Au cours du XX e Congrès du Parti communiste qui s'ouvre ce dimanche à Pékin, le numéro un chinois vise un troisième mandat. Si celui-ci ne fait guère de doute, la question porte plutôt sur l'après 2027 : à 69 ans, Xi Jinping s'est potentiellement offert une présidence à vie.
Par Frédéric Schaeffer
Xi Jinping a rendez-vous avec l'Histoire. Au cours du XXe Congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui s'ouvre ce dimanche à Pékin, il doit être reconduit pour un troisième mandat de cinq ans à la tête du Parti (comme secrétaire général), de l'armée (comme président de la Commission militaire centrale) puis du pays (comme président de la République populaire). Dix ans après son accession au pouvoir, il s'apprête à consolider sa place de dirigeant le plus puissant du pays, comme jamais aucun de ses prédécesseurs ne l'a été depuis Mao Zedong.
Le Congrès du Parti étant l'aboutissement d'un an de préparation, ce troisième mandat ne fait guère de doute. La question porte plutôt sur l'après 2027. A 69 ans, Xi Jinping s'est potentiellement offert une présidence à vie lorsqu'il a fait sauter la limite des deux mandats en 2018. « Xi Jinping régnera au moins jusqu'à la fin d'un quatrième mandat en 2032, date à laquelle il aura 79 ans », estime Willy Lam, spécialiste du PCC à l'université de Hong Kong, pour qui la santé du leader chinois pourrait l'empêcher d'aller au-delà. Quoi qu'il en soit, « son autorité sur le Parti restera à vie, comparable à celle de Mao Zedong et Deng Xiaoping dans leurs dernières années », poursuit Chen Daoyin, ancien professeur à l'Université de sciences politiques et de droit de Shanghai désormais en exil.
Le ton a été donné fin septembre par Wang Huning, l'idéologue en chef du Parti : « La raison fondamentale pour laquelle la cause du Parti et de l'Etat a obtenu des réalisations et des changements historiques réside dans la direction du secrétaire général Xi Jinping, et dans l'orientation de la pensée de Xi Jinping », a-t-il expliqué lors de l'inauguration d'une exposition à Pékin. Intitulée « Aller de l'avant dans la nouvelle ère », elle met en lumière les réalisations du Parti sous les deux premiers mandats de Xi Jinping. Dans une mise en scène soignée, l'homme fort du régime était présent à l'inauguration, entouré des vingt-quatre autres membres du Bureau politique du Parti, manière d'afficher l'unité de la direction du Parti en amont du Congrès.
Une nouvelle équipe de direction sera dévoilée au terme d'un Congrès tenu à huis clos et qui devrait durer une semaine. Elle sera chargée de mettre en oeuvre la stratégie de Xi Jinping pour la Chine au cours des cinq prochaines années. « Je serais surpris si d'autres factions du Parti n'étaient pas représentées au sein du Politburo et de son Comité permanent, estime Jean-Pierre Cabestan, professeur émérite à l'Université de Hong Kong et chercheur associé chez Asia Centre. En retour, Xi pourra promouvoir la pensée de Xi Jinping et assurer son statut suprême au moins jusqu'au prochain congrès. »
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Ces nouveaux visages deviendront des acteurs clés à un moment où Xi Jinping s'est fixé comme objectif de transformer la Chine en « grand pays socialiste moderne » d'ici à 2049, année du centenaire de la République populaire. Le Parti s'est également engagé à doubler la taille de l'économie nationale d'ici à 2035, impliquant une croissance du PIB de plus de 4 % par an sur les années à venir. L'objectif est ambitieux au regard du ralentissement tendanciel de l'économie chinoise.
En attendant que le suspense soit levé sur la nouvelle équipe dirigeante, Xi Jinping prononcera ce dimanche, depuis l'imposant Palais du Peuple longeant la place Tiananmen, un discours d'ouverture dans lequel il dressera le bilan des réalisations du Parti au cours des cinq dernières années et dévoilera les grandes orientations pour les cinq prochaines, voire au-delà. Ce discours sera étroitement surveillé dans le monde entier, en quête d'indices sur les intentions de Xi Jinping autour d'une multitude d'enjeux : la politique « zéro Covid » et la fermeture du pays, la crise de l'immobilier et le ralentissement économique, les tensions croissantes avec les Etats-Unis et Taïwan .
Les sujets de friction ne manquent pas pour le numéro un chinois. L'homme est réputé s'être fait beaucoup d'ennemis à l'intérieur du système avec sa campagne anti-corruption. A l'extérieur, sa politique étrangère affirmée et sa diplomatie de loup guerrier ont contribué à intensifier la méfiance des pays voisins, de l'Europe et des Etats-Unis. « Si tous ces défis sont réels, cela ne veut pas dire du tout que le pouvoir de Xi Jinping s'en trouve affaibli, estime Chen Daoyin. C'est peut-être une vision occidentale mais du point de vue du Parti communiste chinois, cela ne peut que renforcer le pouvoir et le leadership de Xi. »
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Frédéric Schaeffer (Correspondant à Shanghai)
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