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Un lien précieux et invisible – La Croix

La chronique de l’écrivaine Estelle-Sarah Bulle.
Lecture en 3 min.
Un lien précieux et invisible
Estelle-Sarah Bulle.

L’homme à la quarantaine épanouie, jean, chemise et baskets, m’a tout d’abord fait une impression mitigée. Pas tout à fait mauvaise impression, mais il dégageait quelque chose de légèrement inconfortable, qui tenait à sa façon directe de m’interpeller tout en fuyant mon regard. Nous étions dans un couloir sombre, entourés d’adolescents aux yeux brillants et d’adultes échevelés qui s’interpellaient en riant. L’énergie brute des enfants déteignait sur les adultes, ce qui donnait une ambiance brouillonne. Les enfants, dont plusieurs faisaient une ou deux têtes de plus que moi, visages allant du rose pâle au brun foncé, se pressaient autour de moi tout en s’efforçant de rester calmes et polis. Une toute jeune fille me dévorait du regard ; je pouvais presque voir passer sur son front les émotions qui se bousculaient en elle, comme de petites images colorées sur les parois d’une lanterne magique.
On leur avait fait la leçon avant mon arrivée. L’un des garçons m’a demandé plusieurs fois si je voulais un café, un verre d’eau ou un thé, légèrement déçu chaque fois que je refusais gentiment ses propositions. C’est un agent municipal, œuvrant pour le lien social dans cette petite ville de province, qui m’avait amenée là pour la rencontre : les enfants, tous volontaires, avaient préparé avec lui la lecture d’extraits de mon roman jeunesse. Ils avaient des questions à me poser. L’homme qui nous avait accueillis avec son regard fuyant était le responsable du centre où la rencontre se tenait. Il a interpellé fermement l’un des gamins en lui rappelant de ne pas oublier le sucre avec le café qu’il lui a commandé. L’adolescent, d’environ 14 ans, la bouille ronde, est parti comme une flèche chercher la tasse sans oublier le sucre.
Les autres gamins m’ont poussée le long du couloir sombre pour déboucher sur une vaste salle qui paraissait nue malgré le canapé avachi, les chaises dépareillées et un gros billard qui en occupait le centre. Sur trois des murs blancs, des dessins gribouillés au feutre, des prénoms en lettres rondes et colorées entourés de cœurs. Sur le quatrième mur bleu vif, une affirmation fière en grosses lettres : “Ici c’est… !” avec le nom du quartier.
Nous nous sommes assis autour d’une table en plastique où devait atterrir quelques minutes plus tard un gâteau au chocolat fumant, que les enfants avaient confectionné à mon intention. Une jeune femme blonde est entrée en coup de vent pour savoir si tout allait bien et a aussitôt disparu pour installer du matériel vidéo dans la pièce d’à côté.
L’homme en baskets s’est calé sur le canapé où les ados se sont tassés pour lui faire une place. Il a commencé à m’énumérer les activités du centre, a enchaîné sur les impressions de lecture qui avaient fusé à la découverte de mon roman. Ses mains passaient sans arrêt dans ses épais cheveux noirs. Impatientée, je l’ai coupé en lui disant qu’il parlait trop et que j’aimerais plutôt entendre les enfants. Il a pris ma remarque en souriant et s’est tu. Les questions des jeunes se sont enchaînées et j’ai passé plus d’une heure à leur répondre, à leur renvoyer la balle, à discuter avec eux. Le gâteau au chocolat a peu à peu disparu et l’un des garçons a ramené une grande assiette de pâtisseries orientales confectionnées par sa mère.
Au bout d’une heure et demie, nous nous étions découverts, avions parlé d’histoires, d’écriture et d’imaginaire. La rencontre touchait à sa fin ; filles et garçons se sont dispersés dehors. Le responsable du centre a alors repris la parole (il avait eu du mal à se retenir durant tout l’échange) et m’a détaillé avec tendresse la situation de chacun des jeunes réunis autour de moi cinq minutes plus tôt. J’ai compris que son regard fuyant trahissait une grande timidité qu’il masquait sous une avalanche de mots. J’ai saisi combien le travail qu’il faisait dans ce local prêté par la mairie, avec ces jeunes de 12 à 17 ans accueillis chaque jour, était une tâche utile, réparatrice, précieuse pour le quartier et l’ensemble de la ville. C’est ici que des gamins en difficulté évoluaient sans paternalisme mais sous une honnête autorité, qu’ils pouvaient s’exprimer, organiser des activités, se prendre en main tout en étant guidés. Le responsable du centre, à l’approche savamment bourrue, avait été l’un de ces jeunes fragiles, cela se voyait même s’il n’en disait rien. Les gamins lui faisaient confiance.
Il faut une alchimie particulière pour réussir à créer une telle relation. Qu’importent l’épaisseur des murs, la qualité des chaises ou la clarté des fenêtres. C’est l’ambiance, impalpable mélange d’assurance et de joie, qui fait que l’on s’y sent bien. Et c’est la capacité de quelques adultes à trouver la note juste auprès de ces jeunes, qui crée un élan menant à tous les exploits.
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