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Après diverses expériences professionnelles, Diane et Julien sont arrivés il y a quelques mois à Singapour, qu’ils apprécient déjà. Mais ce n’est pas le premier séjour en Asie de ce couple vagabond et engagé, parents de deux filles.
LPJ : Comment deux polytechniciens en arrivent à fonder une famille ?
Diane : Nous sommes de la même promotion de l’X. Après avoir partagé les mêmes bancs en petite classe, nous avons mené en binôme notre travail expérimental de fin de première année, dédié à la théorie du chaos, théorie scientifique rattachée aux mathématiques et à la physique qui étudie les comportements des systèmes dynamiques sensibles aux conditions initiales comme les phénomènes climatiques. Et notre relation a été au diapason : chaotique !
Julien : Nous avons donc quitté l’école chacun sur son chemin. C’est seulement quelques temps plus tard que nous nous sommes retrouvés.
Comment ont débuté vos carrières ?
D : Il nous a fallu, déjà, résoudre la contrainte géographique de trouver un double premier poste dans la même région. Nous n’avions pas l’intention de rester en région parisienne mais bien de profiter de notre première affectation pour engranger une expérience opérationnelle de terrain. En tant qu’ingénieure du corps des ponts, je devais rejoindre une direction de l’équipement (DDE) et Julien, en tant qu’ingénieur du corps des mines, une direction de l’industrie (DRIRE). C’est comme cela que nous avons atterri à Metz en Moselle ! C’était presque une première expatriation pour la lyonnaise et le grenoblois que nous sommes. Presque parce qu’en réalité, j’y avais déjà fait mon service militaire. Pour nos seconds postes, nous avons joué la carte de la facilité et repris la direction de la capitale à Paris. Pour ma part, j’ai alors rejoint l’Agence pour l’Immobilier de la Justice, comme directrice de programmes puis adjointe au directeur général. Cet établissement public assure la maîtrise d’ouvrage des palais de justice et des établissements pénitentiaires. Cela a été une expérience professionnelle comme personnelle très marquante. J’ai notamment eu la charge du développement de partenariats public-privé pour une nouvelle génération d’établissements pénitentiaires ou encore pour la réhabilitation de la maison d’arrêt de la Santé.
J : Quant à moi, j’ai rejoint l’Agence des Participations de l’État, où j’étais responsable des secteurs de la Poste et des télécommunications. C’est à cette époque que nous avons créé La Banque Postale. En 2008, je suis rentré chez Alstom, où j’ai travaillé sur les échangeurs de chaleur à la centrale nucléaire de Flamanville.
Qu’est-ce qui vous a amené à Singapour ?
J : En 2011, Alstom m’a envoyé en Chine dans une ville moins connue à cette époque prépandémique, Wuhan, pour piloter les activités nucléaires d’Alstom en Asie.
D : Après avoir visité Wuhan en voyage de reconnaissance, j’ai choisi de m’installer avec nos deux filles alors âgées de 4 et 7 ans … à Shanghai ! J’ai eu la chance de pouvoir continuer à travailler auprès du vice-président du centre de recherche et développement du groupe automobile de PSA.
J : En 2014, nous sommes revenus à Paris. J’ai rejoint la Présidence de la République où j’ai travaillé avec François Hollande comme conseiller pour l’industrie, l’économie et le numérique. En 2017, j’ai rejoint TotalEnergies, en charge des énergies renouvelables, qui couvrent l’énergie solaire et l’éolien on shore comme off-shore. Depuis 2017, nous sommes passés d’une activité qui employait 25 personnes et gérait un parc de 300 MW, à plus de 1500 personnes avec une puissance installée de 16 GW avec plus de 5 GW supplémentaires en construction. Nous ambitionnons d’atteindre 35 GW en 2025 et 100 GW en 2030. Ce développement s’inscrit pleinement dans l’ambition de la Compagnie d’être net zéro carbone d’ici 2050.
D : De mon côté, j’ai retrouvé la fonction publique et la maîtrise d’ouvrage immobilière, pour le compte du ministère de l’enseignement supérieur puis pour le compte du ministère de la Culture, en prenant la direction générale de l’Opérateur pour les projets immobiliers de la Culture (OPPIC), qui pilote des opérations de construction, de restauration, et de réhabilitation dans le champ patrimonial et culturel. Son périmètre d’actions est large, puisqu’il couvre tout aussi bien les monuments historiques, les musées, les établissements d’enseignement, que les bibliothèques, les équipements sportifs, ou les lieux de spectacles. Parmi les projets dont je suis particulièrement fière, on peut mentionner la réhabilitation du Quadrilatère Richelieu qui vient de rouvrir ses portes au public en septembre 2022, les échanges avec Renzo Piano autour de la rénovation énergétique du centre Pompidou, l’avancement du schéma directeur immobilier des services de l’Elysée, ou encore la construction du bâtiment d’exploitation au sein du parc de la Villette, premier bâtiment bas carbone de l’OPPIC.
J : L’année dernière, Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, m’a proposé de venir à Singapour pour prendre la direction de la branche exploration et production pour l’Asie-Pacifique. Comme nous arrivions tous les deux à la fin d’un cycle professionnel et que nous avions gardé un excellent souvenir de notre première expatriation en Chine, j’ai accepté.
D : La mutation de Julien devant prendre effet en cours d’année scolaire, je suis arrivée en avance de phase pour que notre cadette puisse effectuer sa rentrée scolaire au lycée français. Compte-tenu des restrictions liées au covid encore en vigueur à l’été 2021 à Singapour, nous n’avons donc pas échappé à l’expérience particulière de la quarantaine en famille ! Compte-tenu du contexte, notre aînée, qui a maintenant 18 ans, a quant à elle décidé de ne pas partir et poursuit ses études en France.
Quelles sont vos occupations à Singapour ?
J : La branche production et exploration de TotalEnergies pour l’Asie-Pacifique couvre une vaste étendue allant du Kazakhstan à l’Australie. Dans cette région, c’est le gaz qui prédomine. Le projet qui m’occupe le plus aujourd’hui se situe en Papouasie-Nouvelle-Guinée où je suis amené à me déplacer fréquemment. Des gisements de gaz y ont été découverts en 2006 et 2007 et nous sommes en train d’y développer un grand projet de gaz naturel liquéfié. Ce GNL sera exporté vers les pays grands consommateurs d’énergie de la région, où il permettra de remplacer le charbon, plus émetteur de gaz à effet de serre, et de compléter la production d’électricité renouvelable, intermittente. Ce projet est aussi l’opportunité pour TotalEnergies de tester un nouveau concept permettant de stocker le carbone associé au gaz naturel produit.
Dans la continuité de mes précédentes activités – et sans doute pour ne pas décevoir nos deux filles, toutes deux très engagées dans la lutte contre le changement climatique, TotalEnergies a ajouté à mon portefeuille l’activité énergies renouvelables pour l’Asie-Pacifique. Cela couvre par exemple des projets d’énergie solaire en Australie ou éoliens à terre au Kazakhstan, et des champs d’éoliennes offshore en Corée du Sud.
D : Cette fois-ci, une fois installée, j’ai eu envie de m’investir auprès d’Accueil Singapour pour contribuer à mon tour à cette chaîne d’entraide pour la communauté française, notamment au sein du pôle environnement de l’association. Alors que le dernier rapport du GIEC alerte une énième fois sur l’urgence à agir face au dérèglement climatique dont les effets sont déjà tangibles, cela m’a donné l’occasion d’animer mon premier atelier 2tonnes et de proposer un temps d’échange francophone autour de ces thématiques essentielles et qui peuvent parfois être source d’anxiété. 2tonnes de CO2 équivalent par an, c’est la quantité de gaz à effet de serre émise par personne dans un monde neutre en CO2 ! Pas évident lorsqu’on est expatrié loin de son pays d’attache ! Au gré de mes premières rencontres ici, je me suis également engagée au sein de l’association « The Matcha Initiative » qui vise à construire autour des notions de développement durable un écosystème unique pour aider les entreprises de Singapour à accélérer leur parcours vers des modèles plus durables, bénéfiques pour leur compétitivité et leur résilience, en connectant récits inspirants et fournisseurs de solutions adaptées. J’espère pouvoir in fine retrouver à Singapour une activité professionnelle dans la finance durable qui me permette de poursuivre cet engagement de longue date.
Que pensez-vous de Singapour ?
D : Je trouve que c’est une ville agréable à vivre et où il est plutôt facile de s’installer, malgré les difficultés rencontrées pour se loger. C’est aussi un formidable modèle de développement urbain qui a su s’inspirer des meilleurs retours d’expériences pour accueillir plus de 5,64 millions d’habitants sur cette île de quelques 730 km2 dont presque un quart est gagné sur la mer !
J : Nous ne sommes là que depuis quelques mois et nous avons encore beaucoup de choses à découvrir. Quant à notre avenir en Asie, cela dépendra de la stabilisation professionnelle de Diane et des études de notre fille.
Singapour représente moins de 0,2 % de la population de l’Asie. Ce pays n’en regroupe cependant pas moins de 25% de la population polytechnicienne résidant sur ce continent, soit plus d’une centaine d’entre eux. Beaucoup sont de jeunes entrepreneur(se)s attiré(e)s par le dynamisme et la qualité de vie de la cité-Etat.
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