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À Zhengzhou, dans le centre de la Chine, le fournisseur d’Apple, Foxconn fait tout pour retenir les employés mécontents des restrictions sanitaires et effrayés par la propagation des cas de Covid sur le site. Et ce mercredi, après la fuite d’employés inquiets, les autorités ont décrété le confinement de la zone autour.
De notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde, avec Louise May, du bureau de Pékin,
Comme à chaque fois que la stabilité est menacée, ici devant le risque d’enrayement de la production des usines du troisième exportateur de Chine, les autorités interviennent. « L’ordre social dans un environnement sûr et stable » doit être rétabli au plus vite, à la fois dans la mégalopole de Zhengzhou et à l’intérieur des usines Foxconn, a indiqué le secrétaire général du parti communiste de la municipalité.
Une déclaration qui intervient après le départ massif d’ouvriers fuyant le campus à pied ce week-end en raison de la dégradation de leurs conditions de travail depuis leur confinement dans le complexe industriel où un foyer de Covid-19 a été découvert. Une véritable ville dans la ville qui pouvait embaucher jusqu’à 300 000 personnes avant la pandémie.
► À lire aussi (article de 2013) : Foxconn: L’amour à l’usine
Ce sont les premiers cas d’infections Covid survenus mi-octobre sur le site qui ont déclenché la colère ouvrière. Ce que n’ont pas compris les employés du sous-traitant d’Apple, c’est qu’on les maintienne au travail, alors que partout ailleurs en Chine, au moindre cas de contamination, tout s’arrête. La propagande appelle cela la mise sous « silence » des résidences, des unités de travail, des quartiers, des districts et parfois de villes entières ; un euphémisme pour décrire des « verrouillages » et des « confinements » destinés à bloquer la progression des foyers d’infection, selon la stratégie sanitaire chinoise dite « Zéro Covid Dynamique ».
Dans des usines qui représentaient plus de 60% du commerce total de la province centrale du Henan en 2019, les chaînes de montage de Foxconn-Hon Hai Technology Group, ne peuvent pas s’arrêter. Comme Tesla et d’autres grandes entreprises pendant le confinement de Shanghai au printemps dernier, les usines de Foxconn-Zhengzhou ont continué de fonctionner en « boucle fermée ». Les employés ont dû travailler avec des masques KN95, suivre des itinéraires stricts entre les ateliers de productions et leur dortoir, quand ils ne sont pas contraints de dormir à côté des outils de production avec leur duvet comme cela s’est vu ailleurs. Et bien sûr, il y a les tests Covid à faire tous les jours.
Les quatre cantines de l’usine ont été fermées. Il a fallu prendre ses repas dans les chambres. Une vie de moine ouvrier par temps de pneumonie virale difficile à supporter, surtout quand on est payé 2 000 yuans (près de 300 euros) par mois, hors des primes liées aux heures supplémentaires. « Vous allez travaillé la peur au ventre, explique Monsieur Qin (nom d’emprunt). À la fin du mois, vous avez mangé et dépensé tout votre argent et en plus vous attrapez le Covid. » C’est d’ailleurs ce qui a fini par arriver à cet ouvrier saisonnier originaire de la province la plus peuplée de Chine, que nous avons joint par téléphone. « C’est quelque chose qu’on a du mal à comprendre, explique-t-il. Il y a beaucoup de monde ici et ils n’ont cessé de répéter qu’il y avait peu de cas de contamination dans l’usine. »
Isolement des cas positifs, mais aussi des cas négatifs considérés comme contact, la machine « Zéro Covid » s’est mise à trier et à isoler les employés. Monsieur Qin a été transféré dans plusieurs lieux d’isolements, le plus souvent de nuit. « La première fois, on a attendu dehors jusqu’au matin et je n’étais pas bien couvert, raconte ce jeune homme âgé de 30 ans. Dès que nous sommes arrivés dans les dortoirs d’isolement, on a eu de la fièvre. Le soir j’ai fait un test, j’étais négatif. Mais quand on a refait les PCR plus tard, j’étais positif ! »
C’est à ce moment-là que la situation a commencé à se détériorer, notamment pour les ouvriers confinés dans les dortoirs. Ceux et celles que nous avons contactés ont fait part de difficultés à se ravitailler et de manque de soins. « Chaque jour nous recevions trois à quatre petits pains et une bouteille de boisson lactée aromatisée par repas, ajoute Monsieur Qin. Quand nous avions de la fièvre, nous n’avions plus de ration et personne ne venait vérifier notre état de santé, poursuit l’ouvrier saisonnier. Quand ma fièvre a baissé, je n’ai quasi rien mangé pendant deux jours. »
Cette misère de l’isolement ne vaut d’ailleurs pas que pour les dortoirs. Voilà dix jours que mademoiselle Ma (nom d’emprunt) a été envoyée dans un centre de quarantaine collective. « Personne n’est venue vérifier notre température et je n’ai pas vu de médecin », nous confie via la messagerie WeChat celle qui jusqu’à présent fabriquait des iPhones à la chaîne. « Nous sommes beaucoup ici et j’ai toujours un peu de fièvre la nuit », poursuit-elle. Avant de s’interrompre : « désolé, je ne peux pas vous en dire plus ». La direction du groupe a déclaré il y a une semaine que seul « un petit nombre de travailleurs » du campus étaient affectés par l’épidémie, justifiant le manque de suivi, voire de soins, au motif que la plupart des cas étaient asymptomatiques ou manifestaient des symptômes légers de la maladie, ne nécessitant pas une intervention médicale.
Ce doute sur le nombre des contaminations et sur la prévention mise en place dans l’usine s’est répandu sur les messageries plus vite qu’Omicron. Les salariés de Foxconn sont pour la plupart âgés de moins de 35 ans. Ils ne font pas que fabriquer des derniers smartphones, ils les utilisent. Les téléphones portables sont même l’une des seules fenêtres qu’ils conservent sur l’extérieur.
Les chaînes de montage ont alors paniqué, rapportent les témoins. Pluie de message textes et d’audio sur le mode : « au secours, on se sauve ! » « Les discussions ont explosé sur les groupes de messageries, explique à l’Asian Labour Review une ouvrière qui a quitté l’usine. Ma famille m’a dit de me dépêcher de rentrer à la maison. Car Foxconn a continué de produire, y compris avec des personnes testées positives dans les ateliers. On était tous effrayés. On a demandé pourquoi on ne pouvait pas prendre deux jours de congés. Mais c’était inutile, ils mettaient en premier la quantité de produits à livrer et la vie humaine en second. »
La grande peur du Covid entretenue depuis le début de la pandémie par la propagande a provoqué un exode massif des ouvriers. Les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux le week-end dernier montrent des employés escaladant les grilles du complexe, puis filant à travers champ ou marchant sur le bord des voies rapides afin de ne pas effrayer les populations des zones traversées, terrifiées elles aussi par le virus, mais qui ont aussi montré des gestes de solidarité à l’égard des travailleurs en fuite. Les images ont fait le tour du monde et ont déclenché l’alarme chez les autorités.
Car ce que les ouvriers ont qualifié de « manque d’humanité » chez le fournisseur de la marque à la pomme, ne colle pas avec le « quoi qu’il en coûte » de Xi Jinping. Le président chinois a encore répété lors de son discours d’ouverture du XXe congrès que la vie et la santé du peuple primait sur l’économie. La prévention de l’épidémie doit s’accorder avec « la notion de suprématie du peuple, la primauté de la vie et l’idée d’un développement de l’économie centré sur l’homme », ont répété les responsables du Parti communiste de la province, lors d’une réunion les 30 et 31 octobre.
Un humanisme retrouvé qui n’a pas empêcher de distribuer les consignes de surveillance et de vérification des portes, ainsi que du dispositif de clôture. Des « failles » dans lesquelles les employés se sont engouffrés pour tenter d’échapper à la « bulle sanitaire » infectée. Selon la direction du groupe, la plupart des employés qui ont choisi de rester sur le site seraient des employés en contrat long, tandis que ceux qui sont en contrat d’intérim auraient décidé de partir.
Une situation qui ne correspond pas à celle de Monsieur Qin qui souhaite rester à Foxconn pour élever ses enfants, mais sur un contrat saisonnier. C’est lui qui a choisi ce statut. Cela lui permet, dit-il, d’interrompre son temporairement son travail à l’usine et de faire autre chose quand la production ralentie et qu’il y a moins d’heures supplémentaires à effectuer. C’est ce choix de rester qui lui a probablement valu son nouveau transfert, cette fois dans un appartement de quarantaine du gouvernement local. Cinq à six personnes dans trois chambres. Un grand salon, des fruits, des médicaments : « Tout va mieux maintenant », assure-t-il. Même si les questions n’ont pas disparu, sur la gravité de la situation épidémique notamment.
Ces derniers jours, une rumeur sur la mort d’un ou plusieurs ouvriers des suites du Covid dans le « dortoir 726 » a réveillé la plateforme Douyin(Tik Tok en Chine). Lui comme ses camarades d’isolement n’y croient pas : « Certaines personnes m’ont juré sur leur vie que l’histoire est vraie, mais nous sommes ici plusieurs à penser que ce n’est pas possible. Il y a beaucoup de rumeurs sur les réseaux en ce moment. Depuis que le gouvernement est intervenu, la situation s’est légèrement améliorée. »
Afin de rassurer les plus inquiets vis-à-vis de la maladie, un hôpital local s’est fendu d’un communiqué peu orthodoxe en période de Zéro Covid renforcé. L’avis explique en effet que les risques de maladies graves en contractant Omicron sont faibles, surtout chez une population jeune et en bonne santé. De son côté, le groupe sous pression des autorités, a multiplié les messages concernant la prévention. Foxconn aurait ainsi augmenté la fréquence des désinfections des ateliers et des dortoirs. Un service de consultation en ligne et d’assistance psychologique a été mis en place avec l’hôpital numéro 1 du Peuple de Zhengzhou, ainsi qu’un service de livraison de médicaments.
Covid cases are up in China again. A #Zhengzhou hospital put out a notice trying to prevent panic, saying chances of Omicron causing severe diseases are low. Such a message would be more effective if adopted by the Center — IF Beijing has any real intention to change a policy … pic.twitter.com/22LAzAVEdx
Mais si Monsieur Qin a décidé de rester, c’est aussi pour les primes. « Foxconn a changé de politique, avance-t-il. Nous avons tous reçu des messages expliquant que pour chaque jour travaillé, ils allaient nous verser 400 yuans (près de 60 euros) en plus. Et si vous travaillez 10 jours de suite en novembre, ils vous donnent trois jours de salaire supplémentaires ».
L’augmentation des primes n’a pour l’instant pas été confirmée officiellement. Dans le Quotidien du Henan lundi, un responsable anonyme de l’unité du groupe commercial des produits numériques intégrés affirmait que les salaires quotidiens des employés d’une unité chargée notamment de la fabrication des iPhones, avaient été portés à 100 yuans par jours (près de 14 euros). Foxconn n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire sur l’article de ce journal officiel de la province du Henan, dont Zhengzhou est la capitale, indique l’AFP.
Face à la colère et aux vagues de désertion, le groupe taiwanais n’a pas eu d’autres choix que de rouvrir les quatre restaurants du campus et d’augmenter les salaires, disent les salariés. La « grande évasion » de ces derniers jours aurait ainsi eu le même effet qu’une grève, chose très rare dans un pays qui étouffe dans l’œuf toute manifestation de mécontentement.
« Beaucoup de travailleurs ont démissionné et beaucoup ont quitté l’usine, souligne Monsieur Qin. J’ai vu qu’ils avaient lancé une nouvelle campagne de recrutement, mais la situation épidémique reste assez grave je pense à Zhengzhou. Il ne reste pas grand monde sur le site. Même des chefs d’équipes ne sont pas venus travailler. J’ai appelé un collègue hier, il m’a répondu qu’il était seul sur notre ligne de production. Les autres ont soit été transféré ailleurs, soit ils sont en quarantaine dans leur dortoir. » Un manque de personnel qui fait que la production d’iPhones de novembre pourrait chuter de 30%, selon une source de l’agence Reuters. Une information démentie par le groupe.
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