et dans ce cas, c’est l’expertise de nos équipes qui fait la différence.
Entretien réalisé par l'équipe des Enjeux Innovation B2B 2023
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