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En pleines négociations avec l’industrie agro-alimentaire, Michel-Edouard Leclerc anticipe une inflation à deux chiffres d’ici l’été. Il constate déjà plus d’agressivité de la part des clients en caisse et encourage les artisans à se regrouper pour faire baisser les prix.
En pleines négociations avec l’industrie agro-alimentaire, Michel-Edouard Leclerc anticipe une inflation à deux chiffres d’ici l’été. Le président du conseil stratégique des Centres Leclerc revient sur l’inflation, les négociations en cours avec l’industrie agro-alimentaire et les relations avec les agriculteurs.
France Bleu Breizh Izel : C’est une grande préoccupation de tous ceux qui nous écoutent en Bretagne et ailleurs la hausse des prix. On pourrait être à plus de 7 % sur un an ce mois ci, selon l’INSEE l’institut des statistiques. Michel-Edouard Leclerc, vous disiez il y a quelques jours que le pire était devant nous.
Michel-Edouard Leclerc : Il y a une grosse partie qui a été avalée. L’inflation est un impôt, ça vient ponctionner le pouvoir d’achat des Français et malheureusement je trouve que c’est un peu comme pour le covid quoi, à force de dire que c’est mondial, on se précipite pas pour se battre. Tout le monde accepte la facture de l’autre, on oublie que c’est le consommateur qui va être tapé à la fin. Et oui, ça fait un an que j’attire l’attention sur le rythme d’inflation. Les indices officiels sont publiés après, mais nous nous achetons deux, trois mois, quatre mois à l’avance et là pour 2022, on a un indice à peu près de 7 %. Si vous rajoutez l’effet du bouclier énergétique, ça fait presque 10 % et c’est moins que chez les copains européens. Mais sur l’alimentaire par exemple, c’était 12 %. Donc c’est beaucoup pour les ménages français.
Le panier France Bleu, en partenariat avec le cabinet du Nielsebn IQ montre justement que ce sont les prix des “premiers prix”, des marques distributeurs qui augmentent le plus. Donc vos marques aussi, la marque repère des centres Leclerc. Vous, vous ne pouvez pas contenir les prix sur vos marques ?
Attention, quand on dit ça, c’est juste un effet mathématique. Une même hausse sur un petit prix augmente en % plus qu’un prix plus élevé. Les premiers prix et les marques de distributeurs restent entre 25 et 40 % moins chers par rapport aux grandes marques. Non, ce qu’il faut voir, c’est que l’année dernière, il y a eu une vague de hausses. Et là, dès le mois de mars, à la fin des négociations organisées en France (il n’y a qu’en France qu’il y a des négociations à date fixe), je pense qu’on va repartir sur une inflation alimentaire au moins jusqu’à l’été, qui sera supérieure à deux chiffres. Donc c’est beaucoup, c’est beaucoup.
Le 1ᵉʳ mars justement, c’est la fin des négociations commerciales entre vous, les distributeurs et les industriels de l’agroalimentaire. Est ce que vous allez réussir à vous mettre d’accord?
Oui, on va bien sûr négocier avec les agriculteurs et la filière agroalimentaire. On a une obligation légale de répercuter aux consommateurs la hausse des coûts agricoles. Et puis le prix de la matière première agricole, alimentaire. Par contre, avec les grandes multinationales dont les produits ont certes une partie alimentaire, mais quand même, il y a beaucoup de marketing dedans, il y a beaucoup d’autres valeurs ajoutées. On va négocier pour les étaler. C’est dur parce que l’année dernière, ils nous ont fait croire que c’était à cause de la guerre en Ukraine. Elles ont néanmoins distribué pas mal de dividendes. Donc on va, on va être plus dur à la négo pour les grandes entreprises et je pense à juste titre parce qu’elles sont pas transparentes.
On parle des industries avec qui vous êtes en négociations en ce début d’année? Oui, et on donne la parole aussi aux agriculteurs. Ce matin sur France Bleu, Jean-Alain Divanac’h, qui préside la FDSEA du Finistère, a quelque chose à vous dire.
Jean-Alain Divanac’h : Le reproche que l’on fera à Michel-Edouard Leclerc en tant qu’agriculteur, c’est d’utiliser souvent des positions dominantes et d’avoir une pression sur les prix et au delà, sur des conditions aussi d’accès à ses étalages. Les conditions de livraison, les conditions de flux donc, qui compriment à chaque fois le fournisseur, et nous, agriculteurs en bout de chaîne.
Qu’est ce que vous lui répondez ?
Michel-Edouard Leclerc : Ce sont des reproches qui existent depuis 40 ans, mais qui montrent qu’ils ne connaissent pas la réalité économique. Nous n’achetons pas à la ferme ! Leclerc, Carrefour, Intermarché, nous achetons à Danone, à des transformateurs, à des groupements agricoles, agricoles et, en fait l’agriculture française est très privilégiée en France. Elle a du mal à l’export, mais elle est très privilégiée. Leclerc à 100 % de son porc français, voire breton, 100 % de son lait. Mais la crise du lait, ou la crise du porc, elle dépend du de la bataille avec l’Espagne, avec l’Allemagne, voire avec la Chine. Qui achète ou qui achète pas le porc français ou le lactose produit en Finistère? Ce sont des visions un peu stéréotypées.
De toutes façons, la loi agricole aujourd’hui protège les agriculteurs. Bon, ça n’empêchera pas de râler tous les jours, ça ne suffit pas pour faire monter le revenu agricole. Aujourd’hui, la bataille n’est pas sur les produits agricoles. Elle est sur les produits de consommation courante, les produits d’entretien, les détergents, les produits de parfumerie, le multimédia, le textile, la papèterie qui a augmenté de 40 %. On travaille sur la rentrée des classes, pour l’après l’été, on travaille sur le jouet… L’agriculture n’a rien à voir avec ça.
Et donc l’inflation, aujourd’hui, il faut essayer de la maîtriser. La distribution doit jouer son rôle, mais les producteurs aussi doivent apprendre à renégocier leurs engrais, leur énergie, leur carburant. Il faut qu’ils se regroupent ! Même les boulangers, il faut qu’ils se regroupent. C’est ce qui a fait notre notre succès. L’économie française est très individualiste.
Est ce que vous avez vu le comportement des consommateurs changer?
Oui. Les consommateurs français d’abord sont énervés de voir 12 % de hausse sur les produits de consommation courante.
Ça veut dire qu’ils sont plus agressifs en caisse ?
Oui, oui, il y a des et il y a des petits actes de résistance, d’incivilité. C’est dur pour les hôtes et hôtesse de caisse. Avec une hausse qui n’est pas explicable par un chef de rayon, c’est compliqué de dialoguer. Aujourd’hui, quand on nous propose des choses qui sont entre 10 et 39 % sur les produits de pet food par exemple (les aliments pour animaux), il n’y a pas de logique, il n’y a pas d’explication, donc c’est tendu.
Et ça veut dire aussi que les gens n’achètent pas la même chose.
Oui, ils se reportent justement sur les marques de distributeurs, sur les marques premier prix qui explosent. Après, il faut trouver aussi les fournisseurs et l’approvisionnement sur ces gammes-là, puisque nous n’avions pas anticipé forcément que les consommateurs allaient bouder les grandes marques.
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