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Individualistes et repliés sur eux-mêmes les Français ? Ces idées reçues ont la vie dure et ne correspondent pas forcément à la réalité du terrain. Même en ces temps de crise, l’altruisme semble s’imposer comme une valeur en hausse.
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C’est un signe du destin qui a mis cette famille de réfugiés albanais sur la route de Jacqueline Otlinghaus, 65 ans, retraitée. Lors d’une lecture dans l’église réformée de France qu’elle fréquente avec son mari, ils entendent un extrait de la Bible “j’étais étranger et vous m’avez accueilli chez vous” : “Avec mon mari, on s’est regardé avec les larmes aux yeux. C’était un signe. Il fallait qu’on dise oui à la recherche de familles d’accueil bénévoles reçue quelques jours plutôt”, se souvient-elle. Dans leur grande maison d’Agen, ils avaient de la place, leurs enfants ayant pris leur envol depuis longtemps. Ils ont décidé d’accueillir pendant plusieurs mois une famille avec trois grands enfants dans un appartement indépendant, avec laquelle ils prenaient tous leurs repas. “C’était une expérience humaine vraiment très étonnante. Au début, la barrière de la langue n’était pas simple mais très vite, il y a eu quelque chose de plus fort entre nous, affirme Jacqueline. Nous sommes encore en contact. Ce sont des amis de cœur”.
Jacqueline et son mari font partie des nombreux Français généreux en temps et en argent. “Oui ! On peut le dire ! Les Français sont généreux ! clame Vincent Bodin, directeur adjoint du développement de la Fondation de France. Et même de plus en plus”. Selon le baromètre de France Générosité, syndicat professionnel des associations qui sollicitent le public, le montant des dons en France est en croissance de 4 % en moyenne annuelle depuis 2006. Les Français ont donc continué à mettre la main à la poche, et de plus en plus, en dépit de la crise économique de 2008 et de la pandémie de Covid. “Pour cette année, on estime la progression à plus de 10 %”, certifie Vincent Bodin. Selon le Panorama des Générosités porté par l’Observatoire de la philanthropie de la Fondation de France, en 2019, le montant des dons des Français était de 8,5 milliards d’euros (hors bénévolat) dont 5 milliards provenant des particuliers. Ce sont souvent des situations de crise qui poussent les particuliers à partager : “Les Français se sont rendu compte que les associations étaient en première ligne pour répondre à la crise sanitaire. Elles ont mis en place des actions de manière urgente, ce qui était plus compliqué pour l’État”, analyse-t-il. On se souvient des distributions de repas pour le personnel soignant, de nourriture pour les jeunes en difficulté, d’initiatives pour garder le contact avec les résidents d’EHPAD ou encore des aides logistiques pour faire le lien entre les personnes dans le besoin et celles qui pouvaient les aider qui ont fleuri partout en France. Rapidement après le début de la guerre en Ukraine, les chaînes de solidarité se sont organisées pour collecter des dons, envoyer des biens et accueillir des réfugiés. À Bourg-lès-Valence, pendant la sécheresse estivale, la commune a pu compter sur ses habitants pour récolter l’eau des piscines afin d’arroser les espaces verts. Autant d’exemples qui contredisent les discours pessimistes sur la montée de l’individualisme.
Les gestes d’altruisme peuvent prendre différents visages. Dont, bien sûr, le classique versement d’argent. En optant pour le prélèvement automatique, les donateurs s’engagent dans la durée. “De cette façon, ils choisissent une cause précise”, ajoute Nadine Rodrigues. Les préférées des Français ? “L’aide et la protection de l’enfance, pour la première fois ex aequo avec la cause des animaux, ensuite la lutte contre l’exclusion et la pauvreté et enfin le soutien aux personnes âgées”, détaille Nadège Rodrigues, directrice Études et communication de France générosités. Depuis peu, dans quelques grandes enseignes françaises incitent les clients à faire un geste : “C’est l’arrondi en caisse dans les magasins. Pour l’instant, les sommes récoltées sont modestes mais elles grossissent d’année en année”, explique Vincent Bodin. Le don social concerne les événements comme le Téléthon. Sans oublier l’achat vertueux qui permet de faire une bonne action sans bourse délier : quand vous achetez un paquet de couches par exemple, un euro est reversé à une association. Quant au moteur de recherche Ecosia, il utilise les bénéfices générés par les recherches en ligne pour planter des arbres dans trente-cinq pays différents.
Merryl est bénévole pour Princesse Margot, association de soutien face au cancer pédiatrique dont elle a intégré l’équipe de communication – sa profession par ailleurs. Elle dispense des cours de yoga aux mères d’enfants malades et passe du temps, une à deux fois par mois, à jouer avec les enfants à l’hôpital Robert-Debré. “C’est mon métier donc je trouvais pertinent de mettre mes compétences au service de cette petite association qui a peu de moyens, commente-t-elle. D’autant que c’est une cause qui me touche beaucoup. Un enfant malade, ce n’est pas dans l’ordre des choses”. Comme Merryl, ils étaient dix-sept millions de Français à agir gracieusement en janvier 2022, dont onze via le milieu associatif, et le reste comme bénévoles directs (sans passer par une organisation). Que recherchent-ils ? “D’abord, ils ont envie de se sentir utiles et de rendre service à la société, observe François Bouchon, président de France Bénévolat. C’est aussi une forme d’accomplissement en dehors de la vie professionnelle et de la vie de famille”.
Malheureusement, la pandémie a fait perdre deux millions de ces engagés volontaires aux associations. Selon l’enquête IFOP pour France Bénévolat et Recherches & Solidarités, les moins de 35 ans sont plus nombreux à s’investir alors que le nombre des plus de 65 ans diminue. Le bénévolat direct (sans passer par une structure), qui voit ses chiffres augmenter, séduit particulièrement les jeunes. En matière de dons, ils ne sont pas en reste non plus. Dernièrement, Z Event, un jeu vidéo géant en ligne sur la plateforme Twitch pendant plus de 50 heures, a récolté plus de 10 millions d’euros, destinés à cinq associations œuvrant pour l’écologie. De son côté, Merryl donne une centaine d’euros par mois pour divers projets, notamment le marrainage de deux enfants. “Je suis une fille cambodgienne depuis dix ans via l’association “Toutes à l’école” pour lui permettre de poursuivre des études. Je suis persuadée que l’éducation est la clé de voûte de la lutte contre les inégalités. Je marraine également un enfant au Salvador pour améliorer ses conditions de vie et celles de sa communauté”, décrit-elle.
Le monde du travail ne reste pas en dehors de ce grand mouvement. 3,5 milliards d’euros en 2019 de dons par les entreprises, ce n’est pas rien ! Pourtant, ce ne sont pas les plus grosses qui sont les plus concernées puisque 86 % des mécènes sont des TPE/PME. Et les initiatives fleurissent un peu partout, notamment par le biais du mécénat de compétences. C’est la forme d’entraide qu’a choisie Nicole Fiorentino, 60 ans, responsable recrutement et gestion des carrières chez Crédit Agricole Immobilier, par ailleurs impliquée personnellement dans des associations depuis une quinzaine d’années. Elle a intégré le programme Kodiko qui propose des co-trainings entre réfugiés et salariés et a accompagné un ancien journaliste afghan dans sa recherche d’un poste de chargé de clientèle internationale : “Une vraie relation de proximité s’est créée entre nous, se souvient-elle. Cela donne du sens à nos vies. J’ai l’impression de corriger une injustice eu égard à notre situation privilégiée”. De plus en plus démocratisées, il existe aussi les journées solidaires, moments dédiés pendant lesquels des salariés donnent de leur temps à une association. Depuis 2012, l’arrondi sur salaire permet de faire don à l’euro inférieur de son revenu mensuel. L’employeur peut même abonder ce montant. Enfin, il est possible de pratiquer l’abandon de jour, qui correspond au don du montant des jours congés et/ou de RTT restants. “Il y a une vraie demande pour cette forme de solidarité qui a rencontré un joli écho. À la Fondation de France, nous sommes persuadés que c’est une véritable nouvelle voie de solidarité”, prédit Vincent Bodin. “Donner de l’argent, des jouets ou une heure de son temps pour aider quelqu’un, il y a tellement de façons de faire !”, conclut Merryl.
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