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Des parents dépassés, des élèves en manque de motivation et du personnel épuisé et à court de ressources. Voici un aperçu du portrait qui a été dressé, cette semaine, par des intervenants des services de soutien au sein du District scolaire francophone du Nord-Ouest.
Cet automne, le Conseil de la santé avait déjà partagé certaines données à la suite d’un sondage réalisé auprès de 42 000 élèves de la 6e à la 12e année au Nouveau-Brunswick.
On apprenait que 47,8% de ceux-ci ont rapporté des troubles d’anxiété en 2021-2022, alors que ce pourcentage était de 32,6% en 2015-2016. De plus, 41,7% des jeunes ont signalé des symptômes de dépression.
Près de trois mois plus tard, ce sont les intervenants qui œuvrent sur le terrain qui sonnent l’alarme.
Selon ceux du District scolaire francophone du Nord-Ouest, les cas de détresse émotionnelle ne font qu’augmenter dans les écoles de la région, ce qui engendre des impacts sur les enfants, leurs familles et le système scolaire dans son ensemble.
Cette tendance a été observée dans d’autres écoles de la province, notamment au sein du District scolaire francophone du Nord-Est qui a confirmé que ses élèves avaient des comportements plus inhabituels qu’à l’habitude.
Au primaire (maternelle à la 8e année), Gérard Michaud, travailleur social au DSFNO, remarque une augmentation des comportements violents ou agressifs chez les enfants.
«On voyait cela avant, mais la tendance est à la hausse. Les enseignants me disent que les jeunes ont la parole facile et, entre eux, il y a des paroles blessantes. Ils se parlent un peu comme ils se parlent sur les médias sociaux», a ajouté M. Michaud.
Leur capacité à résoudre des conflits en a aussi pris pour son rhume selon lui.
On remarque aussi une diminution du degré de motivation chez les jeunes. M. Michaud a raconté que plusieurs enfants, dès un jeune âge, s’interrogent sur l’importance de l’école.
«On dirait qu’il n’y a pas cette impression qu’être à l’école, c’est plaisant (…) Il y a plusieurs élèves qui sont beaucoup plus confortables dans leur petite bulle, à la maison.»
Chez les plus jeunes, les symptômes de dépression et d’anxiété se manifestent de diverses façons chez les plus jeunes, selon le travailleur social. On y retrouve des maux de ventre et de tête et, parfois, un sentiment de panique.
«On leur demande souvent pourquoi ils se sentent comme ça, mais ils ne peuvent même pas l’expliquer (…) Ces jeunes ont moins de vécu, moins de résilience et c’est difficile pour eux de comprendre ce qui leur arrive.»
Le partage d’idées suicidaires, même chez les enfants en bas âge, est observé de plus en plus par le personnel scolaire.
«On contacte des parents, régulièrement, pour leur dire que ça ne va pas avec leur enfant (…) Des fois, ça va jusqu’à une visite en psychiatrie à l’hôpital.»
Au primaire comme au secondaire, on remarque que le taux d’hospitalisations d’élèves en psychiatrie a augmenté. Certains doivent même prendre des médicaments pour dormir et atténuer les symptômes d’anxiété, surtout chez les jeunes de la 7e à la 12e année.
Au secondaire, on remarque sensiblement les mêmes choses. Avec l’augmentation des troubles d’anxiété et de dépression, on remarque d’autres effets collatéraux.
Selon Guylaine Caron-Levesque, travailleuse sociale au sein du DSFNO, après deux ans d’éducation à domicile, certains jeunes sont devenus plus anxieux à l’idée de fréquenter un établissement en compagnie d’un nombre élevé d’élèves.
«Au lieu d’affronter leur anxiété, ils étaient à la maison avec leur petite famille et c’était sécurisant pour eux.»
La travailleuse sociale dit aussi observer une augmentation des comportements alimentaires inappropriés, surtout au secondaire. Tout comme au primaire, on remarque une diminution des habiletés à résoudre des problèmes chez les adolescents.
Le décrochage scolaire et, dans une plus grande proportion, les cas d’absentéisme sont aussi à la hausse.
L’intervenante du DSF Nord-Ouest a également remarqué une augmentation de la consommation d’alcool, de drogues, de vapotage et de jeux vidéo. Le vandalisme dans les écoles est aussi plus présent qu’auparavant.
De surcroît, Guylaine Caron-Levesque estime que la collaboration entre le personnel scolaire et les parents est plus difficile.
«Les parents sont plus difficiles à rejoindre, moins engagés et moins disponibles quand on a besoin d’eux.»
Pour les jeunes qui devaient déjà vivre avec des troubles d’apprentissage, du spectre de l’autisme ou autres traumatismes, le contexte actuel est venu accentuer leurs problèmes.
«Quand on met tout ça ensemble, ça fait toute une salade et c’est difficile d’avoir des services qui touchent à tous ces aspects (…) C’est inquiétant, mais on ne lâche pas prise», a assuré Gérard Michaud.
Pourquoi en sommes-nous rendus à ce point?
Selon M. Michaud et Mme Caron-Levesque, il n’existe pas qu’une seule cause aux maux qui affligent les écoles du Nord-Ouest et d’ailleurs au Nouveau-Brunswick,
Selon les deux intervenants, plusieurs facteurs ont contribué à cette situation. La pandémie, qui a privé les élèves, pendant deux ans, d’occasions de socialisation et de développement de la camaraderie, en est évidemment un.
Cependant, d’après Gérard Michaud, les problèmes d’anxiété augmentaient déjà avant que la COVID-19 ne fasse ses ravages. Par contre, il soutient que la pandémie a créé un contexte favorisant l’isolement social et l’absence d’une routine.
L’insécurité socio-économique, qui est devenue de plus en plus problématique en raison de l’inflation, peut aussi être l’une des sources du problème.
«Je commence à l’entendre de plus en plus dans mon bureau, surtout chez les adolescents qui contribuent financièrement à payer les factures de fin de mois. Ce sont des choses que l’on entendait moins, car les jeunes étaient fiers d’avoir leurs possessions, mais tout de suite, elles sont partagées dans la famille. C’est une question de survie et les besoins de base ne sont pas tous comblés chez nos enfants», a expliqué Gérard Michaud.
La présence grandissante des réseaux sociaux a eu comme effet d’affecter les habiletés sociales de certains jeunes.
«Pendant deux ans, les jeunes ont perdu leurs habiletés à se parler face à face. À régler leurs conflits face à face. Sur les réseaux sociaux ou par texto, c’est facile, car tu n’as pas la personne devant toi», a mentionné Guylaine Caron-Levesque.
Pour Gérard Michaud, les réseaux sociaux ont aussi comme effet de réduire le degré d’attention des jeunes tout en polarisant leur pensée.
«Il y a une division des pensées qui se produit et les réseaux sociaux vont te nourrir de ces pensées. Là, ils (jeunes) pensent que le vrai monde, c’est exactement ce que tu regardes là-dessus.»
L’approche de certains parents fait aussi partie du problème, selon M. Michaud. Le concept de la bienveillance désastreuse a été utilisé par celui-ci pour exprimer sa pensée.
«On veut bien faire, mais, des fois, on décide pour nos enfants. On essaie d’éviter tous les obstacles pour qu’ils vivent un succès, car on veut être fiers d’eux. On veut valoriser l’excellence, mais il ne faut pas oublier d’apprendre à nos enfants d’être fiers d’eux avant que l’on soit fier d’eux.»
Rétablir un meilleur équilibre de vie
Dans les solutions abordées, Guylaine Caron-Levesque a traité de l’importance de rétablir un meilleur équilibre de vie chez les jeunes. Selon elle, cela commence par un nombre adéquat d’heures de sommeil (9 à 11 heures pour les 5 à 13 ans et de 8 à 10 heures pour les jeunes de 14 à 17 ans).
Les bienfaits de l’activité physique et d’un mode de vie moins sédentaire ont aussi été abordés. Cela comprend notamment un nombre limité d’heures devant les écrans avec un maximum recommandé de deux heures par jour.
Au sein des écoles, on tente de développer des outils afin d’améliorer la situation.
Dans le District scolaire francophone du Nord-Est, on dit avoir mis des mesures en place pour développer le sentiment d’appartenance à la communauté chez les élèves.
Selon Brigitte Couturier, responsable des communications et relations stratégiques au DSFNE, le district a notamment mis au point un outil surnommé le vélo du mieux-être qui vise à accompagner le personnel enseignant et les apprenants dans le développement des sept facettes du mieux-être: social, émotionnel, spirituel, environnemental, professionnel, intellectuel et physique.
«Nous sommes confiants que ces diverses initiatives auront un impact positif autant chez les jeunes du primaire et que ceux du secondaire.»
Cependant, comme l’indiquent les intervenants du DSFNO, les écoles sont malheureusement confrontées à une pénurie de main-d’œuvre.
«On a besoin de ressources, mais qui vont avec les budgets et avec du monde», a indiqué Gérard Michaud.
De son côté, le directeur général du DSFNO, Luc Caron, soutient que le district travaille avec acharnement pour attirer de nouveaux employés. Les étudiants qui effectuent des stages en milieu scolaire sont un exemple. Il croit que l’ajout de postes clés dans l’organigramme du DSFNO, comme les mentors en gestion de comportement, pourrait apporter une certaine aide.
«On ne peut pas dire que la province a fait la sourde oreille, car c’est elle qui a injecté des sous pour avoir des ressources supplémentaires. Est-ce que c’est suffisant? Le mot ressource est la première piste de solution lorsque l’on se pose la question à savoir ce que l’on peut faire de plus. Mais ça devient difficile d’avoir la ressource, même si on avait tout l’argent du monde.»
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