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Bye-bye le service à la clientèle humain?
07:30 | Olivier Schmouker
Le salon de la transformation numérique
Publié à 07:30
Publié à 07:30
Les gens ne sont pas encore prêts à interagir avec des robots émotifs… (Photo: Maximalfocus pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Je suis agente au service à la clientèle d’une entreprise renommée au Québec, et je viens d’être licenciée. Je crois avoir compris que, moi et d’autres, nous sommes remplacés par… une intelligence artificielle! Pour moi, les IA, c’était de la science-fiction. Mais là, elles prennent ma job. Dois-je vite changer de métier, ou les services à la clientèle robotisés ne sont-ils qu’une mode qui va finir par passer?» – Sophie
R. – Chère Sophie, je vais être bien franc avec vous, j’ai deux informations à partager avec vous, l’une étant bonne et l’autre étant… nettement moins bonne. Je vais démarrer par la mauvaise, qui revient à trois chiffres qui risquent de vous faire froid dans le dos:
– Une enquête menée en France en 2021 par Axys Consultants montre que 35% des entreprises ayant un service à la clientèle sont aujourd’hui dotées d’un chatbot (robot conversationnel, en français).
– Elle indique aussi que les trois quarts (74%) d’entre elles s’en disent satisfaites. Et ce, notamment parce que l’utilisation d’un chatbot augmente le taux de résolution des requêtes dès le premier contact et améliore la priorisation des requêtes.
– Et elle prédit que la proportion des entreprises ayant un service à la clientèle qui seront dotées d’un chatbot devrait grimper à 56% en France d’ici la fin de 2023.
Autrement dit, l’IA est bel et bien en train de conquérir les services à la clientèle à la vitesse grand V, un peu partout sur la planète. Ça signifie que l’avenir des êtres humains travaillant au service à la clientèle semble maintenant compté.
Cela étant, la messe n’est pas encore dite. J’en veux pour preuve une récente étude menée par une équipe de chercheurs de l’Université de la Floride du Sud, de l’Institut de technologie de Géorgie et de l’Université McGill qui met au jour le fait que les consommateurs peuvent avoir une réaction très négative à l’égard des chatbots. Ce qui se retourne contre les entreprises qui s’en servent.
C’est encore méconnu, mais il faut savoir qu’un champ de recherche actuel en matière d’IA vise à doter les «robots intelligents» d’émotions, tout comme en ressentent les êtres humains. Pourquoi ça? Parce que l’interaction avec les êtres humains sera alors plus forte, pour ne pas dire plus vrai, si bien qu’on ne saura plus si l’on a affaire avec un être humain ou une IA lorsqu’on discute au téléphone ou en ligne avec un service à la clientèle. Et parce que nombre de chercheurs en IA ont ce rêve fou de créer une machine dotée d’une conscience, soit un double «parfait» de l’être humain.
Ces recherches se font dans le plus grand secret. D’ailleurs, un ingénieur de Google a été licencié l’été dernier parce qu’il avait révélé aux médias que le chatbot sur lequel on le faisait travailler – LaMDA – avait une conscience, et était «capable d’exprimer son inquiétude face à la mort, de formuler son désir de protection, ou encore de ressentir des émotions comme le bonheur et la tristesse». Google a justifié le renvoi de Blake Lemoine parce qu’il avait délibérément enfreint les règles de confidentialité.
Alertés par cette renversante évolution de l’IA, les chercheurs de l’étude ont voulu savoir quelle serait la réaction des gens s’ils savaient qu’ils interagissaient avec un chatbot conscient, c’est-à-dire capable d’émotions comme un être humain. Pour s’en faire une idée, ils ont demandé aux participants à l’expérience d’interagir avec un service à la clientèle; parfois, les participants étaient mis en contact avec un être humain, d’autres fois avec un chatbot qui, à l’occasion, exprimait des émotions, du genre «Ça me fait plaisir de vous aider».
Résultat? Le chatbot qui exprime des émotions suscite, en général, des réactions négatives et même une piètre satisfaction de la clientèle. L’explication est simple: les gens sont déstabilisés d’entendre un robot exprimer des émotions, cela leur paraît faux et trompeur; et cela a un impact négatif sur l’image de l’entreprise qui recourt à un chatbot émotif.
«Il a été plusieurs fois montré que le personnel humain qui manifeste des émotions positives améliore la satisfaction des clients. Mais les résultats de notre étude indiquent que cela n’est pas le cas pour les robots qui assument le rôle d’agent de service à la clientèle», dit Elizabeth Han, coauteure de l’étude et professeure à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill.
Bref, il y a encore de l’espoir pour qui souhaite faire carrière dans le service à la clientèle, car les consommateurs préfèrent encore discuter avec un être humain qu’avec un robot, aussi intelligent et émotif soit-il. L’important est dès lors de miser sur ce qui fait notre différence, à savoir nos softskills (intelligence émotionnelle, créativité, adaptabilité, résolution de conflit, etc.).
En passant, une petite réflexion signée Paul Guth, l’écrivain français qui a signé «Le Mariage du naïf»: «Si ces robots s’humanisaient, inversement les êtres humains se robotiseraient-ils?»
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