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Ancres et catalyseurs : le double rôle des banques centrales en matière d'innovation – Banque de France

Institution indépendante régie par le droit public français et européen, membre de l’Eurosystème, système fédéral qui regroupe la Banque centrale européenne et des banques centrales nationales de la zone euro
La Banque de France contribue à la définition de la politique monétaire de la zone euro et s’assure de sa mise en œuvre en France pour le compte de l’Eurosystème.
L’une des missions fondamentales de la Banque de France est d’assurer la stabilité financière, c’est-à-dire un fonctionnement efficace du système financier et suffisamment robuste pour résister aux chocs susceptibles de l'affecter.
Notre expertise économique est présentée en termes de recherche, de prévisions et de relations internationales. Ces activités, intimement liées, contribuent au diagnostic nécessaire à la conduite de la politique monétaire.
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Mesdames, Messieurs,
C’est avec grand plaisir que je vous accueille au Louvre pour cette conférence organisée par la Banque de France. Je suis honoré de la présence de la commissaire Mairead McGuinness, de mes pairs les plus distingués des banques centrales et d’éminents représentants du secteur public et du secteur privé. Je suis sûr que cette combinaison de compétences unique offrira une vision exhaustive du sujet qui nous occupera aujourd’hui : la tokenisation de la finance et le rôle de la banque centrale dans ce processus.
Permettez-moi simplement de rappeler ce que j’appelle le « triangle des ruptures » [i] : de nouveaux acteurs, de nouveaux actifs de règlement fondés sur la blockchain et de nouvelles infrastructures de marché décentralisées. Ces ruptures offrent le potentiel de services plus rapides et moins coûteux. Elles pourraient toutefois aussi conduire à de la fragmentation et à du risque systémique. Comment profiter collectivement des « bénéfices nets » de l’innovation ? Ce ne sera possible qu’en dépassant deux fausses contradictions.
Le premier de ces apparents oxymores oppose stabilité et innovation. La stabilité financière implique que le système financier soit capable de résister aux chocs, évitant ainsi qu’ils n’aient un impact sur l’économie réelle. Mais elle n’est pas synonyme de stagnation ni de paralysie, et n’interdit l’innovation d’aucune façon. Au contraire, la stabilité financière crée de la confiance, qui est un impératif pour assurer la pérennité de l’innovation. À cet égard, des réglementations adaptées, cohérentes et capables d’évoluer sont essentielles.
La seconde fausse contradiction oppose les acteurs publics et privés, les premiers étant censés se limiter à leur rôle d’autorités de régulation conservatrices, et les seconds à leur rôle d’innovateurs. Après des décennies passées à développer et assurer la maintenance de technologies à l’état de l’art, les banques centrales pourraient parfois ressentir cette caricature comme injuste. Que les acteurs privés qui nous connaissent mieux que cela, et les autres, en soient assurés : nous sommes déterminés à poursuivre notre fructueux partenariat. Nous devrons à l’évidence réinventer dans une certaine mesure les modalités et les conditions de ce partenariat, mais permettez-moi d’insister sur le fait que l’action des banques centrales ne pourra réussir qu’avec vous, et non contre vous. Et nous, les banquiers centraux, devons être à la fois du côté de l’innovation et de la régulation. Je vais maintenant développer ces deux points essentiels.
Récemment, plusieurs acteurs du monde des crypto-actifs, comme les « stablecoins », le protocole DeFi, les plateformes de prêt, les hedge funds, ont connu des difficultés, démontrant en pratique ce que beaucoup de régulateurs et de banques centrales clament depuis des années : ces nouveaux outils de paiement et de finance ont libéré des dangers ancestraux, rendant nécessaire une régulation robuste du secteur. La décision qu’a prise le Salvador de faire du bitcoin une « monnaie » officielle en septembre 2021, aussi regrettable soit-elle, constitue une expérience intéressante d’une tentative forcée de qualifier de monnaie ce qui n’est rien de plus qu’un crypto-actif. Un an plus tard, l’utilisation effective du bitcoin est loin d’avoir décollé. Sa valeur vis-à-vis du dollar a été divisée par trois, ce qui constitue certainement une explication, quoique partielle. Le grand public se méfie aussi à juste titre du bitcoin, car il ne présente pas la plupart des caractéristiques fondamentales d’une monnaie et n’en respecte aucune des exigences éthiques [ii]. Mais ce que l’on appelle l’« hiver crypto » n’est pas une raison pour verser dans l’autosatisfaction ou l’inaction. L’Europe a été pionnière, définissant et élaborant un nouveau cadre réglementaire, dit MiCa (Markets in Crypto-Assets Regulation), adapté aux nouveaux acteurs et aux nouveaux actifs. Je ne peux qu’espérer son adoption formelle de façon rapide, dans l’idéal d’ici mars de l’année prochaine, tout comme l’adoption de l’accord particulièrement bienvenu sur l’élargissement des règles de transparence aux transferts de crypto-actifs, qui rendra plus difficile le blanchiment et les usages illicites.
D’autres grandes juridictions sont moins avancées dans un processus comparable. Nous devons nous montrer extrêmement attentifs à éviter l’adoption de réglementations divergentes ou contradictoires, ou trop tardives. Sinon, nous ouvririons la voie à des inégalités de traitement, à des risques d’arbitrage et de réglementation « à la carte ». Une structure juridique inutilement complexe irait à l’encontre de notre objectif de protection des clients et de lutte contre le blanchiment d’argent. Les crypto-acteurs opèrent à l’échelle mondiale et leur lieu d’établissement lui-même est parfois difficile à déterminer.
Nous avons la chance de disposer d’un cadre international commun. Le G7, dès 2019, puis le CSF (Conseil de stabilité financière) et le G20 ont réalisé de grands progrès dans cette voie : d’ici la fin de l’année, le CSF publiera des recommandations de haut niveau actualisées. Ce succès montre que la régulation des crypto-actifs et des crypto-acteurs et, plus largement, des paiements constitue un domaine d’action dans lequel le multilatéralisme « pragmatique » ou « ciblé » peut, et doit, continuer à avoir un rôle actif. Pour éviter une plus grande fragmentation des paiements, il convient de satisfaire à deux impératifs : (1) continuer d’agir en coordination. Il m’arrive d’être impressionné par le nombre croissant d’organismes internationaux jouant leur partition dans l’orchestre des « crypto-règlements » ; nous avons besoin d’un chef d’orchestre solide, unique, qui devrait être le CSF ; (2) mettre en œuvre cette réglementation dans l’ensemble des juridictions. Le moment présent n’est pas tant aux nouvelles réflexions globales ou à l’affinage permanent d’une taxonomie de jetons (token) financiers ; l’heure est davantage aux décisions et au suivi de réglementations nationales simples, cohérentes et robustes.
Les technologies numériques transforment la finance en profondeur, qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle, des API et des applis mobiles pour le développement des activités de banque ouverte et de la « banque en tant que service » (banking-as-a-service), ou de la technologie de registre distribué et des contrats intelligents (smart contracts). Nous assisterons sans aucun doute à un développement notable de la finance tokenisée et décentralisée. Dans ce contexte, notre position, à la Banque de France, est de soutenir les réformes réglementaires tout en jouant activement un rôle innovant. Cela fait maintenant plusieurs années que la Banque de France utilise la blockchain. En 2017, nous étions la toute première banque centrale dans le monde à mettre en œuvre une solution s’appuyant sur la blockchain pour gérer, avec les banques commerciales, un référentiel de créanciers. Nos expérimentations de MNBC (monnaie numérique de banque centrale), que j’aborderai dans quelques minutes, nous ont également conduits à développer notre propre blockchain permissionnée (appelée DL3S, Distributed Ledger for Securities Settlement System) en collaboration avec un prestataire informatique. Nous avons également fait appel à l’intelligence artificielle à plusieurs reprises, notamment pour la création d’un nouvel outil pour les opérations sur le marché des changes et d’outils de supervision bancaire. La question qui retient l’attention du grand public est désormais la suivante : les phases d’étude menées par les banques centrales conduiront-elles au développement de MNBC ?
Toute l’attention ou presque est portée sur les MNBC de détail. Dans le même temps, nous entendons parfois, et pas seulement de la part des banques commerciales, que les MNBC sont « une solution en quête d’un problème » [iii]. De mon point de vue, cette formule passe à côté de la question. Ce que nous faisons actuellement, c’est garder l’œil et l’esprit ouverts sur cette nouvelle manière de rendre disponible l’« argent public ». En Europe, nous en sommes à mi-chemin de notre phase d’étude : l’Eurosystème prendra sa décision d’ici fin 2023, pour un lancement potentiel en 2026 ou 2027. Je suis sûr que la présidente Christine Lagarde pourra apporter un éclairage sur ce projet.
Au-delà des considérations purement techniques, une MNBC de détail pourrait jouer un rôle d’ancrage dans le monde numérique, comparable à celui que jouent les billets dans le monde physique [iv], et ainsi préserver l’accessibilité et la facilité d’utilisation de la monnaie de banque centrale. S’agissant de la zone euro, un euro numérique contribuerait également à soutenir la souveraineté monétaire et l’autonomie stratégique, en empêchant que des actifs numériques externes – comme les crypto-actifs privés et les MNBC non européennes – soient utilisés comme des actifs de règlement, et en facilitant l’émergence d’une solution paneuropéenne de paiement au point de vente, qui pourrait servir de véhicule de distribution d’un euro numérique. Mais un euro numérique de ce type pourrait et devrait être décentralisé dans sa mise en œuvre, dans l’esprit des partenariats public/privé que j’ai évoqués précédemment.
De l’autre côté de la montagne, on trouve bien évidemment toujours une face moins exposée au soleil ; cette face nord, ici, c’est la MNBC de gros. Elle suscite aujourd’hui peu d’intérêt auprès du grand public, bien qu’elle pose des problèmes relativement moins complexes sur le plan juridique et qu’elle comporte deux cas d’usage solides. Premièrement, une MNBC de gros pourrait contribuer de manière significative à l’amélioration des paiements transfrontières et en devises, sujet sur lequel nous avons fait des progrès l’an dernier. Après un premier rapport livré au G20 en juillet 2021, le Groupe de travail sur l’avenir des paiements de la BRI (Banque des règlements internationaux) a récemment finalisé un nouveau rapport décrivant les options en matière d’accessibilité et d’interopérabilité des MNBC pour les paiements transfrontières. Deuxièmement, une MNBC de gros pourrait accompagner la tokenisation des titres en servant d’actif de règlement sûr et liquide de ces titres sur une technologie blockchain. Ne pas pouvoir offrir de MNBC de gros aux intervenants de marché risquerait d’ouvrir la voie à une utilisation large des prétendus « stablecoins », ce qui poserait un risque systémique.
C’est pour cela qu’au cours des deux dernières années, la Banque de France a étudié de plus près la question d’une MNBC de gros dans le but de contribuer aux efforts de l’Eurosystème pour en concevoir et en développer une le moment venu. Et ce moment pourrait arriver plus vite que prévu, avec l’entrée en vigueur prochaine du régime pilote européen début 2023 – c’est-à-dire dans seulement six mois. Cette nouvelle réglementation fournit aux acteurs du marché un cadre leur permettant d’expérimenter l’utilisation en conditions réelles d’une blockchain pour l’émission et la négociation de titres tokenisés. Elle constitue également une occasion unique pour l’Eurosystème de mener son propre « régime pilote », en étroite coopération avec les acteurs privés. Sans faire de promesses excessives sur cette MNBC pilote, nous devons saisir l’opportunité de tester diverses solutions à compter de 2023. L’apprentissage par l’expérience est le meilleur moyen d’acquérir des connaissances.
Ainsi, la Banque de France mène depuis 2020 des expérimentations avec un large éventail de partenaires afin de développer son expertise, dans le but de la mettre à disposition de l’Eurosystème. Nos neuf premières expérimentations nous ont déjà fourni des éléments clés, que nous avons partagés dans un rapport publié en novembre dernier. Au vu de ces résultats prometteurs, nous avons décidé de lancer une nouvelle série de trois expérimentations. Vous en apprendrez davantage à ce sujet au cours des prochaines semaines, mais j’aimerais déjà apporter quelques éclairages aujourd’hui.
Deux de ces expérimentations concernent plus particulièrement l’amélioration des paiements transfrontières en travaillant sur l’interopérabilité entre MNBC à l’aide de solutions innovantes, comme un outil de gestion de la liquidité fondé sur la technologie de finance décentralisée (plateforme de tenue de marché automatisée – automated market maker, AMM), que nous avons amélioré au premier semestre 2022. La troisième expérimentation vise à approfondir les précédentes en ce qui concerne l’utilisation de la monnaie de banque centrale comme actif de règlement sûr pour les titres tokenisés, en coopération avec d’autres partenaires européens. Elle implique l’émission et la distribution d’obligations tokenisées sur une blockchain.
* * *
Je voudrais conclure en rappelant que, dans les années 1980, il a été décidé de concevoir et de construire une grande pyramide de verre dans la cour du Louvre. Cette architecture futuriste de I.M. Peï a tout d’abord fait scandale, les critiques la jugeant incompatible avec le style classique. Elle a malgré tout été construite, et est depuis devenue un symbole apprécié du Louvre. J’espère que nous, banquiers centraux, trouverons le moyen d’intégrer la tokenisation à l’architecture existante, tout en la régulant dans la mesure nécessaire. Je vous remercie de votre attention. Et je laisse maintenant la parole à Mme Mairead McGuinness.
[i] François Villeroy de Galhau, Les Banques centrales et la finance face à une triple révolution, discours, 25 novembre 2021
[ii] Villeroy de Galhau (F.), L’éthique de la monnaie : un éventuel manuel à l’usage des banquiers centraux ?, Conférence Michel Camdessus sur l’activité de banque centrale, 14 septembre 2022
[iii] Cf. par exemple Waller (C.J.), CBDC – A Solution in Search of a Problem? et Chambre des lords, Central bank digital currencies: a solution in search of a problem?
[iv] Lagarde (C.) et Panetta (F.) (2022), « Key objectives of the digital euro »

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