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Ouafaa Bennani,
Pour Rémi Bonhomme, directeur artistique du festival international du film de Marrakech, le rôle du FIFM est de contribuer au retour du public dans les salles de cinéma et d’offrir une plateforme de lancement aux films marocains.
Le Festival international du film de Marrakech revient dans sa dix-neuvième édition avec une riche programmation qui interpelle aussi bien les professionnels que les passionnés du septième art. Pour en savoir plus sur cet événement cinématographique très attendu, nous avons fait appel au directeur artistique du festival, Rémi Bonhomme, qui nous a accordé cet entretien. Rappelons que Rémi Bonhomme a entamé sa carrière au Liban en tant que chargé de mission culturelle à l’Institut français de Beyrouth avant de participer à la création du cinéma indépendant Metropolis. Puis, de 2009 à 2020, il est coordinateur général de la Semaine de la critique, la section dédiée à la découverte du Festival de Cannes, où il participe à la révélation de cinéastes devenus aujourd'hui incontournables. Dans le cadre de ses fonctions à la Semaine de la critique, il initie également l’atelier d’accompagnement du court au long métrage «Next Step». Il rejoint en 2018 l’équipe artistique du Festival de Marrakech en qualité de programmateur et responsable des Ateliers de l’Atlas. En 2020, il est nommé directeur artistique du FIFM et continue de diriger les Ateliers de l’Atlas.
Le Matin : Quelles étaient les priorités du FIFM pour reprendre son éclat, après les deux années d’interruption obligée ?
Rémi Bonhomme : Cette dix-neuvième édition signe les retrouvailles du Festival avec le public, mais aussi avec les artistes et professionnels du monde entier qui sont impatients de venir présenter leurs films à Marrakech. Le retour du Festival poursuit plusieurs objectifs. Après deux années délicates pour l’industrie cinématographique nationale, son rôle est de contribuer au retour du public dans les salles de cinéma et d’offrir une plateforme de lancement aux films marocains. Le Festival participe également au rayonnement du Maroc à l’international en transformant la ville ocre, pendant dix jours, en une grande célébration du cinéma mondial.
Autour de quel concept était montée cette dix-neuvième édition du FIFM ?
La conception de cette dix-neuvième édition a été guidée par le désir d’offrir au public un programme riche et éclectique. Le Festival célébrera le cinéma mondial sous toutes ses formes, à travers une programmation de 76 films en provenance de 33 pays. Des hommages seront rendus à quatre grands noms du septième art : l’iconique actrice écossaise Tilda Swinton, l’immense cinéaste américain James Gray, la pionnière du cinéma marocain Farida Benlyazid ainsi que Ranveer Singh, l’une des plus grandes stars de Bollywood dont il a modernisé les codes. On retrouvera également au programme une série de conversations avec dix cinéastes, comédiens ou compositeur de musique de film venus à Marrakech partager leur amour du cinéma et leurs pratiques du métier. Enfin, le public retrouvera les projections sur la Place Jemaâ El Fna, qui font vivre le Festival au cœur de la ville de Marrakech.
Y a-t-il des nouveautés en dehors des rubriques permanentes ?
Pour cette édition, le Festival a souhaité développer la cinéphilie de proximité. Ainsi, 45 débats seront organisés après les projections de films pour ouvrir des espaces de discussions entre les cinéastes et le public. L’accent est également porté sur le jeune public afin de former les spectateurs de demain. Cette année, neuf projections sont consacrées aux plus jeunes à travers une programmation accessible pour les enfants dès quatre ans jusqu’au lycéen. Ces séances sont accompagnées d’un travail pédagogique pour sensibiliser le jeune public à la richesse du cinéma. Dans la continuité de cette ouverture à tous les publics, le Festival a souhaité faciliter l’accès aux projections par la mise en place d’accréditations dématérialisées qui peuvent être obtenues intégralement en ligne. L’obtention d’un e-badge est gratuite. Il suffit d’en faire la demande sur : www.marrakech-festival.com
Y a-t-il une certaine consultation avec les Chambres professionnelles marocaines du secteur dans l’organisation du festival ?
Les Chambres professionnelles sont sollicitées lors de l’appel à films pour le Festival ainsi que pour l’appel à projets des Ateliers de l’Atlas, qu’ils relaient auprès de leurs membres. Le travail mené dans le cadre des Ateliers de l’Atlas permet d’être au contact des professionnels marocains tout au long de l’année, pour suivre les projets accompagnés par le programme professionnel du Festival.
Les organisateurs du festival ont toujours crié haut et fort que les cinéastes marocains sont des partenaires privilégiés et incontournables de ce Festival. Dans ce cas, quelle est leur position plus précisément ?
Le cinéma marocain sera très fortement présent cette année. Un hommage sera rendu à la réalisatrice, scénariste et productrice Farida Benlyazid, véritable pionnière du cinéma national, et 15 films marocains seront présentés dans les différentes sections du festival. On assiste aujourd’hui à l’arrivée d’une nouvelle génération de cinéastes qui ont brillé dans de prestigieuses manifestations internationales comme Cannes ou Venise. Maryam Touzani représentera le Maroc dans la compétition avec «Le Bleu du caftan». Le public pourra également découvrir les nouveaux films de cinéastes prometteurs comme Yasmine Benkiran, Fyzal Boulifa ou Adnane Baraka. Le Panorama du cinéma marocain s’ouvrira avec «Jours d’été» de Faouzi Bensaïdi, présenté en première mondiale. Et le public de la place Jemaâ El Fna pourra découvrir les comédies populaires «30 Melyoun» et «Al Ikhwane». Les cinéastes marocains seront également présents aux Ateliers de l’Atlas, qui, depuis 2018, ont soutenu 46 projets et films nationaux. Cette année, neuf projets et films marocains ont été sélectionnés pour participer au programme professionnel du Festival.
Les Ateliers de l’Atlas, que vous continuez de diriger, sont dédiés au cinéma du Maroc, d’Afrique et du Moyen-Orient. Qu’ont-ils apporté sur le plan international ?
Les Ateliers de l’Atlas accompagnent des cinéastes marocains, arabes et africains, dès le stade de développement de leurs projets. Il faut souvent plusieurs années de financement avant qu’un film ne voie le jour. En réunissant chaque année plus de 200 professionnels internationaux autour de talents du monde arabe et d’Afrique, le programme professionnel du Festival joue à la fois un rôle d’accélérateur de ce processus, mais aussi de tremplin vers l’international. En quatre éditions, les Ateliers de l’Atlas ont accompagné 88 projets en développement et films en post-production. Preuve du succès de cette plateforme, de nombreux films qui y ont participé ont été par la suite sélectionnés dans les plus grands festivals de cinéma à travers le monde. Cette année, cinq films soutenus précédemment par les Ateliers de l’Atlas ont été présentés au Festival de Cannes («Ashka» de Youssef Chebbi et «Sous les figues» de Erige Sehiri), au Festival de Venise («Les Damnés ne pleurent pas» de Fyzal Boulifa et «Reines» de Yasmine Benkiran) ou au Festival Locarno («Fragments from Heaven» de Adnane Baraka). Lors de cette édition du Festival de Marrakech, le public pourra ainsi découvrir sept films qui ont participé aux Ateliers de l’Atlas.
Dans l’objectif de promouvoir les nouveaux talents du cinéma mondial, la compétition officielle présentera de premiers et seconds longs métrages. Pourquoi le festival continue-t-il de garder ce concept, même si ce dernier écarte beaucoup de grands films ?
Les films de cinéastes confirmés sont programmés lors de séances de gala ou des séances spéciales. Cette année, ces sections présenteront les derniers films de cinéastes majeurs comme Guillermo del Toro, l’incontournable réalisateur mexicain, James Gray, l’héritier brillant du Nouvel Hollywood, Paul Schrader, l’inoubliable scénariste de «Taxi driver», Neil Jordan, cinéaste oscarisé et lauréat d’un Lion d’or, ou encore Jafar Panahi, l’un des plus prolifiques cinéastes iraniens. En réservant sa compétition à de premiers ou seconds longs métrages internationaux, le Festival entend jouer un rôle essentiel de mise en lumière des réalisateurs qui façonneront le cinéma de demain. Notamment en exposant leurs films au regard d’un jury prestigieux, présidé cette année par Paolo Sorrentino. Accompagner des cinéastes dès leurs premiers films permet au festival de construire des liens de fidélité avec ces artistes. C’est le cas de Justin Kurzel, l’un des réalisateurs australiens les plus célébrés dans le monde. Son premier film, «Les Crimes de Snowtown», avait été primé à Marrakech en 2011, et on le retrouve cette année comme membre du jury.
Comment est venu le choix du réalisateur italien Paolo Sorrentino pour présider la compétition officielle de cette édition ?
Le Festival de Marrakech a toujours composé de prestigieux jurys grâce au travail passionné de Mélita Toscan du Plantier qui tisse des liens de fidélité avec les personnalités les plus reconnues du cinéma mondial. Paolo Sorrentino connaît bien le festival pour avoir participé au jury présidé par Martin Scorcese en 2013. C’est un véritable honneur d’accueillir à Marrakech l’un des plus célèbres réalisateurs italiens. Sa filmographie passionnante lui a valu les plus prestigieuses récompenses internationales, dont le Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise pour «La Main de Dieu», l’Oscar et le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère pour «La Grande Bellezza» et le Prix du Jury du Festival de Cannes pour «Il Divo».
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