Pièces complète 2 euro commémorative et accessoires protection pièces

Voyage dans le monde nauséabond des nazis français : Bourseiller – Herzog, l'entretien croisé – L'Express

Quand Christophe Bourseiller et Félicité Herzog débattent de la France nazie…
Perrin et Stock
Merci pour votre inscription
Ils ont tous les deux une double, voire une triple vie. Diplômée de l’IEP de Paris et de l’Institut européen de l’administration des affaires, Félicité Herzog a poursuivi un brillant parcours dans la banque d’affaires, avant de rejoindre Areva puis Vivendi et, surtout, de tremper sa plume dans l’encre romanesque – avec, en 2012, une première fiction familiale, Un héros, dans lequel elle étrillait le vainqueur de l’Annapurna, Maurice, son père. De son côté, Christophe Bourseiller s’est très tôt et durablement distingué sur les affiches de cinéma (Un éléphant ça trompe énormément, Nous irons tous au paradis, Clara et les chics types, etc.), tout en jetant son dévolu, nombreux ouvrages à l’appui, sur les maoïstes, l’ultragauche, les punks, les complotistes… et en soutenant, à 62 ans, en 2019, une thèse d’histoire.  
Félicité et Christophe, deux mondes a priori bien divergents, mais qui ont en commun la passion de la vérité historique, comme en témoignent leurs nouveaux livres. Avec Une brève libération, récit des destins croisés de sa mère, Marie-Pierre, fille de May Schneider (elle-même fille de l’empereur du Creusot) et du duc Pierre de Cossé Brissac, et du résistant Simon Nora, Félicité Herzog lève le voile sur le passé brun de sa noble parentèle ; quant à Bourseiller, il décline à l’envi dans Ils l’appelaient “Monsieur Hitler” la multitude de mouvements, officines et partis fascistes et nazis qui ont surgi en France depuis les années 1920 jusqu’à brosser le portrait des collaborationnistes les plus influents. Nous les avons fait se rencontrer. Ils ont conversé, lui avec un débit de mitraillette, elle, plus posément, mais tous les deux avec la même force de conviction.  
L’Express : Christophe Bourseiller, votre essai fait montre d’une impressionnante documentation. Quelles peuvent être vos motivations pour passer autant de temps dans un univers assez nauséabond ? 
Christophe Bourseiller : il est vrai que l’erreur collective me fascine. A ce titre, les Hitlériens français constituent un cas d’école. Ils se partagent en deux groupes : d’une part, ceux qui croient et qui se trompent totalement car ils se laissent emportés par l’idéologie nazie ; et de l’autre, ceux qui ne sont pas nazis mais qui posent un diagnostic totalement erroné : avant la venue au pouvoir de Hitler, ils pensent que ce dernier n’est ni antisémite ni dangereux, qu’il va même calmer ses troupes, puis, après 1933, ils vont, comme Laval, affirmer très sérieusement que Hitler a gagné pour mille ans et qu’il faut bien que les Français tirent leur épingle du jeu et s’insèrent dans le nouvel ordre européen.  
Et vous Félicité Herzog, vos motivations n’étaient-elles pas essentiellement familiales ? 
Félicité Herzog : Au départ, je souhaitais juste raconter une histoire d’amour entre ma mère, Marie-Pierre, cette jeune femme issue d’un milieu très catholique, et Simon Nora, le jeune juif résistant. Pour cela, je me suis plongée dans l’histoire de l’hôtel particulier familial des de Cossé Brissac, 36, cours Albert Ier, dans le journal intime de ma mère, mais aussi dans le Journal de Drieu La Rochelle, et dans les inédits du Journal de guerre de Paul Morand couvrant la période 1944-48.  
Je savais, comme le rapportait le récit familial, qu’il y avait eu une sorte de collaboration courtoise et mondaine, mais je n’avais pas réalisé à quel point mes grands-parents maternels étaient gagnés aux idées nazies. Songez que May, la mère de Marie-Pierre, sorte d’impératrice fortunée qui terrorisait tout le monde, était la meilleure amie de Josée, la fille de Laval. Du coup, j’ai voulu restituer cette atmosphère très particulière en croisant ma connaissance personnelle des lieux et de la famille avec l’historiographie la plus récente. 
Il ressort de vos livres une atmosphère de grande violence, physique et verbale, peu comparable à celle de notre société actuelle. 
C. B. L’Histoire permet en effet de relativiser les choses. Il est évident que la violence verbale, notamment raciste et antisémite, des années 1930 est sans commune mesure avec celle que l’on vit aujourd’hui – sauf, parfois sur Internet. L’antisémitisme latent dans la France de l’époque a été ravivé par l’arrivée au pouvoir de Hitler en 1933, car des milliers de juifs sont venus se réfugier en France. Aux yeux de beaucoup de gens d’extrême droite, il s’agissait là d’une invasion étrangère. Ainsi, François Coty, le parfumeur milliardaire d’extrême droite, un paranoïaque fou qui possède des châteaux magnifiques et un empire de presse fort de 48 journaux, écrit en 1933 “Attention les Allemands nous envahissent” en parlant des juifs allemands. Et l’on voit basculer dans l’antisémitisme les groupes fascistes, tournés jusqu’alors vers l’Italie de Mussolini. 
F. H. De même, Xavier Vallat, qui sera le premier commissaire aux affaires juives, ne devient ouvertement antisémite qu’après l’élection de Hitler. D’ailleurs, le professeur Gaston Nora, le père de Simon, chirurgien à l’hôpital Rothschild, qui était son ami et lui avait sauvé la vie, lui dira : “Si j’avais su, je ne t’aurais pas récupéré.” Cela dit, dans la branche des Cossé Brissac, l’antisémitisme remonte bien avant, à la Révolution française, suscitée, selon eux, par les juifs avec les francs-maçons. Et puis, il y a eu l’affaire Dreyfus… Ils sont nombreux à s’être opposé aux décrets-lois Marchandeau de 1939, qui visaient à sanctionner les propos racistes. Emmanuel Berl, juif lui-même, considérait que les propos antisémites relevaient de l’humour et qu’il faillait que chacun soit libre de s’exprimer. Il est étonnant de voir combien se sont aveuglés tous ces intellectuels, instruits et sophistiqués, les Morand, Jardin, Drieu la Rochelle, Fabre-Luce… 
Georges Valois, le créateur, en 1925, du mouvement Le Faisceau des combattants, essayait de faire “la synthèse entre le souci national et le souci social”. N’est-ce pas là l’état d’esprit du Rassemblement national de Marine Le Pen ? 
C. B. Mais oui, Il y a des ressemblances plus que frappantes. Pensez que Marcel Bucard crée à la demande du milliardaire François Coty un mouvement unitaire qui s’appelle Le Front national et que le slogan du Parti Populaire Français est “Les Français d’abord” !  
Autre fait marquant, le fort sentiment européen de beaucoup de ces futurs collaborationnistes… 
C. B. La guerre de 14 a été la boucherie la plus atroce qu’on ait jamais connue dans l’histoire de France. Toute une génération ne veut plus se battre et se tourne vers les Allemands en guise de réconciliation. Ainsi, dans les années 1920-1930, Jean Luchaire, un radical plutôt de gauche et européiste, proclame qu’il faut la paix à tout prix. Il est mû par de bons sentiments, son journal Notre Temps incarne des valeurs humanistes nouvelles. Or, c’est ce même Jean Luchaire qu’on retrouvera à Sigmaringen quelques années plus tard. Cet espoir dans un monde nouveau explique que beaucoup de futurs nazis viennent de la gauche. Lorsqu’on était un vrai stalinien, ce qui était le cas des membres du Parti populaire français de Jacques Doriot, il y avait le même totalitarisme, les mêmes défilés martiaux. Le parcours des socialistes est plus complexe, eux sont venus au nazisme par le pacifisme et le modernisme. Ainsi, en 1938, Marcel Déat écrit qu'”on ne doit pas mourir pour Dantzig”. Ironie de l’Histoire, en 1945, attaqués par les Soviétiques, les Waffen SS français mourront pour Dantzig… 
Cette volonté pacifiste explique-t-elle l’aveuglement de la presse ? 
C. B. En effet, il y a eu de la part des journalistes un aveuglement permanent. On veut minimiser l’influence de Hitler, or celui-ci n’a jamais dissimulé ce qu’il voulait faire, il suffit de lire Mein Kampf, tout son programme est là, mais les Français ne voulaient pas l’entendre. Même après 1933, quelqu’un comme Wladimir d’Ormesson, futur ambassadeur, pense que les débordements antisémites sont dus au fait que Hitler n’a pas réussi à contenir ses troupes. Et lors de la Nuit des longs couteaux, quand les SS massacrent les SA, les journalistes disent “c’est bon signe, la police allemande liquide les éléments les plus fous”. 
L’un des personnages les plus fascinants de vos livres est Otto Abetz, cet Allemand francophone, professeur d’art, initiateur du Comité France-Allemagne dès 1935 et ambassadeur du IIIe Reich à Paris… 
C. B. C’est le grand séducteur, un maître de la désinformation et de la manipulation. Nationaliste allemand, il veut restaurer l’honneur de son pays. A cette fin, il truande les Français, les pacifistes de 1930, les anciens combattants, les jeunes, autant de niches dégoûtées par la guerre de 1914. Mais il est un autre grand manipulateur : Hitler. On le voit dans les documentaires éructant des choses atroces, comme lors d’un congrès du pouvoir à Nuremberg, où il vocifère pendant cinq heures sur les juifs et la France, et puis, dans la foulée, il convie les Français présents à un thé. Et tous de dire qu’il est charmant ! 
F. H.Mais comment expliquer qu’ils tombent tous dans le panneau ?  
C. B. Pour employer un vocabulaire de notre époque, le fascisme et le nazisme, c’était branché, c’était moderne. Le futurisme, voilà la colonne vertébrale du fascisme, les voitures qui roulent à 60 km/heure, c’est cela qui fait frissonner un Drieu la Rochelle avant-guerre.  
F. H. Il y a un personnage qui m’a vraiment impressionnée, c’est Pierre Laval. Sa responsabilité est énorme, et cela dès les années 1930, lorsqu’il laisse les mains libres à l’Italie pour aller répandre du gaz sarin en Abyssinie. C’est un affairiste, qui a très bien réussi, et pense toujours avoir la main haute dans la négociation. Alors qu’il se fait balader, la France est pillée. Vichy est un Etat fantoche…  
C. B. Il est allé au bout de son erreur par mauvais calcul politique alors que Doriot y va par suicide. Comme Drieu, il sait qu’il se trompe, mais il est allé trop loin, il va au bout.  
Félicité, vous évoquez souvent Paul Morand, qui était l’amant de May, votre grand-mère. Une compagnie stupéfiante, dîtes-vous… 
F. H. Tout ce que je lui faire dire dans mon livre provient des inédits de son Journal, qui est à la BnF. Ses propos sont d’une virulence extrême, dans la veine d’un Drieu ou d’un Céline. Il parle du sang juif, du sperme juif, et du lobby juif visant à pervertir leur espèce. Il affirme même que les juifs ont gagné la guerre, tout en laissant six millions de personnes dans la bagarre. C’est absolument stupéfiant car on est en 1946-47, on connaît alors la réalité des camps. Je ne savais pas à quel point tout ce cénacle souhaitait la destruction des juifs, et militait pour.  
Tout cela vous a-t-il choquée ? 
F. H. Oui, j’ai été très surprise de voir que mes grands-parents, May et Pierre _ j’aimais beaucoup ce dernier_, étaient des nazis français. May a d’ailleurs été incarcérée un mois à Drancy en septembre 1945 _ elle obtiendra par la suite des indemnités, car il était très difficile de qualifier les actes. J’en ai pleuré de honte, mais il vaut mieux être lucide. Tous ces gens étaient au coeur du pouvoir et n’ont rien fait. Ce qui m’a beaucoup impressionnée, c’est leur absence totale de sensibilité. Quand arrivent les rafles, je raconte celle dans un orphelinat proche de l’hôpital Rothschild, ce groupe n’exprime aucun sentiment humaniste de base. On est dans un déni total. A table, on n’aurait jamais osé évoquer le sujet, Ma mère, qui aura 97 ans le 12 novembre et a une mémoire parfaite, est la seule personne dans ma famille _ d’écrivains _, à m’en avoir parlé de façon confidentielle. Mon livre est le produit d’une culpabilité de petit-enfant de collabos.  
Sa parution a-t-elle provoqué une onde de choc familiale ? 
F. H. Oui, qui se manifeste par un immense silence, à l’exception de Dominique Schneidre, qui a été la première à soulever le capot avec Atteinte à la mémoire des morts en 1987. Même aujourd’hui, près de quatre-vingts ans plus tard, il est difficile d’en parler. Tout cela est sous le tapis et, malheureusement, comme je peux l’observer lors de mes conférences, le monde glisse dans l’oubli. Or, nous sommes les derniers à pouvoir dire ce qui s’est passé, à décrire les lieux et les gens. Il faut affronter les fantômes et que la culpabilité change de camp.  
Dans votre jolie galerie d’ignobles personnages, Christophe, quel est à vos yeux le plus exécrable ? 
C. B. A la limite, je serais tenté de dire que, plus que les vrais nazis qui croyaient dans leurs chimères, les plus exécrables sont ceux qui l’ont fait par pur intérêt alimentaire. Quelqu’un comme Fernand de Brinon, par exemple, grand organisateur de raouts mondains qui, toute sa vie, a travaillé pour empocher des commissions ne croyait en rien d’autre qu’en son portefeuille. Mais après réflexion, le plus exécrable, c’est le chef d’orchestre, Otto Abetz. C’est je joueur de flûte qui a joué avec constance pendant vingt ans pour amener les Français jusqu’au gouffre. 
Quelle morale tirer de vos livres ? 
C. B. J’en tire deux. La première, c’est qu’il faut se méfier des bons sentiments, des désirs de réconciliation, de paix, etc., comme ceux proférés par Jean Luchaire, Victor Margueritte ou encore Jean Cocteau. Ils peuvent conduire à l’échec le plus total ; la seconde, c’est que l’on peut se tromper en groupe. Dans notre époque marquée par la dictature des bons sentiments et de la morale, il est intéressant de voir que celle-ci peut mener au totalitarisme. 
F. H. Ce qui me frappe, c’est que Marie-Pierre et Simon, les deux personnages centraux de mon roman, sont très jeunes, viennent de milieux très différents et arrivent à élaborer une vraie réflexion autonome. Pensez qu’on fait lire à Marie-Pierre en 1943 Les Décombres de Rebatet, puis Mein Kampf en avril 1944. Ce qui prouve qu’il est possible de forger son libre arbitre et de rejeter son milieu.  
“Ils l’appelaient Monsieur Hitler”. L’histoire méconnue des nazis français, par Christophe Bourseiller. Perrin, 400 p., 23 €. 
Une brève libération, par Félicité Herzog. Stock, 350 p., 20,90 €. 
Les services de L’Express
Nos partenaires
© L’Express

source

A propos de l'auteur

Backlink pro

Ajouter un commentaire

Backlink pro

Prenez contact avec nous

Les backlinks sont des liens d'autres sites web vers votre site web. Ils aident les internautes à trouver votre site et leur permettent de trouver plus facilement les informations qu'ils recherchent. Plus votre site Web possède de liens retour, plus les internautes sont susceptibles de le visiter.

Contact

Map for 12 rue lakanal 75015 PARIS FRANCE