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Violence sexuelle contre les femmes et les filles dans l'est du Congo
Juin 2002
LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
La guerre dans la guerre
Violence sexuelle contre les femmes et les
filles dans l’est du Congo
Dans le cadre de la
guerre plus large qui se déroule dans l’est de la République Démocratique du
Congo (RDC), les parties impliquées mènent une autre guerre: celle de la
violence sexuelle contre les femmes et les filles. Alors que les activités
militaires augmentent dans une région, puis dans une autre, les viols et autres
crimes contre les femmes et les filles suivent la même progression. Ce rapport
s’appuie sur des recherches conduites dans les provinces du Nord et du Sud
Kivu, une région contrôlée depuis 1998 par les forces rebelles luttant contre
le gouvernement du Président Kabila, le Rassemblement Congolais pour la
Démocratie (RCD) et son protecteur, l’armée rwandaise. L’armée rwandaise, qui
occupe une grande partie de l’est du Congo, et le RCD sont opposés à plusieurs groupes
armés opérant dans l’est du Congo, y compris des groupes armés burundais et des
rebelles rwandais associés avec des forces impliquées dans le génocide rwandais
de 1994.
La violence
sexuelle a été utilisée comme une arme de guerre par la plupart des forces
impliquées dans ce conflit. Les combattants du RCD, les soldats rwandais, ainsi
que les combattants des forces qui leur sont opposées – les Mai-Mai, groupes
armés de Hutu rwandais et les rebelles burundais des Forces pour la Défense de
la Démocratie (FDD) et du Front National pour la Libération (FNL) – ont violé
des femmes et des filles au cours de l’année écoulée, de façon fréquente et
parfois systématique.
Dans certains cas, des soldats et
des combattants ont violé des femmes et des filles dans le cadre d’une attaque
plus générale au cours de laquelle ils ont tué et blessé des civils ainsi que
pillé et détruit leurs biens. Ils ont agi de la sorte pour terroriser les
communautés et pour les forcer à accepter leur contrôle, ou pour les punir d’une
aide réelle, ou supposée, aux forces adverses, en particulier s’ils avaient
eux-mêmes été récemment attaqués par ces forces. Dans les cas où une attaque
plus vaste ne s’est pas produite, des individus ou de petits groupes de soldats
et de combattants ont aussi violé des femmes et des filles qu’ils ont
rencontrées dans les champs, en forêt, le long des routes ou chez elles.
La guerre qui a
ravagé cette région de façon intermittente depuis 1996 a détruit l’économie
locale. Poussées par une extrême pauvreté, les femmes qui fournissaient les
ressources pour maintenir leur famille en vie ont continué à se rendre aux
champs afin de cultiver, dans les forêts pour y faire du charbon ou au marché
pour y vendre leurs produits même si de telles activités les exposaient à la
violence sexuelle. Les soldats et les combattants se sont attaqués à ces femmes
et à ces filles ainsi qu’à d’autres qui avaient fui les combats pour vivre dans
des structures temporaires et fragiles, dans la forêt. Dans de nombreux cas,
des combattants ont enlevé des femmes et des filles et les ont conduites dans
leurs bases, en forêt, les forçant à fournir des services sexuels et un travail
domestique, parfois sur des périodes de plus d’un an. Parmi les centaines de
milliers de personnes déplacées par la guerre se trouvaient de nombreuses
femmes ayant cherché la sécurité dans les villes, pour elles-mêmes et pour leur
famille. Au lieu de trouver cette sécurité, certaines ont été violées par des
soldats basés dans des camps militaires proches ou par des responsables
gouvernementaux.
Certains violeurs
ont encore ajouté à la gravité de leurs crimes en commettant d’autres actes
d’une brutalité extraordinaire, tirant sur leurs victimes avec une arme
introduite dans leur vagin ou les mutilant avec des couteaux ou des lames de
rasoir. Certains ont attaqué des filles de cinq ans seulement ou des
femmes âgées de quatre-vingts ans. Certains ont tué leurs victimes sur le coup
alors que d’autres les ont laissées mourir de leurs blessures.
Ce rapport se concentre sur les
crimes de violence sexuelle commis par des soldats et d’autres combattants.
Mais le viol et les autres crimes sexuels ne sont pas seulement pratiqués par
des factions armées. Ils le sont aussi, de plus en plus fréquemment, par la
police et d’autres personnes occupant des positions d’autorité et de pouvoir et
par des criminels de droit commun et des bandits opportunistes qui profitent du
climat d’impunité généralisée et de la culture de violence contre les femmes et
les filles. Si les crimes commis par les criminels de droit commun ne sont pas
examinés en détail dans ce rapport, ce dernier apporte néanmoins des
informations sur des cas d’attaques conduites par des hommes en armes pour
lesquelles on dispose d’indications montrant que leurs auteurs pouvaient être
des combattants. De telles indications peuvent être la langue des attaquants,
leurs armes, le degré d’organisation ou le type d’abus contre les civils.
Les combattants et
les soldats réguliers responsables d’actes de violence sexuelle commettent des
crimes de guerre. Dans certains cas, leurs crimes peuvent être considérés comme
des crimes contre l’humanité. Le RCD, souvent décrit comme substitut du
gouvernement rwandais,administre de larges zones dans l’est du Congo,
notamment les provinces du Nord et du Sud Kivu, bien que son contrôle se limite
principalement aux cités et villes. Certaines cours de justice
fonctionnent bel et bien et ont sanctionné des cas de viols commis par des
particuliers. Cependant, soldats et autres combattants
commettent des crimes de violence sexuelle pratiquement en toute impunité et ni
la police, ni les autorités judiciaires ne donnent sérieusement suite aux cas
de viols. Peu de femmes ont porté plainte contre leurs violeurs, en partie
parce qu’elles savaient qu’il y avait peu de chance de voir l’auteur de ce
crime condamné, en partie parce qu’elles craignaient l’isolement social qui
accompagne le fait de se présenter ouvertement comme victime d’un viol.
La peur d’être mises à l’écart a
aussi empêché certaines victimes de chercher une aide médicale. Beaucoup
d’autres qui auraient souhaité une assistance médicale n’avaient à leur
disposition aucun lieu vers lequel se tourner. Les services de santé,
détériorés après des années de mauvaise gestion, se sont complètement effondrés
au cours de la guerre, dans de nombreuses communautés. Le manque d’une
assistance de ce type a été particulièrement critique compte tenu de la
prévalence du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) parmi les soldats et
les combattants, estimée par un expert à soixante pour cent parmi les forces
militaires présentes dans la région. Avec l’augmentation du nombre des viols,
de nombreuses femmes se sont trouvées exposées non seulement au syndrome
d’immunodéficience acquise (SIDA) mais également à d’autres maladies
sexuellement transmissibles. Ces femmes, comme beaucoup de celles gravement
blessées par un viol ou d’autres attaques sexuelles, n’ont pu recevoir un
traitement médical approprié.
Ces crimes de violence sexuelle ont
des conséquences directes, profondes et bouleversantes pour les femmes et les
filles qui sont attaquées ainsi que pour leur communauté. De nombreuses femmes
et filles ne récupèreront jamais des effets physiques, psychologiques et
sociaux de ces attaques et certaines en mourront. Un nombre significatif
d’entre elles se retrouvent enceintes, suite au viol qu’elles ont subi et
luttent désormais pour assurer la survie des enfants qu’elles ont portés.
Certaines femmes et filles ont été rejetées par leur mari et leur famille et
ont subi l’ostracisme de la communauté, parce qu’elles avaient été violées ou
parce qu’on les soupçonne d’être infectées par le VIH/SIDA. Elles doivent
maintenant tenter de commencer une nouvelle vie, parfois en rejoignant des
communautés éloignées de leur ancien foyer.
La brutalité
contre les civils, et la violence sexuelle en particulier, font partie
intégrante de la guerre dans l’est du Congo. Les forces impliquées dans des
actes de violence sexuelle contre des femmes et des filles continuent à êtrerécompensées pour leurs actions, par leurs chefs et par leurs puissants
alliés. Tant que le climat d’impunité persistera dans l’est du Congo, des
femmes et des filles continueront à être prises pour cibles au cœur de cette
guerre dans la guerre.
·Donner des instructions claires à toutes les troupes sous
contrôle du RCD et sous contrôle du gouvernement rwandais afin qu’elles cessent
immédiatement tout acte de violence sexuelle contre les femmes et les filles
ainsi que toutes les autres violations du droit humanitaire international.
·Enquêter de façon complète sur les actes de
violence sexuelle commis par l’Armée Patriotique Rwandaise et par les forces du
RCD. Les conclusions de ces enquêtes devront être rendues publiques. Prendre
des mesures appropriées afin de protéger la sécurité, le bien-être physique et
psychologique, la dignité et l’intimité des victimes et des témoins qui portent
plainte pour violence sexuelle. Les personnes soupçonnées responsables d’actes
de violence sexuelle, y compris celles occupant des positions de commandement,
qui ont pu ordonner ou approuver ces violations du droit humanitaire
international, doivent être traduites en justice, selon des procédures se
conformant aux normes internationales en matière de procès équitable. Elles
doivent être démises de leur fonction pendant le procès. Les victimes de
violence sexuelle doivent être indemnisées.
·Permettre à la société civile de fonctionner
librement, de s’exprimer de façon critique et de conduire des enquêtes sur les
crimes de violence sexuelle. Inviter les rapporteurs concernés des Nations
Unies ainsi que des organisations internationales et des journalistes à
conduire des enquêtes sur la violence sexuelle contre les femmes et les filles,
en veillant à ce que la vie privée et la sécurité des victimes et des témoins
soient respectées.
·Faciliter les programmes locaux et
internationaux d’assistance humanitaire aux victimes de violence sexuelle et aux
catégories de la population civile ayant besoin d’assistance.
·Mettre à disposition de l’Armée Patriotique
Rwandaise et du RCD une formation sur les droits des femmes et des filles et
sur les lois nationales et internationales contre la violence sexuelle.
·Mettre à disposition de l’Armée Patriotique
Rwandaise et du RCD une formation, des conseils et un appui psychologique sur
les maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/SIDA. Mettre à
disposition des soldats des tests VIH confidentiels, des conseils, un appui
psychologique et des préservatifs gratuits ou subventionnés.
·Donner des instructions claires à destination de tous les
combattants sous le contrôle des Mai-Mai ou des groupes armés majoritairement
hutu afin qu’ils cessent immédiatement toute violence sexuelle contre les
femmes et les filles ainsi que toutes les autres violations du droit
humanitaire international.
·Permettre un accès total aux organisations non-gouvernementales,
tant nationales qu’internationales, aux professionnels de la santé et aux
agences humanitaires fournissant une information et des services aux victimes
de violence sexuelle ou menant des enquêtes sur de tels actes.
·Cesser de fournir une aide financière ou
militaire aux groupes armés de l’est du Congo dont les membres ont commis de
graves abus contre les droits humains, y compris les Mai-Mai ou les groupes
armés majoritairement hutu.
·Utiliser votre influence pour faire pression sur
les groupes armés de l’est du Congo, en particulier les Mai-Mai ou les groupes
armés majoritairement hutu pour qu’ils cessent immédiatement tous les actes de
violence sexuelle contre les femmes et les filles.
·Faciliter les enquêtes sur les atteintes aux
droits humains, en particulier la violence sexuelle dans l’est du Congo, par la
Rapporteuse spéciale des Nations Unies chargée de la question de la violence
contre les femmes, y compris ses causes et ses conséquences et par le
Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la situation des droits humains en
République Démocratique du Congo.
·Elargir le mandat et les capacités de la Mission
d’Observation des Nations Unies au Congo (MONUC) afin d’inclure la protection
des civils contre les violations du droit humanitaire international, y compris,
en particulier, la protection des femmes et des filles. S’assurer que les
composantes civiles de la MONUC, en particulier les officiers en charge de la
protection de l’enfance, les observateurs des droits humains et les officiers
humanitaires, ont pour tâches directes le contrôle et la dénonciation des actes
de violence sexuelle.
·Renforcer la formation des soldats et du
personnel de la MONUC en matière de violence sexuelle et de VIH/SIDA, comme
spécifié par la Déclaration d’engagement de l’Assemblée générale des Nations
Unies, lors de sa session spéciale sur le VIH/SIDA. S’assurer de la
disponibilité de tests VIH confidentiels, de conseils et appui psychologique
ainsi que de préservatifs pour les soldats et le personnel. Enquêter
immédiatement sur toute allégation crédible de crimes de violence sexuelle
commis par les troupes de la MONUC. Publier les résultats de telles enquêtes, y
compris les charges qui pèsent actuellement contre un soldat marocain, selon
certains rapports. S’assurer que tous les responsables d’actes de cette nature
sont traduits en justice par leur système national de justice militaire et que
toutes les informations pertinentes rassemblées par les Nations Unies sont
fournies à ces autorités.
·Aborder la question de l’impunité pour atrocités
commises au Congo. En particulier, établir une Commission des Nations Unies
composée d’experts pour enquêter sur les graves violations des droits humains
et du droit humanitaire au Congo, y compris la violence sexuelle, et déterminer
les responsabilités à cet égard. La Commission d’experts devrait recommander au
Conseil de Sécurité la mise en place d’un mécanisme approprié pour traduire en
justice les personnes responsables de telles violations.
·Augmenter les ressources humaines et financières
du Bureau du Haut-Commissaire des droits de l’homme au Congo (HRFOC) afin qu’il
soit en mesure de mieux suivre et de dénoncer les crimes de violence sexuelle
et de mieux assister les organisations non gouvernementales nationales
travaillant sur ces questions. Employer un personnel possédant une expertise
spécifique sur les droits des femmes. Etablir des bureaux du HRFOC dans des
régions de crise comme à Uvira, ou s’assurer que des visites régulières ont
lieu dans ces zones.
·Donner pour directive au personnel des agences
des Nations Unies, travaillant dans l’est du Congo d’accorder la priorité aux
programmes centrés sur les droits des femmes et des filles, l’élimination de la
violence sexuelle, la prévention et le traitement du VIH/SIDA et des autres
maladies sexuellement transmissibles.
·S’assurer que le Fonds mondial de lutte contre
le SIDA, la tuberculose et le paludisme fait du combat contre le VIH/SIDA au
Congo, une priorité.
·Dénoncer fermement les crimes de violence
sexuelle ainsi que les autres violations des droits humains et du droit
humanitaire commises par toutes les parties et insister sur la nécessité de
tenir pour responsables de leurs actes les auteurs de ces crimes. Exercer une
pression forte et constante sur tous les gouvernements et les acteurs non
étatiques impliqués dans le conflit afin qu’ils observent leurs obligations en
matière de droits humains et de droit humanitaire.
·Mettre à disposition un appui financier,
technique et politique grandement accru pour le monitoring et la documentation
des crimes de violence sexuelle, pour la protection des victimes et pour la
mise en place de services de soutien médical, légal et social. Lorsque cela est
possible, faire transiter une telle aide par des organisations non
gouvernementales, y compris des organisations locales de femmes et de défense
des droits humains. Soutenir tous les efforts crédibles menés par les autorités
légales ou de facto pour traduire les auteurs d’actes de violence sexuelle en
justice, y compris les efforts en matière de protection des témoins.
·Encourager le Conseil de Sécurité à créer une
Commission des Nations Unies composée d’experts pour enquêter sur les graves
violations des droits humains et du droit humanitaire au Congo, déterminer les
responsabilités et recommander un mécanisme approprié pour traduire en justice
les auteurs de tels actes.
·Aider au développement et au maintien de
programmes et services liés au VIH/SIDA et aux autres maladies sexuellement
transmissibles. Ceux-ci devraient fournir une information sur la prévention du
VIH et les soins contre le SIDA, en particulier pour les jeunes et les femmes,
des services de dépistage du VIH, de conseils et d’appui psychologique, une
information sur la prévention de la transmission mère-enfant, des préservatifs
gratuits, le traitement des infections opportunistes et des traitements de long
terme avec des médicaments anti-rétroviraux au fur et à mesure que ceux-ci
deviendront plus abordables.
·Examiner de façon précise toute assistance
économique aux états impliqués dans le conflit au Congo afin de s’assurer que
les fonds alloués à des programmes de développement social et économique ne
servent pas finalement à financer les comportements abusifs de quelque partie
que ce soit au conflit.
·Le Fonds fiduciaire multi-bailleurs de la Banque
Mondiale devrait ajouter de façon explicite à ses attributions, une attention
particulière portée aux problèmes affectant les femmes et les filles, dans
l’est du Congo, y compris en fournissant des ressources pour des programmes de
protection des femmes contre les crimes sexuels. Ces programmes pourraient
comporter des volets formation, éducation et autres services de soutien social
aux femmes touchées par la crise ainsi qu’un appui aux organisations
non-gouvernementales locales pour aider les femmes, dans la région.
Ce rapport s’appuie sur une mission
de trois semaines réalisée par les chercheurs de Human Rights Watch, en
République Démocratique du Congo[1]
et au Rwanda, en octobre et novembre 2001 ainsi que sur des recherches
antérieures et postérieures à cette mission. Notre équipe a
conduit ses recherches à Bukavu, Shabunda et Uvira dans la province du Sud Kivu
et à Goma et ses environs, dans la province du Nord Kivu. Cette recherche s’est
faite conjointement avec des collègues d’organisations congolaises de défense
des droits humains, notamment les suivantes: Héritiers de la Justice,
Réseau des Femmes pour la Défense des Droits et la Paix, Promotion et Appui aux
Initiatives Féminines, Solidarité pour la Promotion Sociale et de la Paix,
Action Sociale pour la Paix et le Développement ainsi que plusieurs autres
associations à Uvira.[2] Nous avons interrogé plus de cinquante femmes et filles[3] qui avaient été soumises à des violences sexuelles sexospécifiques[4] ainsi que d’autres qui avaient échappé à une tentative de viol.
Nous avons également parlé avec des membres des familles des femmes et des
filles qui avaient soit été violées, soit avaient échappé au viol et avec
d’autres qui avaient été les témoins de ces agressions. Les personnes
interrogées venaient à la fois des villes et des zones rurales. De plus, nous
avons interrogé des autorités locales, du personnel religieux et médical et des
représentants d’organisations non-gouvernementales (ONG) locales et
internationales travaillant dans les domaines des droits humains, des droits
des femmes et de la santé ainsi que des responsables de l’Organisation des Nations
Unies (ONU). Nous avons participé à des réunions avec des associations de
victimes de viols, des organisations de femmes et des groupes de soutien aux
femmes infectées par le VIH ou malades du SIDA.
La recherche sur
la violence sexuelle est une activité très sensible. Elle exige que soient
prises en compte les conséquences pour les survivantes/victimes[5] de leurs révélations, que ce soit sur leur sécurité immédiate, leur
position dans la communauté ou leur état psychologique et émotionnel.[6] Les auteurs de ces agressions menacent de nombreuses victimes de
maux supplémentaires si elles parlent du viol. Elles sont donc réticentes à
dénoncer le crime. Certaines risquent leur vie en révélant ce qui leur est
arrivé. Si les auteurs de ces actes appartiennent aux autorités militaires ou
civiles contrôlant la zone immédiate, le risque lié au fait d’évoquer
publiquement le viol peut être accru. Des membres d’ONGs et du personnel
médical et religieux qui ont parlé des viols se sont aussi vus menacés de
représailles, en particulier si leurs commentaires impliquaient des critiques
contre les autorités locales. Certains d’entre eux hésitent maintenant à parler
du problème. Les victimes de viols sont souvent mises à l’écart par le reste de
la communauté et même par les membres de leur propre famille. Parler du crime
peut exposer les survivantes à un tel rejet. Les membres des familles peuvent
partager les inquiétudes des survivantes concernant leur sécurité et leur
position dans la communauté et peuvent les pousser à garder le silence. Les
victimes qui relatent les circonstances du crime peuvent manifester des
réactions liées à un stress psychologique et physique, renouvelé ou intensifié,
caractéristiques du syndrome de stress post traumatique.
Prenant en considération ces
préoccupations, nous avons interrogé les victimes en présence seulement d’un
traducteur si nécessaire, et d’un membre de la famille ou d’un ami, d’un
professionnel de la santé ou d’un conseiller religieux, si la présence d’un tel
individu était souhaitée par la personne interrogée. Dans presque tous les cas,
le traducteur était un individu connu de la personne interrogée.
Habituellement, toutes les personnes présentes étaient des femmes. Pour les
quelques cas où un homme était présent, ceci s’est fait avec la permission de
la personne interrogée. Afin de préserver la confidentialité de toutes les
informations, les noms des personnes interrogées ont été changés et parfois,
les détails des dates et des lieux des entretiens ont été omis, dans ce rapport.
Si nous avons cherché à obtenir le plus d’informations possibles lors de chaque
entretien, nous avons également considéré le bien-être de la personne
interrogée comme prioritaire et certains entretiens ont ainsi été écourtés.
Nous avons été frappés par le
courage et la force de nombreuses survivantes qui ont partagé leur expérience
avec nous malgré les risques, la peur et la gêne que cela impliquait. Une jeune
fille de douze ans qui a été violée a conclu son témoignage en disant qu’elle
était prête à parler du viol parce qu’il “était important que ceci n’arrive pas
à d’autres.”[7]
Ce rapport fait partie d’un
projet plus large de Human Rights Watch et d’associations congolaises de
défense des droits humains pour combattre les violations des droits humains, en
particulier la violence sexuelle au Congo. En septembre 2000, Human Rights
Watch et les Héritiers de la Justice ont organisé, sur ce sujet, un atelier de
travail avec des associations de femmes et de défense des droits humains de
Bukavu. En octobre 2001, Human Rights Watch et Promotion et Appui aux
Initiatives Féminines (PAIF) ont dirigé un second atelier de travail pour les
membres des organisations de femmes et de défense des droits humains, pour le
personnel médical et pour des avocats des provinces du Nord et du Sud Kivu,
afin d’examiner l’aspect médical et l’aspect droits humains de la violence
sexuelle, dans le contexte de la guerre au Congo.
La guerre qui a déclenché une
augmentation du nombre des crimes de violence sexuelle contre les femmes, dans
l’est du Congo est la manifestation locale d’un conflit régional complexe qui a
débuté en 1996 et a impliqué sept nations et de nombreux groupes de combattants
armés.
En 1994, le gouvernement rwandais,
certaines parties puissantes de son armée (Forces Armées Rwandaises, FAR) et
des membres des milices Interahamwe[8] ont organisé un génocide contre les Tutsi du Rwanda qui a fait plus
d’un demi million de victimes. Après avoir été battu par l’Armée Patriotique
Rwandaise (APR), la force militaire du Front Patriotique Rwandais (FPR), le
gouvernement responsable du génocide a conduit plus d’un million de Hutu à
l’exil au Congo, à l’époque encore dénommé Zaïre. Là-bas, les réfugiés civils
et les militaires se sont établis ensemble dans des camps, le long de la
frontière. Sous la direction des chefs politiques et militaires vaincus, des
soldats et des milices se sont de nouveau organisés et armés parmi les
réfugiés, se préparant à de nouvelles attaques contre le Rwanda. Bien qu’une
telle activité militaire ait été interdite par des conventions internationales,
ni les agences des Nations Unies, ni la communauté internationale au sens large
ne sont intervenues pour mettre un terme aux préparatifs.[9]
Fin 1996, le gouvernement rwandais a
envoyé ses troupes au Congo, affirmant la nécessité d’empêcher les préparatifs
des attaques contre le Rwanda ainsi que son obligation de protéger les
Banyamulenge, un groupe de Tutsi congolais, menacés par les autorités
politiques congolaises locales et nationales.Les soldats rwandais, avec
les combattants de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du
Congo-Zaïre (AFDL), une coalition de forces congolaises organisée à la hâte,
ont attaqué les camps et tué des dizaines de milliers de Rwandais dont beaucoup
de civils réfugiés non armés. Des centaines de milliers de réfugiés sont
ensuite rentrés au Rwanda, certains volontairement, d’autres contraints de le
faire par les troupes de l’Armée Patriotique Rwandaise. Environ deux
cent mille Rwandais ont fui vers l’ouest, à travers les forêts. De nombreux civils ont été massacrés par les troupes de l’APR ou de
l’AFDL dans les mois qui ont suivi mais plusieurs milliers de membres des
ex-FAR et des milices se sont regroupés pour reprendre le combat contre l’Armée
Patriotique Rwandaise, au Congo, puis plus tard au Rwanda.[10]
L’Ouganda a également envoyé des
troupes pour soutenir l’AFDL. Guidée par Laurent Kabila, la force rebelle et
ses alliés rwandais et ougandais ont marché sur la capitale congolaise,
Kinshasa et en mai 1997, ont renversé le Président Mobutu. Quatorze mois plus
tard, Laurent Kabila et son gouvernement ont cherché à chasser leurs alliés
étrangers et le Rwanda et l’Ouganda ont alors offert leur soutien à une
nouvelle rébellion contre le gouvernement congolais, dirigée par le RCD. Pour
combattre cette alliance, le Président Kabila a cherché l’assistance –
notamment des troupes et des avions militaires – du Zimbabwe, de l’Angola et de
la Namibie.
Ce rapport ne traite que des territoires
sous contrôle du RCD-Goma et le sigle RCD est utilisé, dans ce rapport,
uniquement pour désigner le RCD-Goma. Depuis sa formation en 1998, le RCD a
subi plusieurs divisions. RCD-Goma fait référence au groupe basé à Goma qui
contrôle la plupart du Nord et Sud Kivu, certaines parties des provinces du
Maniema, du Katanga et de la province Orientale ainsi qu’une large partie de la
province du Kasaï Oriental. Le RCD-Goma est souvent décrit comme
substitut du gouvernement rwandais et dominé par les forces rwandaises qui
occupent son territoire. Le RCD-Goma est distinct du RCD-Kisangani et du RCD-ML
(RCD-Mouvement de Libération).
En juillet 1999, les principaux intervenants
étrangers ont signé un accord de cessez-le-feu à Lusaka. Mais ce n’est qu’en
février 2001, après l’assassinat de Laurent Kabila et l’installation de son
fils, Joseph Kabila, comme Président que les troupes ougandaises et rwandaises
ainsi que d’autres parties se sont désengagées partiellement des lignes de
combat.[11]
Une force de maintien de la paix des Nations Unies, la MONUC, a été mise en
place pour superviser le cessez-le-feu et la démobilisation des combattants. La Namibie a retiré ses troupes et l’Ouganda a rappelé certains de
ses soldats, même s’il a par la suite renvoyé des troupes au Congo. Le
Zimbabwe, le Burundi et le Rwanda ont déclaré que leurs troupes se retireraient
également mais n’ont pas fixé de date pour cette opération.[12] En octobre et novembre 2001, le commandement rwandais a déplacé
certaines de ses troupes vers de nouvelles positions dans l’est du Congo.[13]
Dans la seconde moitié de 2001, peu
d’activité militaire a été enregistrée sur les lignes de front mais le combat
s’est poursuivi dans les deux provinces du Kivu, caractérisé par des violations
graves et systématiques du droit humanitaire international commises par toutes
les parties.[14]
L’accord de Lusaka
envisage un Dialogue inter-congolais pour amener autour de la même table de
discussion, des représentants du gouvernement congolais, des forces rebelles
qui lui sont opposées, de l’opposition politique non armée et de la société
civile. Après de nombreux renvois, les discussions ont débuté mi-octobre
2001 mais ont rapidement tourné court. Elles se sont tenues
début 2002 à Sun City en Afrique du Sud. Le dialogue s’est conclu par un accord
partiel de partage du pouvoir entre le gouvernement de la République
Démocratique du Congo, les rebelles du MLC et la plupart des délégués de
l’opposition non-armée et des groupes de la société civile. L’accord excluait
le RCD et n’est pas parvenu à ramener la paix avec le Rwanda.[15]
Le RCD prétend contrôler une part
significative de l’est du Congo, incluant la plus grande partie des provinces
du Nord et du Sud Kivu. Le RCD déclare qu’il administre cette zone selon le
droit congolais et il a nommé des gouverneurs et autres responsables
administratifs. Mais dans certaines régions, comme le territoire de Shabunda,
divers groupes locaux armés contrôlent la plupart des campagnes et maintiennent
le RCD confiné dans les villes.
Le gouvernement rwandais,
l’un des appuis initiaux du RCD et maintenant son plus important soutien,
exerce une influence considérable sur ses décisions. Le Rwanda a affecté des
milliers de soldats dans les deux provinces du Kivu ainsi qu’ailleurs dans
l’est du Congo, prétendant qu’ils sont là-bas pour combattre les ex-FAR, les
Interahamwe et d’autres qui lui sont opposés. Le Rwanda tire un profit énorme
de l’exploitation illégale des ressources congolaises, ce qui fournit à sa
détermination un motif supplémentaire – si ce n’est un motif plus important -
pour maintenir ses forces sur le sol congolais. Un panel
d’experts nommés par le Conseil de Sécurité des Nations Unies a établi mi-2001
que le Rwanda s’enrichissait aux dépens du Congo.[16]
Dans la partie sud du Sud Kivu,
l’armée burundaise assiste également le RCD, d’une façon cependant moins
considérable que ne le fait l’APR. Ses soldats combattent le long du lac
Tanganyika contre les groupes rebelles burundais FDD et FNL qui disposent de
bases sur le territoire congolais et qui s’opposent au RCD. Le
gouvernement burundais n’exerce aucune influence politique significative sur le
RCD et ne s’est pas lancé dans une exploitation significative des ressources
congolaises.
A l’origine, l’Armée Patriotique Rwandaise était
majoritairement tutsi; le nombre de Hutu dans ses rangs a augmenté
considérablement au cours des dernières années mais la plupart des officiers de
haut rang restent tutsi. De la même façon, les Congolais appartenant au groupe
ethnique tutsi, les Banyamulenge, jouent un rôle majeur dans le RCD et les
Tutsi constituent la majorité des officiers des forces burundaises. Les
Congolais qui ne sont pas tutsi, en particulier ceux qui s’opposent à la
présence des forces gouvernementales rwandaises et burundaises sur leur sol,
désignent souvent les membres de l’une ou l’autre de ces forces par le nom de
“Tutsi”, habituellement avec des connotations négatives. Dans ce rapport, nous
avons évité un tel usage sauf dans les cas où nous citions directement des
témoins.
Un certain nombre de groupes armés
composés principalement de Hutu rwandais combattent contre le RCD, l’APR et
l’armée burundaise, dans les deux provinces du Kivu. Certains de ces
combattants, en particulier ceux qui détiennent des positions de commandement,
ont participé au génocide rwandais mais de nombreux autres – probablement la
majorité – n’y ont pas pris part. De nombreuses personnes, tant congolaises
qu’étrangères, désignent ces combattants, globalement, comme Interahamwe, une
pratique qui attribue, à tort, la culpabilité du génocide à tous. Certains
Congolais, qu’ils soient hutu ou non, ont également rejoint ces groupes. Dans
le reste de ce rapport, nous évitons le terme Interahamwe sauf lorsque nous
citons directement des témoins.[17]
La principale force militaire de Hutu rwandais, dans
l’est du Congo, est celle de l’Armée pour la Libération du Rwanda (ALIR) qui
opère dans le Nord Kivu, sous le nom de ALIR I et dans le Sud Kivu, sous celui
de ALIR II. D’autres combattants hutu rwandais participent aux Forces
Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), un groupe plus étroitement
affilié aux Forces Armées Congolaises (FAC) qui opère principalement au sud
Kivu et dans le Katanga.[18]Sur le chiffre estimé de 10 à 15 000 combattants rebelles hutu
rwandais au Congo, la moitié peut-être combat aux côtés des FAC alors que le
reste opère de façon plus ou moins autonome, dans les deux provinces du Kivu,
au sein de groupes de tailles variables. Bien que d’ordinaire hostiles à
l’APR et au RCD, certains groupes rebelles hutu auraient passé des accords de
court terme avec ces deux forces, en particulier si de tels arrangements
étaient nécessaires pour faciliter l’exploitation des ressources minières
locales.
Le FDD, un groupe rebelle hutu burundais, a une forte
présence dans l’est du Congo, surtout au Sud Kivu et au Katanga. Jusqu’à
récemment, son siège se situait à Lubumbashi, d’où ses forces ont opéré en
conjonction avec celles des FAC. Le FDD et le FNL, plus petit, conduisent des
activités militaires dans le sud Kivu et de là, de l’autre côté de la
frontière, au Burundi.
Sous Laurent Kabila, le gouvernement congolais et
l’armée ont fourni un soutien logistique et militaire aux groupes armés
rwandais hutu et burundais. Lorsque Joseph Kabila a pris le
pouvoir au début de l’année 2001, il a promis de mettre fin à ce soutien mais
des rapports reçus mi-2001 indiquaient qu’il n’avait pas encore agi en ce sens.[19]
En janvier 2002, le nouveau
gouvernement burundais – un gouvernement à large base installé en novembre
2001, suite à l’Accord de Paix d’Arusha – a annoncé le retrait de ses forces du
Congo. En retour, le gouvernement congolais a promis de cesser son soutien au
FDD, semblant ainsi reconnaître que son soutien avait continué, au moins
jusqu’à cette période. Au moment de la rédaction de ce rapport, les troupes
gouvernementales burundaises se trouvaient toujours au Congo.
Le terme Mai-Mai[20] s’appliquait à l’origine à de nombreux groupes de combattants sur
place, engagés dans la défense de leurs communautés contre des éléments
extérieurs, définis parfois comme les soldats gouvernementaux rwandais,
burundais ou ougandais, d’autres fois comme les combattants rebelles rwandais
ou burundais et parfois encore, comme les Congolais d’autres groupes ethniques,
en particulier ceux parlant le kinyarwanda ou ceux étant d’origine tutsi. Pour
certains Congolais, les Mai-Mai représentent “la résistance populaire”.[21] Un prêtre congolais a déclaré à notre équipe de chercheurs : “Nous
sommes tous Mai-Mai, c’est de l’autodéfense. On doit montrer aux Rwandais
qu’ils ne contrôlent rien.”[22] Un médecin a affirmé : “Les Mai-Mai sont nos collègues. C’est une
révolution populaire … Ils sont le peuple des villages.”[23]
Au cours de la guerre, certains
Mai-Mai en sont venus à faire le choix de se concentrer sur l’augmentation de
leur propre richesse et de leur pouvoir au nom de la défense de leur
communauté. Ils sont devenus des prédateurs opportunistes, tuant,
violant et pillant les biens des civils locaux. Certains témoins ont affirmé
que ce changement résultait de l’intensification du conflit avec les troupes
étrangères quant au contrôle des ressources locales, dont les Mai-Mai avaient
bien l’intention de tirer également profit.[24]
Une activiste congolaise oeuvrant pour les droits humains a fait le commentaire
suivant : “Il y a des vrais et des faux Mai-Mai. Les vrais Mai-Mai sont ceux
qui ne violent pas, ils ne peuvent pas toucher les femmes. Ils ont des règles.”[25]
Un autre activiste expliquait ainsi : “Quand Kabila est arrivé avec les Tutsi,
des bandits ont commencé à envahir le mouvement, profitant d’opportunités
offertes par la pauvreté et la famine. [Les Mai-Mai] sont devenus des bandits
parce qu’ils n’avaient pas de structure.”[26]
Un avocat congolais partageait cet avis : “Les Mai-Mai ont une certaine
philosophie. D’autres se sont ralliés aux Mai-Mai mais ne suivent pas leurs
principes et ceci conduit à une indiscipline.” Une femme de trente-deux ans,
violée par trois Mai-Mai, à qui l’on avait demandé comment elle savait que ses
violeurs étaient Mai-Mai a répondu : “Les gens les reconnaissaient. Tout le
monde est Mai-Mai. Au début [du conflit], ils étaient bons mais ils sont
devenus mauvais.”[27]
Certains groupes Mai-Mai comprennent des Hutu rwandais et burundais.
Les groupes Mai-Mai ne disposent pas de commandement
central, ni de règlements unifiés. Certains coopèrent vaguement avec d’autres
mais beaucoup gardent leur autonomie et s’engagent même parfois dans des
combats contre d’autres Mai-Mai. Certains Mai-Mai se sont alliés à des groupes
rebelles majoritairement hutu, au gouvernement congolais et même aux forces
armées ougandaises, à l’APR et au RCD, dans des alliances de court terme qui
peuvent soudainement changer. Mi-2001, le gouvernement congolais aurait sans
succès essayé d’organiser les forces Mai-Mai sous son contrôle. Il continuerait
apparemment à apporter un soutien logistique et militaire à certains groupes.[28]
La guerre a fait payer un prix énorme aux gens
ordinaires, coûtant la vie à 2,5 millions de civils sur les 20 millions de
l’est du Congo, entre 1998 et 2001, selon une estimation fournie par le
International Rescue Committee. Ce chiffre représente une
estimation du nombre de personnes mortes en plus du taux de mortalité qui
serait normalement celui de cette population, sur cette période. Ces morts sont
davantage dues à un manque de nourriture, d’eau propre, de médicaments et
d’abris qu’aux combats eux-mêmes.[29] Cinq années de guerre ont pratiquement éliminé ce qui restait des
infrastructures du Congo – services de santé, de justice, d’enseignement,
réseaux de routes et de communication – après trente années de mauvaise gestion
et de détérioration sous Mobutu. Les fonctionnaires, y compris le personnel
médical et judiciaire, ne sont pas payés et sont démoralisés. Le chômage est
très répandu, la corruption est devenue une nécessité pour la plupart des gens
afin d’assurer leur survie et malgré l’énorme richesse minière du pays,
l’économie s’est effondrée.[30] Selon une étude conduite dans le Nord Kivu, la majorité des gens de
cette province vivait avec l’équivalent d’environ 0.20 USD par jour, à la fin
de l’année 2000.[31]
Les quatre-cinquièmes environ des
familles rurales ont fui leur maison au moins une fois, au cours des cinq
dernières années.[32] Environ 760 000 personnes sont actuellement déplacées au Nord Kivu
et 225 000 autres au Sud Kivu, ce qui représente pratiquement la moitié du
total des 2 045 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays.[33] Privées de logements en dur, vivant parfois dispersées dans la
forêt, les personnes déplacées – en particulier, les femmes et les filles –
bénéficiaient de peu de protection, en cas d’attaques par des soldats et des
combattants. Parce que les fermiers ont fui ou qu’ils étaient empêchés de se
rendre dans leurs champs ou de porter leurs produits au marché, la production
agricole a décliné et la malnutrition a augmenté. Selon des agents des
organisations humanitaires ayant discuté avec les chercheurs de Human Rights
Watch, la malnutrition était si sévère, fin 2001, dans l’une des zones du sud
Kivu, que seuls les adultes étaient encore capables de marcher jusqu’aux centres
d’assistance. Les enfants et les personnes âgées n’avaient plus la force
d’entreprendre un tel déplacement.[34]
Les personnes appauvries trouvaient
rarement l’argent nécessaire pour payer les services de santé. Même ceux
disposant de ressources trouvaient la distance trop importante ou la route trop
peu sûre pour se rendre dans un centre de santé ou une clinique. De plus, de
nombreuses installations médicales ne fonctionnaient plus parce que leur
personnel avait pris la fuite, parce que les fournitures étaient épuisées ou
parce que les bâtiments avaient été endommagés ou détruits. Selon un rapport de
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et du Fonds des Nations Unies pour
l’Enfance (UNICEF), plus de 70 pour cent de la population congolaise n’ont effectivement
pas accès à des soins de santé formels parce que les gens n’ont pas l’argent
pour ces services ou parce qu’ils ne peuvent se rendre jusqu’à ces
installations.[35]
Environ 1 837 femmes sur 100 000 meurent en couches, un taux trois fois plus
élevé que la moyenne des autres nations africaines.[36]
Toutes les parties au conflit ont pris pour cibles
des hôpitaux et des cliniques, parfois pour piller leur équipement et leurs
fournitures, parfois pour punir le personnel d’avoir soi-disant aidé leurs
opposants ou pour les empêcher d’apporter une telle aide à l’avenir.[37]“Nous sommes entre le marteau et l’enclume,” s’est plainte une
infirmière dont le centre médical avait été attaqué par des troupes du RCD. Les
soldats croyaient que le centre n’avait jamais été attaqué par des groupes
armés hutu ou des Mai-Mai et que son personnel était par conséquent complice
des rebelles. En fait, les soldats avaient tort puisque le centre avait déjà
été pillé par un tel groupe avant d’être attaqué par les forces du RCD.[38]
Même avant la
guerre au Congo, les femmes et les filles étaient des citoyens de seconde
classe. Le droit, ainsi que les normes sociales, définissaient le rôle des
femmes et des filles comme celui de personnes subordonnées aux hommes. Bien que
les femmes soient souvent l’une des principales – si ce n’est la principale –
sources de soutien pour la famille, le Code de la Famille congolais exige
d’elles qu’elles obéissent à leur mari, reconnu comme le chef du foyer.[39] La coutume et la pratique considèrent également les femmes et les
filles comme des êtres subordonnés. Le statut d’une femme dépend de sa
situation de femme mariée et les filles ont tendance à se marier jeunes. Il est
généralement considéré plus important d’assurer l’éducation des garçons que
celle des filles et un pourcentage plus élevé de garçons que de filles
fréquentent l’école. Les statistiques sur l’alphabétisation au Congo montrent
comment une discrimination fondée sur le genre était la norme avant la guerre
et continue d’être un problème aujourd’hui.[40] Les chefs de famille de sexe masculin règlent souvent la question
des crimes violents contre les femmes et les filles, en dehors des tribunaux.
Certains ont “résolu” des cas de viols en acceptant de l’argent de la part du
violeur ou de sa famille ou en arrangeant un mariage entre le violeur et sa
victime. A cause du nombre de cas traités de cette façon et à cause de la
réticence des femmes à souffrir l’isolement qui va de pair avec le statut
affiché de victime de viol, le nombre de cas officiellement rapportés est
certainement très en dessous du nombre de crimes effectivement commis. Les
femmes et les filles qui sont violées souffrent d’une perte significative de
statut social, comme nous le montrerons plus loin. Dans les cas de décès de
femmes et de filles par meurtre ou manque de soins, la famille de la victime
accepte parfois l’équivalent du prix d’une dot en compensation et ne donne pas
d’autre suite au cas.[41]
Compte tenu de leur statut de
personnes subordonnées, les femmes rencontrent des difficultés pour se protéger
contre les maladies sexuellement transmissibles, en particulier le VIH/SIDA.
Les femmes ne peuvent exiger de leur mari qu’il utilise des préservatifs et
comme dans de nombreux pays, les relations sexuelles hors mariage sont tolérées
pour les maris (mais non pour les épouses). Le principe des familles très
nombreuses, qui constituent la norme au Congo, en particulier dans les zones
rurales, tend à limiter les possibilités d’indépendance des femmes par rapport
à leur mari.
En dehors de la famille, les femmes
ont, là aussi, des pouvoirs limités. Peu de femmes congolaises occupent des
positions de leaders dans la société civile ou dans la sphère politique. Bien
que certains efforts aient été accomplis pour inclure les femmes dans le
Dialogue inter-congolais, la vaste majorité des délégués sont des hommes.
La guerre a épuisé les réserves des
habitants de l’est du Congo. Le fardeau que représentent la lutte pour sa
survie et les tentatives pour assurer que d’autres, dans la famille, survivent
aussi est largement porté par les femmes. Alors que la situation
socio-économique s’aggrave, davantage de femmes et de filles en viennent à
échanger relations sexuelles contre nourriture, abri ou argent afin d’assurer
leur propre subsistance et celle de leur famille.[42]
Le sexe de survie est différent des
crimes de violence sexuelle commis par les soldats et les combattants. Mais le
sexe de survie crée un contexte dans lequel les relations sexuelles abusives
sont plus acceptées et dans lequel, de nombreux hommes – qu’ils soient civils
ou combattants – considèrent le sexe comme un “service” facile à obtenir,
moyennant pressions.
Catherine B.[43],
une veuve de trente ans, mère de huit enfants, expliquait ainsi : “Je n’ose pas
refuser aux hommes parce que je ne veux pas que mes enfants aient faim.”[44]
Dans d’autres cas, des filles dépourvues d’argent pour payer leurs frais de
scolarité ont des relations sexuelles avec leurs professeurs afin de pouvoir
rester en classe ou des employées ont des relations sexuelles avec leurs
employeurs pour garder leur emploi.[45]
Parfois, des femmes et des filles, placées dans de telles situations, sont
violées mais souvent elles acceptent la relation sexuelle à contrecœur, comme
un moyen de survivre. Une femme travaillant pour une organisation pour “filles
dans des circonstances infortunées” nous a déclaré : “La guerre a poussé les
filles à se prostituer.”[46]
Une responsable de l’ONU partageait le même avis. “Nous sommes arrivés au point
où les familles vont jusqu’à pousser leurs filles dans la prostitution
simplement pour assurer leur survie,” a-t-elle déclaré.[47]
Une femme a affirmé qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’accepter les hommes
qui lui laisseraient peut-être un peu d’argent, “par exemple 100 francs,” (0.30
USD) parce qu’elle ne voulait pas que ses enfants aient faim.[48]
L’échange sexe contre produits de
première nécessité pour vivre contribue apparemment à la propagation du
VIH/SIDA. “Pour un peu d’argent, pour un peu de nourriture, les femmes cèdent,”
commentait un médecin travaillant à Goma.[49]Comme les femmes et les filles ne peuvent insister pour que
les hommes utilisent des préservatifs, le risque de contracter et de
transmettre le VIH est considérablement accru.
A cause des circonstances et de la
fréquence de leurs contacts avec des hommes en dehors du foyer, les femmes et
les filles qui se livrent au sexe de survie risquent fortement d’être violées. Une
femme a ainsi expliqué : “Je dois continuer à faire de mauvaises choses, comme
coucher avec des hommes, pour rester en vie. On doit se soumettre à tout ce
qu’ils font, être frappé et après, on est mal payé en plus.”[50]
De nombreuses femmes vivant dans les camps militaires
du RCD, y compris des veuves de soldats et des femmes dont le mari a disparu ou
est absent parce qu’en service, souffrent de harcèlement sexuel et de viols
commis par des soldats et des officiers. Elles sont parfois contraintes
d’échanger sexe contre autorisation de continuer à vivre dans le camp.
Certaines de ces femmes distillent aussi des boissons alcoolisées et les
vendent pour gagner un modeste revenu. Des soldats qui viennent pour boire
refusent parfois de payer et violent parfois ces femmes. En
mars 2001, une veuve a servi une bière locale à cinq soldats de l’APR. Ils ont
refusé de la payer et l’ont ensuite violée, devant ses enfants.[51] Une jeune orpheline de dix-huit ans, qui a la charge de frères et
sœurs plus jeunes, vit dans une épave d’automobile, dans l’enceinte d’un camp
militaire. Une activiste locale oeuvrant pour les droits de la femme a rapporté
que la fille a eu des relations sexuelles avec des hommes qui avaient menacé de
l’expulser de son refuge et du camp, et qu’elle était régulièrement violée par
un lieutenant du RCD occupant un poste de commandement dans le camp.[52]
“Il y a une vraie folie avec toute
cette violence. C’est une vraie guerre dans la guerre, une autre forme
d’attaque contre le peuple congolais,” déclarait un conseiller qui travaille
avec des femmes et des filles soumises à un viol et à d’autres formes de
violence sexuelle.[53] Des observateurs locaux ont remarqué que de tels crimes avaient
augmenté, dans l’est du Congo, après le début de la guerre et en particulier au
cours de la dernière année alors que les différentes parties contestaient le
contrôle de régions telles que celle autour du Parc National de Kahuzi-Biega,
le territoire de Shabunda et la région de Uvira-Fizi, au Sud Kivu, en particulier
après le redéploiement des troupes de l’APR de Pweto[54] ainsi que de Masisi, au Nord Kivu.
La violence sexuelle a été utilisée
comme une arme de guerre par la plupart des forces impliquées dans ce conflit.
Des combattants du RCD, des soldats rwandais ainsi que des combattants des
forces qui leur sont opposées – Mai-Mai, groupes armés de Hutu rwandais et
rebelles burundais des FDD et du FNL – ont, de façon fréquente et parfois
systématique, violé des femmes et des filles, au cours de l’année écoulée.
Des soldats et des combattants ont
violé et par ailleurs, abusé de femmes et de filles dans le cadre d’un effort
pour gagner le contrôle sur les civils et le territoire qu’ils occupaient et
pour conserver ce contrôle. Ils ont attaqué des femmes et des filles parce
qu’elles représentaient leur communauté, visant par les blessures et
l’humiliation à terroriser ces femmes en particulier ainsi que de nombreuses
autres. Une jeune fille de seize ans, qui a été violée, nous a dit : “On ne
peut pas protéger les filles contre ces choses. Je sais qu’ils ne m’ont pas
visée – n’importe quelle [femme] aurait subi la même chose – mais c’est
inacceptable. Il y a beaucoup de filles qui vivent dans ces conditions.”[55]
Ce rapport se concentre sur les
crimes de violence sexuelle commis par des soldats et des combattants.
Cependant, le viol et les autres crimes sexuels ne sont pas seulement pratiqués
par des membres des factions armées. Ils le sont aussi, de plus en plus
fréquemment, par la police et d’autres personnes occupant des positions
d’autorité et de pouvoir, et par des criminels de droit commun et des bandits
opportunistes qui profitent du climat d’impunité généralisée et de la culture
de violence pour abuser des femmes et des filles[56]. Par exemple, dans de nombreux cas, des soldats, d’autres
combattants ainsi que des voleurs armés ont violé des femmes au cours d’un vol
ou d’un pillage, parfois après volé tout ce qu’elles possédaient et parfois
pour les punir si elles ne possédaient rien digne d’être volé. Si les crimes
commis par des criminels de droit commun ne sont pas examinés en détail dans ce
rapport, ce dernier étudie des cas d’attaques conduites par des hommes en armes
pour lesquelles on dispose d’indications montrant que leurs auteurs pouvaient
être des combattants. Une telle indication peut être la langue des attaquants ;
les attaquants parlant le kinyarwanda sont probablement membres de groupes
armés rwandais ou de l’APR. Si les attaquants sont bien armés, ceci peut aussi
indiquer un lien avec des groupes armés ou une armée régulière. Certains cas de
violations relèvent des types d’abus classiques contre les civils, commis
fréquemment par des combattants, comme les attaques de nuit contre des
villageois ou les attaques à main armée dans la ville de Goma. De tels
faits sont par conséquent également décrits dans ce rapport.
Les femmes et les filles qui ont été violées ou
attaquées d’une autre façon identifient rarement les personnes qui ont commis
ces crimes. Dans de nombreux cas, elles ne connaissaient pas leurs agresseurs
parce qu’ils ne venaient pas de leur communauté. Dans d’autres cas, en
particulier si les agresseurs pensaient qu’ils pourraient être reconnus, ils
ont tenté de cacher leur identité en masquant leurs visages ou en aveuglant les
victimes au moyen de lampes. Une victime a ainsi raconté :
Il
n’y avait pas de lumière. On n’avait même pas de pétrole pour allumer une lampe
et la seule lumière, c’était quand ils braquaient une torche sur nos yeux. Je
ne voyais pas bien ce qu’ils portaient. Ils avaient des masques et des
chapeaux. On ne voyait pas leurs visages.[57]
Parfois, les survivantes et les témoins étaient en
mesure d’identifier le groupe de soldats ou de combattants auquel les
agresseurs étaient affiliés. Ils savaient quels groupes avaient opéré dans leur
région et où ils étaient basés. Ceci leur permettait
d’identifier les agresseurs, en partie selon le lieu du crime. Dans certains
cas, des survivantes et des témoins savaient que les agresseurs représentaient
un certain groupe parce qu’ils avaient révélé leur appartenance à ce groupe à
travers leurs paroles: les violeurs Mai-Mai, par exemple, accusaient
leurs victimes de liens avec le RCD ou l’APR. Dans d’autres cas, des
survivantes et des témoins ont tiré leurs conclusions, en partie, sur la base
du calendrier de l’attaque : les soldats du RCD et de l’APR ont violé des
femmes lors des représailles contre des villages. Ces attaques ont été menées
après que ces soldats aient eux-mêmes été attaqués peu de temps auparavant par
des groupes armés basés dans la région. Lorsque l’apparence physique des
assaillants semblait correspondre aux caractéristiques d’un groupe ethnique ou
national, les survivantes et les victimes identifiaient parfois les agresseurs
comme membres de ce groupe. Les victimes et les témoins s’appuyaient parfois
sur la langue parlée par les agresseurs et même sur des nuances d’accent,
régionales et autres. Dans d’autres cas, survivantes et témoins ont
fourni des informations sur des types de comportement suggérant telle ou telle
identification: les Mai-Mai, par exemple, gardaient souvent les femmes
qu’ils avaient enlevées pendant de très longues périodes, une année ou plus,
alors que d’autres combattants relâchaient leurs captives souvent après une période
plus courte. Les Mai-Mai semblaient aussi plus enclins à exiger des femmes
qu’elles accomplissent certains actes sexuels au profit d’un nombre donné de
combattants dans le groupe alors que les agresseurs d’autres groupes armés
attribuaient plus fréquemment les femmes qu’ils avaient enlevées, à des
individus en particulier.
Dans un nombre significatif de cas, des femmes et des
filles qui avaient été attaquées reconnaissaient la difficulté d’identifier de
façon certaine leurs agresseurs et déclaraient simplement que ceux-ci étaient
des “hommes armés en uniformes” ou simplement, “des hommes en uniformes”.[58]
Les uniformes portés par les combattants et les soldats sont souvent
similaires, ce qui rend difficile de savoir quelle unité militaire ou quel
groupe armé représente tel ou tel assaillant. L’apparence physique des
assaillants peut aussi être une caractéristique insuffisante pour permettre
d’identifier un groupe, et même si une telle identification semble plausible,
elle peut en fait s’avérer erronée.[59]
Lorsque les troupes de l’APR étaient majoritairement tutsi, les habitants
locaux concluaient habituellement que les personnes parlant le kinyarwanda,
ressemblant à des Hutu – selon le stéréotype – n’appartenaient pas à l’APR. Ils
suspectaient qu’ils étaient plutôt membres de groupes armés opposés à l’APR ou
des Congolais du coin, d’origine rwandaise. Avec l’augmentation du nombre de
soldats hutu, dans les rangs de l’APR, à l’est du Congo, tirer avec certitude
de telles conclusions n’est plus possible.[60]La langue n’est pas non plus un moyen sûr d’indiquer une
affiliation de groupe : de nombreux Congolais parlent le kinyarwanda, par
exemple.
De plus, des agresseurs peuvent
tenter d’induire victimes et témoins en erreur en parlant des langues qui ne
sont pas leur langue habituelle. Le conseiller mentionné plus haut a fait le
commentaire suivant : “Il y a des militaires qui parlent un peu de kinyarwanda
pour tromper les gens même s’ils parlent d’ordinaire le kiswahili.”[61] Dans d’autres cas, les Congolais parlant le kinyarwanda cherchaient
à cacher leur identité en s’exprimant avec un accent rwandais. Dans certains
cas, des assaillants ont prévenu les personnes présentes lors de l’attaque
qu’elles devaient les identifier comme des membres d’un autre groupe. Une femme
a raconté que des soldats congolais en uniformes, armés et parlant le kiswahili
qui avaient attaqué sa fille avaient donné pour instruction spécifique à la
jeune fille de dire qu’ils étaient des «Interahamwe» et non qu’ils
appartenaient au RCD.[62] Selon le conseiller qui apporte une aide aux victimes, celles-ci se
plient parfois à de tels avertissements. Il a déclaré : “Parfois, il peut y
avoir des cas de viols par le RCD mais les filles affirment quelque chose
d’autre.”[63]
Dans de nombreux endroits, des
individus ou de petits groupes ayant obtenu des armes commettent des crimes
contre les habitants locaux, y compris des crimes de violence sexuelle. Parmi
les assaillants, se trouvent des personnes qui ont quitté l’une ou l’autre des
forces armées ou les groupes de combattants opérant dans la région ainsi que
d’autres ayant obtenu des armes à feu par des biais différents. Un représentant
d’une ONG rurale qui assiste des femmes nous a affirmé que son groupe et lui
pensaient que les Interahamwe étaient responsables des viols dans leur région
jusqu’à ce qu’il apparaisse que les attaquants étaient des soldats, des
rebelles Mai-Mai ou des déserteurs. Il a ainsi expliqué :
Mais
on a découvert que c’était des enfants de notre village. On en a pris trois.
Ils étaient venus pour voler dans le village et les villageois ont usé des
tambours alors on les a pris. Ils se cachent. Ils ont des armes et connaissent
l’endroit. Parfois, ce sont des déserteurs. Certains sont des Mai-Mai, d’autres
des soldats. En général, ce sont des jeunes gens, les jeunes gens du quartier.
Ils ne font rien. Ils aiment faire les malins, fumer de la drogue.[64]
Compte tenu des difficultés à
identifier avec précision les agresseurs, certaines victimes, certains témoins
et d’autres ont simplement attribué les crimes aux membres des groupes qu’ils
détestaient. Selon un défenseur des droits humains, “beaucoup parlent
‘d’Interahamwe’ mais il est dur de savoir si ce sont de vrais ou de faux
Interahamwe. Il y a confusion.”[65] Selon un avocat congolais, les autorités du RCD ont régulièrement
attribué des crimes à des groupes qui leur étaient opposés. “Chaque fois que quelque chose de mal se produit, ils en accusent
les Mai-Mai ou les Interahamwe.”[66]
Des accusations aussi automatiques
et inexactes ne font que permettre à des assaillants coupables, d’échapper à la
justice et les encouragent, ainsi que d’autres, à continuer à commettre leurs
crimes, en toute impunité.
Les villes les
plus importantes du Sud Kivu, ainsi que les routes principales, sont contrôlées
par le RCD mais les forces Mai-Mai et les groupes armés majoritairement hutu
contrôlent ou se battent pour contrôler des parties significatives du reste du
territoire.
Les forces rebelles composées de
Hutu rwandais sont basées dans le Parc National de Kahuzi-Biega, depuis quelque
temps déjà et ont été accusées de nombreuses attaques sur des zones adjacentes,
notamment à Bunyakiri, Kabare, Katana et Walungu[67]. Ces forces ont tué, violé et pillé les biens des civils
qu’ils accusent de soutenir le RCD ou l’armée rwandaise. Les
forces du RCD et de l’armée rwandaise exercent le même type de violence sur les
mêmes personnes, les accusant d’aider les groupes de Hutu rwandais ou les Mai-Mai.
Des habitants sur place ont déclaré
que les attaques sur les civils avaient débuté après la destruction des camps
de réfugiés, en 1996 et après la dispersion, dans la région, des gens qui les
habitaient, y compris les Interahamwe et les ex-FAR. “Tout allait bien pendant
la période où les réfugiés étaient là. Mais après le départ des camps des
réfugiés, il y avait des abahinzi (étrangers) et des Interahamwe dans la
forêt,” affirmait la représentante d’une organisation de femmes dont les
membres viennent de villages tels que Kajeje, Murhesa et Kalonge, proches du
Parc National de Kahuzi-Biega.
En août 1998, Mathilde V. était à
Chivanga, près de Kavumu lorsque des combattants hutu rwandais déclarant qu’ils
étaient des Interahamwe ont attaqué le village à l’aube, dans le cadre de leur
lutte continue contre les soldats du RCD et de l’APR. “Les Hutu étaient venus
pour chasser les Tutsi qui occupaient la région et qui venaient juste de
recevoir des munitions,” a-t-elle expliqué. Les assaillants ont forcé les
femmes à s’aligner et à porter leur butin et leur chargement de munitions
jusqu’à leur base. Mathilde V. était enceinte de deux mois et s’est sentie
faible pendant cette longue marche vers Bunyakiri. Les Interahamwe ont accusé
Mathilde V. d’être la femme d’un soldat du RCD ou de l’APR parce qu’elle était
bien coiffée et qu’elle semblait être plus aisée. Ils ont accusé d’autres
personnes d’avoir pillé leurs possessions dans les camps de réfugiés, en 1996
et 1997. Alors que les assaillants accompagnaient les femmes le long d’un
sentier dans la forêt, ils les ont jetées à terre et les ont violées. Ce jour
là, Mathilde V. et deux autres personnes de sa famille ont été violées.
Suite au viol, Mathilde V. a pris des produits de la
médecine traditionnelle, souvent donnés aux femmes enceintes pour se protéger
elles-mêmes et pour protéger leur fœtus si elles soupçonnent que leur mari a eu
un autre partenaire sexuel. Dans son propre cas, Mathilde V. a pris le
médicament pour se protéger contre une maladie sexuellement transmissible
qu’elle aurait pu contracter. Lorsqu’elle a, par la suite, eu
des difficultés lors de son accouchement, elle n’a pas avoué au médecin qu’elle
avait été violée.[68]
Les membres des
groupes armés majoritairement hutu s’en prennent particulièrement aux femmes
qui passent près de leurs bases, en forêt, lorsqu’elles se rendent dans les
champs pour y travailler, lorsqu’elles partent ramasser du bois ou faire du
charbon ou quand elles vont au marché. Une représentante d’un groupe de femmes
a déclaré :
Pour
nous, de l’endroit où on vit jusqu’à la forêt, c’est trois heures de marche. A
Kalonge, les gens vivent [de la fabrication et de la vente] du charbon. Il n’y
a pas de véhicules pour transporter la braise.[69]
C’est habituellement les femmes qui la transportent sur leur dos… Les femmes
doivent traverser la forêt quand elles portent la braise ou qu’elles partent
chercher de la nourriture et alors, elles sont attaquées… Maintenant, on vit
dans la peur.[70]
Notre équipe a parlé avec plusieurs
femmes et filles, dans cette région, qui avaient été enlevées par des Hutu
armés, violées à plusieurs reprises et forcées de travailler pour les personnes
qui les avaient capturées. Générose N. de Kabare, âgée de vingt ans, nous a
raconté ce qui lui était arrivé lorsqu’elle était en route pour rendre visite à
sa sœur plus âgée :
J’étais
sur la route de Kalonge à Mudaka. J’avais l’argent que m’avait donné mon fiancé
pour acheter une robe de mariée. Un soldat m’a attaquée sur la route. Il a dit
des choses en kinyarwanda. [Plus tard elle a déclaré qu’il était hutu.] Il m’a
emmenée dans un endroit de la forêt où il y avait trois autres soldats. Ils
m’ont violentée. C’était le 8 août [2001] et ils m’ont gardée jusqu’au 25 août
et chacun d’entre eux m’a violée chaque jour.
Il
n’y avait pas vraiment de maison mais un abri sous des sheetings [des feuilles
de plastique]. Je mangeais les choses qu’ils volaient de temps en temps – la
pâte de farine volée et parfois de la viande. J’ai découvert qu’ils avaient
là-bas une autre femme avant moi et je dormais là où elle dormait. Plus tard,
ils prendraient une autre femme après moi. Je portais toujours les mêmes
vêtements.
Si
j’essayais de parler, ils me battaient. C’était tous les mêmes, des hommes
horribles.
Finalement,
ils m’ont juste renvoyée quand ils ont été fatigués de moi. Ils ont pris les
vêtements que je portais et m’ont donné de vieux vêtements.
Je
suis allée dans un centre de santé qui s’occupe des victimes de viols et j’ai
eu des médicaments. Seul Dieu peut m’aider. Il m’a sauvée de la mort. Il n’y a
pas d’autre endroit où se tourner.
Ils
ont pris mon argent pour la robe de mariée. Mon fiancé veut bien encore de moi,
même si maintenant, je n’ai rien. Je ne voulais en parler à personne mais j’ai
dû lui dire parce que j’ai été absente si longtemps. Et parce que j’ai été
absente si longtemps, les gens en parlent même si je n’ai raconté à personne
d’autre ce qui s’est passé.
Générose N. a conclu qu’elle ne se
percevait pas comme particulièrement courageuse : “… c’est juste que je n’ai
pas d’autre choix que de continuer. Je n’ai plus rien maintenant,” a-t-elle
déclaré.[71]
Dans certains cas, des assaillants
armés ont enlevé des femmes et des filles au cours de cambriolages, les ont
forcées à porter les biens volés jusqu’à leur base puis les ont violées là-bas.
Georgette W., mère d’un enfant de six ans et d’un bébé d’un an et demi a
fait le récit de son enlèvement qui s’est produit à Kajeje :
C’était
un soir de juin. J’entendais les soldats [à savoir des hommes en armes] se livrer
à un pillage dans les environs. Quand ils sont arrivés à notre maison, j’ai
couru pour me protéger. Chaque nuit, ils s’approchent pour piller. Mais cette
nuit, après ma fuite, il a commencé à pleuvoir. Pour me protéger de la pluie,
j’ai décidé de retourner à la maison. A ce moment là, il y avait beaucoup
d’autres personnes qui cherchaient aussi à se protéger de la pluie – on était
environ dix-huit, principalement des voisins et de nombreuses vieilles
personnes. Mais les soldats sont arrivés et ils nous ont encerclés. Ils étaient
nombreux, je ne peux pas dire combien. J’entendais juste leurs voix. J’ai vu
que tout dans la maison avait été volé. J’avais mon bébé sur le dos. Quatre
soldats sont entrés dans la maison. Ils parlaient kinyarwanda. Ils étaient tous
armés. Ils ont pris mon bébé. J’étais la plus jeune femme dans la maison. Ils
ont laissé les femmes plus âgées et m’ont prise, moi.
Les
quatre soldats m’ont fait porter sur le dos les affaires qu’ils avaient volées.
Puis, plus tard, on a retrouvé les autres et ils ont donné la charge que je
portais sur le dos à un homme qu’ils avaient capturé. Mais je marchais avec les
quatre qui m’avaient enlevée de la maison. On a marché dans la forêt de 10
heures du soir, environ, à minuit. Je ne connaissais pas l’endroit. Puis, je me
suis retrouvée seule avec l’un d’entre eux. J’ai découvert ensuite que les
trois autres étaient chacun partis avec une femme qu’ils avaient capturée.
J’ai
été violée trois fois [par le même soldat]. Il était armé tout le temps. Il n’a
pas dit un mot et je n’ai pas dit un mot. Finalement, il est parti vers 3
heures du matin. J’avais peur de marcher mais lentement, je suis rentrée à la
maison et j’y suis arrivée vers 7 heures 30 du matin.
A la question de savoir comment
son mari l’avait traitée quand elle est rentrée chez elle, Georgette W. a
répondu :
Mon
mari ne m’a pas maltraitée. Il était juste inquiet des maladies que pouvait
avoir le soldat. Je suis allée me faire tester et je n’avais aucune maladie.
Nos voisins ne sont au courant de rien. Mon mari m’a dit de ne rien dire à
personne. Il a dit, “Dis juste aux gens que tu es partie pour quelque temps.”
Georgette W. a déclaré : “Ils
m’ont frappée quand on marchait mais ils m’avaient déjà frappée à la maison,
donc les voisins avaient déjà vu ça [et n’étaient pas surpris par ses
blessures].” Elle concluait ainsi : “Je ne sais pas pourquoi ils ont fait cela.
Ils ont pris tout ce que nous avions … toutes nos affaires et nos trois chèvres
et ils ont encore fait ça.”[72]
En mai 2001, des hommes armés ont
attaqué le village de Marie G., une jeune femme de vingt ans, vendeuse de
braise, du territoire de Kabare. Ces hommes ont également pillé et brûlé de
nombreuses maisons.[73] Marie G. a fui avec les autres. Ayant perdu tous ses biens, elle
s’est rendue à Kalonge pour se procurer de la braise à vendre afin de pouvoir
s’acheter des vêtements. Une fois là-bas, elle a été enlevée, une nuit, par
trois membres rwandais d’un groupe armé majoritairement hutu qui sont venus,
vers 20 heures, dans la maison où elle se trouvait. Quand Marie G. a résisté
pour ne pas être emmenée, ils l’ont frappée sur le bras et l’épaule, encore
douloureux cinq mois plus tard, lorsqu’elle a été interrogée par nos
chercheurs. Elle a offert à ses assaillants une chèvre s’ils la
laissaient tranquille mais ils ont refusé son offre en disant qu’ils avaient
besoin de filles. Elle a été rejointe par deux filles qui avaient été capturées
le même jour, alors qu’elles se rendaient à Kalonge pour y acheter de la
braise, Chantal R., dix-sept ans et Joséphine A., dix-huit ans. Toutes les deux
ont également été interrogées par notre équipe.[74]
Leurs assaillants leur ont fait porter certains des biens qu’ils avaient volés
et ont marché, avec elles, jusqu’à leur camp, dans la forêt où ils sont arrivés
tard dans la nuit. Là-bas, on leur a dit de cuisiner et de préparer un lit avec
de l’herbe et un sheeting.
Les trois captives ont dit que les hommes
s’appelaient Lukala, Nyeka et Vianney. Ils étaient habillés en
civils et étaient armés de fusils et de machettes. Entre eux, ils parlaient
kinyarwanda, mais ils parlaient kiswahili avec les filles.
Chaque combattant a pris l’une
d’entre elles. C’est Lukala qui a exigé des relations sexuelles de Marie G. et
il lui a dit que si elle ne se “donnait pas” à lui, elle devrait rester avec
eux. Elle a refusé. Lukala lui a dit : “Tu n’es pas mieux que ma femme qui a
été tuée par balle.” Marie G. a répondu qu’il devrait alors la tuer. Elle a
entendu les deux autres filles crier. “J’ai entendu mes deux copines crier,”
a-t-elle dit, “Alors j’ai refusé. L’homme m’a dit, ‘Elles ont déjà
commencé à travailler, pourquoi tu me fais des problèmes ?'” Il
l’a giflée et après que ses compagnes lui eurent crié, “Accepte. Tu ne peux
rien faire contre,” il l’a violée pour la première fois de ce qui allait être
une longue série d’agressions.
“Je l’ai alors laissé faire.
Il m’a fait beaucoup souffrir,” a déclaré Marie G. et elle a poursuivi en
disant qu’elle lui avait demandé pourquoi il faisait souffrir les autres. Il a
répondu : “C’est le travail d’un militaire.” Il a dit à Marie G. qu’il avait eu
de nombreuses femmes mais qu’aucune n’avait été aussi terrible (à savoir
résistante) qu’elle. Il l’a menacée de la tuer et après
plusieurs heures, a commencé à la violer de nouveau. Il l’a violée cinq fois au
cours de la première nuit.
Après cette nuit, Vianney, le
chef du groupe, a aussi voulu “l’avoir”. Après une dispute avec Lukala à ce
sujet, elle a passé la seconde nuit avec Vianney. Il lui a dit qu’il allait
être beaucoup plus gentil avec elle que ne l’avait été Lukala et qu’elle
n’aurait à coucher avec lui qu’une fois par nuit et qu’ensuite, elle pourrait
dormir. Elle lui a dit qu’il n’était pas facile, pour elle, de
dormir compte tenu des circonstances.
Effrayée et craignant d’être ensuite
retrouvée, Marie G. n’a pas donné son vrai nom à ceux qui la détenaient. Elle a
également menti, prétendant qu’elle avait deux enfants et a supplié qu’on la
relâche. Vianney lui a répondu qu’il ne pourrait la relâcher que si Lukala était
d’accord. Elle a fait appel au sens moral de Vianney en lui disant qu’il ne
voudrait pas que des membres de sa propre famille soient ainsi traités. Ses
assaillants ont laissé Marie G. partir après trois jours et ont gardé l’une des
ses compagnes pendant cinq jours et l’autre pendant une semaine.[75]
Peu de temps après, début juin 2001, ces mêmes trois
assaillants ont capturé deux jeunes filles, Cécile K., dix-huit ans et Béatrice
K., vingt ans lors d’un raid nocturne sur leur enclos. Ils les ont détenues de deux
à trois semaines. Béatrice K. a dit qu’elle s’était cachée sous son lit quand
sa maison avait été attaquée mais que les hommes l’avaient trouvée en utilisant
leurs torches. Ils l’ont accusée d’être une “amie des Tutsi”. Ils lui ont dit
qu’ils avaient dû laisser leur famille derrière eux, au Rwanda mais qu’elle
avait beaucoup de chance d’avoir encore ses parents. “Quand j’ai pleuré, ils
m’ont frappée,” a-t-elle dit.[76]
Une semaine environ après leur capture, les assaillants ont enlevé chez elle,
Valérie J., dix-sept ans. Quand elle s’est mise à pleurer, ils lui ont dit :
“Cela ne va rien changer de pleurer. Tu n’es pas plus
importante que ceux que nous avons laissés au Rwanda.”[77]
Les ravisseurs ont violé les filles
de façon répétée et les ont fait cuisiner et accomplir d’autres travaux
domestiques. Il semble que ce groupe d’hommes ait enlevé de nombreuses femmes
et filles auparavant, l’un d’entre eux prétendant qu’ils avaient eu quarante
femmes.[78] A un moment donné, ils ont pris Valerie J., Béatrice K. et Cécile
K. pour qu’elles trouvent d’autres femmes, pour eux, mais le village dans
lequel ils se sont rendus avait été déserté donc aucune femme n’a été capturée.
Selon Béatrice K., toute fuite était impossible parce qu’elles étaient gardées
en permanence et qu’elles ignoraient l’endroit où elles se trouvaient. Trois
semaines après la capture de Béatrice et de Cécile et une semaine après celle
de Valérie J., l’un des ravisseurs a relâché les filles parce que ses deux
compagnons avaient été tués. Marie G. a affirmé qu’elle avait entendu que les
deux hommes avaient “été tués par des Tutsi sur la route de Kalonge.” Cécile K.
a dit que “des soldats tutsi” étaient venus après dans son village et lui
avaient dit qu’ils avaient tué le troisième homme.
Selon les filles, les trois
hommes affirmaient qu’ils recevaient leurs ordres d’un “commandant” mais elles
pensent qu’il s’agissait là d’une ruse pour les intimider. Les trois hommes
n’étaient jamais ensemble avec qui que ce soit d’autre et n’avaient ni radio,
ni téléphone portable ce qui pourrait indiquer qu’ils agissaient indépendamment
d’autres forces hutu dans la région. Sur une période de plusieurs semaines, ils
se sont déplacés plusieurs fois dans la forêt, peut-être parce qu’ils étaient
conscients que les troupes au Congo étaient à leur poursuite.
Une représentante d’une organisation
de femmes a expliqué que la violence sexuelle avait récemment augmenté, en
partie parce les assaillants trouvaient peu de choses à voler chez des gens
déjà attaqués à plusieurs reprises et voulaient donc les punir pour ce qu’ils
percevaient comme un manque de soutien.
Plusieurs
bandes armées ont traversé les environs. Il y a eu beaucoup de pillages… Les
gens sont laissés sans rien et dans certains cas, ils ont été déplacés. Comme
il ne reste plus rien à voler, les bandes armées sont passées au viol
systématique… Il y avait des viols avant cette année mais les gens n’en
parlaient pas. Finalement, cela faisait tellement de viols que nous avons fini
par aller à la paroisse et avec l’aide reçue là bas, on a eu le courage de
parler de ce problème.[79]
Elisabeth S., vingt-cinq ans, du
territoire de Walungu a été violée par des hommes armés qui sont venus chez
elle, en janvier 2001 pour voler. Elle a déclaré :
Tout
a commencé à une heure du matin. On était tous en train de dormir. J’ai entendu
du bruit et j’ai été la première à me réveiller. Ils étaient dix, je pouvais
les voir et les compter. Ils sont entrés dans notre concession. Je voulais me
cacher mais je n’ai pas pu. Ils ont dit, “Donne-nous ton argent.” Puis ils ont
dit, “Vas chercher ton père” et ils m’ont demandé de réveiller tout le monde.
Je leur ai dit qu’il n’y avait personne. Mais ensuite, mon père s’est levé avec
une torche. Les combattants ont vu la lumière et ont dit, “C’est qui avec la
lumière ?” Deux des combattants qui étaient bien armés étaient près de moi. Je
ne sais pas comment mais mon père a pu s’échapper en courant très vite, entre
les deux. L’un d’eux m’a dit, “On va te tuer parce que tu l’as laissé partir.”
Le
chef a dit aux autres de tuer papa. On priait tous. Je pensais qu’ils allaient
tous nous tuer. Ma mère ne savait pas si elle devait courir avec mon père. Elle
s’est cachée sous le lit et priait avec son rosaire. Maman a pu s’enfuir en
courant lorsque d’autres soldats sont entrés dans la maison.
Ils
m’ont fait asseoir dehors sur le sol, ainsi que mes deux sœurs et une autre
fille qui était chez nous. Deux d’entre eux nous surveillaient. Il y en avait
un autre dans la maison. Ils ont tout pris et nous ont demandé quelles autres
choses possédait la famille. On a dit que les seules choses qui restaient
étaient les vêtements que nous portions, tout le reste était dans la maison.
Ils ont laissé les chèvres et les poulets mais ont pris tout le reste.
Je
pensais que si le Seigneur dit que notre heure est venue, c’était maintenant
que nous allions mourir. Les combattants ont dit, “On peut vous tuer,” et ils
ont tiré en l’air quatre fois pour nous montrer ce qu’ils pouvaient faire. Il y
avait une autre fille qui vivait chez nous, une orpheline qui dormait
habituellement avec moi mais cette nuit là, elle était seule dans une autre
petite maison. Elle nous a vus dehors mais je ne sais pas comment, elle n’a pas
vu les combattants. Je la voyais qui s’approchait lentement de nous et je me
demandais ce qu’elle faisait. Je ne pouvais pas l’empêcher de s’approcher –
elle s’est approchée de nous lentement et a dit, “Qu’est-ce-qui se passe ?”
Même si la lune brillait bien, elle ne voyait toujours pas les combattants.
Mais eux l’ont vue et ils l’ont prise et l’ont battue, lui ont donné des coups
et l’ont fouettée avec une corde. Elle a dit qu’elle préférait être tuée plutôt
que de souffrir avec eux. Ils l’ont alors jetée au sol avec nous toutes.
Les assaillants ont ensuite violé chacune des cinq
filles. La plus jeune avait quatorze ans.
Chaque
combattant a pris l’une d’entre nous et l’a emmenée vers l’une des petites
maisons, hors de la concession. On ne pouvait pas résister. Ils parlaient
kinyarwanda et lingala, ils étaient à la fois congolais et Interahamwe. Ils se
donnaient des noms comme Kofi et Bamba. Ça n’a pas pris longtemps.
Je
pense qu’ils n’avaient pas besoin de nous tuer. Ils ont fait ce qu’ils
voulaient faire. Ils ont tout volé et sont partis à environ 4 heures du matin.
Puis papa est rentré. On pensait qu’il était mort. Alors quand on l’a vu, on
était tellement contentes. Aucun des coups de feu ne l’avait touché. On est
resté à la maison le reste de la nuit mais la nuit suivante, personne ne
voulait y dormir.
Je
retourne parfois dans notre village mais je ne dors pas bien quand je suis
là-bas. Les voisins savent qu’on a été volé mais ils ne savent pas ce qui m’est
arrivé.[80]
Alors que les combattants opposés au
RCD sont le plus souvent accusés des actes de violence sexuelle qui se sont
produits aux environs du Parc National de Kahuzi-Biega, les soldats du RCD ont
aussi attaqué des femmes et des filles. Bijou K., une jeune mère, nous a dit
qu’elle avait été violée par un soldat du RCD, parlant le kinyarwanda, sur une
route du territoire de Kabare. Elle a ainsi raconté :
C’était
en juin 2001. J’ai quitté ma maison dans la soirée pour aller acheter de la
nourriture pour mes enfants. Un soldat m’a attaquée et m’a poussée hors de la
route. Il m’a demandé en kinyarwanda ma carte d’identité. Il portait un
uniforme et avait un fusil.
Il
m’a poussée dans les buissons. Je portais mon bébé sur le dos. Il avait un mois
et une semaine. Il a enlevé le bébé de mon dos et l’a jeté au sol, sur le
ventre. Il a mis un fusil contre ma poitrine.
Quand
j’ai fait un geste pour sauver mon bébé, il a arraché mes vêtements et m’a
violée. Tout s’est passé très vite, il n’est pas resté très longtemps. Après
cela, il est parti.
J’ai
ramassé le bébé et je suis rentrée à la maison. J’ai raconté à mon mari ce qui
s’était passé. Je venais d’avoir mon bébé et j’avais besoin d’aide. On m’a
soignée [dans une clinique]. On a trouvé que j’avais une maladie sexuellement
transmissible et maintenant, mon mari l’a aussi. J’ai aussi des démangeaisons
de peau et j’utilise de la médecine locale contre ça.
Je
ne pense pas que j’ai été visée en particulier, par ce soldat. Tellement
d’autres personnes ont aussi été attaquées.[81]
Jeannette T., quinze ans a décrit
comment des soldats qu’elle décrit comme tutsi ont enlevé ses sœurs à Ngwesha,
aux environs de Bukavu. Elle a ainsi raconté :
C’était
le 25 avril 2001. J’étais au village avec ma famille. Mon père avait vendu un
poulet. Des hommes sont venus cette même nuit et lui ont dit de leur remettre
l’argent de la vente du poulet. Notre famille [Jeannette T., ses parents et ses
trois sœurs célibataires, âgées de dix-huit à vingt-deux ans] était réunie
autour du feu. Ils ont blessé mon père au couteau. Ils étaient nombreux. Toute
la concession était remplie de soldats. Ils avaient des couteaux et des fusils.
Ils parlaient un peu de lingala et un peu de kinyarwanda. Ils ont violé mes
sœurs et ma mère mais j’ai pu partir en courant. Ils ont pris tout ce qu’il y
avait dans notre maison. Je me suis cachée derrière des arbres, sur une colline
un peu au dessus de la maison.
Ils
ont emmené mes sœurs et on ne sait toujours pas où elles se trouvent. Il y
avait cinq ou six hommes avec chacune de mes sœurs. Le lendemain matin, je suis
retournée à la maison. J’y ai trouvé mon père, toujours blessé, avec un voisin
qui essayait de l’aider. Après trois jours, ma mère est rentrée. Mais on ne
sait toujours pas où se trouvent mes sœurs.
Mon
père voulait partir les chercher et essayer de trouver de l’aide mais les
voisins ont dit que s’il faisait cela, les Tutsi extermineraient toute la
famille. Maintenant, on est à Bukavu et des membres de la famille de nos vieux
voisins nous ont un peu aidés mais on n’a même pas de vêtements. Il n’y avait
pas de raison de s’en prendre en particulier à mon père qui est un bon
chrétien. On va continuer à demander aux gens s’ils ont vu mes sœurs.[82]
Les données recueillies par nos
chercheurs sur le viol et les autres formes d’abus sexuels dans la région
autour du Parc National de Kahuzi-Biega recoupent celles rassemblées,
indépendamment, par deux organisations locales de défense des droits humains. L’association congolaise de défense des droits des femmes, PAIF, a
enregistré soixante-neuf cas de viols perpétrés par des bandes armées
majoritairement hutu et par des soldats du RCD, dans la zone d’Irhambi-Katana
du territoire de Kabare, entre mai 1999 et septembre 2001. Une seconde
organisation a rapporté que des “hommes en uniformes identifiés comme des
Interahamwe” ont tué, violé et pillé si fréquemment des villages proches du
Parc National de Kahuzi-Biega que les résidents ont abandonné leur maison pour
dormir dehors, en quête de sécurité.[83]
La ville de Shabunda, à 350
kilomètres au sud ouest de Bukavu, dans le territoire de Shabunda, occupe une
position stratégique pour assurer le contrôle de l’est de la province et de son
importante richesse minière. La ville est entourée de trois côtés par la
rivière Ulindi au-delà de laquelle s’étirent, sur des centaines de kilomètres,
de larges étendues d’épaisse forêt équatoriale. Les habitants de la ville,
comme ceux des villages environnants, dépendent de la forêt pour la plupart des
produits de première nécessité : ils cultivent, chassent, se procurent de la
nourriture et du bois dans la forêt. Compte tenu de la distance avec les autres
centres et du mauvais état des routes, Shabunda importe peu de biens de
l’extérieur et ces derniers arrivent d’ordinaire par les airs. Mai-Mai et
groupes armés hutu ont combattu depuis la fin 1998 contre le RCD et ses alliés
de l’APR pour le contrôle de cette région. Avec le conflit actuel, la ville est
de plus en plus isolée. Fin 2001, l’atmosphère à Shabunda était celle d’une
forteresse assiégée.
Les Mai-Mai n’ont pu occuper la
ville qu’occasionnellement et brièvement comme au début de l’année 2000, mais
ils contrôlent la plupart de la forêt environnante. Comme l’a déclaré le Bureau
des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA), “la
ville de Shabunda est le seul endroit sur l’ensemble du territoire où l’on peut
accéder à la population sans courir le danger de subir les intrusions de bandes
armées.”[84]
Quand les combats se sont
intensifiés début 1999, environ la moitié de la population de la ville de
Shabunda a pris la fuite – la plupart vers la forêt – réduisant le nombre
d’habitants de plus de 32 000, en 1998 à 17 600, début 1999. Les
résidents des villages environnants ont aussi cherché refuge dans la forêt.[85]
Une organisation humanitaire internationale travaillant dans la région a estimé
qu’entre 60 et 80 pour cent des personnes déplacées appartiennent à des foyers
dirigés par des femmes.[86]
Dans sa lutte pour le contrôle du
territoire, chaque côté a utilisé la violence, y compris la violence contre les
femmes et les filles, pour gagner ou conserver le contrôle sur la population
locale. Des résidents qui ont fui vers la forêt quand les Mai-Mai ont avancé
ont hésité ensuite à rentrer dans des maisons situées dans des endroits que
le RCD avait repris sous son contrôle, craignant que le RCD ne les perçoive
comme des partisans des Mai-Mai et ne lance des représailles contre eux. D’autres
ont souhaité rentrer chez eux mais ont craint une attaque des Mai-Mai s’ils
tentaient de le faire. Pour accélérer leur retour, le RCD a apparemment annoncé
lors d’une réunion publique que les civils qui ne rentraient pas de la forêt
seraient considérés comme des ennemis et soumis à une attaque. Pendant une
certaine période, les soldats du RCD ont interdit aux résidents de la ville
d’aller cultiver leurs champs et de rassembler nourriture et bois dans la forêt
– ou ont limité les périodes autorisées pour le faire – espérant apparemment
ainsi empêcher toute collaboration entre eux et les Mai-Mai.[87]
En mars 2001, les troupes du RCD ont organisé une
Force de Défense Locale, force paramilitaire armée et formée au minimum,
recrutée dans la région et dont les membres continuent de vivre chez eux, tout
en accomplissant des patrouilles et autres devoirs militaires. Chaque foyer dans la communauté devait contribuer au soutien de la Force
de Défense Locale avec deux verres de riz, tous les deux jours.[88] Au cours de l’année 2001, les troupes du RCD et les membres de la
Force de Défense Locale ont commencé à aller dans la forêt pour trouver des
groupes de personnes déplacées et les escorter jusqu’à leur maison ou vers de
nouveaux sites désignés par les autorités du RCD. Ceux qui voulaient quitter la
forêt mais craignaient une attaque des Mai-Mai ont accueilli avec satisfaction
l’assistance du RCD et de la Force de Défense Locale.[89]
La ville de Shabunda est
exceptionnelle pour le nombre de femmes et de filles qui ont publiquement admis
avoir été violées, la plupart par des Mai-Mai. Le gouverneur du Sud Kivu
estimait que 2 500 à 3 000 femmes et filles avaient été violées, entre la fin
1999 et la mi-2001. Une congrégation religieuse rapportait avoir aidé
environ 2 000 femmes et filles violées.[90]
Des agents des organisations internationales humanitaires actives dans la
région ont raconté à nos chercheurs que de telles données chiffrées étaient plausibles
et probablement sous estimées. Un employé d’une organisation d’aide humanitaire
a fait le commentaire suivant : “Quel que soit le nombre, c’est un mécanisme
d’abus systématiques.”[91]Selon de nombreux observateurs locaux et internationaux, ce
n’est pas le nombre de viols qui est propre à Shabunda mais plutôt la volonté
des victimes de parler de ce qu’elles ont subi. Elles pensent que les crimes
sont tout aussi largement répandus ailleurs dans l’est du Congo mais qu’ils
restent en partie cachés à cause de la réticence continue des femmes à en
parler.
“Dans la [ville de] Shabunda, les
femmes ont eu le courage de parler. Dans d’autres endroits, elles ne
l’ont pas eu,” nous a dit une infirmière d’une agence internationale ayant
beaucoup travaillé au Sud Kivu.[92]
L’une des raisons citées pour expliquer cette relative franchise est que de
nombreuses femmes et filles violées l’ont été en présence d’autres personnes.
Des membres de leur famille, des amis ou d’autres femmes capturées ont été
forcées d’assister aux viols. Dans plusieurs cas, des enfants auraient été
contraints de maintenir leur mère au sol pendant la durée du viol. De plus,
beaucoup de femmes enlevées par des Mai-Mai ont été détenues pendant de longues
périodes, jusqu’à un an et demi. Généralement, il était
entendu que des femmes et des filles rentrant chez elles après avoir été
retenues si longtemps, avaient été violées et la plupart n’ont pas estimé utile
de prétendre le contraire. D’autres femmes et filles sont rentrées avec
des blessures évidentes qui ne pouvaient avoir été infligées que lors
d’agressions sexuelles. Parfois, des femmes et des filles ont été violées avec
des objets tels que des bâtons de bois et des piments.[93]
Certaines femmes et filles nécessitaient des soins médicaux pour une descente
d’utérus, une grave déchirure vaginale, une fistule[94].
Certaines femmes et filles se sont aussi retrouvées enceintes suite au viol
qu’elles avaient subi.
D’autres circonstances ont
apparemment contribué à la volonté des femmes et des filles de Shabunda de
parler des viols et des autres abus sexuels qu’elles avaient endurés. Un groupe
de soutien assiste des victimes – l’un des rares opérant dans la région – et
une organisation internationale a fait l’expérience de traiter, gratuitement,
des femmes et des filles pour des blessures et des complications liées à leur
viol. Les autorités du RCD perçoivent un avantage politique à attirer
l’attention sur les viols et les autres abus commis par leurs opposants. Le
gouverneur de la province a encouragé les organisations humanitaires et les
journalistes à examiner le problème. La majorité des femmes et des filles
décrivent ceux qui les ont violées comme “Mai-Mai”, un terme qui peut
simplement signifier qu’ils sont membres de la population locale. Un prêtre du territoire
de Shabunda faisait le commentaire suivant : “Qui sont les Mai-Mai ? Ce sont
des gens d’ici …des jeunes des environs, des Interahamwe. Tous sont des Mai-Mai
contre les envahisseurs, le RCD.”[95] Si les Mai-Mai sont éventuellement “contre les envahisseurs”, ceci
ne signifie pas nécessairement qu’ils cherchent à protéger la population locale
– parfois, le contraire se produit – en particulier s’ils pensent que la
population locale a coopéré avec le RCD.
Sophie W., une jeune mère d’une
trentaine d’années, a déclaré qu’elle avait été prise par les Mai-Mai en
juillet 2000 et avait été retenue pendant plus d’un an avec ses quatre enfants,
âgés de six, dix et treize ans et son bébé qu’elle allaitait encore. Elle nous
a dit que sa famille avait été prise pour cible en partie parce que les Mai-Mai
pensaient que son mari était lié au RCD. Elle a affirmé :
On
est allé dans la forêt au début de la guerre. Mon mari pensait que la forêt
était plus sûre et il n’y avait rien à manger en ville. Mais on est retourné en
ville en 2000. En juillet 2000, les Mai-Mai sont venus et ont pris mon mari.
Ils m’ont battue, ils ont tué mon mari par balle et ont coupé son corps devant
moi. Ils ont dit que mon mari était un espion pour le compte des Tutsi.
Il
y avait huit Mai-Mai. Deux m’ont maintenue au sol et les autres m’ont violée.
Ils ont posé deux couteaux sur mes yeux et m’ont dit que si je pleurais, ils me
couperaient les yeux.
Les
Mai-Mai parlaient kiswahili, kilenga, lingala et kinyarwanda. Ils étaient
sales, ils avaient des puces. On n’avait pas d’abri. Il y avait juste des
feuilles pour dormir dessus et quand il pleuvait, on était trempé. On avait des
nattes avec nous mais les Mai-Mai nous les ont prises. Ils étaient nombreux
pendant la période où j’étais dans la forêt, peut-être 150 ou plus. Ils nous
nourrissaient parfois de petits animaux qu’ils tuaient mais ils ne nous
donnaient pas beaucoup de nourriture.[96]
Les Mai-Mai ont parfois tué et violé des résidents
qui, selon eux, avaient accepté l’autorité du RCD en quittant la forêt. Dans un tel cas, début septembre 2001, les Mai-Mai ont attaqué un
groupe qui avait quitté la forêt, peu de temps auparavant, sous escorte du RCD.
Ce groupe était rassemblé pour prier dans une église du village de Masanga, à
environ quarante kilomètres de Shabunda. Nathalie R., survivante de l’attaque,
elle-même violée, nous a dit que quarante-trois corps avaient été trouvés dans
le voisinage, après l’attaque. Elle vivait dans la forêt avec sa famille, près
de Minoro, un village à environ quarante-cinq kilomètres de Shabunda. Son mari
avait été pris, un an auparavant, par les Mai-Mai et elle ne l’avait pas revu
depuis.
Après
être resté près de Minoro pendant deux ans environ, le RCD est venu et a pris
de nombreuses familles qui étaient dans la forêt et nous a réinstallés à
Masanga. Dans notre cas, un garçon qui nous connaissait a dit au RCD où on
était et ils sont venus nous chercher. Mais avant qu’ils nous installent à
Masanga, le RCD a pillé nos maisons et a tout pris.
On
était à Masanga depuis peu, peut-être deux semaines, quand de nombreuses
familles chrétiennes qui étaient dans la forêt se sont rendues à la messe du
matin, dans la paroisse de Masanga. On était dans la forêt depuis longtemps et
on était impatient d’aller à la messe.
C’était
la messe de 8 heures 30 du matin. J’y étais avec mes cinq enfants mais seules
les trois filles sont entrées dans l’église. Les deux garçons étaient dehors
avec d’autres enfants. Il était environ 10 heures 30 et l’église était toujours
pleine. Tout à coup, on a entendu des coups de feu venir de partout. C’était
des coups isolés pour certains mais il y avait aussi une arme automatique.
[Elle a imité le bruit de celle-ci.] Quatre personnes ont été touchées dans
l’église – deux femmes et deux enfants.
Il
y avait de nombreux Mai-Mai hors de l’église. Les gens ont essayé de courir
mais c’était une telle panique que la foule bloquait la porte. Certaines
personnes ont réussi à courir. Parmi ces gens, certains se sont échappés vers
la forêt qui est proche de Masanga. Certains ont été touchés mais ont réussi à
atteindre la forêt où ils sont morts. Certains ont été tués près de l’église ou
sont morts avant d’atteindre la forêt. Quand on est allé chercher les morts,
après le départ des Mai-Mai, on a trouvé vingt-sept corps dans la forêt et
douze près de l’église en plus des quatre personnes tuées dans l’église. Mes
deux fils ont réussi à prendre la fuite et n’ont pas été blessés.
Après
le départ, en courant, de certains, six Mai-Mai sont entrés dans l’église. Ils
étaient armés. Ils portaient des uniformes et des masques et avaient des peaux
d’animal sur la tête. Ils étaient très sales. Il y avait des Batembo, des
Bakongo et des Bahutu[97]. A ce
moment là, on n’était plus tellement nombreux dans l’église – quatre femmes, trois
femmes plus âgées et moi – et des enfants. Les soldats [c’est-à-dire les
combattants] nous ont violées toutes les quatre. Ils m’ont frappée avec un
bâton deux fois. Ils ont dit qu’on était bête d’obéir au RCD et ils ont dit
qu’ils sauveraient le peuple congolais. Ils sont restés dans l’église pendant
environ trente minutes puis ils sont partis.
Les
autres femmes qui ont été violées étaient âgées et elles ne peuvent en parler.
Je n’ai personne pour m’aider et il ne me reste rien. Il n’y a pas de services
de santé à Masanga donc je n’ai pas pu recevoir d’aide médicale. J’ai encore
très mal mais j’ai mes règles [indiquant ainsi qu’elle ne pense pas être
enceinte].[98]
Les Mai-Mai ont attaqué les femmes
qui cherchaient la sécurité en se réfugiant temporairement dans la forêt ainsi
que celles qui restaient en ville mais continuaient à se rendre dans la forêt
pour cultiver, chercher de la nourriture ou faire du charbon afin d’assurer
leur survie et celle de leur famille.[99] A un certain moment, les troupes du RCD ont exigé des gens du coin
qu’ils rassemblent du bois pour eux et ceci a contraint les femmes à prendre le
risque de se rendre dans la forêt.[100]
Un responsable des Nations Unies a
déclaré que les femmes et les filles à Shabunda, comme celles qui vivent du
commerce du charbon dans le Parc National de Kahuzi-Biega, “sont très exposées
pour des raisons liées aux moyens d’existence et à la survie. Ce sont
elles qui vont chercher le bois, la nourriture, les fruits et elles sont prises
quand elles font cela. Mais elles doivent continuer à le faire même après avoir
été violées.”[101]
De plus, après avoir été déplacée et dans l’incapacité souvent de cultiver
normalement depuis trois saisons, la population est désespérée.[102]
Solange C., une mère de quatre enfants âgée de
cinquante ans travaillait dans son champ, dans la forêt, avec ses enfants et sa
mère lorsqu’ils ont été attaqués tôt, un matin d’avril 2000.
Il
y avait aussi sept hommes avec nous qui nous aidaient à travailler dans les
champs. Un groupe de Mai-Mai est arrivé vers nous. Les hommes les ont entendus
venir et ont tous pris la fuite.
Ils
étaient huit. Ils m’ont encerclée. Ils ont maintenu mes pieds en l’air, ont
écarté mes jambes et m’ont violée. Ils ont dit que s’ils trouvaient les hommes
qui avaient pris la fuite, ils les mangeraient.
Les
deux responsables portaient des uniformes. Les autres n’avaient que de vieux
vêtements. Ils portaient sur la tête des peaux d’animaux et des plumes et
autour de leur cou, ils portaient la drogue qui leur donne de la force selon
eux. Je ne voyais vraiment que leurs yeux, tout le reste était caché. Ils se
comportaient comme des fous, comme s’ils étaient drogués.
Solange C. a expliqué que les
attaquants avaient tout pris dans son petit abri en feuilles de bananiers, dans
la forêt. Ses voisins sont venus lui porter assistance quand ils ont
entendu que les Mai-Mai étaient partis. Elle a pris des
produits de la médecine traditionnelle que sa mère connaissait, dans la forêt,
“de la sorte de ceux qu’on donne aux filles qui commencent juste à avoir leurs
règles.” Ceci a aidé un peu, a-t-elle dit mais elle a continué à souffrir. Elle
a continué à vivre dans la forêt pendant un an et un mois et a dû, une fois,
travailler pour les Mai-Mai. Décrivant ses conditions de vie pendant cette
période, Solange C. a affirmé:
J’ai
mangé du manioc pendant cette période ou des feuilles, sans huile ni sel. J’ai
utilisé des feuilles de papaye [pour me laver] parce qu’il n’y avait pas de
savon. Ils [les Mai-Mai] étaient couverts de puces alors on a eu des piqûres de
puces et la gale. On dormait juste sur des feuilles, sans abri. Parfois, il y
avait un feu pour nous tenir chaud. Les enfants sont tombés malades et je leur
ai donné les remèdes que je trouvais dans la forêt. Seule la force de Dieu nous
a préservés pendant tout ça. Finalement, la Force de Défense Locale et le RCD
ont trouvé d’autres personnes et ensuite, ils ont trouvé ma famille. Quelqu’un
leur a dit où nous étions et ils ont dit que quand on entendrait des tirs, on
devrait suivre ce bruit et nous diriger vers eux. C’est ce qu’on a fait.
Environ trente personnes sont ainsi sorties avec nous.[103]
Notre équipe de recherche a
également parlé avec un homme dont la femme avait été enlevée par les Mai-Mai,
en juin 2001. Il est resté à Shabunda avec leurs deux jeunes enfants. Sa femme
n’a pas été vue depuis mais d’autres femmes qui avaient également été enlevées
et qui s’étaient échappées avec l’aide de la Force de Défense Locale et du RCD
lui ont donné des nouvelles de son épouse. Elles lui ont dit qu’elle avait été
prise par des Mai-Mai encore plus avant dans la forêt.[104]
De plus, certaines des femmes et des
filles de Shabunda ont déclaré que leurs assaillants étaient des hommes jeunes
des villages du coin ou des bandits de la région qui utilisaient simplement le
nom de Mai-Mai afin de couvrir leurs crimes. En juin 2001, Angélique H. a été
violée alors qu’elle se rendait dans son champ pour y travailler près de son
village, à environ 40 kilomètres de Shabunda. Elle a qualifié les trois
violeurs de Mai-Mai mais a également affirmé qu’elle les avait reconnus comme
venant de son village. Elle a déclaré : “Tout le monde est Mai-Mai. Au
début, ils étaient bons mais ensuite, ils sont devenus mauvais.”[105]En avril 2001, alors qu’elle se rendait à son champ pour y
récolter du manioc, Lisa T. a été violée par cinq hommes qu’elle a appelés
Mai-Mai. Elle ne les connaissait pas mais a affirmé qu’ils étaient “des
garçons du village.” Elle a dit qu’elle n’avait pas osé les
accuser parce qu’un jour, ils pourraient venir la trouver si elle le faisait.[106]
Plusieurs témoins nous ont dit que
les soldats du RCD et de l’APR avaient également commis des viols mais que
personne n’osait en parler ouvertement.[107] Bien que les autorités encouragent la dénonciation des viols perpétrés
par les Mai-Mai ou par des groupes armés majoritairement hutu, elles
n’encouragent pas la dénonciation des viols commis par leurs propres troupes ou
leurs alliés. Dans certains cas, les autorités civiles elles-mêmes craignent le
RCD et l’armée rwandaise dont la présence militaire est très marquée dans la
ville de Shabunda. Un habitant de Shabunda a déclaré à notre équipe : “Les
alliés justifient leur présence par les événements en cours. Les autorités ne
veulent pas des Rwandais ici mais elles n’ont pas le courage de le dire. Aucune
autorité n’est capable de diriger, elles n’ont pas de conscience.”[108]
Pendant plusieurs années, les forces
du RCD et leurs alliés, les armées rwandaises et burundaises ont livré bataille
contre les Mai-Mai et les forces rebelles burundaises, le FDD et le FNL pour
obtenir le contrôle des territoires de Fizi et d’Uvira. Le RCD, l’APR et des
unités de l’armée burundaise alliées à eux contrôlent certaines parties de la
plaine, le long du lac Tanganyika et de la rivière Rusizi y compris la ville
d’Uvira, certaines villes au nord et la route principale reliant ces points.
Les Mai-Mai et leurs alliés ont maintenu le RCD hors de la plus grande partie
de la zone montagneuse des territoires d’Uvira et Fizi. Le RCD contrôle, en
théorie, les hauts plateaux habitées par les Banyamulenge mais récemment il a
combattu une rébellion menée par une milice Banyamulenge dans cette région.
Les parties en
guerre combattent actuellement pour une bonne partie de la région, du sud
d’Uvira à Fizi, le long du lac Tanganyika, une zone contestée depuis quelque
temps. Des organisations locales de défense des droits humains ont rapporté de
graves violations du droit humanitaire international, y compris un bombardement
naval de villages situés le long du rivage du lac par les forces alliées du RCD
et l’armée burundaise gouvernementale, ainsi que des massacres de civils.[109]
Parce que les parties qui
s’affrontent cherchent parfois à démontrer leur contrôle des routes en
organisant des embuscades de voyageurs, les habitants de la zone voyagent moins
maintenant que par le passé. Les principaux commerçants locaux sont des
femmes et des filles. Craignant d’être violées ou tuées en s’aventurant sur les
routes, elles ont presque cessé d’assurer leur commerce entre Uvira et Fizi
ainsi qu’entre Uvira et le moyen-plateau. De moins en moins de
biens produits localement à Fizi, tels que du manioc, de la braise, des noix de
palme et du poisson, atteignent Uvira et de moins en moins de biens importés
d’Uvira, tel que du gaz, des vêtements, du sucre, de la bière, du savon et du
sel sont livrés à Fizi. Le sel et le savon manquent dans certaines zones. Les
activités de pêche sur le lac ont diminué parce que l’équipement a été pillé et
que de nombreux pêcheurs sont partis ou ont été tués. Le nombre de veuves et
d’orphelins a augmenté. Avec la chute du commerce et une chute correspondante
des revenus, de moins en moins de familles peuvent se permettre d’envoyer leurs
enfants à l’école. Beaucoup ne peuvent s’offrir qu’un seul repas par jour.[110]
Mi-2001, les troupes de l’APR,
redéployées depuis Pweto, ont conduit des combats plus vigoureux contre les
Mai-Mai et les rebelles burundais du FDD[111] qui, opérant depuis leur base de la péninsule d’Ubwari, avaient pris
les villes situées entre Uvira et Fizi et contrôlaient la majeure partie de la
route entre les deux villes. Début septembre, les forces Mai-Mai se sont
avancées vers Fizi et ont occupé la ville pendant plusieurs semaines avec
l’aide du FDD et du FNL. En octobre, le RCD avait repris Fizi et d’autres
villes au sud, repoussant les forces Mai-Mai. Des milliers de personnes
déplacées ont fui vers Baraka et Uvira et d’autres ont franchi la frontière
avec la Tanzanie.
Comme ailleurs à l’est du Congo le
nombre de viols dans cette région, a augmenté avec la montée des activités
militaires. Parmi les personnes déplacées par les combats entre le RCD, les
forces Mai-Mai et les forces FDD qui ont débuté mi-2001, des femmes et des
filles de Swima, Mboko, Kabumbe et Kazimia ont rapporté avoir été violées au
cours des affrontements militaires ou peu de temps après. Par exemple, une
vieille femme disait que sa belle-fille avait été violée en août 2001 par trois
soldats qu’elle a décrits comme “Banyamulenge”. Ce viol s’est produit lorsque
ces hommes tentaient de rentrer chez eux à Kabumbe, après avoir fui les combats
entre le RCD et les Mai-Mai.[112]
Viviane M., trente-huit ans a quitté
Kabumbe le 23 octobre 2001 à cause des combats continus entre le RCD et les
Mai-Mai. Les Mai-Mai ont attaqué une position du RCD puis sont entrés
dans le village et ont commencé à piller les maisons. Viviane M. a fui avec sa
famille alors que les renforts du RCD arrivaient de positions voisines. Cachée
dans la zone boisée des collines au-dessus de la ville, elle a entendu pendant
plusieurs jours les bruits des combats. Certaines forces Mai-Mai ont profité de
la vulnérabilité des personnes déplacées et leur ont dérobé toutes les choses
de valeur en leur possession. Au cours des jours suivants, des Mai-Mai ont
découvert où ces personnes se cachaient et ont violé les femmes et les filles.
Viviane M. a décrit comment un groupe de Mai-Mai avait exigé qu’elle leur donne
tout son argent. En découvrant qu’elle n’avait rien, ils l’ont déshabillée,
l’ont battue avec les crosses de leurs fusils et trois d’entre eux l’ont
successivement violée. Certains d’entre eux ont violé, devant elle, sa fille de
quatorze ans.[113]
Marceline G. a aussi fui Kabumbe à
la même période. Lors de son séjour dans la forêt, certaines forces Mai-Mai ont
localisé sa cachette et ont forcé les hommes à les accompagner pour piller un
village abandonné des environs. Lors de leur absence, d’autres Mai-Mai et des
combattants FDD ont violé les femmes et les filles restées en arrière et ont battu
certaines d’entre elles avec des bâtons et des fusils. Plusieurs témoins
ont soutenu que ces forces obéissaient à un chef Mai-Mai du nom de Bwasakala.[114]
Entre juillet et septembre 2001, une
organisation de défense des droits humains, à Uvira, a enregistré 117 cas de
violence sexuelle contre des femmes et des filles. La plupart des attaques se
sont produites dans le territoire de Fizi, lors de combats récents et la
plupart ont été perpétrées par les forces du FDD ou du RCD. Parmi les victimes
se trouvaient des filles de onze ans seulement, plusieurs femmes enceintes et
des femmes âgées. L’organisation a également recueilli des informations sur
plusieurs cas au cours desquels des femmes ont été tuées par balle parce
qu’elles s’opposaient au viol de leur fille. Selon cette organisation, les
soldats du RCD ont violé puis tué cinq femmes, le 5 août 2001, à Lusambo, à 15
kilomètres au nord de Mboko, dans le territoire de Fizi.[115]
Une autre association a rapporté des
viols de femmes et de filles par des troupes du RCD et par des combattants FDD
et Mai-Mai, dans les villages de Kabumbe, Kalundja, Lusambo, Swima et Munene. Certaines
femmes ont été violées devant leur mari et/ou leurs enfants et certaines tuées
après le viol. Comme dans les cas décrits plus haut, nombre de
viols ont été perpétrés sur des femmes déplacées et peu de temps après des
affrontements militaires.[116] Des groupes locaux de défense des droits humains ont également
rapporté que des forces du RCD, des Banyamulenge, des FDD, de l’armée
burundaise et de l’APR avaient violé des femmes et des filles, à Uvira et dans
ses environs. Certaines des femmes et des filles sont tombées enceintes après
le viol, certaines ont eu des fausses couches.[117] Plusieurs observateurs locaux à Uvira ont avancé que les incidents
de violence sexuelle avaient été plus fréquents dans les zones contrôlées par
le RCD que dans celles occupées par leurs alliés burundais.[118]
Des soldats et d’autres
combattants ont également attaqué et violé des femmes trouvées aux champs. Le 20 mai 2001, des soldats du RCD ont violé Linette P., une
vendeuse d’arachides âgée de quarante-trois ans, divorcée et mère de deux
enfants. Elle était partie dans son champ où elle cultive du manioc, du maïs et
des arachides, situé vers Kiliba (au nord d’Uvira). Comme la pluie semblait
imminente, peu d’autres personnes étaient allées cultiver. Elle était seule
lorsqu’elle a quitté le champ, au milieu de l’après-midi et a été attaquée par
des soldats venant des montagnes où ils avaient combattu. Ils ont dit :
“Viens ici, on a passé beaucoup de jours sans femmes, tu vas être notre femme,”
a relaté Linette P. Deux des soldats l’ont violée dans le champ puis sont
montés dans un véhicule militaire avec les autres et sont partis.[119]
Albertine W., une jeune mère de deux
enfants âgée de dix-huit ans a été violée par un soldat du RCD, en août 2001,
près de Mboko, dans le territoire de Fizi. Elle travaillait au champ
avec sa belle-mère quand le soldat s’est approché et l’a violée. Elle a déclaré : “C’est allé très vite et le soldat ne m’a pas
autrement maltraitée.” Elle a rapporté que de nombreuses autres femmes avaient
également été violées par des soldats du RCD. Suite à cela, la famille a décidé
de quitter son village et de se rendre dans les montagnes contrôlées par les Mai-Mai.[120]
Colette F., mère de neuf enfants,
âgée de quarante-cinq ans a été violée, il y trois ans, par deux soldats alors
qu’elle se trouvait dans son champ, à Munanira, à 5 kilomètres environ d’Uvira.
Vers 8 heures du matin, elle a tout à coup vu de nombreuses personnes qui
couraient et quatre soldats descendre une colline. Quand les soldats
l’ont rattrapée, il lui ont dit, ainsi qu’à une autre femme, de venir pour
porter leurs bagages. Lorsqu’elle s’est approchée avec l’autre femme, les
soldats se sont emparés d’elles, les ont jetées au sol et les ont violées. L’un des soldats l’a maintenue en joue pendant que l’autre la
violait. Chacune des deux femmes a été violée par les deux soldats qui leur ont
ensuite déclaré : “Si vous dites ça au village, on va vous tuer.” Colette F.
pense que ses assaillants étaient des Banyamulenge ou des Rwandais. Elle a
affirmé qu’elle ne pouvait faire la différence. Interrogée sur des réparations
judiciaires, elle a répondu : “Ici, on ne peut pas juger [les responsables]. Il
y a ceux qui sont forts et on a peur d’eux.”[121]
Les rebelles hutu burundais auraient enlevé des
filles et des femmes congolaises afin que celles-ci leur fournissent des
services sexuels et leur servent de main d’œuvre dans les camps, y compris ceux
situés dans Rukoko, une zone boisée de la plaine de Rusizi, du côté burundais
de la frontière. Agathe T., vingt ans, a réussi à échapper à un tel sort. Elle a affirmé que les rebelles ont souvent attaqué sa zone natale
de Nyango, à douze kilomètres de Sange. Ils sont venus pour chercher de
l’argent et ont battu les gens s’ils n’avaient rien à leur donner, a-t-elle
dit, et parfois, ils ont emmené des femmes et des filles avec eux. Début
octobre 2001, des rebelles hutu burundais en uniformes et parlant kirundi ont tenté
de kidnapper Agathe T. mais elle a réussi à s’échapper par une fenêtre. Ils ont
pris et violé d’autres femmes et filles, parmi lesquelles sa sœur de dix-huit
ans. Ces femmes et ces filles ont été retenues pendant une semaine dans un
village appelé Sasira, au Burundi, de l’autre côté de la rivière Rusizi. Elle a
été donnée pour “femme” à l’un des soldats et a vécu sous un abri temporaire
fait d’une feuille de plastique.[122]
En octobre 2001, un cultivateur de Sange a raconté
aux chercheurs de Human Rights Watch que sa femme avait été violée, quelques
jours auparavant seulement. Des rebelles burundais, dont il pensait qu’ils
appartenaient aux forces du FNL, ont attaqué sa maison le 26 octobre. Il y
avait quatre hommes et deux d’entre eux l’ont emmené en brousse et l’ont menacé
pendant que les deux autres ont emmené sa femme vers un autre endroit dans la
brousse et l’ont violée.[123]
Les gens du coin ont attribué le
manque de nourriture à Uvira, fin 2001, en partie au refus des femmes de se
rendre dans leurs champs aux abords d’Uvira pour les travailler, un refus
motivé par la peur du viol et d’autres formes d’attaques par des soldats ou
d’autres combattants.
Au moment des recherches pour ce rapport, fin 2001,
l’activité militaire était moins intense au Nord Kivu qu’au Sud Kivu.
Néanmoins, certains soldats et combattants ont fréquemment violé des femmes et
des filles. Comme au sud, les soldats du RCD sont établis dans
des villes comme Goma, la ville principale de la région mais ils contrôlent
seulement des parties limitées de la campagne. Des combattants armés hutu
dominent une bonne part du territoire de Masisi, Rutshuru et Walikale bien que
l’APR, avec le RCD, aient lancé, en 2001, un effort important pour les chasser
de la région. Certains de ces combattants hutu appartiennent à l’ALIR, la plus
importante des unités rebelles rwandaises au Congo et la mieux organisée. Bien
que les commandants de l’ALIR aient apparemment ordonné à leurs forces de ne
pas faire de mal aux civils lorsqu’un grand nombre d’entre eux a traversé la
frontière pour aller au Rwanda, en mai 2001, ils ne semblent pas avoir étendu
cet ordre au territoire congolais.[124]
En mars 2001, un groupe de Congolais
se rendait au marché de Kitchanga, dans le territoire de Masisi, à environ
soixante kilomètres au nord de Goma. Innocente Y., une femme qui faisait partie
de ce groupe, a déclaré qu’ils avaient tout à coup été attaqués par “beaucoup,
beaucoup, peut-être une centaine d’Interahamwe.” Elle a affirmé qu’elle et les autres
étaient certains que les assaillants étaient des “Interahamwe” malgré leurs
uniformes. Ils étaient très sales, indice révélant qu’ils avaient vécu en
brousse et ils parlaient kinyarwanda. Ils ont tué les deux hommes qui
accompagnaient les femmes et ont choisi huit femmes pour porter leur butin, à
savoir les biens que le groupe portait au marché. Ses ravisseurs ont emmené
Innocente Y. plus avant dans la brousse où elle a été retenue pendant deux
jours. Cinq hommes l’ont violée à plusieurs reprises, au cours de cette
période. Elle a risqué sa vie en fuyant le camp. Comme elle s’échappait en
courant, elle a vu le corps d’une autre femme qui selon elle, avait tenté de
s’enfuir et avait été reprise.[125]
Claire L. a été attaquée par un
soldat du RCD alors qu’elle ramassait du bois dans une zone proche de Goma, en
mai 2000. Elle a ainsi raconté :
J’étais
sortie pour trouver du bois pour faire une construction. J’étais sur la route,
avec ma mère. Ma mère m’aidait à charger du bois sur ma tête quand ce soldat
est arrivé et a commencé à nous crier dessus en disant : “Vous êtes des
Interahamwe, vous voulez vivre ou mourir ?” Il a attaché ma mère à un bananier
et il m’a violée. C’était un soldat du RCD. Il avait une grenade et un fusil et
il portait un uniforme. Il faisait partie des soldats tutsi qui sont restés
dans les collines, au-dessus de la ville.[126]
Aloysie B., veuve avec trois enfants
a été violée par “trois soldats tutsi”, en juin 2000, comme elle rentrait chez
elle, de son champ de haricots à Sake, à environ vingt-cinq kilomètres de Goma.
Quand elle a essayé de résister, ils ont entaillé au couteau le haut de sa
cuisse.[127]
Elise T., une jeune veuve de
vingt-neuf ans, a enduré une expérience similaire aux mains de soldats du RCD
parlant le kinyarwanda, à la fin de 1999. Elle s’occupait seule de ses
haricots, dans un champ proche de Sake, en milieu de matinée. Les soldats ont
menacé de la tuer si elle résistait et chacun des huit soldats l’a violée,
“l’un après l’autre”. Puis, ils l’ont fait marcher sur une longue distance avec
eux afin, selon elle, de la terrifier. Elle s’est retrouvée enceinte suite à ce
viol et comme beaucoup d’autres, n’a pas consulté un médecin après avoir été
violée.[128]
Hélène C. a été violée en octobre
2001, alors qu’elle était en voyage pour le travail. Un soldat du RCD est
arrivé, cherchant le propriétaire de la maison dans laquelle elle séjournait.
Elle était seule à ce moment là. Il lui a demandé un verre d’eau et comme elle
partait le chercher, il l’a saisie par derrière. “Il a mis sa main sur ma
bouche. J’ai lutté. Il m’a donné un coup de pied dans le ventre et je suis
tombée. Cela a pris moins de dix minutes,” a-t-elle raconté. “Il a pris son
fusil et est parti.” Elle a ajouté :
Il
n’y avait pas de sang, juste une douleur pendant quelques jours. J’ai pensé que
j’étais juste un peu blessée. Je ne pense pas que je pourrais l’identifier. Ils
diraient simplement [Hélène] a fait ça alors je n’ai rien dit. Je pensais que
ça passerait tout seul.[129]
Commentant la
responsabilité de l’attaque, elle a déclaré :
Je
n’en veux pas qu’au soldat qui m’a fait ça. J’en veux aussi au RCD. Je pense
que c’est la guerre qui est responsable de ce qui m’est arrivé. Nous [les
femmes] sommes des victimes de la guerre. On ne prend pas les armes, mais nous
les femmes, c’est nous qui souffrons le plus.[130]
Cette agression
était la seconde qu’elle subissait, bien que la première fois, en 1997, elle
ait réussi à prendre la fuite. Cette fois là, un commandant de l’armée
rwandaise avait tenté de la violer. Elle a affirmé que c’était un “Afande“[131] en charge du camp militaire de Mushaki, au Nord Kivu, à cette
époque. Elle nous a raconté : “[En tentant de résister], j’ai été piquée par
des herbes comme si j’avais été piquée par des abeilles. Il m’a poursuivie et
m’a tiré dessus deux fois. J’ai dit à l’Afande : ‘Tue moi si tu dois, je ne
peux pas le faire.'”[132]
Antoinette E., vingt ans, a été
violée après l’école, un jour du début de l’année 2000 alors qu’elle partait
chercher de l’eau. Un soldat RCD du camp militaire tout proche est descendu de
la colline en provenance du camp et s’est dirigé vers elle. Il a offert de
l’aider à porter l’eau, puis ensuite s’est tourné sur elle et l’a violée. Quand
elle a résisté, il a entaillé son épaule avec un couteau, lui laissant une large
cicatrice. Elle a pleuré et est rentrée chez elle mais n’a pas cherché à
recevoir une aide médicale. Elle s’est retrouvée enceinte après ce viol. A
cette époque, elle vivait avec sa famille et allait à l’école. Suite au viol,
sa famille l’a rejetée et elle a dû quitter l’école. Elle s’occupe maintenant
seule de son bébé qui est handicapé et elle survit en lavant des vêtements ou
en travaillant comme ouvrière agricole dans le champ des autres. “Les soldats
du RCD font ce qu’ils veulent”, elle a dit.[133]
Bien que le RCD ait une emprise plus
forte sur la ville de Goma que sur n’importe quelle autre ville de l’est du
Congo, il règne dans la ville une forte insécurité qui se manifeste par des
viols, des vols à main armée et des attaques contre les habitants. Dans
certains cas, les auteurs de ces actes sont des soldats du RCD ou de l’APR,
dans d’autres, des policiers congolais. Les autorités du RCD ont reconnu que
des personnalités officielles avaient été impliquées dans certains de ces
crimes. Selon l’Agence France Presse, ils ont publié une déclaration lue à la
radio qui disait : “Ces actes répréhensibles sont souvent commis avec la
complicité de certains éléments liés de près à des autorités politiques ou
militaires et par des soldats errants.”[134]
Certains des attaquants peuvent aussi appartenir aux groupes armés
majoritairement hutu ou être des déserteurs issus de tels groupes ou de
l’armée.
Delphine W., âgée de vingt-et-un ans, a été violée
par trois soldats rwandais et congolais, lors d’une attaque à main armée à
Goma, en septembre 2001 :
Je
ne savais pas quelle heure il était, je dormais. Quatre hommes, des soldats,
sont venus pour voir ce qu’ils voulaient voler. Ils étaient armés de couteaux.
Ils parlaient kinyarwanda et kiswahili, les deux langues de l’armée. Certains
étaient rwandais, d’autres congolais. Certains étaient en civils, d’autres en
uniformes militaires. Je n’ai pas vu leurs visages. Ils ont choisi notre maison
au hasard, il y a beaucoup d’autres maisons dans le quartier. J’étais seule à
la maison avec ma mère. Ils ont forcé la porte de la maison.
J’étais
au lit. Quand la porte s’est ouverte, j’ai crié. Ils ont dit qu’ils avaient
besoin de la fille. Trois des hommes m’ont violée. Ils n’ont pas violé ma mère.
Ils ont dit qu’ils n’avaient pas besoin de la mère, juste de la fille. Ils ont
demandé si j’étais mariée et j’ai dit non. Ils ont demandé si j’avais déjà été
prise par un homme et pourquoi. [L’un des hommes] a dit quelle fille n’a jamais
été prise par des hommes ? C’était la première fois que je couchais avec des
hommes. Ils ont dit que si je refusais, ils me tueraient. Le premier qui m’a
prise m’a frappée avec ses mains. Il m’a prise de force. Je lui ai demandé
d’avoir pitié de moi. Il a dit que si je ne le laissais pas faire, il me
tuerait. J’ai refusé. Il m’a frappée alors j’ai accepté. J’étais encore au lit.
Les autres ne m’ont pas frappée. Le second voulait mettre sa chose dans ma
bouche, j’ai refusé. Les trois m’ont violée, le quatrième est parti. Quand ils
m’ont prise, je me suis sentie mal.
Dans
la nuit, j’ai pleuré et j’ai demandé à Dieu : “Pourquoi as-tu voulu qu’il en
soit ainsi ? J’ai refusé tellement d’hommes. Et il a fallu que j’accepte des
hommes que je n’avais jamais rencontrés, je ne connaissais même pas leurs visages.”
Ma
mère m’a dit que je devrais remercier Dieu d’être encore en vie. Elle m’a dit
d’être courageuse et de ne rien dire aux autres familles pour ne pas perdre ma
réputation. Elle a dit que si je racontais ce qui m’était arrivé, j’aurais du
mal à trouver un mari. Ils pourraient dire que j’avais des maladies parce que
j’étais avec des soldats.
J’ai
été malade pendant trois jours. J’avais froid. C’était comme s’ils avaient mis
du piment en moi, ça brûlait. Je saignais beaucoup. J’ai saigné pendant cinq jours
comme si j’avais mes règles. Je n’ai pas encore eu de règles normales depuis
[le viol s’était produit environ cinq semaines plus tôt]. J’avais mal après
mais ça va maintenant. Au matin, ma mère m’a donné de l’eau pour me laver,
juste de l’eau. Je n’ai pas vu un docteur ou une infirmière. Je n’ai pas assez
d’argent pour les tests. J’ai déjà du mal à trouver de l’argent pour mes
études, je ne peux pas, en plus, payer des médicaments. Pour mes examens, on
doit payer chaque professeur un dollar, un dollar… Je n’avais pas assez pour ça
non plus.
J’ai
parfois des migraines et des vertiges et je ne peux alors rien faire du tout.
Parfois, je ne peux plus respirer et on dirait que je vais mourir. J’ai eu ça
trois fois depuis que ça s’est produit. Ça m’était jamais arrivé avant. Je prie
mais cela ne semble pas m’aider. Des fois, je me sens détachée de mon corps. Ça
s’est produit quatre fois et puis ça passe et je me sens vivante de nouveau.
J’ai
parlé de ça à ma mère. Elle dit que je ne dois pas me plaindre parce que je
suis toujours en vie. Les voisins ne savent rien, ma mère leur a dit qu’ils
n’avaient rien fait, juste volé.[135]
Les assaillants qui ont violé des femmes et des
filles les ont fréquemment battues, fouettées ou agressées d’une autre façon
avant, pendant ou après que le viol se soit produit. Ceux-qui ont enlevé des
femmes et des filles et les ont gardées pendant des semaines ou des mois leur
ont régulièrement infligé des coups en plus des viols. Les
violeurs ont aussi insulté et humilié leurs victimes.
Au delà de ces cas habituels d’abus,
il y a eu d’autres cas où les violeurs ont infligé à leurs victimes de graves
blessures, en faisant pénétrer dans leur vagin des bâtons ou d’autres objets ou
en mutilant leurs organes sexuels au moyen d’armes telles que des couteaux ou
des lames de rasoir. Un gynécologue a raconté qu’au cours de ses nombreuses
années de travail, il n’avait jamais vu des atrocités comme celles commises
contre les femmes qui avaient été violées et qu’il avait récemment traitées.
Parmi ces cas, se trouvent des femmes dont le clitoris et les lèvres vaginales
ont été coupés avec des lames de rasoir. Il a affirmé que l’une de ses
patientes a expliqué ceci en disant : “C’est de la haine et c’est tout.”[136] Père de quatre filles, le médecin faisait le commentaire suivant :
“J’ai le sentiment que si vous naissez fille dans ce pays, vous êtes condamné à
mort dès la naissance … Pourquoi restons-nous silencieux là
dessus?”[137]
Des soldats en uniformes, armés,
identifiés par des témoins comme étant des “Banyamulenge” ont entouré un groupe
de femmes travaillant dans un champ à Kigongo, à environ dix kilomètres au sud
d’Uvira, en juillet 2001. La plupart des femmes ont réussi à prendre la fuite
et à se cacher, y compris la femme qui nous a informés de cet incident. Cependant,
elle a vu comment les attaquants ont saisi une femme burundaise, décrite comme
étant hutu. Ils ont accusé cette femme d’être l’épouse de Mai-Mai, selon la
témoin qui observait la scène depuis sa cachette. La femme retenue captive a
nié l’accusation, prétendant qu’elle était venue du Burundi chercher refuge au
Congo. Sept hommes ont pris la femme burundaise et l’ont violée. Puis l’un des
violeurs a introduit son fusil dans son vagin et a tiré. Les assaillants sont
alors partis. La témoin et les autres femmes sont sorties de leur cachette et
ont tenté d’emmener la femme très gravement blessée vers un poste de santé mais
elle est morte en chemin. Le matin suivant, les mêmes
attaquants sont revenus et ont menacé de tuer les autres femmes. Selon la
témoin, il y a eu deux autres cas similaires récemment, à Kabumbe. Dans chacun
de ces cas, des soldats du RCD ont usé de leur arme dans le vagin des femmes
qu’ils avaient violées et les ont ainsi tuées. La témoin, une veuve de quarante
ans, n’est pas retournée au champ depuis qu’elle a assisté au meurtre de la
femme burundaise.[138]
Le 1er juin 2000, un
soldat du RCD a violé une jeune femme de vingt-cinq ans, près de Nundu, dans le
territoire de Fizi. Il a ensuite tiré à trois reprises dans ses organes
génitaux. Miraculeusement, elle n’est pas morte. Elle est restée à l’hôpital
pendant plusieurs mois et a besoin d’opérations et de traitements
supplémentaires.[139]
Selon des sources locales d’information, il n’y a pas eu d’enquête officielle
sur ce crime.
Dans certains cas, les violeurs réagissent avec une
extraordinaire cruauté à tout type d’effort pour leur résister. Une mère a décrit le traitement de la sorte réservé à sa fille,
Monique B., vingt ans, fiancée. Elle a raconté :
Le
15 mai de cette année [2001], quatre combattants fortement armés – c’était des
Hutu – sont venus chez nous à 9 heures du soir. Tout le monde dans le quartier
avait pris la fuite. J’ai voulu cacher mes enfants mais je n’ai pas eu le
temps. Ils ont pris mon mari et l’ont attaché à un pilier dans la maison. Mon
bébé de quatre mois a commencé à pleurer et je l’ai mis au sein. Et ils m’ont
laissée seule.
Ils
sont partis chercher ma fille et je savais qu’ils la violeraient. Mais elle a
résisté et a dit qu’elle préférerait mourir que d’avoir des relations avec eux.
Ils lui ont coupé le sein gauche et lui ont mis dans la main. Ils ont dit, “Tu
veux encore nous résister ?” Elle a dit qu’elle aimerait mieux mourir que
d’être avec eux. Ils ont coupé ses lèvres génitales et les lui ont montrées.
Elle a dit, “Par pitié, tuez-moi.” Ils ont pris un couteau et l’ont mis sur son
cou et ensuite ils ont fait une longue incision verticale en descendant sur sa
poitrine et ont ouvert son corps. Elle pleurait mais finalement, elle est
morte. Elle est morte avec son sein dans la main.
Des
officiers du RCD sont venus et ont regardé le corps. Puis ils sont partis et je
pense qu’ils n’ont jamais rien fait à ce sujet. Je n’ai pas parlé à d’autres
autorités parce que je pensais que c’était une affaire militaire. Il n’y a pas
l’électricité là-bas et on ne voyait pas grand chose mais on pouvait entendre
ses cris et voir ce qui s’était passé quand on a vu son corps le matin. Je n’ai
jamais revu les attaquants mais je ne les voyais même pas bien cette nuit-là.
Ils ne sont pas restés après avoir tué ma fille.[140]
Certains violeurs s’en prennent aux
jeunes et aux très jeunes, trahissant l’obligation habituellement reconnue à
l’adulte de protéger l’enfant. Il est possible qu’ils
aient cherché à éviter le risque du VIH/SIDA en violant celles qui n’avaient
pas encore eu de partenaires sexuels. Certains Congolais interrogés ont aussi
affirmé qu’une croyance existe selon laquelle des relations sexuelles avec un
jeune enfant pourraient éliminer le virus.
Un assaillant non identifié ou des
assaillants, apparemment en uniformes, ont violé une enfant de cinq ans à Goma,
fin 2001. Lorsqu’elle a ensuite été conduite à l’hôpital, l’enfant avait perdu
tellement de sang qu’elle a eu besoin d’une transfusion. La mère de la victime
nous a relaté ce cas et nous a dit qu’il avait fallu beaucoup de temps avant
que l’enfant puisse de nouveau commencer à marcher normalement.[141]
Dans les zones d’activité militaire,
des soldats et des combattants armés ont violé des jeunes filles autant que des
femmes pour aider à établir leur domination sur la région. En mai 2001, une
fille de quatorze ans s’est rendue dans la forêt, près du Parc National de
Kahuzi-Biega parce qu’elle espérait commencer à gagner de l’argent en vendant
de la braise comme les filles plus âgées et les femmes. Elle rentrait chez
elle, accompagnée d’environ dix autres personnes, avec leur chargement de
braise lorsque des combattants armés, qu’elle a identifiés comme des Interahamwe,
sont tombés sur elles. Avec une autre jeune fille, âgée de seize ans, elles ont
été enlevées par deux combattants qui les ont gardées dans la forêt, pendant
trois jours. Elle a raconté : “Au début, on a résisté mais ils faisaient
que de nous frapper. On a finalement abandonné et ils nous ont violées.”[142]
Après trois jours, les combattants sont partis et les filles ont retrouvé le
chemin de leur maison.
A peu près à la même période, une
autre fillette de quatorze ans et deux filles plus âgées ont également été
attaquées, dans la même région, alors qu’elles rentraient de la forêt, peu de
temps après la tombée de la nuit. Trois combattants les ont enlevées et
les ont fait marcher jusqu’à 2 heures du matin, plus profondément dans la
forêt. Chaque fille a dû rester avec un combattant et a dû avoir des relations
sexuelles avec lui. Les ravisseurs les ont gardées pendant cinq jours et les
ont fait obéir en menaçant de leur tirer dessus.[143]
A Walungu, près du Parc National de
Kahuzi-Biega, des soldats armés ont attaqué une maison en avril 2000 et ont tué
les parents de la famille. Les six filles ont fui mais sont rentrées
chez elle deux semaines plus tard. Parce qu’elles avaient trop peur, elles
dormaient toutes dans un seul lit. L’une des sœurs a ainsi décrit la seconde
attaque sur leur maison :
Les
soldats sont revenus. C’était environ dix heures du soir. Ils étaient huit. Je
ne les ai jamais vus tous ensemble mais je pense qu’ils étaient aussi nombreux.
Ils ont braqué une torche sur nos visages et nous ont jetées au sol. Ils nous
ont toutes violées deux fois chacune rapidement, une à une. Nos voisins n’ont
rien fait pour nous aider, peut-être qu’ils n’ont pas entendu nos pleurs. Les
soldats ne sont pas restés longtemps après ça. On aurait dit qu’ils avaient
peur aussi.
La plus jeune des sœurs avait neuf
ans et les autres, treize, quinze, dix-sept, dix-neuf et vingt ans. Les jeunes
filles pensent que des garçons du village, eux-mêmes peut-être âgés de quinze
ou seize ans, se sont joints aux soldats pour les violer. La plus âgée des
sœurs a dit :
Après
notre viol, on est allé dans un champ de manioc jusqu’à 1 heure du matin. On
n’a dit à personne ce qui s’était passé mais on a découvert que ce qui s’était
passé s’était déjà répandu dans tout le quartier – tout le monde savait. Et
partout où on allait, les gens parlaient de ces filles qui avaient été violées.
Les voisins avaient peur que la même chose se produise dans leur famille.
Je
ne peux pas retourner dans ce village tant que les gens savent et se souviennent
de tout ça. J’essaie de ne pas trop m’inquiéter et juste de me concentrer sur
mes études. Je ne veux plus jamais voir des gens de ce quartier.[144]
Les jeunes filles sont actuellement
avec la famille et les amis d’un prêtre, dans une autre communauté sauf la plus
âgée, qui avec les encouragements du prêtre, a récemment passé un examen pour
entrer à l’université.
Le 19 octobre
2001, des combattants armés du FDD ont violé deux enfants, dans un village
proche de Baraka, sur le lac Tanganyika. Leur mère, Agnès T., a raconté
aux chercheurs de Human Rights Watch que les assaillants avaient violé sa fille
de treize ans et son fils de seize ans, devant elle. Des rebelles FDD ont
attaqué un groupe de pêcheurs, incluant son fils. Ils les ont attachés et plus
tard, cette nuit-là, ont emmené le garçon ligoté dans sa maison, à la recherche
d’argent. Le mari d’Agnès T. a réussi à s’échapper par une fenêtre mais les
assaillants ont pris Agnès T. et l’ont ligotée. Quatre rebelles ont violé sa
fille. Ils ont également violé son fils, “comme une fille”, a raconté Agnès T.
Puis les combattants ont pillé la maison et sont partis. Suite à cela, les deux
enfants ont souffert d’infections et la jeune fille a passé un mois à
l’hôpital.[145]
Thérèse K., treize ans, a été violée par des soldats
du RCD qui attaquaient sa maison, dans la ville d’Uvira. Sa grand-mère, avec
laquelle elle vit, a réussi à s’enfuir mais l’a laissée derrière. Sept hommes
en uniformes, armés de fusils et parlant kinyarwanda – des Banyamulenge, selon
elle – ont fait irruption dans la maison. L’un d’eux l’a
violée.[146]
Juliette M., alors
âgée de quinze ans a été violée par des soldats de l’APR dans la ville de
Kabare, à environ dix kilomètres de Bukavu. Elle se rendait chez ses
grands-parents, pour prendre un poulet pour le Noël 1998. Aux abords d’un camp
militaire à Kabare, elle a vu de nombreux soldats. L’un d’entre eux lui a
demandé d’aller lui chercher un verre. Elle est partie le faire, a-t-elle dit,
parce qu’il s’agissait d’un soldat et qu’elle pensait qu’elle devait le
respecter. Il lui a dit qu’il savait qu’elle l’aimait, ce qu’elle a nié et
ensuite, il a menacé de la violer. Il a appelé quatre autres hommes et
ils l’ont conduite vers une petite maison, dans le camp militaire. Ils lui ont dit : “Si tu ne veux pas…, on va te frapper.” Ils l’ont
déshabillée et chacun des quatre soldats l’a violée. Puis, ils l’ont chassée.
Elle est rentrée chez elle en pleurant mais a trouvé le soutien de sa mère qui
l’a emmenée dans un centre de santé local. Juliette M. affirme qu’elle
ne veut plus jamais voir un homme. A cause de ce qui lui est
arrivé, elle déclare : “Je ne peux pas me marier. Mais je peux étudier et un
jour, aider les enfants.”[147]
Eléonore R., âgée
de douze ans, séjournait chez sa tante et son oncle à Goma lorsque des
attaquants armés non identifiés ont fait irruption dans la maison, en août
2001. Ils ont eu recours à une méthode, couramment utilisée, connue sous le nom
de “katarina” consistant à jeter de grosses pierres sur le verrou de la
porte jusqu’à ce qu’il cède. Elle a raconté :
Ils
se sont servis de deux pierres pour entrer. Quatre [hommes] sont entrés dans la
maison et il y en avait davantage dehors. Ils ont ouvert la porte, ont pris
papa, l’ont attaché, ont frappé maman et ont tout pris dans la maison. Ils ont
fait beaucoup de bruit. Je me suis cachée sous le lit.
Ils
sont ensuite entrés dans ma chambre. L’un était très grand, l’autre gros. Je ne
les connaissais pas et ne les voyais pas vraiment. Ils avaient des fusils et
des torches. Ils parlaient kinyarwanda et kiswahili. Quand j’ai refusé, l’un
d’eux m’a frappée deux fois avec sa main. Puis il a commis l’acte. Il y avait
quatre autres enfants dans la chambre, tous plus jeunes. L’homme qui l’a fait a
dit aux autres de fermer leurs yeux. J’ai aussi fermé mes yeux. Ils ont cessé
quand le sang a commencé à couler.
Je
crois qu’ils n’ont attaqué que notre maison cette nuit-là. Ils sont peut-être
allés dans d’autres maisons mais je n’en ai pas entendu parler. Après ça, de
nombreuses personnes du quartier sont venues.
Le
matin, je suis allée à la clinique voir une infirmière. J’étais déchirée et il
y avait beaucoup de sang. On m’a fait une transfusion, on m’a donné des
comprimés et une piqûre. Je pense que c’était des vitamines. Je saignais
beaucoup. Je n’ai plus mal maintenant et je me sens bien sauf que parfois mes
jambes sont comme paralysées. Je n’ai pas eu d’autres tests. Les autres mères
dans le quartier m’ont aidée, m’ont donné des choses.[148]
Dans un autre cas, six hommes armés,
masqués et en uniformes ont fait irruption dans une maison à Bukavu et ont
attaqué le père de famille avec des machettes. Deux
hommes ont emmené la mère alors que les autres ont violé la fille de quinze
ans, pendant une heure. Quand elle a commencé à pleurer, ils ont
introduit le canon d’un fusil dans sa bouche. Elle a été violemment battue et a
souffert de blessures internes et externes.[149]
Dans certains cas, des jeunes
filles ont été violées par des hommes occupant des positions d’autorité ou liés
à des gens occupant de telles positions. Grace C., quinze ans, a été enlevée,
après l’école, à Goma, le 15 octobre 2001 et maintenue en captivité pendant
huit jours par une personnalité officielle, dans l’administration RCD, un homme
qu’elle avait vu une ou deux fois, chez un voisin. Bien que
civil, le ravisseur était suffisamment haut placé pour bénéficier d’une escorte
militaire armée. La mère de Grace a passé plusieurs jours à essayer de
retrouver la trace de sa fille. Elle a dépensé plusieurs centaines de dollars
en transport et frais de téléphone pour que des officiers de sécurité du RCD et
des soldats localisent sa fille. Elle pense qu’au moins certains d’entre eux
savaient où se trouvait sa fille et qui la détenait. Quand ils ont échoué à
l’aider, elle est allée voir un conseiller de Bizima Karaha, chef de la
Sécurité et des Services de renseignements. Lui, a-t-elle dit, a réagi
immédiatement et avec colère, ordonnant que la fille lui soit remise dans les
deux heures. Bien que la mère de Grace ait encore dû payer pour le transport des
personnes parties chercher sa fille, celle-ci a été immédiatement ramenée à la
maison.
Au cours des huit jours de sa
captivité, Grace C. a été violée plusieurs fois et menacée à bout portant. Elle a demandé plusieurs fois à être ramenée chez elle. A deux
reprises, elle a été contrainte (une fois avec un revolver sur la gorge) de
téléphoner à sa mère et de mentir sur l’endroit où elle se trouvait. A une
autre occasion, elle a été contrainte de demander à sa mère d’accepter une
délégation envoyée pour arranger son mariage avec son ravisseur. L’homme qui
l’a violée a prétendu qu’il voulait l’épouser et lui a ordonné de dire aux
autres qu’elle voulait vivre avec lui.[150] Les autorités judiciaires ont enquêté sur ce cas et ont détenu son
auteur présumé pendant plusieurs jours. Il a ensuite été relâché et le cas
n’est pas allé en justice.[151]
Dans un autre cas,
le fils d’une autorité locale a violé une fillette de onze ans, dans un village
peu éloigné de Goma. Il a pris l’enfant alors qu’elle était partie avec
une autre fillette ramasser des feuilles de manioc, dans les champs. Il a
ligoté l’autre fille et a violé celle de onze ans. Ce viol lui a causé une
fistule et pendant quelque temps, elle a évacué ses matières fécales par le
vagin. La famille de l’enfant a rapporté le viol aux autorités
locales. Le violeur aurait payé un dédommagement à une personnalité officielle
qui n’aurait rien transmis à la victime, ni à sa famille. Le violeur a quitté
la région et n’a pas été poursuivi.[152]
Des assaillants ont aussi violé et
agressé autrement des femmes âgées, normalement traitées avec grand respect par
la société locale. En octobre 2000, un grand nombre de Mai-Mai ont trouvé une
arrière-grand-mère qui avait cherché refuge dans la forêt avec son petit-fils
et sa famille. Les Mai-Mai savaient apparemment que son petit-fils avait
travaillé dans un bureau du gouvernement local et donc, l’ont accusé de
collaborer avec le RCD. Elle a raconté :
Il
y a un an environ, on vivait dans la forêt. J’étais avec mon petit-fils et son
nouveau-né, un garçon. De nombreux Mai-Mai nous ont attaqués. Le bébé était
avec moi et ils l’ont jeté à terre. Ils ont battu mon petit-fils avec un bâton
à piler [du type de ceux utilisés pour piler du manioc séché en farine] jusqu’à
ce que sa cervelle et ses yeux sortent de sa tête.
Puis,
ils m’ont violée. Ils ont mis un couteau sur chacun de mes yeux et ils ont dit
que si je pleurais, ils me couperaient les yeux. Ils étaient nombreux quand ils
m’ont violée mais je ne sais pas combien. Ils étaient très sales. Ils portaient
des masques et des peaux d’animaux. Ils ont dit qu’ils sauveraient tout le
monde mais seulement si tous, on leur obéissait.[153]
Des combattants ont enlevé des femmes
et des filles et les ont détenues pour des périodes pouvant aller jusqu’à un an
et demi, les forçant, pendant cette durée, à fournir des services sexuels et un
travail sexospécifique. En plus d’être violées, des femmes et des filles ont
été obligées d’accomplir des travaux domestiques, comme chercher et transporter
du bois et de l’eau, rassembler et préparer la nourriture et laver le linge de
ceux qui les maintenaient en captivité. Par exemple,
les jeunes femmes enlevées par des hommes armés hutu des villages proches de la
forêt de Kahuzi-Biega ont raconté à notre équipe qu’elles avaient été forcées
de travailler pour leurs ravisseurs. Béatrice K., Cécile K. et Valérie J. qui
ont été détenues ensemble – leurs cas sont cités plus haut – devaient aller
chercher de l’eau et cuisiner pour les trois hommes qui les retenaient dans la
forêt.[154]
Cécile K. a raconté : “Parfois, on refusait de cuisiner et de manger parce
qu’après, ils voulaient toujours avoir des relations sexuelles.”[155]Lorsque Valérie J. a refusé de cuisiner, l’un des hommes s’est
fâché et l’a giflée.[156]
Lorsque les combattants
changeaient de camps, ils forçaient les femmes et les filles sous leur contrôle
à transporter leurs biens. Quand ils faisaient des raids pour piller des
biens, ils obligeaient les femmes et les filles à porter leur butin jusqu’à
leur base.[157]Véronique K., seize ans, originaire d’un village du territoire
de Katana, proche de la forêt de Kahuzi-Biega, a été enlevée par des hommes
armés hutu, en septembre 2001. Avec la fille d’un voisin, elle a dû transporter
le butin jusqu’à la forêt. Quand elle a été libérée, après une semaine d’abus
sexuels, l’un des combattants lui a dit : “Rentre au village, gagne des dollars
et après, on reviendra et on te prendra à nouveau.”[158]
Lorsque Innocente
Y. a été enlevée par des rebelles hutu, près de Kitchanga, au Nord Kivu – son
cas est cité plus haut – elle et plusieurs autres femmes ont dû transporter
dans la forêt, les biens qu’elles se préparaient à vendre au marché,
fournissant ainsi de la nourriture fraîche à leurs ravisseurs.
Dans un cas, des
combattants ont forcé des captives à les accompagner dans un raid afin qu’elles
les aident à enlever d’autres femmes, un plan qui a échoué parce que le village
visé avait été abandonné.[159]
Dans un autre cas, décrit plus bas, des femmes formées comme infirmières ont
parfois fourni des soins rudimentaires aux blessés.
Les ravisseurs détenaient
habituellement les femmes et les filles dans des lieux distants de leur maison
et souvent, dans des zones qui leur étaient peu familières, ce qui compliquait
les tentatives d’évasion. Dans certains cas, des femmes et des filles ont été
maintenues en captivité par des gardes armés.
Les femmes et les filles détenues
dans la forêt ont souvent vécu dans des conditions misérables, dans des abris
temporaires faits de feuilles, de bois et de bâches de plastique. Dans un cas, les ravisseurs ont privé les femmes de leur natte de
couchage et les ont forcées à dormir à même le sol. Dans certains cas, des
femmes et des filles n’avaient pas d’abri et étaient exposées à des pluies
torrentielles lorsque le temps était mauvais. Manquant souvent d’eau et privées
de savon, les femmes ont eu des difficultés à rester propres. Dans certains
cas, les efforts déployés pour être propres étaient gâchés par le fait de
devoir s’associer à des ravisseurs qui ne se lavaient jamais et étaient
infestés de puces. Certains Mai-Mai pensent que laver leur corps va diminuer
leur force et donc ne se lavent pas, même si de l’eau est disponible.
Des ravisseurs ont parfois relâché
leurs prisonnières parce qu’ils étaient attaqués ou craignaient une attaque du
camp adverse. Dans d’autres cas, des ravisseurs ont relâché des femmes et des
filles parce qu’ils avaient prévu en enlever d’autres, voulant apparemment
s’assurer une présence permanente de femmes qui ne soient pas fatiguées, ni
malades des suites des rigueurs de la vie en brousse. Dans plusieurs cas, des
ravisseurs ont informé des femmes et des filles qu’ils avaient relâchées qu’ils
reviendraient pour les prendre une seconde fois. Dans un cas au moins,
documenté par Human Rights Watch, des ravisseurs qui avaient violé une femme et
l’avaient détenue pendant quelque temps lui ont permis de retourner à l’endroit
de la forêt où elle vivait auparavant. Au cours des mois qui ont suivi, ils
sont revenus occasionnellement pour exiger qu’elle vienne avec eux et leur
fournisse des services, pour une période courte.
La stigmatisation des victimes
Les femmes et les filles qui sont violées ou
agressées d’une autre façon ont subi des torts psychologiques, en plus des
blessures physiques causées par ces crimes. Beaucoup ne
récupèreront jamais complètement. Un nombre significatif de femmes et de filles
se sont retrouvées enceintes suite au viol qu’elles avaient subi et un nombre
inconnu d’entre elles ont été infectées par le VIH, modifiant de façon
considérable leur vie future, leurs moyens de subsistance et leurs perspectives
d’avenir. D’autres membres de la famille et de la communauté ont aussi pu être
affectés psychologiquement ou physiquement, suite aux actes de violence
sexuelle contre des femmes et des filles. Une femme enlevée et violée par des
assaillants parlant le kinyarwanda a juste déclaré après cela : “Ma tête
n’allait plus.”[160]
La situation des victimes de viol est
aggravée par la stigmatisation qui va de pair avec la violence qu’elles ont
subie. Dans de nombreux cas, ces femmes et ces filles sont victimes
d’ostracisme et se retrouvent aux marges de la société.
Un médecin a traité une jeune fille
de quinze ans qui avait été violée par plusieurs hommes comme une malade en
consultation externe afin de ne pas attirer l’attention sur son cas. Il
l’a également soignée gratuitement. Il a fait le commentaire suivant : “On ne
peut pas faire beaucoup pour empêcher qu’elle soit rejetée. Ce
n’est pas sa faute,” a-t-il dit. “Physiquement, elle va probablement aller
mieux bien que nous ne sachions pas encore si elle a contracté une autre
maladie. Et sur le plan psychologique, cela reste un problème. Elle a perdu sa
virginité, ce qui est parfois très important dans un village. Elle ne peut même
pas en parler.”[161]
Dans certains cas, des maris ont
rejeté leur épouse quand ils ont appris qu’elle avait été violée, parfois sous
prétexte que la femme avait dû consentir à cette relation sexuelle. Dans un tel
cas, une femme violée par des soldats du RCD a raconté :
Après,
je suis rentrée à la maison. J’ai tenté de le cacher à mon mari mais il l’a
découvert. Il a dit que j’avais accepté ça de bon gré. Il a dit ça malgré les
bleus et les marques là où les soldats avaient appuyé leurs ongles à
l’intérieur de ma cuisse.[162]
Dans un autre cas,
une femme violée espérait cacher ce crime à son mari mais a cherché conseil
auprès de son pasteur. Elle a dit :
Quand
je suis rentrée à la maison, je suis allée voir le pasteur pour lui dire ce qui
s’était passé. Sa femme a entendu notre conversation et elle est allée partout
le raconter à tout le monde. Maintenant, on me rejette. Personne ne vient me
voir ni ne partage quoi que ce soit avec moi. Tout le monde savait et ensuite,
ils l’ont dit à mon second mari. Mon second mari a dit qu’il n’avait pas de
chance avec les femmes parce qu’il avait déjà perdu deux femmes avant moi. On
ne s’entend pas bien. Des fois, il dit que je devrais retourner vers [mon premier]
mari …ou que je devrais aller avec un autre homme dans la forêt.[163]
Certains maris ont simplement
mis leur femme à la porte, refusant tout autre contact avec elle. Dans d’autres
cas, ils ont permis à leur femme de rester dans le foyer mais ont pris une
seconde épouse, reléguant la victime du viol dans une position subalterne.[164]
La famille des maris et celle des victimes
elles-mêmes ont parfois rejeté des femmes et des filles qui avaient été
violées. Francine M., une jeune veuve de trente-cinq ans, mère
de six enfants, a été violée par trois soldats de l’APR à Kasika, au Sud Kivu,
en août 1998. Ils ont également tué son mari devant elle. Ensuite, les frères
de son mari l’ont accusée d’être une “traîtresse”, une “complice” des
attaquants, suggérant qu’elle n’aurait pas survécu sans cela. Ils ont
affirmé qu’elle était devenue la “femme de tout le monde”. Elle a quitté Kasika
et vit maintenant à Bukavu. Elle continue de souffrir de douleurs abdominales,
trois ans plus tard. “Mon corps est devenu triste,” a-t-elle dit. “Je n’ai plus
de joie.”[165]
Maris et familles ont souvent pesé les différents
aspects du problème avant de déterminer leur réponse au viol d’une des femmes
du foyer. En décidant des effets à long-terme du crime, ils
ont considéré si la femme s’était retrouvée enceinte et si oui, quelles
seraient les responsabilités impliquées dans l’éducation de l’enfant. Les
familles ont également considéré la possibilité que la victime ait pu être
infectée, en particulier par le VIH/SIDA, ce qui ferait peser le fardeau des
soins sur la famille. La quantité d’attention publique accordée au crime a
également influencé la réaction des maris ou d’autres, dans la famille. Ceci
est l’une des raisons pour lesquelles les victimes ont préféré garder le
silence sur ces crimes.
Les femmes et les filles rejetées
par leur mari et leur famille se sont retrouvées appauvries et humiliées.
Francine M. qui a déménagé à Bukavu, avec ses six enfants, vend maintenant des
avocats et loue une maison pour trois dollars par mois, une somme qu’elle a du
mal à payer.[166] Une autre jeune femme qui avait été violée par des combattants
hutu, à Masisi, a été rejetée par son mari. Maintenant à Goma, elle est
enceinte et n’a pas de lieu de résidence permanent. Elle vit dans les ruines de
maisons détruites et gagne de petites sommes d’argent en transportant de
lourdes charges.[167] Plusieurs filles que nous avons interrogées à Sake, près de Goma,
avaient été expulsées de chez elles après avoir été violées, lorsqu’elles
étaient très jeunes. Certaines d’entre elles étaient enceintes. Elles
étaient souvent forcées de faire des travaux dangereux et peu payés. Par
exemple, plusieurs femmes interviewées transportent des charges lourdes ou
travaillent comme domestiques pour gagner de l’argent.[168]
Femmes et filles célibataires se
retrouvant enceintes suite à un viol ont moins de chances de trouver un mari à
l’avenir et donc courent le risque de rester toujours aux marges de la société.
Selon l’estimation d’un médecin, une femme célibataire avec un enfant, dans de
telles circonstances, a seulement 20 pour cent de chance de se marier à
l’avenir.[169] Selon un groupe de femmes congolaises, une fille violée ayant donné
naissance à un enfant est “une fille qu’aucun garçon ne peut épouser.”[170] Cependant, la plupart des filles célibataires, enceintes des suites
d’un viol, ont généralement donné naissance à leur enfant même si elles
comprenaient que faire de la sorte rendait impossible la dissimulation du viol
et impliquait aussi de porter le fardeau de l’éducation de l’enfant. Le Congo
est un pays majoritairement catholique romain. L’avortement y est illégal selon
le droit congolais et désapprouvé par la culture congolaise, même dans le cas
d’un viol.[171] Selon un médecin, les femmes et les filles qui décidaient de mettre
un terme à leur grossesse cherchaient à se faire avorter non par des médecins
mais par un personnel non qualifié, avec tous les risques liés de
complications. “Si cela est fait,” a-t-il dit, “c’est fait par des charlatans.”[172]
Une jeune femme a raconté ce qui s’est
produit, après son viol par un soldat du RCD, en octobre 2001. D’abord,
elle n’a rien dit à personne puis elle s’est finalement confiée à son employeur
qui lui a donné l’argent pour un test de grossesse et un test VIH. Quand elle a
appris qu’elle était enceinte, ses employeurs ont suggéré qu’elles se fassent
avorter. “J’ai parlé à mon père,” a raconté la jeune femme,
“et il m’a demandé : est-ce-qu’un enfant t’empêcherait de continuer tes études
? J’ai répondu que non et il a dit que je devrais garder l’enfant. Mon
père est chrétien. Il a dit qu’il m’aiderait.” Elle a continué ainsi:
Je
n’ai encore rien dit à mes frères. Je ne sais pas comment je vais leur dire. Je
ne sais pas ce que je vais dire, comment je vais amener le sujet. Je ne sais
déjà pas expliquer pourquoi je vomis. Je reste dans ma chambre toute la
journée. Si Dieu me donne cet enfant et que cet enfant demande qui est son
père, qu’est-ce-que je suis censée répondre ?[173]
Certains maris ont soutenu
leur femme après que celle-ci ait été violée. Une femme violée par des
combattants Mai-Mai et FDD, près de Kazimia, en juin 2001, a nécessité trois
jours de soins hospitaliers pour commencer à récupérer. Quand elle est rentrée
chez elle, son mari qui travaille pour une ONG de développement, l’a bien accueillie.
Il a dit : “Nous sommes ensemble, ce [le viol] n’était pas sa faute.”[174]
Une plus grande volonté de révéler les crimes
qu’elles ont subis a contribué à réduire la stigmatisation dont les victimes
souffraient. A Shabunda, où les femmes et les filles ont été les plus ouvertes
sur leurs viols, elles ont formé une association de 500 membres pour soutenir
les femmes et les filles violées.
Dans d’autres régions, des prêtres
utilisent leurs sermons pour faire connaître la disponibilité en traitements médicaux
et en services de conseils et appui psychologique aux victimes de violence
sexuelle, dans des centres financés par l’église à Bukavu. Peu de personnes
seront effectivement en mesure de profiter de ces services mais le simple fait
de soulever publiquement le problème de la violence sexuelle devant une telle
assemblée contribue à réduire la disgrâce qui frappe les femmes et les filles
sexuellement agressées. Cela les aide également à chercher de l’assistance.
Suite à un viol, de nombreuses
femmes et filles souffrent de blessures, d’hémorragies internes, de fistules[175] et d’incontinence. Certaines se retrouvent enceintes et souffrent
de complications médicales lors de leur grossesse. De nombreuses femmes et
filles contractent aussi des maladies sexuellement transmissibles, dont le
VIH/SIDA. Des experts estiment qu’environ soixante pour cent des troupes
régulières et des milices au Congo sont infectés par le VIH/SIDA. Ils ont mis
en garde contre le fait que la guerre exacerbe la crise déjà existante du
VIH/SIDA. La population au Congo doit encore réaliser l’étendue complète des
destructions que lui inflige la violence sexuelle utilisée contre les femmes et
les filles.
Peu de femmes et de filles cherchent
des soins médicaux après leur viol parce que les soins de santé et le dépistage
des maladies sexuellement transmissibles ou du VIH/SIDA sont trop coûteux. En
plus dans certaines régions, peu de fournisseurs de services de santé sont
disponibles et la plupart sont des hommes. La recherche des soins augmente
aussi la probabilité que le viol soit révélé et que la victime soit mise à
l’écart. Généralement, le personnel médical est mal formé, n’a peu ou pas
d’expérience spécialisée dans le traitement des cas de violence sexuelle, est
non payé et démoralisé. Les centres médicaux sont pauvrement équipés et de
nombreuses installations ont été pillées ou détruites.
Un médecin a déclaré : “Celles que
nous voyons ne représentent qu’un échantillon. Nous ne voyons probablement que les
cas extrêmes.”[176] Une infirmière exprimait son accord. “Si [des femmes et des filles]
ont été violées et sont très malades et qu’elles doivent chercher à recevoir
des soins médicaux, certaines vont dans les hôpitaux,” a-t-elle dit. “Si elles
n’ont pas besoin de faire ça, elles n’en parlent à personne et ne cherchent pas
une aide médicale.”[177] Des femmes et des filles ont été gravement blessées, parfois de
façon permanente ou handicapées au cours du viol ou d’une autre forme
d’agression sexuelle. Des femmes et des filles qui ont survécu à des actes tels
que des coups de feu dans le vagin, comme cela est décrit plus haut, des viols
collectifs répétés ou des interventions chirurgicales d’amateurs et autres sont
fortement exposées au risque de très graves problèmes cliniques.
Dans un cas particulièrement grave,
une femme ayant récemment accouché a subi un viol collectif perpétré par quatre
hommes armés parlant le kiswahili, dans la forêt proche de Shabunda. Une
fistule s’est développée entre son vagin et son rectum. Incapable de quitter la
forêt, tout ce qu’elle a pu faire fut de se laver avec de l’eau chaude et des
feuilles d’arbres. Elle raconte ainsi :
Après
un mois, je suis allée voir les infirmières en brousse. C’était des infirmières
qui avaient été prises en otages par des Mai-Mai. Les infirmières ont essayé de
me recoudre, en utilisant le type de fil qu’on utilise pour tresser les
cheveux. Il n’y avait ni anesthésiant, ni hygiène. Mais tout s’est défait après
quelques jours.[178]
Quinze mois plus tard, cette jeune femme a atteint
Shabunda et a pu enfin chercher une aide médicale. Elle espère
pouvoir se rendre à Bukavu pour une intervention chirurgicale spécialisée afin
de réparer sa fistule. De nombreux médecins n’ont pas les installations, ni
l’expertise pour traiter de telles patientes même si les femmes et les filles
peuvent accéder à eux, au départ. Même avec le meilleur traitement possible,
nombre de ces femmes et de ces filles sont handicapées pour la vie et ont
besoin de thérapie de long terme. Le traumatisme psychologique causé par un
viol est rarement pris en considération et la réticence à discuter de
l’expérience, même avec des membres de la famille ou des amis, aggrave le
problème.
Un nombre significatif de femmes et
de filles sont infectées par des maladies sexuellement transmissibles lors de
leur viol et pour l’une des raisons évoquées plus haut ou l’ensemble de ces
raisons, ne cherchent pas à bénéficier d’un traitement sauf si celui-ci est
absolument nécessaire. La vaste majorité des victimes de viol interrogées
n’avaient jamais reçu une forme quelconque de traitement médical après le viol.
Souvent, elles n’ont même pas révélé le viol aux médecins lorsqu’elles
ont accouché. Les travailleurs sociaux et le personnel médical ont confirmé que
seulement une petite minorité de victimes reçoit un jour une forme de
traitement. Par conséquent, de nombreuses maladies sexuellement transmissibles
relativement faciles à traiter restent non traitées, certaines causant une
douleur et une gêne considérables à la femme, certaines ayant des conséquences
irréversibles. La maladie la plus mortelle pouvant être
contractée par un viol est le VIH/SIDA. Non seulement la vie des femmes
et des filles séropositives est raccourcie et leurs possibles moyens de
subsistance gravement restreints mais être séropositive ou même être soupçonnée
d’être séropositive s’ajoute à la stigmatisation du viol, résultant dans une
double stigmatisation de ces femmes et ces filles. Une femme violée a déclaré
que son mari l’avait rejetée, disant qu’il craignait qu’elle ait contracté le
VIH et qu’elle le “contamine”.[179]
La rareté et le coût élevé des tests de dépistage du VIH rendent plus
difficile, pour les femmes non infectées, de montrer à leur mari et leur
famille qu’elles sont séronégatives.
Dans la résolution 1308 (2000), le
Conseil de Sécurité a explicitement reconnu que la pandémie du VIH/SIDA était
exacerbée par les conflits armés. D’autres ont fait de même.[180] En 2000, le Secrétaire Général a fait un rapport à l’Assemblée
Générale sur les enfants dans les conflits armés et souligné “… les images
obsédantes, d’un endroit à un autre, d’adolescentes victimes d’un viol,
celui-ci étant devenu une arme de guerre au même titre que les balles et les
machettes… Les conflits armés servent aussi, de plus en plus, de vecteurs de
propagation de la pandémie du VIH/SIDA, qui suit de près les troupes armées,
dans les corridors des conflits.”[181] Les taux d’infection des soldats, par des maladies sexuellement
transmissibles, seraient de deux à cinq fois supérieurs à ceux des populations
civiles et pendant un conflit armé, le taux d’infection peut être jusqu’à
cinquante fois plus élevé.[182] L’Institut américain pour la Paix (US Institute for Peace)
estimait, en 2001, que la prévalence du VIH parmi les combattants de la guerre
au Congo était de 60 pour cent.[183]
Il est probable qu’un pourcentage important de soldats rwandais soient
séropositifs.[184]Le Docteur Tshioko Kweteminga de OMS-Congo a avancé que le
déplacement et les multiples mouvements de troupes entre le Congo et ses pays
voisins ont préparé le Congo à une importante “explosion de VIH/SIDA”, un point
de vue partagé par beaucoup.[185] Les troupes rwandaises rentrant du Congo chez elles, avec le virus,
vont faire courir, à la population civile du Rwanda, un risque accru de
contamination par le VIH.
Le taux national de prévalence du
VIH, au Congo, est officiellement de 5,1 pour cent, à la fin 1999, calculé à
partir de données collectées dans des sites d’observation[186], mais selon de nombreux experts, ce chiffre sous estime beaucoup la
prévalence actuelle.[187] En juillet 2001, l’OMS rapportait que les chiffres nationaux
recueillis par le biais du système d’information sanitaire donnaient un peu
moins de 10000 nouveaux cas de VIH pour l’année 2000. Le commentaire
suivant était fait : “Mais les responsables en santé publique estiment que les
chiffres réels, fondés sur les informations transmises par les sites
d’observation, sont plus proches de 173 000 nouveaux cas par an, avec un total
de presque 1,3 million d’adultes et d’enfants vivant déjà avec le VIH.”[188] Différentes études sur des femmes et des filles, dans des cliniques
prénatales de certaines des villes les plus importantes ont été conduites entre
le milieu des années 80 et le milieu des années 90. Depuis, l’instabilité politique
et la guerre ont empêché une surveillance régulière. L’est du Congo manque
particulièrement de données fiables.
Les études au cours des dernières
années indiquent que la prévalence du VIH, parmi les donneurs de sang, dans la
ville de Bukavu, est de 10 à 12 pour cent mais il n’est pas clair si ce groupe
est véritablement représentatif de la population générale ou des communautés
affectées par la guerre.[189] Un expert en santé, travaillant avec une ONG, estimait la
prévalence à Bukavu proche de 15 à 20 pour cent, compte tenu des résultats de
plusieurs études de petite ampleur.[190] Prudence Shamavu, directrice de la branche de Fondation Femmes Plus
à Bukavu, une organisation nationale travaillant contre le VIH/SIDA, a affirmé
qu’une étude indiquait que la prévalence du VIH parmi les prostituées dans la
ville de Bukavu atteint le pourcentage élevé de 45 pour cent.[191] L’OMS rapportait qu’une étude sur les patients de l’Hôpital Général
de Bukavu avait révélé une prévalence de 32 pour cent parmi les adultes de sexe
masculin, 54 pour cent parmi les adultes de sexe féminin et 26,5 parmi les
enfants.[192] Des experts en santé interrogés étaient d’accord pour dire que la
prévalence du VIH/SIDA augmente rapidement dans le Nord et le Sud Kivu et
représente un problème urgent. Ces experts ont exhorté les acteurs de l’aide
internationale à conduire une étude de prévalence valable sur la région.
Comparé à d’autres régions de
l’Afrique orientale, centrale et australe, même celles pauvrement desservies,
l’est du Congo manque désespérément de services dans le domaine du VIH/SIDA.
Les services censés prévenir le VIH/SIDA sont quasi non existants. Les messages
de promotion et les campagnes d’information, relativement généralisés à travers
une grande partie de l’Afrique, sont pratiquement absents de l’est du Congo.
Shamavu notait qu’il était difficile de susciter l’intérêt des bailleurs pour
des activités habituelles de prévention telles que des campagnes dans les
médias. Les financements des bailleurs sont nécessaires puisque les autorités
dans la région n’ont pas alloué de ressources significatives à des programmes
VIH/SIDA.[193] Elle notait également qu’il a fallu un certain temps à tous les
acteurs pertinents intervenant dans le secteur de la santé, y compris l’église
catholique romaine qui est un fournisseur majeur de services de santé, pour
arriver à un consensus sur le contenu des messages à diffuser.
D’autres services, notamment l’accès
au dépistage du VIH et les appuis psychologiques ne sont accessibles qu’à un
faible pourcentage de la population via quelques-unes des installations de
santé mieux équipées. Les tests de dépistage du VIH peuvent coûter jusqu’à 5USD
dans certaines zones de la région, un prix bien au-delà de ce que peut payer la
majorité de la population. La majorité des femmes et des filles rencontrées par
les chercheurs de Human Rights Watch est consciente de la possibilité de
l’infection par le VIH et beaucoup ont indiqué que si le dépistage leur était
accessible, elles se feraient tester. “Certaines femmes demandent en
effet des tests de dépistage du VIH et elles veulent savoir si elles ont des
maladies sexuellement transmissibles. Elles se mettent à danser quand elles
apprennent qu’elles sont séronégatives,” a déclaré un conseiller.[194]
Le traitement antirétroviral des femmes et filles séropositives ou le
traitement pour prévenir la transmission mère-enfant sont quasiment non
existants. Même les infections opportunistes, telles que la
tuberculose, la diarrhée, la méningite et la pneumonie ne sont pour la plupart
pas traitées parce que les gens ne peuvent se permettre de payer les
médicaments.
L’organisation internationale
Population Services International a récemment commencé une campagne de
promotion du préservatif à Bukavu mais à part ce projet, les préservatifs ont
toujours été difficiles à obtenir et cela reste vrai aujourd’hui encore.
Médecins sans Frontières-Hollande a commencé une activité pilote à Bukavu
offrant information et conseils sur les pratiques sexuelles à de jeunes gens,
des enfants des rues et des prostituées.[195]
En accord avec une importante
recherche en sciences sociales, le Fonds de Développement des Nations Unies
pour les Femmes (UNIFEM) avance que l’épidémie de VIH/SIDA “n’aurait pas
atteint de telles proportions” si les femmes et les filles en Afrique et
ailleurs avaient eu la possibilité de refuser des relations sexuelles non
désirées et non protégées.[196] Un rapport de la Commission des Nations Unies sur le Statut des
femmes concluait : “Le manque de pouvoir relatif des femmes et des filles sur
leur corps et leur vie sexuelle, soutenu et renforcé par leur inégalité sociale
et économique, les rend plus vulnérables pour contracter le VIH/SIDA et vivre
avec.”[197] Le contrôle qu’ont les femmes et les filles de l’est du Congo sur
leur vie sexuelle est encore diminué dans le contexte de la guerre actuelle et
leur vulnérabilité au VIH/SIDA est encore plus élevée.
Le risque de transmission du
VIH/SIDA lors de relations résultant de violence sexuelle est, de plus,
beaucoup plus élevé que lors de relations consentantes. Les blessures
génitales, y compris les déchirures et les écorchures des parois vaginales ou
d’autres organes, augmentent la probabilité de la transmission si l’assaillant
est séropositif. De plus, les secrétions vaginales de protection, normalement
présentes dans des relations sexuelles non contraintes, sont absentes en cas de
viol. Les filles qui n’ont pas encore atteint la puberté courent un risque
accru d’être contaminées par le VIH parce qu’elles ont plus de chances que des
filles plus âgées et des femmes de souffrir de blessures vaginales lors du
viol.[198]
Au cours de la guerre de 1996-1997
au Congo, les autorités militaires ont distribué des préservatifs à certains
soldats mais elles ont ensuite mis un terme à cette pratique. Selon un médecin
militaire du RCD, les autorités militaires considèrent maintenant le sujet
comme tabou et ne font rien pour empêcher ou limiter la propagation du virus
dans les rangs du RCD. Il notait que la prévalence du VIH/SIDA parmi les
troupes du RCD est “très élevée” et qu’elle est encore plus élevée chez les
femmes et les enfants de ces soldats.[199] Ce médecin a mis en garde contre le fait que de nombreuses autres
personnes allaient mourir si le tabou n’était pas levé.[200]
L’APR prend certaines mesures de
prévention et de traitement du VIH/SIDA dans ses rangs, y compris l’ouverture,
en 2001, d’un centre de dépistage dans l’hôpital militaire de Kanombe. L’APR a
aussi permis à l’organisation Population Services International de conduire un
programme de dix-huit mois centré sur la prévention du VIH/SIDA et la
distribution de préservatifs aux troupes de l’APR.[201] Le projet financé par l’Agence américaine pour le Développement
International n’opère qu’au Rwanda et ne comporte pas de volet éducation sur la
violence sexuelle[202]. Il est évident que ce projet s’attaque à un vaste défi. Une étude
récente révélait, dans un journal rwandais, que “les impressions des soldats en
matière d’espérance de vie” contribuaient à expliquer la forte prévalence du
VIH parmi eux[203]. Il est fréquemment rapporté que les soldats et d’autres personnes
estimant qu’ils courent un risque élevé de mourir, quel que soit leur
comportement, ne prennent aucune précaution contre le VIH.
Stratégies de protection
Les femmes et les filles de l’est du
Congo, leur famille et leurs communautés ont développé différentes stratégies
pour se protéger contre la violence sexuelle. Certaines familles ont
envoyé leurs femmes et leurs filles dans des lieux plus sûrs. Un
habitant de Bukavu a raconté aux chercheurs de Human Rights Watch : “J’ai une
fille chez moi que ses parents ont envoyée loin de chez eux afin de la protéger
contre un viol.”[204] Dans d’autres cas, la plupart des membres de la famille ont fui
vers des zones plus sûres.[205] Un prêtre d’une paroisse rurale a déclaré : “Les femmes, les filles
et les jeunes hommes ne sont plus dans les villages – on ne trouve que des
vieux.”[206]
Une autre stratégie fréquemment
utilisée est de rechercher la sécurité dans les grands nombres. Quand cela est
possible, les femmes et les filles essaient de se rendre au marché, en forêt ou
aux champs, en groupes, espérant ainsi décourager d’éventuels assaillants.[207] Parfois efficace, cette pratique livre, à d’autres occasions, un
nombre plus élevé de femmes et de filles aux mains des assaillants. Dans une
variante de cette stratégie, des femmes plus âgées, supposées moins exposées
aux attaques, ont remplacé les femmes plus jeunes et les filles dans les
activités nécessitant de s’éloigner de la maison. Utile pour protéger celles
qui seraient les plus visées sans cela, cette stratégie n’offre aucune
protection aux femmes plus âgées. Et comme le faisait remarquer une jeune fille
de quatorze ans, victime d’un viol : “Je ne pense pas qu’il y ait une façon de
se protéger contre ça. Maintenant, on essaie d’envoyer les femmes plus
âgées chercher la braise mais à un moment donné, tout le monde devra y aller.”[208]
Dans certaines communautés, des hommes ont accompagné
des groupes de femmes et de filles au marché ou lorsqu’elles partaient cultiver
leur champ. Dans un cas étudié par les chercheurs de Human
Rights Watch, un homme accompagnant un groupe de femmes a essayé en vain de
prendre la défense de l’une d’entre elles lorsqu’un soldat armé a tenté de la
violer. Il a lui-même essuyé un coup de feu tiré par le soldat et souffre
depuis d’un handicap permanent.[209]
Dans les villes, les femmes et les
filles portent maintenant une couche supplémentaire de vêtements désignée sous
le nom de umugondo ou simplement gondo pour rendre plus difficile
l’accès à leur corps par leurs assaillants.[210]
Confrontées à des hommes armés qui
tentaient de les violer, certaines femmes et filles ont lutté en retour, usant
de leur tête autant que de leurs poings et de leurs pieds. Certaines ont tenté
de faire prendre conscience à leurs assaillants du caractère honteux de leurs
actes ou de les persuader de les laisser en paix alors que d’autres ont résisté
physiquement ou ont fui. Compte tenu du pouvoir disproportionné dont
disposent les assaillants, relativement peu de femmes et de filles ont réussi à
échapper au viol et à d’autres blessures. Une infirmière conseil expliquait
ainsi : “La plupart des [agresseurs] disent qu’ils vont tuer [leurs victimes].
Ils disent, ‘combien ça coûte de te tuer, une balle, un dollar.’ Les filles disent qu’alors elles abandonnent.”[211]
L’ampleur et l’horreur de la
violence sexuelle contre les femmes et les filles dans l’est du Congo ont
encouragé des églises, des associations de défense des droits humains, des
groupes de défense des droits des femmes et d’autres ONG à porter assistance
aux victimes et à faire pression en faveur des droits des femmes.
Des églises et certaines ONG locales
ont fourni, à la fois, un soutien matériel et émotionnel aux femmes et aux
filles qui avaient été violées ou agressées d’une autre façon. Certaines ont
apporté une assistance matérielle pour permettre aux femmes de reprendre leur
vie dans la communauté après avoir été enlevées loin de chez elles pendant de longues
périodes. Certaines organisations ont aidé les victimes à s’installer en
ville, loin des villages où elles étaient rejetées. Souvent, elles ont offert
un soutien moral, par le biais du personnel ou des membres de l’église prêts à
écouter l’histoire de la victime et à donner des conseils.
Les églises et les ONG locales, non
les autorités de fait, le Rwanda et le RCD, ont apporté des soins médicaux aux
victimes de viols. En l’absence d’un système de santé officiel qui fonctionne,
églises et ONG ont mis sur pied de petites cliniques où les femmes violées sont
traitées pour leurs blessures et dans certains endroits, bénéficient d’un
dépistage du VIH et des maladies sexuellement transmissibles. Ceci est
fait avec des financements minimums. De plus, certains groupes de défense des
droits humains ont apporté leur assistance aux victimes en cherchant des
traitements pour les blessures plus complexes, en recueillant des fonds et en
mettant ces victimes en contact avec des organisations médicales congolaises et
internationales.
Dans certains cas, des ONG et des avocats,
individuellement, ont fourni conseils juridiques et assistance aux quelques
victimes qui envisageaient de déposer une plainte officielle.
Un nombre croissant d’associations de femmes et d’ONG
de défense des droits humains ont commencé à dénoncer les abus contre les
civils dans le contexte du présent conflit armé et la violence contre les
femmes et les filles en particulier. Des enquêteurs se sont rendus
régulièrement dans les zones rurales du Nord et du Sud Kivu, parlant aux
victimes et aux témoins et ils ont rassemblé une quantité substantielle
d’informations sur la violence sexuelle.[212]
De plus, de nombreux groupes de
défense des droits mènent une campagne publique sur les attaques contre les
femmes et les filles dans cette guerre. A l’occasion de la journée
internationale des femmes, le 8 mars 1999, une coalition d’organisations de
femmes a produit une affiche portant le titre “Trop, c’est trop – à quand la
fin dela violence et de la guerre ? “, montrant une femme et ses
enfants attaqués par des soldats. Le 8 mars 2000, des groupes
de femmes ont organisé une “Journée sans femmes”, pendant laquelle les femmes
sont restées à l’écart de la vie publique afin de protester contre le tribut
qu’elles payaient, du fait de la guerre. A l’occasion de la journée
internationale des femmes de 2001, le mouvement des femmes avait prévu une
manifestation pour protester contre les violations des droits et un groupe
local de défense des droits humains a distribué un dépliant déclarant :
Les
femmes disent NON à la violence sexuelle utilisée comme arme de guerre au Sud
Kivu, en République Démocratique du Congo. Le viol des femmes et des filles,
sans distinction d’âge, par des hommes armés, dans nos villages doit être
sanctionné comme un crime contre l’humanité. Nous n’avons jamais souhaité, ni
planifié la guerre dans notre pays, la République Démocratique du Congo.
Pourquoi devons nous être les premières victimes ?
Les autorités du RCD qui se livrent
régulièrement à un harcèlement des militants des droits humains et d’autres
qu’ils perçoivent comme des voix critiques de l’opposition, ont interdit les
activités et les manifestations planifiées par des groupes de femmes et de
défense des droits et ont menacé certaines femmes leaders.[213] Les autorités du RCD ont harcelé des militants des droits humains, y
compris des femmes leaders en matière de droits des femmes. Ils les ont parfois
emprisonnés et battus. En juillet 2001, les autorités du RCD ont brièvement
détenu une militante des droits des femmes, à Goma et en août 2001, ils ont
brièvement retenu Gégé Katana qui dirige un réseau de femmes à Uvira ainsi que
son mari, Jules Nteba qui est à la tête d’une ONG pour l’éducation des adultes.[214]
Les acteurs de la société civile se
sont mis d’accord sur un programme de demandes (Cahier des charges) qu’ils
transmettront au Dialogue inter-congolais, avec notamment une recommandation en
faveur d’un tribunal pénal international pour juger les graves abus contre les
droits humains, commis au Congo. Ceci va de pair avec
un appel en faveur d’une commission vérité et réconciliation chargée d’enquêter
sur les abus, depuis 1960 et une ferme affirmation de la nécessité de lancer un
processus constructif pour la réconciliation et le dialogue dans le pays.
D’autres importantes recommandations concernent le retrait des troupes
étrangères et une réforme démocratique.[215]
En octobre 2001, trente-cinq
militants des droits humains et femmes leaders se sont rassemblés pour élaborer
des stratégies afin de combattre la violence contre les femmes dans le contexte
de la guerre. Leurs recommandations se basent sur le programme développé par
des organisations de la société civile, avec quelques recommandations plus
spécifiques sur la protection des femmes. Ils ont demandé, par exemple, qu’un
tribunal pénal international poursuive en justice les auteurs de crimes sexuels
et que les Nations Unies déploient plus de ressources pour aider les femmes et
les filles victimes de violence sexuelle et celles affectées par le VIH/SIDA.
Ces représentants ont également appelé à une réforme légale visant à traiter
les femmes et les hommes comme égaux ainsi qu’à une protection légale pour les
femmes affectées par le VIH/SIDA.[216]
Les autorités de fait, le RCD et les
forces rwandaises qui le soutiennent, ont pris peu de mesures significatives
pour protéger les femmes et les filles contre un viol commis soit par leurs
soldats, soit par ceux de leurs adversaires. Selon des témoins, les
soldats du RCD ou leurs alliés rwandais interviennent rarement lorsque des
civils sont attaqués, même aux abords immédiats de leurs postes militaires.
Souvent ils attendent que l’attaque soit terminée, puis se lancent dans des
attaques de représailles contre l’ennemi ou la population civile elle-même
qu’ils accusent de manque de soutien. Les troupes du RCD et la Force de Défense
Locale créée par les autorités ont, dans certains cas, aidé des femmes à
échapper à leurs ravisseurs dans les forêts proches de Shabunda,[217]
mais selon des témoins, les hommes de la Défense Locale qui accompagnaient les
femmes aux champs pour les protéger ont habituellement pris la fuite lorsque
l’attaque s’est produite.[218]
Interrogée sur la façon d’améliorer
la sécurité, une fille ayant subi un viol en même temps que ses deux sœurs plus
jeunes et de deux amies a répondu :
Ils
devraient peut-être envoyer de meilleurs soldats dans les quartiers. On a
besoin d’un meilleur gouverneur et d’un meilleur gouvernement [le RCD]. Avec ce
gouvernement, personne n’a la moindre pitié pour personne. Ils tuent les gens
comme pour rire. On a vraiment besoin de la paix. On peut accepter la pauvreté
si on a une certaine paix dans la maison et dans le pays. Au lieu de cela, on
est attaqué.[219]
Le RCD a maintenu le code légal
antérieur à la guerre et une bonne partie de la structure administrative et du
personnel du système judiciaire. Comme beaucoup d’autres fonctionnaires, les
membres du personnel en charge des poursuites judiciaires et ceux du personnel
judiciaire n’ont, pour la plupart, pas été payés ou l’ont été de façon très
irrégulière.[220] Alors que la situation socio-économique se détériorait pour la
vaste majorité de la population, le personnel judiciaire a compté, de plus en
plus, sur les pots de vin et la corruption pour gagner sa vie. Les
civils qui avaient recours à la justice devaient payer pour le service. Et
comme l’a affirmé un militant à Human Rights Watch, “Dans les cours de justice,
de nos jours, c’est celui qui a l’argent qui gagne.”[221]
Les gens ont maintenant peu confiance dans le
système. Les personnes qui devraient les protéger – l’armée, la police et ceux
qui occupent des positions de pouvoir et d’influence, comme le personnel
judiciaire – les ont au contraire souvent attaqués. Alors que ceux qui
commettent des crimes de violence sexuelle restent impunis, d’autres personnes
potentiellement capables d’abus acceptent tacitement de tels crimes et les
victimes réalisent qu’il est inutile de porter plainte.
Commentant le fait que peu de cas de
viols passent par un tribunal et que l’issue, pour ceux traités en justice, est
rarement satisfaisante, un avocat congolais déclarait :
On
ne peut pas avoir de justice dans un tel contexte. Les magistrats ne sont pas
payés. Ils ne peuvent refuser les cadeaux. C’est la même chose avec les
services de sécurité… Les femmes ne voient pas ce que le fait de se plaindre
pourrait leur apporter – même si elles disent quelque chose, qu’est-ce-que ça
changera?
Il a également affirmé que dans les
cas où les femmes ont effectivement porté plainte, il était très rare d’obtenir
une condamnation pour crimes de violence sexuelle.[222]
Quand les victimes ou leur famille
ont effectivement porté plainte contre les crimes qui avaient été commis, les
autorités ont parfois répondu de façon appropriée dans un premier temps, puis
ont ensuite échoué à poursuivre en justice les assaillants. Dans le cas du viol
et du meurtre de la jeune fille dont le sein avait été tranché avant qu’elle ne
soit tuée, les officiers du RCD sont venus voir le corps. La
mère ignore s’ils ont fait quelque chose pour punir les coupables. Dans le cas
de la fillette de cinq ans, entraînée dans un piège pour être violée, une
brigade connue sous le nom de Police Rapide d’Intervention a répondu à la
plainte des parents. Plusieurs mois plus tard, aucune de ces enquêtes n’avait
produit de résultats. Lorsque Grâce C., quinze ans, a été enlevée et détenue
pendant huit jours à Goma et que des officiers subalternes ne pouvaient ou ne voulaient
la localiser, le chef du Service de renseignements du RCD l’a fait rentrer chez
elle en deux heures. L’homme qui l’avait enlevée a été brièvement détenu puis
relâché. La famille a décidé de ne pas donner suite au cas, à la fois pour la
sécurité de la fille et pour “préserver sa dignité.” Ils l’ont éloignée de la
région.[223] Une veuve de guerre a porté plainte pour viol par un policier.
Celui-ci a quitté son poste et a été transféré à un autre poste. Cependant, il
a été remplacé par un autre policier qui a rapidement commencé à harceler
sexuellement la femme. Elle a fait le commentaire suivant : “Vous ne
pouvez aller nulle part porter plainte, c’est la corruption partout.”[224]
Les victimes et leur famille pensent
qu’il est très peu probable que les autorités du RCD agissent si le coupable
fait partie du RCD ou de l’Armée Patriotique Rwandaise. Un homme qui avait
tenté de sauver une femme d’un viol, par un soldat de l’armée rwandaise,
lui-même ayant subi de graves blessures au cours de cette action, a remis à
l’administration locale un fusil pris sur le violeur. Mais, a-t-il dit,
il n’attendait aucune autre action parce que l’attaquant était rwandais. “C’est juste que les autorités ne vont rien faire contre ces
Rwandais,” a-t-il dit.[225] Une mère qui estime que le violeur de sa fille échappera à une
sanction a expliqué qu’il avait “le pouvoir de frapper à la porte des Tutsi
pour demander de l’aide.”[226]
Certains des obstacles à la
traduction en justice des violeurs sont antérieurs à la crise actuelle
constituée par la guerre et la désintégration économique. Ni les procédures
légales, ni les procédures policières ne comportent de dispositions assurant la
protection des témoins et garantissant la confidentialité du procès. En
décidant s’il faut ou non porter des accusations contre des coupables présumés,
les victimes et leur famille doivent considérer non seulement la probabilité de
voir le criminel puni mais aussi celle de souffrir elles-mêmes, entre-temps, de
représailles. Comme le faisait remarquer une Congolaise, “Les gens sont
soupçonnés mais il n’y a pas de sanction. Si on allait dénoncer [les
coupables], elles [les autorités] iraient le dire aux [accusés] et eux
reviendraient et nous tueraient. Quelqu’un a dit, ta langue te tue.”[227]
Un avocat congolais a déclaré qu’il avait conseillé plusieurs victimes de viol
sur le fait de porter plainte mais les femmes étaient réticentes à aller plus
avant avec la procédure judiciaire parce qu’elles craignaient pour leur
sécurité :
C’est
un problème que les affaires de justice soient rendues publiques. La protection
des témoins est nécessaire … La structure du système judiciaire doit être
revue. Malheureusement, des sessions à huis clos ne sont pas envisagées pour
les cas de viols.[228]
Selon le Code de la Famille, les
femmes mariées n’ont pas les mêmes droits qu’un homme; par exemple elles
doivent avoir l’autorisation de leur mari pour lancer une action en justice.
Préférant résoudre de tels cas sans impliquer les autorités, les parents des
victimes, de sexe masculin, négocient parfois un accord avec le coupable ou sa
famille. Par exemple, parfois, la famille de la fille qui a été violée décide
qu’elle doit épouser son violeur.[229]
Les associations locales de femmes ont recueilli des informations sur plusieurs
cas du même type et ont vigoureusement condamné cette pratique. Ceci est non
seulement une violation fondamentale du droit d’une femme ou d’une fille à
choisir son mari mais cela montre aussi le peu d’importance que la société
attache à la violence contre les femmes.
Dans ce climat d’impunité et de violence contre la
population dans son ensemble, chacun, y compris les femmes et les filles
soumises à une violence sexuelle, se sent démuni pour répondre à ces
violations. Les viols et les autres formes de violence
sexuelle sont en augmentation et sont commis par un éventail de plus en plus
large de personnes. Les femmes et les filles et d’autres membres de leur
communauté, des civils aux membres de la police, doivent recevoir les moyens de
résister et de répondre à de telles attaques. Mettre en œuvre l’état de
droit est une première étape vers un renforcement des capacités en ce sens.
Assurer la sécurité, la confidentialité si nécessaire, et un traitement digne
pour celles qui viennent témoigner comme survivantes ou comme témoins est une
étape essentielle. Le message selon lequel le viol est inacceptable dans la
société doit être clairement énoncé.
Les chercheurs de Human Rights Watch ont soulevé ces
préoccupations avec le Chef du département de la Justice du RCD, Moïse
Nyarugabo[230].
Il a reconnu que la violence sexuelle était un problème dans
la région mais a déclaré qu’aucun soldat du RCD n’avait été traduit en justice
parce qu’il n’y avait eu aucune plainte déposée.
Un chercheur de Human Rights Watch a
également rencontré le Colonel Andrew Rwigamba, Procureur militaire de l’APR,
qui a déclaré qu’il avait reçu des plaintes concernant des soldats de l’APR
ayant commis des crimes de violence sexuelle au Congo mais qu’il manquait des
preuves nécessaires pour porter ces cas en justice. Il a fait remarquer que
l’APR ne possédait pas d’enquêteurs sur le terrain au Congo afin de rassembler
rapidement des preuves et a affirmé que des investigations ultérieures
pourraient donner lieu à des preuves inadaptées pour établir une culpabilité.[231]
Le RCD a publiquement affirmé qu’il appliquait le
droit congolais. Selon le droit humanitaire international, les lois congolaises
continuent de s’appliquer dans les régions du Congo qui ne sont pas sous
contrôle du gouvernement. La législation nationale reste en vigueur dans un
territoire occupé et les autorités en place sont responsables de maintenir
l’ordre public et d’assurer que les tribunaux continuent de fonctionner pour
tous les crimes couverts par cette législation. Ceci s’applique à tous les
groupes armés opérant sur le sol congolais.
Le Code pénal congolais interdit le viol et les
attentats à la pudeur. Le viol est défini comme une
pénétration sexuelle par la force tandis que l’attentat à la pudeur est une
agression sexuelle, sans pénétration. Le viol est passible d’une peine de cinq
à vingt ans de prison et l’attentat à la pudeur est passible de peines de
prison allant de six mois à vingt ans, selon l’âge de la victime et si
violence, ruse ou menace ont été utilisées.[232] L’enlèvement ou la détention d’une personne en usant de violence,
ruse ou menace est également sanctionné par le Code pénal congolais. Si la
victime est soumise à une torture physique, la peine est de cinq à vingt ans.
Si la torture entraîne la mort de la victime, la peine de mort ou une peine de
prison à vie est applicable.[233]
Le statut des femmes, selon le droit
congolais, est celui de citoyennes de seconde classe.[234] Le Code de la Famille définit le mari comme le chef du foyer et
détermine que son épouse lui doit obéissance. L’article 444
stipule:
“Le mari est le chef du ménage.
Il doit protection à sa femme ; la femme doit obéissance à son mari.”[235]
Une femme doit
vivre avec son mari, quel que soit l’endroit où il choisit de vivre.[236] Les femmes doivent avoir une autorisation de leur mari pour porter
un cas en justice ou pour initier tout autre type de procédure légale. Si le
mari refuse d’accorder cette autorisation à sa femme, un conseil de famille
peut rejeter sa décision mais sans une telle décision, la femme ne peut agir.[237] La situation des femmes célibataires est légèrement plus enviable.
La loi n’exige pas d’elles qu’elles obtiennent une permission de membres
masculins de leur famille pour entreprendre des actions en justice.
Certaines dispositions du Code de la
Famille contredisent les droits internationaux des femmes tels qu’ils ont été
formulés dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (ICCPR), tous les deux ratifiés par le
gouvernement congolais. Le Code viole spécifiquement les normes internationales
qui stipulent l’égalité des hommes et des femmes devant la loi, par exemple,
concernant la capacité légale des femmes, la liberté de choisir une résidence
ou de dissoudre le mariage.[238]
Compte tenu de l’implication de
troupes de gouvernements étrangers sur le sol congolais, le conflit au Congo
possède, à la fois, une dimension internationale et interne. Différents
régimes de droit s’appliquent aux actes commis par les différentes forces dans
l’est du Congo, comme il est décrit dans ce rapport.
Le régime de droit portant sur le conflit armé
international au Congo se trouve dans les Conventions de Genève de 1949 et le
Premier protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif
à la protection des victimes des conflits internationaux armés (Protocole I). En 1961, la République Démocratique du Congo a ratifié les
Conventions de Genève et en 1982, elle a ratifié le Protocole I. Le Rwanda et
le Burundi, les deux puissances étrangères impliquées dans le conflit, dans les
deux provinces du Kivu situées dans l’est du Congo, sont aussi parties aux
Conventions de Genève du 12 août 1949 et au Protocole I.[239]
L’Article commun 3 des Conventions de Genève traite le conflit interne;
il est applicable dans une situation de conflit armé “ne présentant pas un
caractère international.” Les deux régimes de droit gouvernant le conflit armé
au Congo interdisent la violence sexuelle comme étant une infraction sévère.
L’Article commun 3 des Conventions de Genève de 1949
interdit les attaques contre ceux qui ne prennent pas une part active aux
hostilités, y compris les civils. Parmi les actes interdits se trouvent “a) les
atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre
sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et
supplices ; b) les prises d’otages ; c) les atteintes à la dignité des
personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants.” L’Article
commun 3 comporte certaines dispositions pour “chacune des Parties au conflit”,
à savoir non seulement les armées du gouvernement mais aussi les groupes armés.
Dans l’est du Congo, les rebelles Mai-Mai, les groupes armés hutu rwandais et
burundais ainsi que le Rassemblement Congolais pour la Démocratie et les forces
gouvernementales rwandaises et burundaises sont tous liés par les dispositions
de l’Article commun 3 qui exige “le respect de certaines règles” qui sont,
selon les mots du commentaire des Conventions de Genève, “déjà reconnues comme
essentielles dans tous les pays civilisés.”
La Quatrième Convention de Genève
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre comporte des
dispositions spécifiques sur la violence sexuelle. Elle affirme que “les femmes
seront spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur et notamment
contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à leur
pudeur.”[240] Cette disposition est obligatoire pour les parties contractantes
prenant part à un conflit international. Comme les gouvernements congolais,
rwandais et burundais ont tous ratifié les Conventions de Genève, leurs troupes
se doivent de respecter cette norme.
Le Premier
protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la
protection des victimes des conflits internationaux armés (Protocole I)
interdit également les actes de violence sexuelle. L’Article 76(1) stipule que
“les femmes doivent faire l’objet d’un respect particulier et seront protégées,
notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et toute autre forme
d’attentat à la pudeur.” Le Protocole I se réfère à des situations de conflit
international armé.
Le droit humanitaire international
interdit également les actes ou menaces de violence ayant pour but premier de
répandre la terreur parmi la population civile, ainsi que le meurtre, la
torture physique ou mentale, le viol, la mutilation, la prostitution
contrainte, le pillage, les sanctions collectives ou la prise d’otages. Les
méthodes de guerre susceptibles de mettre la santé ou la survie de la
population en danger sont également interdites.[241]
Le crime de
viol est défini comme une grave violation des Conventions de Genève (crime de
guerre), qu’il se produise ou non à une échelle visiblement vaste ou qu’il soit
associé à une politique délibérée. Quand le viol est pratiqué sur une vaste
échelle ou comme partie d’une politique orchestrée, on reconnaît cette
dimension supplémentaire du crime en désignant et en traitant en justice le
viol comme un crime contre l’humanité.[242] Ce n’est que récemment que le viol et d’autres formes de violence
sexuelle ont été poursuivis en justice comme crimes de guerres et crimes contre
l’humanité. Les tribunaux ad-hoc des Nations Unies ont joué un rôle
important dans ce développement.
En dépit de ces dispositions
légales, le viol et les autres formes de violence sexuelle ont pendant
longtemps été écartés comme un effet malheureux mais fréquent de la guerre. La
violence sexuelle a été utilisée, dans de nombreuses guerres, comme un moyen de
terrifier la population civile mais les responsables militaires et politiques
ont fait preuve de peu de volonté pour prendre en compte ce problème. Ceci est
illustré par la lutte des “femmes de confort”, des femmes utilisées comme
esclaves sexuelles par l’armée japonaise au cours de la seconde Guerre
Mondiale, pour obtenir des excuses officielles du gouvernement japonais.[243] Jusqu’à maintenant, la violence sexuelle en temps de guerre a
également été faiblement dénoncée. Comme l’a fait remarquer la Rapporteuse
spéciale des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les
femmes, y compris ses causes et ses conséquences: “[Le viol] demeure le crime
de guerre le moins condamné ; à travers l’histoire, le viol de centaines de
femmes et d’enfants dans toutes les régions du monde a été une amère réalité.”[244]
Si ces crimes sont dénoncés, ils
tendent à être présentés comme exceptionnellement horribles et ne sont pas
compris comme le résultat d’un ensemble complexe d’abus et de mécanismes
discriminatoires contre les femmes et les filles. Dans d’autres situations, des
rapports non corroborés sur des viols ont été utilisés pour justifier une
action militaire, par exemple dans le cas du Kosovo.[245]
Au cours de la dernière décennie,
les militants des droits des femmes et des droits humains ont obtenu qu’une
attention plus sérieuse soit portée à ces crimes. Suite à cela, d’importantes
mesures ont été prises, au plan international, pour poursuivre en justice le
viol et d’autres formes de violence sexuelle comme un crime de guerre. [246] Les statuts du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) listent de
façon explicite le viol comme un crime entrant dans leurs compétences. Les deux
tribunaux ont inculpé et reconnu coupables de ce crime de guerre, certains
prévenus. En 1998, leTPIR a reconnu coupable Jean-Paul Akayesu, l’ancien maire
de la commune de Taba, au Rwanda, de neuf accusations de génocide, crimes
contre l’humanité et crimes de guerre. Ce verdict a marqué la première fois
qu’un tribunal international faisait du viol un acte de génocide. Cependant,
même cette étape importante vers la poursuite judiciaire des auteurs de
violence contre les femmes n’est intervenue qu’après une longue lutte. Quand
Akayesu a été initialement accusé en 1996, les douze chefs d’inculpation le
concernant ne comportaient pas la violence sexuelle.[247] En 2001, le TPIY a reconnu coupables les Serbes bosniaques,
Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic de viol, torture et mise en
esclavage commis à Foca lors de la guerre de Bosnie. Ce cas a marqué la
première fois, dans l’histoire, qu’un tribunal pénal international accusait
quelqu’un de façon explicite – et unique – de crimes de violence sexuelle
contre des femmes.[248]
Une autre avancée importante est la
reconnaissance explicite de la violence sexuelle comme faisant partie du mandat
de la Cour pénale internationale. Le Statut de Rome, du 17 juillet 1998, créant
la Cour pénale internationale spécifie plusieurs types de crimes de guerre et
de crimes contre l’humanité relevant de la compétence de la cour. Ceux-ci
incluent le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution contrainte, la grossesse
forcée, la stérilisation de force et toute autre forme de violence sexuelle de
gravité comparable.[249]
De nombreux éléments du droit
international en matière de droits humains font référence à la violence
sexuelle et aux crimes visant les femmes et les filles de manière
discriminatoire. L’Article 9 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques (ICCPR) par exemple, affirme que : ” Tout individu a droit à la
liberté et à la sécurité de sa personne.”[250] L’ICCPR, comme beaucoup d’autres instruments des droits humains est
explicite en affirmant “le droit égal des hommes et des femmes de jouir” de
tous les droits qu’il couvre.[251] Le Congo est partie à l’ICCPR. L’ICCPR ainsi que la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants (CCT) interdisent la torture quelles que soient les circonstances.
Le Congo a ratifié la CCT en 1996. La Convention définit la torture comme “tout
acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales,
sont intentionnellement infligées à une personne… lorsqu’une telle douleur ou
de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou
toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son
consentement exprès ou tacite.”[252] La Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) à laquelle le Congo est aussi un
état partie, renforce la responsabilité de l’état en matière de garantie “sans
retard” que “la discrimination à l’égard des femmes sous toutes ses formes”
soit stoppée.[253]
Dans une résolution de 1993,
l’Assemblée Générale des Nations Unies déclarait qu’interdire la discrimination
sexospécifique inclut l’élimination de la violence fondée sur le genre et que
les états “devraient poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard
une politique tendant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes.”[254] Le Comité CEDAW énumérait une large liste d’obligations, pour les
états, liées à la lutte contre la violence sexuelle, y compris s’assurer du
traitement approprié des victimes dans le système de justice, des services de
conseil et de soutien et d’une assistance médicale et psychologique aux
victimes.[255]
La Convention relative aux droits de
l’enfant exige des états parties qu’ils protègent les enfants contre “toute
forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon
ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la
violence sexuelle.”[256]
Les états ont également pour obligation de fournir protection et assistance
spéciales à tout enfant “temporairement ou définitivement privé de son milieu
familial.”[257]Le Congo est partie à la CRC. Le droit d’un enfant “aux
mesures de protection qu’exige sa condition de mineur” est également garanti
par l’ICCPR.[258]
La Charte africaine des droits des
hommes et des peuples à laquelle le Congo est partie, garantit “l’élimination
de toute discrimination contre les femmes … et la protection des droits de la
femme et de l’enfant”[259] ainsi que le droit à l’intégrité de la personne, le droit d’être
libre “de toute forme d’exploitation et de dégradation … en particulier
l’esclavage, le commerce des esclaves, la torture, les peines et traitements
cruels, inhumains ou dégradants.”[260]
La réponse internationale à la catastrophique
situation des droits humains au Congo a été globalement insuffisante par
rapport à l’ampleur d’un problème qui aurait coûté la vie à plus de 2,5
millions de personnes. Il y a eu des efforts importants vers
la paix et un engagement rhétorique en faveur de la recherche des
responsabilités mais de telles initiatives ont été entravées par la violence en
cours ainsi que par les politiques contradictoires et parfois malencontreuses
des gouvernements bailleurs et des Nations Unies. Il n’y a pas eu d’efforts
efficaces pour traiter la question des graves violations des droits humains, y
compris la violence sexuelle contre les femmes et les filles. L’impact profond
de tels crimes sur les victimes et sur leur communauté au sens large, combiné à
la menace rapidement plus aiguë du VIH/SIDA dans la région, exigent une réponse
internationale rapide et ciblée.
Les acteurs internationaux
considèrent l’Accord de Lusaka comme essentiel au Congo, y compris les trois
éléments fortement liés, 1) désarmement, démobilisation, rapatriement,
réinstallation et réintégration (DDRRR) des groupes armés, 2) retrait des
forces étrangères et 3) Dialogue inter-congolais. L’approche selon laquelle le
désarmement doit précéder le retrait des troupes a conduit à des pressions accrues
sur toutes les parties afin qu’elles procèdent au désarmement des groupes
rebelles malgré de considérables difficultés associées à ce processus.
Depuis le début de la guerre, les
Etats Unis ont professé un engagement à maintenir l’intégrité territoriale du
Congo. Mais en même temps, les Etats Unis ont accordé un soutien politique au
Rwanda et à l’Ouganda, deux pays qui ont stationné des troupes appartenant à
leur armée gouvernementale sur le terrain, dans l’est du Congo, et qui donc menacent
cette intégrité. A la suite du génocide de 1994 et de leur incapacité à y
répondre, les Etats Unis n’ont pas remis en question les affirmations du Rwanda
selon lesquelles sa sécurité exigeait que des troupes rwandaises mènent la
guerre au Congo contre ce qui subsistait des forces génocidaires. Les Etats
Unis ont également laissé le champ libre au gouvernement ougandais, en partie
parce qu’une alliance avec l’Ouganda servait les intérêts politiques américains
au Soudan et dans la Corne de l’Afrique. Même confrontés à des preuves de plus
en plus nombreuses que les troupes rwandaises et ougandaises et leurs alliés
congolais avaient commis des crimes de guerre, les Etats Unis sont restés
largement silencieux. A la fin de l’administration Clinton et au début de
l’administration Bush, les Etats Unis ont commencé à suivre une politique plus
critique à l’égard du Rwanda et de l’Ouganda, exerçant des pressions plus
ouvertes pour que ces deux pays mettent un terme aux abus. Mais après les
attaques du 11 septembre contre les Etats Unis, le gouvernement américain a
subordonné certaines autres considérations politiques, y compris la fin des
violations des droits humains, à la “guerre contre le terrorisme”. Les Etats
Unis ont qualifié le groupe rebelle hutu rwandais de l’ALIR d’organisation
terroriste, une mesure qui a encouragé le gouvernement rwandais à réaffirmer
vigoureusement son intention de rester au Congo, jusqu’à ce que l’ALIR soit
vaincue.[261]
Inefficaces dans leur gestion de la
guerre et des abus qui l’accompagnent en matière d’atteintes aux droits
humains, les Etats Unis ont essayé d’alléger une partie de la misère résultant
de cette situation. Au cours de l’année fiscale 2001, les Etats Unis ont
dépensé environ 98 millions USD en aide humanitaire, incluant environ 5
millions USD pour l’Initiative en faveur de la Justice dans la région des
Grands Lacs. Les Etats Unis considèrent maintenant le financement d’un
programme d’aide humanitaire pour les victimes de violence sexuelle dans l’est
du Congo. Au cours de l’année fiscale 2001, les Etats Unis ont consacré
certaines ressources au problème du VIH/SIDA, dépensant 3,4 millions USD pour
un programme de formation aux techniques de prévention au sein de la police à
Bukavu. Dans l’année à venir, les Etats Unis étendront leurs financements à un
programme de prévention, de contrôle et d’amélioration des services de santé.
En janvier 2002, une équipe de l’Agence américaine pour le Développement
International s’est rendue au Congo afin d’évaluer les possibilités d’expansion
de l’aide sur le problème du VIH/SIDA.[262]
L’Union Européenne s’est montrée
largement inefficace pour influencer les développements au Congo parce que le
Royaume Uni – généralement soutenu par l’Allemagne et les Pays Bas – a soutenu
le Rwanda et l’Ouganda alors que la France – souvent associée à la Belgique – a
apporté son appui au gouvernement rwandais.[263] En 2001, l’Allemagne et les Pays Bas se sont dirigés vers une
politique plus critique à l’égard du Rwanda, répondant à des préoccupations
relatives au maintien de son occupation de l’est du Congo et à l’exploitation
des ressources congolaises.
Les ministres des
Affaires Etrangères français et britannique ont réalisé, en janvier 2002, une
mission conjointe dans la région des Grands Lacs censée promouvoir la paix dans
la région ainsi que renforcer l’impression d’une politique européenne unifiée
dans cette zone.
En février 2002,
le Ministre belge des Affaires Etrangères, Louis Michel, a visité l’est du
Congo et exprimé ses inquiétudes sur la situation des droits humains, y compris
sur la violence contre les femmes.
En décembre 2001,
l’Union Européenne a décidé de reprendre son aide au Congo, à l’issue de
discussions considérables entre la Grande-Bretagne, la France et la Belgique.
Le Fonds Européen de Développement va fournir 108 millions USD d’aide au Congo
pour des projets de développement. Fin janvier 2002, la Commission européenne a
adopté un nouveau Plan global pour le Congo assorti de 32 millions d’euros en
assistance humanitaire centrée sur la santé, la nutrition, la sécurité
alimentaire ainsi que sur une assistance aux régions les moins accessibles.[264]
A la fois le Secrétaire Général,
Kofi Annan et le Conseil de Sécurité ont consacré beaucoup d’attention à mettre
un terme à la guerre du Congo et ont fréquemment dénoncé les abus contre les
droits humains et la crise humanitaire découlant de cette guerre. Ils ont
également insisté, de façon répétée, sur l’importance de la protection des
femmes, dans un conflit armé. Mais le discours ferme des résolutions a, dans
l’ensemble, souffert d’un manque de mécanismes efficaces pour sa mise en œuvre.
En octobre 2000, le Conseil de
Sécurité a tenu une séance ouverte sur les femmes dans les conflits armés au
cours de laquelle des ONGs de femmes ont joué un rôle décisif. Le Conseil de
Sécurité a adopté une résolution appelant à la documentation de l’impact du
conflit armé sur les femmes et du rôle des femmes dans la construction de la
paix. Depuis lors, le Fonds de Développement des Nations Unies pour les femmes
(UNIFEM) a entrepris une importante étude sur l’impact d’un conflit armé sur
les femmes, dans plus de dix pays du monde, y compris le Congo. En septembre
2001, une équipe de trois femmes s’est rendue au Congo dans le cadre de cette
étude.
Le Conseil a été incapable de
mobiliser la volonté politique nécessaire au lancement d’une importante mission
de maintien de la paix au Congo. En février 2001, le Conseil de Sécurité a
décidé de déployer 2 300 soldats de la MONUC, soit environ la moitié du total
initialement envisagé et sans mandat explicite relatif à la protection des
civils. A la mi-juin 2001, le Conseil a étendu le mandat de la MONUC pour un an
et a lui-même affirmé, dans la résolution 1355, l’importance de la recherche
des responsabilités. Mais la MONUC n’est pas chargée de faire cesser les
violations du droit humanitaire et restreint ses activités à la surveillance de
la mise en œuvre de l’Accord de paix de Lusaka[265]. La MONUC ne peut agir qu’en accord avec les autorités locales –
que ce soit le gouvernement congolais ou les forces rebelles respectives – ce
qui rend extrêmement difficile une vérification indépendante des violations.
Fin décembre 2001, une Congolaise
aurait remis une fillette de onze ans à un soldat marocain de la force de
maintien de la paix de la MONUC basée à Goma. Celui-ci a ensuite sexuellement
agressé l’enfant. Les autorités ont par la suite arrêté la femme mais le soldat
de la MONUC est resté à son poste.[266] Le Département des Nations Unies sur les opérations de maintien de
la paix a déclaré à Human Rights Watch que plusieurs investigations internes
étaient actuellement en cours et a confirmé que le soldat était resté dans la
zone de la mission pendant la durée de ces enquêtes. Il a également insisté
pour dire que les Nations Unies avaient “une politique de tolérance zéro”
concernant les agressions commises par des forces de maintien de la paix des
Nations Unies sur les femmes et les filles.[267]
Le Conseil de Sécurité a affirmé à
plusieurs reprises son engagement à inclure une composante droits des femmes
dans le travail des forces de maintien de la paix. Bien que le programme
d’installation des officiers militaires des Nations Unies comporte une
formation de sensibilisation aux questions de genre et qu’un conseiller genre
ait été récemment nommé par la MONUC, il ne semble pas y avoir de formation
spécifique sur la violence sexuelle, pour les forces de maintien de la paix. Le
cas récent d’un viol qui aurait été commis par un soldat de la MONUC illustre
la nécessité de programmes efficaces sur les droits des femmes et le VIH/SIDA,
au sein de la force de maintien de la paix.
Bien qu’elle ait été sérieusement sous financée, la
Commission des droits de l’homme des Nations Unies a attiré l’attention sur la
grave situation du Congo. Roberto Garretón, le Rapporteur
Spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Congo
jusqu’en octobre 2001, a publié des rapports accablants sur les abus commis
tant par le gouvernement que par les rebelles. Il a plusieurs fois transmis des
informations au Conseil de Sécurité sur les atteintes aux droits humains au
Congo et dans le discours marquant la fin de son mandat, il a, lui aussi,
appelé à la recherche des responsabilités pour les crimes commis par le passé
au Congo. La personne qui lui a succédé, Iulia-Antoanella Motoc, originaire de
Roumanie, s’est rendue au Congo, début 2002. Le Bureau du
Haut-Commissaire des droits de l’homme au Congo (HRFOC) a effectivement
surveillé les conditions relatives aux droits humains dans la capitale et dans
plusieurs autres endroits du pays, a aidé le gouvernement à mettre en œuvre des
réformes et a soutenu des groupes locaux de défense des droits. Mais le travail de cet important bureau est entravé par de graves
manques de fonds et de personnel.
La réponse
internationale au VIH/SIDA, sous la forme de dons et prêts bilatéraux et
multilatéraux pour des programmes SIDA, en Afrique, est loin d’être à la
hauteur de l’effort nécessaire pour traiter la pandémie qui a coûté la vie de
plus de 22 millions de jeunes adultes. En fait, le soutien des bailleurs
internationaux, en matière d’assistance aux personnes infectées par le VIH, a
en réalité baissé de plus de 50 pour cent entre 1988 et 1997.[268] Ce déclin reflète une baisse générale et considérable de l’aide
officielle au développement de la part de la plupart des bailleurs bilatéraux,
dans tous les secteurs (et pas seulement la santé).[269] Dans un effort pour mobiliser un soutien accru des bailleurs en
faveur de la lutte contre le VIH/SIDA, le Secrétaire Général des Nations Unies,
Kofi Annan a établi, en 2000, un Fonds Mondial que les bailleurs étatiques et
privés sont encouragés à alimenter de larges dons pour combattre le VIH/SIDA,
le paludisme et la tuberculose. Le Secrétariat Général a fixé comme
objectif au Fonds un total de 7 à 10 milliards USD par an.[270]
Au moment où nous rédigions ce rapport, les promesses de dons pour alimenter le
Fonds atteignaient environ 1,6 milliard USD. Le Fonds envisage
de soutenir des pays disposant de plans nationaux bien développés de lutte
contre le VIH/SIDA et de par ce fait, il est très peu probable que le Congo
soit une priorité. Les organisations des Nations Unies et les ONG travaillant
dans le domaine de la santé sur le terrain, dans l’est du Congo sont
intéressées par l’idée de faire plus pour combattre le VIH/SIDA mais elles ont
des ressources très limitées pour s’attaquer à un éventail très large de
problèmes menaçant la vie même des personnes.
En juillet 2000, le Conseil de
Sécurité a adopté la Résolution 1308 qui appelle les pays à traiter du VIH/SIDA
dans le contexte de la sécurité humaine. La résolution vise les forces armées
et les forces de maintien de la paix pour des efforts d’éducation, de formation
et de prévention et encourage l’appui psychologique et le dépistage du
VIH/SIDA, sur une base volontaire et confidentielle pour toutes les forces
nationales en uniformes, en particulier celles déployées internationalement.
Suite à l’adoption de cette résolution, le Département des Nations Unies pour
les opérations de maintien de la paix (DPKO) a commencé à examiner comment les
situations de conflit augmentaient le risque d’infection par le VIH.[271] Reconnaissant ultérieurement l’importance de garantir des mesures
de prévention parmi les forces de maintien de la paix, l’Assemblée Générale
réunie en juin 2001, en séance spéciale sur le VIH/SIDA, a appelé à ce que
soient incorporées, dans les directives pour le personnel de maintien de la
paix, une sensibilisation et une formation au VIH/SIDA.[272]
En décembre 2001, la Banque Mondiale
a proposé d’établir un programme multi-pays de démobilisation et réintégration
(MDRP) ainsi qu’un Fonds fiduciaire régional multi-bailleurs (RMDTF) qui lui
soit associé afin de promouvoir la paix et la stabilité régionale et pour
faciliter le financement de ce programme[273]. Des plans préliminaires pour la phase de démobilisation comportent
tests, conseils et appui psychologique en matière de VIH/SIDA et les plans pour
la phase réconciliation comportent informations, conseils et appui
psychologique en matière de VIH/SIDA. Au moment où nous rédigions ce rapport,
le plan n’abordait pas la violence fondée sur le genre ni les effets
humanitaires plus larges du conflit ainsi que ceux en matière de droits
humains.
Les informations présentées dans ce rapport ont été
rassemblées par une équipe composée de chercheurs de Human Rights Watch et de
membres d’associations congolaises de défense des droits humains, basées à
Goma, Bukavu et Uvira. Nous souhaitons remercier pour leur engagement et leur
aide, nos collègues, dans l’est du Congo, qui risquent leurs vies pour défendre
les droits des autres. Nous souhaitons également remercier tous ceux qui ont
pris le temps et ont eu le courage de parler à la délégation, en particulier
les survivantes elles-mêmes.
Ce rapport a été rédigé par Joanne
Csete, Directrice du programme VIH/SIDA et droits humains, Juliane Kippenberg,
en charge des relations avec les ONG à la Division Afrique de Human Rights
Watch et une consultante à Human Rights Watch. Tony Tate, consultant, a
également contribué à cette recherche. Le rapport a été revu par LaShawn R.
Jefferson de la Division Droits des Femmes, Wilder Tayler, Directeur de la
Division Droit et Politique, Janet Fleischman et Suliman Baldo de la Division
Afrique de Human Rights Watch. Il a été revu et corrigé par Alison Des Forges
et Michael McClintock. Jeff Scott, Patrick Minges, Maria Burnett et Veronica
Matushaj ont fourni une assistance technique pour la production de ce document.
La traduction en français a été réalisée parAnne
Fonteneau.
Human Rights Watch
Division Afrique
Human Rights Watch se consacre à protéger les droits de
l’homme et des peuple dans le monde.
Nous luttons aux côtés des victimes et des
militants des droits de l’homme pour que les auteurs d’exactions soient
traduits en justice, pour prévenir la discrimination, pour que soit respectée
la liberté politique et pour protéger les personnes contre les comportements
inhumains en temps de guerre.
Nous menons des enquêtes sur les atteintes
aux droits de l’homme, nous les rendons publiques et demandons que les auteurs
de ces violations répondent de leurs actes.
Nous demandons que les gouvernements et ceux
qui détiennent le pouvoir mettent fin à leurs abus et respectent les normes
internationales en matière de droits de l’homme.
Nous encourageons le public et la communauté internationale
à appuyer la cause des droits de l’homme pour tous.
L’équipe de direction de Human Rights Watch se compose de
Kenneth Roth, directeur exécutif; Michele Alexander, directrice du
développement; Carroll Bogert, directrice de la communication; Reed Brody,
directeur des recommandations; Barbara Guglielmo, directrice financière et
administrative; John Green, directeur d’exécutions; Lotte Leicht, directrice du
bureau de Bruxelles; Tom Malinowski, directeur de recommandation à Washington;
Michael McClintock, directeur adjoint de programme; Maria Pignataro Nielsen,directrice des ressources humaines; Dinah PoKempner, conseiller général;
Malcolm Smart, directeur de programme; Wilder Tayler, directeur juridique et de politique; et
Joanna Weschler, réprésentante aux Nations Unies. Jonathan
Fanton préside le conseil d’administration.
La division Afrique a été établie en 1988
pour défendre et promouvoir le respect, en Afrique sub-saharienne, des droits
de l’homme reconnus au niveau international. Peter Takirambudde est le
directeur exécutif; Bronwen Manby est la directrice adjoint; Janet Fleischman
dirige le bureau de Washington; Alison Des Forges est conseiller principale;
Suliman Ali Baldo et Alex Vines sont chargés de recherche; Jemera Rone et
Binaifer Nowrojee sont conseillers; Carina Tertsakian est le chercheur; Juliane
Kippenberg est la coordinatrice du travail avec ONGs; Jeff Scott est l’associé;
Corinne Dufka, Sara Rakita et Tony Tate sont consultants; Vincent Mai est
président du comité consultatif.
Adresse du site web: http://www.hrw.org
[1] Dans ce rapport, nous désignerons la République Démocratique du
Congo par le seul terme de Congo.
[2]
Les collègues travaillant sur les droits humains à Uvira ont demandé que leurs
associations ne soient pas nommées dans ce rapport.
[3]
Dans ce rapport, les termes “filles” et “garçons” font référence à des enfants.
L’article 219 du Code congolais de la Famille définit un
enfant comme une personne de moins de dix-huit ans. Selon le droit
international, les personnes de moins de dix-huit ans sont considérées comme
des enfants (art. 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, 2
septembre 1990). Tous les états sont parties à la Convention relative aux
droits de l’enfant sauf les Etats Unis d’Amérique et la Somalie.
[4] Le terme “violence sexuelle” est utilisé dans ce rapport pour
désigner toutes les formes de violence de nature sexuelle, telles que viol,
tentative de viol, agression sexuelle et menace sexuelle. La violence
sexospécifique est une violence dirigée contre un individu, homme ou femme, sur
la base du rôle spécifique qu’il tient dans la société, en fonction de son
genre. Dans le cas des femmes et des filles, un exemple serait le fait d’être forcées
de cuisiner et de nettoyer. La violence sexuelle et la violence sexospécifique
sont fréquemment associées.
[5] Les femmes et les filles qui ont été violées peuvent être
présentées et/ou perçues soit comme victimes, soit comme survivantes et le
débat se poursuit pour savoir quel est le terme le plus approprié. Dans ce
rapport, les deux termes sont utilisés de façon interchangeable, sans
distinction significative.
[6] Sur les questions de méthodologie, voir Agnès Callamard, Méthodologie
de recherche sexospécifique (Québec : Publications Amnesty International et
le Centre international des droits de la personne et du développement
démocratique, 1999) ; Documenter les violations des droits humains par les
agents de l’Etat : la violence sexuelle (Québec : Publications Amnesty
International et le Centre international des droits de la personne et du
développement démocratique, 1999).
[7]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[8]
Les Interahamwe (terme signifiant littéralement en kinyarwanda «ceux qui
se tiennent ou attaquent ensemble») font officiellement référence à la
branche jeunesse de l’ancien parti au pouvoir, le Mouvement Républicain
National Démocratique (MRND). Ce terme désigne maintenant toutes les milices
participant au génocide, quelle que soit leur appartenance à telle ou telle
partie. Voir Human Rights Watch/ Fédération Internationale des Ligues des
Droits de l’Homme, Aucun témoin ne doit survivre : Le génocide au Rwanda,
(New York: Human Rights Watch/ Fédération Internationale des Ligues des Droits
de l’Homme, 1999); et Human Rights Watch, Vies brisées : Les violences
sexuelles lors du génocide rwandais et leurs conséquences (New York: Human
Rights Watch/ Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme, 1996).
[9]
Voir Human Rights Watch, “Rearming with Impunity,” A Human Rights Watch
Report, vol. 7, no. 4 , May 1995.
[10]
Voir Human Rights Watch, “Ce que Kabila dissimule : massacres de civils et
impunité au Congo,” A Human Rights Watch Report, vol. 9, no. 5(A),
octobre 1997 et Human Rights Watch, “Un cheminement incertain : transition et
violations des droits de l’homme au Congo,” A Human Rights Watch Report,
vol. 9, no. 9(A), décembre 1997. A ce jour, aucune action n’a été entreprise
pour traduire en justice les auteurs des massacres de réfugiés. Les Nations
Unies ont entrepris deux efforts pour documenter ces crimes de guerre mais ne
sont pas parvenues à terminer leur travail. Après la remise
d’un rapport au Conseil de Sécurité le 30 juin 1998, par une équipe d’experts
nommés par le Secrétaire Général, impliquant des soldats congolais et rwandais
dans des crimes contre l’humanité et un possible génocide de Rwandais déplacés,
le Conseil de Sécurité des Nations Unies a chargé les gouvernements congolais
et rwandais de poursuivre l’enquête (voir la déclaration présidentielle en date
du 13 juillet 1998 S/PRST/1998/20). Aucun des deux gouvernements n’a rien fait
en ce sens.
[11] Les signataires de l’accord incluaient le gouvernement congolais et
ses alliés, le Zimbabwe, l’Angola et la Namibie; le RCD et son
protecteur, le Rwanda et le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) et son
protecteur, l’Ouganda.
[12]
Neuvième rapport du Secrétaire Général sur la Mission de l’Organisation des
Nations Unies en RDC, S/2001/970, paragraphe 30.
[13]
Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bukavu et Uvira, octobre-novembre
2001. Ce mouvement de troupes de l’APR était encore en cours en janvier 2002,
selon un témoin à Bukavu, entretien téléphonique conduit par Human Rights
Watch, 8 janvier 2002.
[14]
Voir par exemple, Human Rights Watch, “Victimes de guerre : les civils, l’état
de droit et les libertés démocratiques,” A Human Rights Watch Report,
vol. 11, no. 1(A), février 1999 ; Human Rights Watch, “L’est du Congo dévasté :
civils assassinés et opposants réduits au silence,” A Human Rights Watch
Report, vol.12, no 3 (A), mai 2000 ; Human Rights Watch, “L’Ouganda dans
l’est de la RDC : une présence qui attise les conflits politiques et
ethniques,” A Human Rights Watch Report, vol. 13, No. 2(A), mars 2001 et
Human Rights Watch, “Recrues malgré eux : des enfants et des adultes sont
recrutés de force pour des activités militaires au Nord Kivu,” A Human
Rights Watch Report, vol. 13, No. 3(A), mai 2001.
[15]
Voir International Crisis Group, “The Inter-Congolese Dialogue: Political
Negotiation or Game of Bluff?”, 16 novembre 2001 à l’adresse :
www.crisisweb.org/projects/showreport.cfm?reportid=488, et International Crisis
Group, “Storm Couds over Sun City: The Urgent Need to Recast the Congolese
Peace Process”, , 14 mai 2002, à l’adresse : www.crisisweb.org/projects/showreport.cfm?reportid=652
(consulté le 23 mai 2002).
[16]
Voir Conseil de Sécurité des Nations Unies, “Interim Report of the UN Expert
Panel Report on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other Forms
of Wealth of DR Congo,” S/2000/49, 20 décembre 2000 ; voir aussi International
Crisis Group, “Scramble for the Congo: Anatomy of an Ugly War,” Africa Report
No 26, 20 décembre 2000 : www.crisisweb.org/projects/showreport.cfm?reportid=130
(consulté le 22 mai 2002).
[17]
Il a été estimé qu’au moins 15 000 “forces armées hutu rwandaises” se trouvent
au Congo. La moitié approximativement d’entre elles combat du côté des troupes
gouvernementales et l’autre moitié “opère comme milices dans les deux provinces
du Kivu, à l’est du Congo (dans les régions de Masisi, Shabunda, Kahuzi-Biega
et Virunga).” International Crisis Group, “Disarmament in the Congo: Investing
in Conflict Prevention,” Africa Briefing, 12 juin 2001, p. 2.
[18] Sur ces forces, en particulier l’ALIR, voir “Rwanda : respecter les
règles de la guerre ?”, A Human Rights Watch Report, vol.13, No.8 (A), décembre
2001.
[19]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bujumbura, juillet 2001. Voir aussi
le rapport du International Crisis Group, “Disarmament in the Congo: Investing
in Conflict Prevention,” p.4-5. Le gouvernement congolais continue de fournir
un soutien matériel à ces groupes.
[20]
Les Mai-Mai (aussi May-May ou Mayi-Mayi) sont parfois connus sous le nom de
Forces Armées Populaire (FAP). Ce nom vient du mot “mayi” soit eau en
kiswahili. De nombreux groupes Mai-Mai pensent qu’ils peuvent
être protégés par le biais de rituels et de charmes qui transformeraient les
balles en eau.
[21]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 20 octobre 2001.
[22]
Entretien conduit par Human Rights Watch, 19 octobre 2001.
[23]
Entretien conduit par Human Rights Watch, 19 octobre 2001.
[24]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 20 octobre, 2001. Voir le
rapport du Conseil de Sécurité des Nations Unies, “Interim Report of the UN
Expert Panel Report on the Illegal Exploitation of Natural Resources and Other
Forms of Wealth of DR Congo,” S/2000/49, 20décembre 2000 ; voir
aussi International Crisis Group, “Scramble for the Congo: Anatomy of an Ugly
War,” Africa Report No 26, 20 décembre 2000.
[25]
Entretien conduit par Human Rights Watch, 20 octobre 2001.
[26]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 20 octobre 2001.
[27]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[28]
Entretiens conduits par Human Rights Watch à Uvira, juillet 2001.
[29]
International Rescue Committee, “Mortality in Eastern Democratic Republic of
Congo, Results from Eleven Mortality Surveys,” 2001. Le rapport complet est
disponible sur le site web du IRC : www.theIRC.org/mortality.cfm (consulté
le 22 mai 2002). La situation est tellement mauvaise que le IRC a montré que
dans certains districts, environ 75% des enfants étaient morts ou allaient
mourir avant leur second anniversaire – des enfants qui n’auront connu que la
guerre au cours de leur courte vie.
[30]
Le Congo occupe actuellement le 152ème rang dans l’Index de Développement
Humain du PNUD qui comporte 174 pays. UN OCHA Great Lakes regional Office,
“Affected Populations in the Great Lakes Region (as of 3 September 2001),”
Nairobi, p. 12, disponible sur ReliefWeb (www.reliefweb.int)
(consulté le 22 mai 2002).
[31]
ASRAMES, “Enquête socio-économique Nord-Kivu,” décembre 2000, cité dans Report
of the WHO/UNICEF Joint Mission, Democratic Republic of Congo, June 18-19 2001,
Kinshasa, 28 juin 2001.
[32]
UN OCHA, “Chronicles of a Humanitarian Crisis, year 2000, Democratic Republic
of Congo,” cité dans Save the Children, Oxfam et Christian Aid, “No End In
Sight, The human tragedy of the conflict in the Democratic Republic of Congo,”
août 2001, p.10.
[33]
UN OCHA Great Lakes regional Office, “Affected Populations in the Great Lakes
Region (as of 3 September 2001),” Nairobi, p. 11, disponible sur ReliefWeb,
consulter l’adresse suivante : http://www.reliefweb.int/w/rwb.nsf/vID/F9C43966E5A9833885256AE3007669C5?OpenDocument
puis utiliser l’option “Rapport intégral ; voir la carte des populations
affectées en RDC par provinces, réfugiés et personnes déplacées, préparée par
OCHA Great Lakes Regional Office, Nairobi, septembre 2001 à l’adresse :
http://www.reliefweb.int/w/fullMaps_Af.nsf/luFullMap/C9EB6BD0D424213585256AE90052E996/$File/glr092001.pdf?OpenElement.
[34]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 30 octobre 2001.
[35]
Cité dans Report of the WHO/UNICEF Joint Mission, Democratic Republic of Congo,
18-19 June 2001, Kinshasa 28 juin 2001 ; citant B. Criel, Van der Stuft et W.
Van Lerberghe, “The Bwamanda Hospital Insurance Scheme: A study of its impact
on hospital utilization patterns,” Social Science & Medicine 48
(1999) 897-911; B. Criel, Van Dormael & W. Van Lerberghe”Voluntary
Health Insurance in Bwamanda, Democratic Republic of Congo, An exploration of
its meanings to the community,” Tropical Medicine and International Health,
3,8 (1998): 640-653, et Organisation Mondiale de la Santé, “Evaluation des
systèmes de surveillance épidémiologique en RDC : Kinshasa, Province du
Bas-Congo, du Kasai Occidental et du Katanga,”avril 2000. Le WHO/UNICEF
Joint Mission Report affirme aussi : “Actuellement au Congo, la vaste majorité
des services de santé et d’enseignement sont des domaines dans lesquels les
membres du personnel confrontés à de nombreuses difficultés doivent jouer la
survie de leur famille contre celle de leurs patients ou élèves…Traitements et
prescriptions rationnelles sont abandonnés lorsque donner moins de médicaments
ou des médicaments plus adaptés a des conséquences négatives sur le revenu.”
[36]
Organisation Mondiale de la Santé, Democratic Republic of Congo Health Update,
juillet 2001, p. 3.
[37]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 20 octobre 2001. Pour cette
raison, nous avons particulièrement veillé dans ce rapport à ne pas identifier
les médecins et infirmières ou l’établissement dans lequel ils travaillent.
[38]
Entretiens conduits par Human Rights Watch, octobre 2001 et copie d’une
correspondance remise à Human Rights Watch détaillant des exemples de ces trois
types d’incidents, pillages, attaques contre le personnel et les patients.
[39] Code de la Famille, art. 444. Voir le Chapitre IX sur le cadre
légal.
[40] En 1990, le taux net d’inscription dans le primaire (pourcentage
d’un groupe d’âge) pour les garçons était de 61% contre 48% pour les filles. En
1999, il était de 33% pour les garçons et de 31% pour les filles (les
pourcentages de 1999 sont les données les plus récentes disponibles, dans un
intervalle de deux ans par rapport à 1999). Le taux d’alphabétisation des
jeunes (pourcentage de gens âgés de 15 à 24 ans) était de 19% pour les garçons
et de 42% pour les filles en 1990 comparés à 12%, pour les garçons et 27%, pour
les filles, en 1999. Voir Summary gender profile for the Democratic
Republic of Congo à l’adresse : http://genderstats.worldbank.org (consulté le
22 mai 2002).
[41] Discours prononcé par Immaculée Birhaheka lors d’un atelier de
travail sur la documentation des actes de violence sexuelle qui s’est tenu le
22 octobre 2001, Goma. Human Rights Watch a également rencontré des cas
similaires au cours de ses entretiens.
[42]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 23 octobre 2001.
[43]
Tous les noms des victimes et des témoins ont été changés afin de protéger leur
identité.
[44]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[45]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 17 octobre 2001 et Goma, 23
octobre 2001.
[46]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 19 octobre 2001.
[47]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec Gertrude Mudekereza, Assistante
de programme, Programme Alimentaire Mondial, Bukavu, 17 octobre 2001.
[48]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[49]
Entretien collectif conduit par Human Rights Watch, Goma, 23 octobre 2001.
[50]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 19 octobre 2001.
[51]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[52]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[53]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec un défenseur de la société
civile, Bukavu, 16 octobre 2001.
[54]
International Crisis Group, “Disarmament in the Congo: Investing in Conflict
Prevention,” Africa Briefing, 12 juin 2001, p. 5.
[55]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 19 octobre 2001.
[56] En octobre 2001, un groupe local de défense des droits humains, à
Goma, a découvert que quatre femmes avaient été violées, dans la prison de
Goma. Human Rights Watch et des groupes locaux de défense des droits humains
ont également enregistré des cas de viols commis par la police.
[57]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.
[58]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 16 octobre 2001.
[59] La perception générale est que les Tutsi sont grands et minces et
les Hutu, petits et trapus. Cependant, il s’agit de stéréotypes qui se révèlent
souvent faux.
[60] Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en
République Démocratique du Congo rapportait que les soldats hutu de l’APR
étaient impliqués dans le massacre de soixante personnes dont cinq avaient été
brûlées vives et dans le viol de seize femmes et filles, certaines de moins de
neuf ans, à Chiherano, Bugobe, Nyatende, Kamisimbi, Lurhala et Nyangesi dans le
sud Kivu, en décembre 2000 (Rapport du Rapporteur Spécial sur la situation des
droits de l’homme en République Démocratique du Congo, conformément à la
résolution 55/117 de l’Assemblée Générale et à la résolution de la Commission
des droits de l’homme 2001/19, A/56/327, 31 août 2001, para. 80).
[61]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec un activiste de la société
civile, Bukavu, 16 octobre 2001.
[62]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[63]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec un activiste de la société
civile, Bukavu, 16 octobre 2001.
[64]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 17 octobre 2001.
[65]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec un activiste de la société
civile, Bukavu, 16 octobre 2001.
[66]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 20 octobre 2001.
[67] Des géomètres qui travaillaient à la délimitation du parc ont été
tués, mi-2000. Plus récemment, des organisations environnementales ont dénoncé
les meurtres de gorilles, une espèce protégée, dans le parc.
[68] Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.
[69] Pour des raisons de sécurité, la plupart des véhicules évitent les
limites du Parc National de Kahuzi-Biega.
[70] Entretien conduit par Human Rights Watch avec une représentante
d’une organisation de femmes, Murhesa, 19 octobre 2001. Selon une organisation
à Bukavu, les femmes et les filles sont plus exposées les jours de marché. Sur
certaines routes, elles doivent franchir des postes de contrôle gérés par le
RCD, l’APR ou la Force de Défense Locale, une force auxiliaire du RCD composée
de civils. A certains de ces postes de contrôle, on exige d’elles qu’elles
donnent une partie de leurs braises comme péage. Le total peut atteindre 60 FC
(Francs congolais), soit plus d’un quart du coût d’un sac de charbon (200 FC).
Un sac de charbon se vend environ 350 FC, soit un profit d’environ 100 FC,
l’équivalent de 0.05USD ou de deux mesures de farine de manioc. Gagner
cette somme en achetant et vendant du charbon coûte à chaque femme deux jours
de voyage et d’immenses risques personnels.
[71]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[72]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[73]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[74]
Entretiens séparés conduits par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[75]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[76]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.
[77]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[78]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[79]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec une représentante d’une organisation
de femmes, Murhesa, 19 octobre 2001.
[80]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.
[81]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[82]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 19 octobre 2001.
[83]
PAIF, “Enquête sur les cas de blessés suite à la guerre”, Centre pour la Paix
et les Droits de l’Homme-Peace and Human Rights Center (CPDH-PHRC),
“Occasionnel d’Information et Revendication du CPDH-PHRC”, No 017 du 03 mai
2001.
[84] UN OCHA Sud Kivu, “Rapport de mission Shabunda”, mai 2001, p. 2. UN
OCHA affirme que le territoire de Shabunda est le plus large du Sud Kivu et
qu’il s’étend sur 25 216 kilomètres carrés.
[85]
Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA)
Sud-Kivu, “Rapport de mission Shabunda”, mai 2001, p. 3.
[86]
Norwegian Refugee Council IDP database, 2001, cité dans Save the Children,
Oxfam et Christian Aid, “No End In Sight, The human tragedy of the conflict in
the Democratic Republic of Congo,” août 2001, p. 10.
[87]
Voir Human Rights Watch, “L’Est du Congo dévasté,” p. 17.
[88]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 21 octobre 2001. Une force
avec les mêmes noms et fonctions opère au Rwanda. L’organisation
a probablement été introduite dans la région par les troupes de l’APR.
[89]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 21 octobre 2001.
[90] Le chiffre de 2 500 à 3 000 victimes avancé par le gouverneur
semblait se référer à la province du Sud Kivu, dans son ensemble. UN OCHA,
“Compte rendu de la commission ESPD sur les femmes violées de Shabunda”,
juillet 2001, p.1 et UN OCHA Sud
Kivu, “Rapport de Mission Shabunda”, mai 2001, p. 4. Voir aussi les entretiens
conduits par Human Rights Watch avec des représentants du International Rescue
Committee, Bukavu, 15 et 17 octobre 2001 et Médecins Sans Frontières, Bukavu,
16 octobre 2001, Goma, 24 octobre 2001 ainsi que d’autres entretiens à Bukavu
et Shabunda, octobre 2001.
[91]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec le personnel du International
Rescue Committee, Bukavu, 15 octobre 2001.
[92]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 17 octobre 2001.
[93]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec Guy Cirhuza, Assistant
humanitaire, UN OCHA et Gertrude Mudekereza, Assistante de programme, Programme
Alimentaire Mondial, Bukavu, 17 octobre, 2001 ; avec Cory Kik, Médecins Sans
Frontières, Bukavu, 16 octobre 2001 ; avec le International Rescue Committee,
Bukavu, 15 et 17 octobre, 2001 ainsi que d’autres entretiens à Bukavu et
Shabunda, octobre 2001.
[94]
Une fistule est une communication directe et anormale qui se développe entre
deux organes du corps humain. Les fistules recto-vaginales relient le rectum et
le vagin et ont pour conséquence de faire passer des matières fécales, via la
fistule, dans le vagin. Elles sont donc fréquemment accompagnées d’incontinence
fécale et d’infections. Les fistules vésico-vaginales relient le vagin et la
vessie et peuvent entraîner une incontinence urinaire et des infections. Les fistules se développent après des traumatismes ou des
inflammations graves causées par une maladie. Certaines fistules se
fermeront spontanément ; d’autres nécessiteront une intervention chirurgicale.
[95]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[96]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[97]
Les Batembo et les Bahutu (ou Hutu) sont des groupes ethniques de l’est du
Congo. Dans cette citation, “Bakongo” signifie probablement Congolais, en
opposition à Rwandais.
[98]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[99]
Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bukavu, 20 octobre 2001 et
Shabunda, 21 et 22 octobre 2001.
[100]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 16 octobre 2001.
[101]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec Guy Cirhuza, Assistant
humanitaire, UN OCHA, Bukavu, 17 octobre, 2001.
[102]
UN OCHA Sud Kivu, Rapport de mission Shabunda, mai 2001, p. 4.
[103]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[104]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[105]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[106]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[107]
Entretiens conduits par Human Rights Watch, Shabunda et Bukavu, octobre 2001.
[108]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[109] L’incident le plus connu est le massacre de Makobola en janvier
1999. Un autre grave incident fut le massacre de civils à Lusende, en juillet
2000.
[110]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 1er novembre 2001.
[111]
International Crisis Group, “Disarmament in the Congo: Investing in Conflict
Prevention,” Africa Briefing, 12 juin 2001, p. 5 et Neuvième rapport du
Secrétaire Général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies en
République Démocratique du Congo, S/2001/970, paragraphe 23.
[112]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 1er novembre 2001.
[113]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001.
[114]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001.
[115]Rapport par un groupe local de défense des droits humains à
Uvira, non publié.
[116] Rapport sur la situation dans le territoire de Fizi fourni par un
groupe local de défense des droits humains à Uvira, non publié.
[117]
Rapport par un groupe local de défense des droits humains à Uvira, non publié.
[118]
Entretiens conduits par Human Rights Watch, Uvira, 1er et 2 novembre
2001.
[119]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001.
[120]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 1er novembre 2001.
[121]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001.
[122]
Entretien collectif conduit par Human Rights Watch, Uvira, 1er novembre, 2001.
Concernant les enlèvements commis par les forces rebelles burundaises, voir
aussi “Neglecting Justice in Making Peace”, AHuman Rights Watch
Report, vol.12, No.2 (A), avril 2000.
[123]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001.
[124]
“Respecter le règles de la guerre ?”, A Human Rights Watch Report, vol.13,
no.8 (A), décembre 2001.
[125]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.
[126]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[127]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.
[128]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.
[129]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 26 octobre 2001.
[130]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 26 octobre 2001.
[131] “Afande” est un titre utilisé en kiswahili pour parler des
soldats, de la police, etc. Le terme a été associé en particulier avec des
membres de l’APR lorsque l’APR a combattu aux côtés de l’AFDL, dans la guerre
de 1996-1997. Un “Afande” ou “Afande” fait toujours
référence en général à un soldat (souvent de haut rang) d’origine rwandaise,
APR et/ou tutsi.
[132]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 26 octobre 2001.
[133]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.
[134]
Agence France Press, “Rwanda-backed rebels retake town in east DR Congo:
rebels,” Kigali, 10 novembre 2001. Traduction réalisée par
Human Rights Watch ; le texte de la déclaration de presse est disponible en
anglais sur www.reliefweb.int.
[135]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 Octobre 2001. De nombreuses
personnes ont dit à nos chercheurs que les familles de femmes et de filles
violées lors d’attaques à main armée prétendaient – sans être crues – qu’aucun
viol n’avait été commis. Plusieurs survivantes de viol, en plus de Delphine W.,
ont admis avoir nié ainsi les faits.
[136]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 17 octobre 2001.
[137]
Ibid.
[138]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 1er novembre 2001.
[139] Voir Les Héritiers de la Justice, “Situation des Droits de l’Homme
en République Démocratique du Congo (RDC) cas du Sud-Kivu. Une population
désespérée, délaissée et prise en otage,” Rapport avril-décembre 2000 pour des
récits d’autres cas de viols commis par des troupes du RCD et des groupes
rebelles opposés au RCD, y compris les FDD.
[140]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[141]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[142]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[143]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[144]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.
[145]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001. Ce cas est le
seul concernant le viol d’un homme rapporté à Human Rights Watch. Parce que le viol est considéré comme encore plus honteux pour un homme,
les crimes de ce type sont probablement moins dénoncés que ceux impliquant des
victimes de sexe féminin.
[146]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 3 novembre 2001.
[147]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 19 octobre 2001.
[148]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[149]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 20 octobre 2001.
[150]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 27 octobre 2001.
[151]
Communication électronique des membres de la famille avec Human Rights Watch,
décembre 2001 ; entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch, décembre
2001.
[152]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.
[153]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[154]
Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bukavu et Murhesa, 18 et 19 octobre
2001.
[155]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[156]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[157]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[158]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 19 octobre 2001.
[159]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.
[160]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.
[161]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, octobre 2001.
[162]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Uvira, 31 octobre 2001.
[163]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[164]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 16 octobre 2001.
[165]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.
[166]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.
[167]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 1er août 2001.
[168]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.
[169]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 17 octobre 2001.
[170]
Entretien collectif conduit par Human Rights Watch avec des femmes
Banyamulenge, Bukavu, 18 octobre 2001.
[171]
Selon les arts. 165 et 166 du Code pénal congolais, l’avortement est interdit
et toute personne portant assistance à une femme, pour un avortement, peut être
punie.
[172]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 17 octobre 2001.
[173]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 26 octobre 2001.
[174]
Entretien collectif conduit par Human Rights Watch, Uvira, 2 novembre 2001.
[175] Pour une définition de ce terme, voir la note 82.
[176]
Entretien conduit par Human Rights Watch, octobre 2001. Parce que des docteurs
ont été arrêtés ou menacés pour avoir parlé avec des journalistes, nous ne
donnons pas, dans ce rapport, les noms et lieux de travail des médecins
interrogés.
[177]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 16 octobre 2001.
[178]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[179]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001.
[180]
Résolution 1308 du Conseil de Sécurité des Nations Unies (sans titre), 17
juillet 2000. Voir aussi, Graça Machel, “: A critical review of progress made
by and obstacles encountered in increasing protection for war-affected
children,” rapport préparé pour la Conférence Internationale sur les enfants
affectés par la guerre et présenté à cette occasion, septembre 2000, Winnipeg,
Canada, p. 12, accessible à : http://www.war-affected-children.org/machel-e.asp
(consulté le 23 mai 2002).
[181] Rapport du Secrétaire Général au Conseil de Sécurité sur les
enfants dans les conflits armés, selon la résolution du Conseil de Sécurité
1261 (1999), paragraphe 3. A/55/163-S/2000/712
[182]
Machel, “The Impact of Armed Conflict on Children,” p. 12. Traduction par Human
Rights Watch.
[183]
United States Institute for Peace, “Special Report: AIDS and Violent Conflict
in Africa,” octobre 2001, p. 5. Egalement disponible à www.usip.org
(consulté le 23 mai 2002).
[184]
En novembre 2001, le journal rwandais The New Times, rapportait que “la
recherche faite entre 1997 et 2000 indique que 4 pour cent des soldats de
l’armée rwandaise sont séropositifs, comparés à une moyenne nationale de 11,1
pour cent.” Ce chiffre faible est totalement irréaliste. Le rapport affirme que
56 pour cent de l’APR (désignant probablement les personnes interrogées)
avaient eu des relations sexuelles sans préservatifs. Ceci suggérerait que 44
pour cent n’ont soit jamais eu de relations sexuelles, soit ont toujours
utilisé un préservatif, ce qui constituerait une situation totalement
improbable. “4% of RPA are HIV positive – Doctor,” The New Times, 5 – 7novembre
2001, p. 4.
[185]
Cité dans World Health Organization, Democratic Republic of Congo Health
Update, July 2001, p. 2. Une délégation de parlementaires britanniques a
récemment exprimé la même préoccupation, suite à une visite dans l’est du
Congo. Voir The Monitor, “Defence Force Spreads HIV/AIDS – UK MPs”, 5 décembre
2001.
[186] Ces données sont des données provenant d’études périodiques
conduites sur une sélection de lieux représentatifs.
[187]
Joint United Nations Programme on HIV/AIDS and World Health Organization.
Democratic Republic of the Congo – Epidemiological fact sheet on HIV/AIDS and
sexually transmitted infections: Update. Genève, 2000. Voir aussi World Health
Organization, Democratic Republic of Congo Health Update, juillet 2001, p. 2.
[188]
Organisation Mondiale de la Santé, Democratic Republic of Congo Health Update,
juillet 2001, p. 2.
[189]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec Maria Masson, Administratrice du
Bureau des Oeuvres Médicales du Diocèse catholique romain de Bukavu, 15 octobre
2001.
[190]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 17 octobre 2001.
[191]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.
[192]
Organisation Mondiale de la Santé, Democratic Republic of Congo Health Update,
juillet 2001, p. 2.
[193]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 18 octobre 2001.
[194]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 16 octobre 2001.
[195]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec Cory Kik, Médecins Sans
Frontières – Hollande, à Bukavu, 16 octobre 2001.
[196]
UNIFEM, “UNAIDS Partners with UNIFEM to Halt Spread of HIV/AIDS among Women and
Girls” (déclaration à la presse), 24 mai 2001.
[197]
Commission des Nations Unies sur le Statut des femmes, “Agreed Conclusions on
Women, the Girl Child and HIV/AIDS, (déclaration adoptée lors de la 45ème
session de la Commission, mars 2001).
[198]
U.S. National Institutes of Health, National Institute of Allergy and
Infectious Disease, Fact Sheet: HIV Infection in Women, mai 2001. Disponible à : http://www.niaid.nih.gov/factsheets/womenhiv.htm (consulté le 24 mai 2002).
[199] Le médecin estimait que le pourcentage était considérablement plus
élevé que la plupart des estimations sur le taux pour la population dans son
ensemble. Il a exprimé sa réticence à voir cette information publiée par
Human Rights Watch. Entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch,
Goma, 26 octobre 2001.
[200]
Entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch, Goma, 26 octobre 2001.
[201] Par exemple, un journal rwandais rapportait que l’hôpital militaire
Kanombe de Kigali devait ouvrir un centre de conseils, appui psychologique et
dépistage du VIH/SIDA, avant la fin de l’année 2001, sur financement de
l’Agence américaine pour le Développement International (USAID). “Army
to open testing and counseling centre,” The New Times, 1er–4 novembre, 2001, p.
5.
[202]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec Amy Power, Chef de programme,
Population Services International (Washington, DC), 15 janvier 2002.
[203]
“4% of RPA are HIV positive – Doctor,” The New Times, 5-7 novembre 2001, p. 4.
[204]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 16 octobre 2001.
[205]
Réunion collective conduite par Human Rights Watch, Goma, 23 octobre 2001.
[206]
Entretien conduit par Human Rights Watch, 17 octobre 2001.
[207]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 15 octobre 2001.
[208]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Murhesa, 19 octobre 2001.
[209]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[210]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[211]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Bukavu, 16 octobre 2001.
[212] Les Héritiers de la Justice, “Situation des Droits de l’Homme en
République Démocratique du Congo (RDC) cas du Sud-Kivu. Une population
désespérée, délaissée et prise en otage,” Rapport avril-décembre 2000.
[213] Voir aussi le chapitre sur les attaques contre les ONG des droits
des femmes, “L’Est du Congo dévasté: civils assassinés et opposants
réduits au silence”.
[214]
Communiqués de presse Human Rights Watch, “Militant congolais détenu et battu
dans l’est de la RDC” (New York, 25 novembre 2001); et “Est du Congo: les
défenseurs des droits humains persécutés par les rebelles” (New York, 21 août
2001). Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bujumbura, août 2001, Goma
et Bukavu, août et octobre 2001.
[215] Entretien avec Marie Shimati, déléguée des femmes de la société
civile pour le nord Kivu, Goma, 27 octobre, 2001. L’intégralité du programme de
la société civile est présentée dans : Rapport de la concertation
inter-provinciale des forces vives, Bukavu, du 4 au 10 octobre 2001.
[216] Recommandations de l’atelier de
formation et de consultation sur les violences contre les femmes en situation
de guerre, Goma, 22-23 octobre 2001.
[217]
Voir pp. 44-45.
[218]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Shabunda, 22 octobre 2001.
[219]
Entretien conduit par Human Rights Watch, 18 octobre 2001.
[220] En mars 2000, Human Rights Watch a appris que certains
fonctionnaires n’avaient été payés que deux fois depuis le début de la présente
guerre, en août 1998. Voir p.17, “L’Est du Congo dévasté: civils
assassinés et opposants réduits au silence,” A Human Rights Watch Report,
vol.12, no 3 (A), mai 2000.
[221]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 17 mars 2000. Cité dans “L’Est
du Congo dévasté,” p. 17.
[222]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[223]
Communication électronique d’un membre de la famille à Human Rights Watch,
décembre 2001 ; entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch, décembre
2001. Le cas de Grace a été expliqué avec plus de détails dans
le chapitre sur la violence sexuelle contre les enfants et les personnes âgées.
[224]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[225]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 25 octobre 2001.
[226]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 27 octobre 2001. Comme nous
l’avons dit plus haut, les Tutsi sont perçus comme détenant le véritable
pouvoir non seulement au Rwanda mais également dans l’est du Congo.
[227]
Entretien conduit par Human Rights Watch, 19 octobre 2001.
[228]
Communication à Goma, 22 octobre 2001.
[229]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Sake, 26 octobre 2001. Selon le droit
congolais, une fille doit avoir quinze ans ou plus avant d’être légalement
autorisée à se marier (art. 352, Code de la Famille).
[230]
Entretien conduit par Human Rights Watch, Goma, 26 octobre 2001.
[231]
Entretien conduit par Human Rights Watch avec le Lieutenant Colonel Andrew
Rwigamba, Kigali, 8 novembre 2001.
[232]
Code pénal, arts. 167, 168, 170, 171.
[233]
Code pénal, art. 67. Human Rights Watch est opposé à la peine de mort dans tous
les cas.
[234]
Deux associations de défense des droits des femmes, Réseau Action Femmes à
Kinshasa et PAIF à Goma, ont produit des commentaires critiques sur le statut
des femmes, selon le droit congolais. Voir Réseau Action
Femmes, “Note de l’atelier, 23-24 novembre 2001” et PAIF, “Les articles de la
législation zaïroise en contradiction avec les droits de femmes protégés par la
convention internationale”.
[235] Code de la Famille, art. 444.
[236] Code de la Famille, art. 454: “L’épouse est obligée d’habiter
avec son mari et de le suivre partout où il juge à propos de résider ; le mari
est obligé de la recevoir”.
[237] Code de la Famille, arts. 448-450. En pratique, cette
disposition est appliquée majoritairement pour des affaires civiles. Dans les
affaires pénales, les femmes vont souvent effectivement en justice sans la
permission de leur mari. Entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch
avec un avocat congolais, 8 février 2002.
[238]
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes (CEDAW), arts. 15 et 16. Pour plus de détails sur la Convention,
voir le chapitre suivant.
[239] Le Rwanda a signé les Conventions de Genève en 1964 et a apporté
son adhésion au Protocole I (et au Protocole II sur les conflits armés
internes) en 1984. Le Burundi a signé les Conventions de Genève en 1971 et a
apporté son adhésion au Protocole I (et au Protocole II) en 1993.
[240] Art. 27.
[241] Convention de Genève relative à la protection des civils en temps
de guerre ; Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949
relatif à la protection des victimes des conflits internationaux armés
(Protocole I), 8 juin 1977.
[242]
Theodor Meron, “Rape as a Crime under International Humanitarian Law,” ,
American Journal of International Law 87 (1993): 424, 246, 427. Voir aussi
Dorothy Q. Thomas and Regan E. Ralph, “Rape in War: Challenging the Tradition
of Impunity,” SAIS Review, Winter-Spring 1994, p.86.
[243]
Dorothy Q. Thomas and Regan E. Ralph, Rape in War: Challenging the Tradition
of Impunity. SAIS Review, Winter-Spring 1994.
[244]
Rapport préliminaire soumis par la Rapporteuse spéciale sur la violence contre
les femmes, ses causes et ses conséquences, Commission des Droits de l’Homme,
5ème session, novembre 1994, Document ONU E/CN.41995/42, p. 64.
[245]
Rhonda Copelon, “Gendered War Crimes: Reconceptualizing Rape in Time of War,”
In Women’s Rights, Human Rights: International Feminist Perspectives,
ed. Julie Peters and Andrea Wolper (New York: Routledge, 1995), pp.197-214. Sur
la manipulation du viol en temps de guerre, voir Human Rights Watch, “Kosovo:
Rape as a Weapon of ‘Ethnic Cleansing’ A Human Rights Watch Report,
vol.12, no 3 (D), March 2000, p.8.
[246]
Voir aussi Nations Unies, Déclaration de Vienne et programme d’action adopté
par la Conférence mondiale sur les droits humains qui s’est tenue à Vienne, du
14 au 25 juin 1993, (A/CONF.157/24), 13 octobre 1993. L’article 38 de la
Déclaration de Vienne et du Programme d’action affirme : “Les violations des
droits humains des femmes dans des situations de conflit armé sont des
violations des principes fondamentaux du droit international en matière de
droits humains et du droit humanitaire. Toutes les violations de cette nature,
y compris en particulier, le meurtre, le viol systématique, l’esclavage sexuel
et les grossesses contraintes exigent une réponse particulièrement efficace.”
[247]
Ceci s’est produit malgré les informations apportées par Human Rights Watch et
d’autres groupes de défense des droits humains sur des viols à large échelle, commis
au cours du génocide, en particulier dans la commune de Taba. Lors du procès
d’Akayesu, qui s’est tenu de façon intermittente du 9 janvier 1997 au 23 mars
1998, des femmes rwandaises ont témoigné qu’elles avaient été soumises à des
viols répétés, commis par la milice, dans la mairie de Taba et dans ses
environs, parfois en présence d’Akayesu. Voir le Chapitre sur les droits des
femmes du Rapport mondial 1999 de Human Rights Watch. Voir aussi Agnès
Callamard, “Enquêter sur les violations des droits des femmes dans les conflits
armés,” Publications Amnesty International et le Centre international des
droits de la personne et du développement démocratique, 2001, Chapitre 1 sur la
justice internationale.
[248]Rapport mondial 2002 de Human Rights Watch, chapitre sur la Bosnie
Herzégovine.
[249]
Statut de Rome, art. 7(g).
[250]
Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ICCPR), art. 9(1).
[251]
ICCPR, art. 3.
[252]
Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants, art. (1).
[253] Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
contre les femmes, art. 2 (d).
[254] Assemblée Générale des Nations Unies, “Déclaration sur
l’élimination de la violence contre les femmes,” A/RES/48/104, 20 décembre 1993
(publiée le 23 février 1994), en particulier l’art. 4.
[255] Comité sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
contre les femmes, “Violence contre les femmes,” Recommandation générale no. 19
(onzième session, 1992), U.N. Document CEDAW/C/1992/L.1/Add.15.
[256]
Convention relative aux droits de l’enfant (CRC), art. 19(1).
[257]
CRC, art. 20 (1).
[258]
ICCPR, art. 24 (1).
[259]
Charte Africaine [Banjul] relative aux droits des hommes et des peuples,
adoptée le 27 juin 1981, Organisation de l’Unité Africaine, Doc. CAB/LEG/67/3
rev. 5, 21 I.L.M. 58, 1982, art. 3.
[260]
Charte africaine sur les droits des hommes et des peuples, arts. 4 et 5.
[261]
Terrorism Exclusion List Designees: December 5, 2001. Voir le site web du
Département d’Etat américain : Department http://www.state.gov/r/pa/prs/ps/2001/index.cfm?docid=6695
(consulté le 23 mai 2002). La liste nomme “L’Armée pour la
libération du Rwanda (ALIR)– AKA : Interahamwe, Ex Forces Armées (EX-FAR)”. Elle
nomme aussi la force rebelle ougandaise, Forces Alliées Démocratiques (ADF) qui
combat le gouvernement ougandais.
[262]
Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec Mikaela Meredith, Desk
Officer pour le Congo, le Rwanda et le Burundi, U.S. AID, Washington, D.C., 24
janvier 2002.
[263]
Il existe des différences considérables entre l’approche des deux ministères
concernés, le Foreign and Commonwealth Office et le Département pour les
Relations Internationales. Le Groupe parlementaire tous partis confondus de la
House of Commons sur les Grands Lacs et la prévention du génocide a récemment
achevé une mission au Congo et a poursuivi celle-ci par une série de
recommandations au gouvernement britannique.
[264]
Commission européenne, “Aid package for the Democratic Republic of the Congo,”
24 janvier 2002, ref : ECHO02-0005EN.
[265]
Ceci est également en contradiction avec le Rapport du Panel sur les opérations
de maintien de la paix des Nations Unies ou Rapport Brahimi qui suggère que
“les agents de maintien de la paix des Nations Unies – troupes ou police – qui
sont témoins de violence contre les civils devraient être perçus comme étant
autorisés à les stopper, dans la mesure de leurs moyens, selon les principes
fondamentaux des Nations Unies.” Voir www.un.org/peace/reports/peace_operations. (consulté le 23 mai 2002).
[266]
Entretien téléphonique conduit par Human Rights Watch avec une organisation de
défense des droits humains à Goma, 15 janvier 2001 ; IRIN report, 11 janvier
2001.
[267]
Entretien téléphonique de Human Rights Watch avec le personnel du Département
des opérations de maintien de la paix, 28 janvier 2001.
[268]
Amir Attaran et Jeffrey Sachs, “Defining and refining international donor
support for combating the AIDS pandemic “, The Lancet 357 (2001): 57-61.
[269]
“Aid to poor countries falls again,” Monday Developments 16, 12 , 6
juillet, 1998.
[270]
Associated Press, “African leaders back less costly AIDS drugs, more spending,”
27 avril 2001.
[271]
UNAIDS press release, “AIDS now core issue at UN Security Council,” New York,
19 janvier 2001.
[272]
UNAIDS press release, “UN Security Council welcomes Declaration,” New York, 28
juin 2001.
[273]
The World Bank press release, “Greater Great Lakes Demobilization and
Reintegration Program and Trust Fund,” Bruxelles, 19 décembre 2001.
HRW défend les droits humains dans près de 100 pays à travers le monde, mettant en lumière les violations et appelant à traduire leurs auteurs en justice.
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