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Zhanna Ozirna nous parle de son premier long-métrage « Ground … – Institut français

Zhanna Ozirna est une réalisatrice ukrainienne. Son premier long-métrage, Ground Zero, se penche sur une ville mono-industrielle en pleine époque soviétique et la manière dont la mémoire collective de ses habitants est contrôlée par la propagande.
Elle est soutenue par La Fabrique Cinéma 2022 de l’Institut français. Ce programme offre aux jeunes réalisateurs et producteurs un soutien adapté à leur projet et à leur niveau d’expérience professionnelle. 
Mis à jour le 02/11/2022
5 min
Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir réalisatrice ? 
Je viens du journalisme, je n’ai pas de formation dans le domaine du cinéma. je me suis rendu compte que le journalisme ne me correspondait pas, car j’ai besoin de temps pour réfléchir. J’ai donc travaillé bénévolement dans un centre d’art contemporain, j’ai rencontré des artistes et je suis devenue responsable de publication pour un magazine en ligne d’art contemporain. J’ai découvert un domaine qui correspondait à ma manière de réfléchir. Il est possible de créer quelque chose d’important, et de prendre son temps pour le faire.
Quand j’ai quitté Kiev pour m’installer à Lviv, je suis devenue membre d’une équipe s’occupant d’un festival de cinéma. Cette expérience a été très intéressante car c’était juste avant la révolution, en 2013. À l’époque, il n’y avait pas de milieu du cinéma à Lviv. Je gérais le festival avec mon partenaire de l’époque et un ami. Nous avons commencé à penser que nous pourrions tourner quelque chose avec un petit budget. J’ai contacté la ville de Lviv qui nous a accordé de petites subventions. Petit à petit, nous avons créé un petit réseau et tourné nos propres films. Pour moi, c’était une sorte d’université, je travaillais sur un projet différent chaque année.
Ensuite, j’ai commencé à me rendre à des festivals pour présenter mes films : c’est comme ça que je suis devenue réalisatrice. Après un grand changement dans ma vie personnelle, je suis retournée à Kiev. Sur le chemin du retour, j’ai commencé à réfléchir à la réalisation de longs-métrages. Mais sur quoi ? Alors j’ai décidé de parler de ma ville natale.
 
Les thèmes du traumatisme post-colonial en Ukraine et de l’influence de l’Union soviétique vous intéressent particulièrement. Quelle a été leur influence sur la vie en Ukraine, avant et après l’invasion ?
Ma ville natale est située au cœur de l’Ukraine. Jusqu’en 1943 il y avait beaucoup de petits villages anciens. L’un des plus grands était Horishni Plavni. Pendant la seconde Guerre mondiale, une grande bataille, très brutale, s’y est déroulée.
La stratégie des Soviétiques était d’utiliser les villageois comme bouclier, comme chair à canon. Les photographes officiels ont uniquement pris des photos des soldats et non des villageois qui ont été tués. C’est la raison pour laquelle, pendant très longtemps, personne n’a été au courant de l’ampleur de ce massacre ni de ce qui s’était vraiment passé. Dans le même temps, les nazis ont brûlé les bâtiments du village. La mémoire des locaux et de leur vie a donc été amputée. Environ 15 ans plus tard, les Soviétiques ont commencé à reconstruire une ville mono-industrielle. Selon la version officielle, celle qui est écrite dans les livres d’Histoire, il n’y avait rien à cet endroit avant l’arrivée des Soviétiques.
Quand j’étais jeune, nous ne savions rien de la tragédie. C’est seulement en 2019, alors que j’y tournais une bande-annonce, que j’ai commencé à discuter avec un historien local, un rebelle, qui m’a montré de vieilles cartes. J’ai alors découvert la vérité. J’ai été choquée. Je me suis rendu compte qu’on m’avait lavé le cerveau. Voilà ce qui a lancé ce projet. Les racines de la guerre que nous vivons actuellement trouvent leur origine dans ce genre de situations. Nous ne connaissions pas bien notre histoire. Nous n’avons pas assez fait de recherches sur ce que les Soviétiques nous ont fait. Nous ne comprenons même pas l’influence que la culture russe a sur nous en ce moment. Certains jeunes ne savent pas pourquoi ils parlent russe. Ils ne savent pas que leurs ancêtres ne pouvaient pas mener une vie professionnelle, ou pouvaient finir en prison, s’ils parlaient ukrainien. Cette guerre est une guerre existentielle, une guerre pour notre identité.
Votre premier long-métrage, Ground Zero, s’inspire de votre enfance dans une ville mono-industrielle soviétique (une ville spécialement créée pour servir l’industrie locale). Pouvez-vous nous décrire votre enfance dans un tel endroit et son influence sur l’histoire que vous avez souhaité raconter ?
C’était très intéressant, car la ville en elle-même est très belle. Il y a une usine très riche, tout est très beau et propre, les écoles sont très bien équipées. Mais d’un autre côté, la ville était très marquée par cette identité soviétique, même si elle semblait très moderne de l’extérieur. Nous vivions dans une sorte de cage dorée, dans de très bonnes conditions, mais nous devions parler russe et ne connaissions pas la véritable histoire de notre ville.
Lors de la période de la décommunisation, seule ma ville n’a pas voulu changer de nom. Pour les résidents, ce nom était lié à l’époque de la gloire soviétique. Ma ville est même devenue un mème : la seule ville fièrement soviétique d’Ukraine. C’est triste et drôle à la fois. La ville a finalement dû changer de nom à cause d’une loi.
Mon histoire est celle d’une jeune fille qui pense tout savoir, mais qui ne sait rien. J’ai essayé de créer une histoire sur la nature de la mémoire collective et de la mémoire historique et sur la difficulté de les saisir. Mon histoire pose la question suivante : pourquoi voulons-nous oublier certaines choses, alors que cet oubli met à mal notre identité ?
 
L’invasion russe a-t-elle affecté la production de votre film ?
Nous devions filmer en août. J’espère que nous pourrons tourner en août/septembre prochain, mais nous devons attendre la fin des bombardements. L’usine elle-même est une infrastructure étatique importante. Avant la guerre c’était déjà compliqué d’obtenir les permissions nécessaires pour y filmer, aujourd’hui ça l’est encore plus. Les réalisateurs de documentaires peuvent encore travailler, mais pas les réalisateurs de fiction. C’est dommage, car cela signifie que dans quelques années nous ne pourrons pas montrer nos histoires sur des plateformes internationales.
Votre producteur, Dmytro Sukhanov, et vous pouvez compter sur le soutien de La Fabriqué Cinéma 2022 de l’Institut français pour votre projet Ground Zero. Pouvez-vous nous parler de votre expérience avec La Fabrique Cinéma ?
Nous étions à la recherche de producteurs français car les 10-15 premières minutes du film ont lieu à Paris. Mon héroïne y vit, elle a déménagé en France quand elle avait 16 ou 17 ans. Lorsque nous avons été sélectionnés pour La Fabrique, un tout nouveau monde s’est ouvert à nous. C’est un merveilleux programme qui nous a donné tous les outils nécessaires et nous a ouvert des portes qui jusqu’alors nous étaient fermées. Nous avons rencontré plusieurs producteurs français très intéressants ainsi qu’un compositeur français avec qui nous nous sommes très bien entendus. J’ai surtout trouvé très intéressant de pouvoir rencontrer les personnes qui choisissent les films pour les différentes sections du Festival de Cannes. Ils nous ont vraiment expliqué en détail le fonctionnement du festival. Travailler avec La Fabrique m’a permis de vraiment me sentir réalisatrice, même si je ne pouvais pas tourner. Faire partie de ce milieu et être reconnue en tant que réalisatrice permet de continuer à se sentir professionnelle et de croire en son avenir.
 
Vous avez été invitée par le Sorfond Pitching Forum, un partenaire de La Fabrique Cinéma, à participer en novembre au South Festival à Oslo, en Norvège. Vous y aurez l’occasion de présenter votre projet à des producteurs norvégiens. Est-ce difficile de trouver des partenaires pour produire un film ?
C’est difficile, car bien sûr tout le monde veut en savoir plus sur notre plan. Nous devons donc expliquer que nous avons plusieurs plans : tourner l’année prochaine ou peut-être tourner une partie du film à Paris. Nous ne savons pas encore si le festival se tiendra sur place ou en ligne, mais nous avons déjà rencontré plusieurs producteurs norvégiens très intéressants grâce à La Fabrique.
 
La Russie a été accusée de détruire délibérément le patrimoine culturel ukrainien lors de cette invasion. Pensez-vous que les réalisateurs peuvent aider à préserver une partie de l’identité ukrainienne face à une destruction aussi brutale ?
Je pense que c’est ce que nous faisons déjà, grâce aux documentaires. Mon amie Yulia Hontaruk travaille depuis le début de la guerre, en 2014, sur un film portant sur Azov (un célèbre régiment, qui a défendu Marioupol et l’usine Azovstal). En ce moment, son projet connaît un regain d’intérêt. C’est la même chose pour Ground Zero. J’ai commencé à travailler sur ce projet il y a trois ans. Aujourd’hui il n’est plus seulement d’actualité, il est au cœur de l’actualité.
Nous recevons beaucoup d’attention de la communauté européenne et je pense que nous devons en tirer profit d’une manière très pratique. La Russie a souvent été considérée comme un très bon producteur de culture. Cependant, elle a toujours récupéré les plus petites cultures. Pendant des années, Kasimir Malevitch a été considéré comme russe, alors qu’il est né à Kiev et que son œuvre traite de l’identité ukrainienne. Les Européens ont souvent associé soviétique et russe. Aujourd’hui, il est nécessaire d’être précis.
Avec Ground Zero, je veux aider les Ukrainiens à comprendre des choses qui ne sont pas claires pour eux et les encourager à réfléchir à leur histoire et à leurs habitudes quotidiennes. J’espère vraiment que ce film pourra aussi devenir un outil de diplomatie internationale. Il a pour objectif de faire mieux comprendre ce qui se passe ici, mieux que via les journaux. Un bon film vous accompagne longtemps.
Zhanna Ozirna est soutenue par La Fabrique Cinéma de l’Institut français. Grâce à ce programme, les jeunes réalisateurs et producteurs bénéficient d’un accompagnement adapté à leur projet et à leur niveau d’expérience professionnel. 
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