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Discours
Monsieur cher Jean-Paul Claverie, cher Christophe Leribault, Mesdames et Messieurs, chers amis,
C’est une incroyable émotion d’être face à ce tableau. J’avais pu le voir dans les réserves à son arrivée ici. Mais c’est une tout autre ampleur de le voir dans les espaces du musée tel que le public va pouvoir le découvrir. On sait à quel point l’imaginaire collectif a été marqué et façonné par les peintures des Impressionnismes. Ça a figuré dans tous nos livres d’école, dans les cartes postales, les documentaires, ça fait vraiment partie de notre récit national. Toutes ces émotions picturales qui ont forgé nos représentations. En France et au-delà, j’ai moi-même vécu à New-York, l’impressionnisme n’a jamais cessé d’être aussi important.
L’Impressionnisme, avant d’être un immense succès populaire, c’est un mouvement artistique en rupture, né en France, porteur d’une nouvelle compréhension de la lumière, une nouvelle vision de la société humaine, qui a transformé la manière d’exprimer le sensible, notre présence au monde, en s’affranchissant des anciens codes.
Les débuts ont été difficiles, la nouveauté avait choqué, avait été moquée, le succès qui s’en est suivi a dépassé toutes les espérances. Cette historie de l’Impressionnisme est aussi une belle leçon de persévérance.
Comme vous l’avez rappelé, cher Christophe, ce triomphe n’aurait pas été possible sans Gustave Caillebotte. Parce qu’il a soutenu par ses achats ses amis artistes, Monet, Renoir, Sisley, Pissarro, qui ont pu compter sur son soutien dans les moments de doute et de difficulté. Ensuite par le legs qu’il a fait à la Nation. Geste très important, fondateur, qui a entrainé les autres collectionneurs, les Moreau-Nélaton, Depeaux, Personnaz à faire de même dans la première moitié du XXe siècle. C’est à ces grandes libéralités que l’on doit d’avoir aujourd’hui dans les musées français les plus belles collections impressionnistes du monde. Et, bien-sûr, Caillebotte c’est aussi un talent de peintre, qui rivalisait, chez lui, avec l’horticulteur et l’architecte naval, peintre de la vie moderne si parfaitement résumé dans le tableau que nous venons de découvrir.
Pour toutes ces raisons, il était, aujourd’hui, très important de remettre Gustave Caillebotte dans la lumière. Je veux d’ailleurs souligner que depuis une quinzaine d’année, nous pouvons nous réjouir que la France soit de nouveau un lieu très dynamique de recherche et d’excellence pour l’Impressionnisme : expositions, publications, nouveaux lieux de référence comme le musée des Impressionnisme à Giverny, et même un festival qui en est bientôt à sa cinquième édition, Normandie impressionniste, pour ne citer que quelques exemples. La France produit et exporte les plus belles expositions impressionnistes, comme on a pu le voir ensemble, cher Christophe, au Louvre Abu Dhabi récemment. Pour les cinq ans du Louvre Abu Dhabi, le musée d’Orsay a prêté une centaine de chefs-d’œuvre et l’exposition était absolument magistrale.
Il n’est donc pas surprenant que les plus grands musées du monde rivalisent pour attirer les plus belles œuvres, et singulièrement ces dernières années, celles de Gustave Caillebotte. Cette Partie de bateau, l’un de ses derniers chefs-d’œuvre en mains privées, conservé par descendance en ligne directe dans la famille de l’artiste, était de ceux qui étaient les plus convoités.
C’est donc une belle victoire que nous célébrons aujourd’hui : celle d’avoir pu conserver ce chef-d’œuvre du patrimoine en France. Et encore plus, d’avoir réussi à le conserver dans un musée national, d’en faire un bien public, un bien commun. C’est ce que permet la loi. Depuis le dispositif « Trésor national » en 1992, 266 mesures de refus de certificat d’exportation concernant une œuvre ou un ensemble de biens ont été prononcées. Dès que l’arrêté est publié au Journal officiel, il y a un compte à rebours qui commence, de 30 mois. C’est le délai maximum, pendant lequel l’œuvre peut être maintenue dans nos frontières et pendant lequel l’Etat peut faire une offre d’acquisition au prix du marché. Imaginez, ce compte à rebours de 30 mois est à chaque fois, une certaine dose de stress mais aussi de mobilisation et d’engagement pour un grand nombre d’agents, du ministère de la Culture, au sein des musées, des services centraux. Je veux aussi les saluer car, eux tous, nous aident à relever ces défis. Le succès n’est pas toujours au bout du chemin, mais en 30 ans, ce sont pas moins de 171 trésors nationaux qui ont été conservés sur le sol français grâce à ce dispositif. Je pense que c’est important de se remémorer cela dans les difficultés que le pays a traversées pendant ces trois décennies, et quand on connait les sommets atteints, dans la même période, par le marché de l’art, chacun peut mesurer qu’il s’agit, tout de même, d’une performance assez remarquable.
Cette victoire que nous célébrons aujourd’hui, c’est bien que cette œuvre entre dans le patrimoine public. Un trésor privé devient un trésor public, notre bien commun. J’y vois une parfaite continuité avec tout ce que Gustave Caillebotte a fait pour rendre l’Impressionnisme le plus accessible possible et l’ancrer en France. Comme en 1894, lors du legs Caillebotte, cela n’a été possible que par la rencontre entre deux volontés, celle de l’Etat et celle d’un mécène. Si la Partie de bateau reste en France, et intègre les collections du Musée d’Orsay, c’est grâce au mécanisme du « Trésor national », permis par l’Etat, mais aussi, et sans lui nous ne serions pas réunis aujourd’hui ici, grâce au généreux mécénat de LVMH.
Je voulais vraiment remercier très sincèrement Bernard Arnaud et tout spécialement Jean-Paul Claverie, qui est l’homme discret derrière toute cette aventure, mais dont on connait la finesse, l’engagement, la détermination la passion pour l’art et le patrimoine. Un grand merci encore cher Jean-Paul.
La France est connue et reconnue dans le monde entier pour ses musées : il était essentiel que nous puissions continuer à enrichir les collections du musée d’Orsay pour rester attractifs sur la scène culturelle internationale et donner à nos concitoyens l’occasion de découvrir de nouvelles œuvres d’exception.
La Partie de bateau est désormais, et pour toujours, accrochée à la cimaise d’un musée français. Mais ce ne serait pas rendre justice au rameur de Caillebotte que de le condamner à l’immobilité… J’ai donc tenu, et nous en avons beaucoup parlé avec Christophe Leribault, à ce que, pour la première fois, ce « Trésor national » puisse bénéficier d’une itinérance et faire voguer, cette barque vers d’autres destinations. Ce « Trésor national » n’étant plus désormais un trésor privé mais bien un bien public, on souhaitait qu’il puisse bénéficier à d’autres musées, qu’il puisse être vu dans d’autres villes de France. C’est pourquoi le musée d’Orsay va travailler avec quelques-uns de ses collègues pour organiser une itinérance avec quelques étapes en France. Et dans un an, il sera temps de célébrer le 150e anniversaire de la première exposition Impressionnistes qui s’est tenue en avril et mai 1874, au 35 boulevard des Capucines à l’époque. Ça sera un anniversaire important qui ne va pas passer inaperçu avec une exposition majeure au musée d’Orsay et des prêts exceptionnels dans plus de 20 villes françaises.
Et enfin une grande rétrospective Caillebotte en septembre 2024 ici, qui va itinérer aux Etats-Unis mais ça Christophe pourra le détailler plus tard.
Je voulais vraiment insister sur cette ambition nationale de montrer ce tableau ailleurs même si Orsay reçoit déjà des Français de l’ensemble du territoire et des touristes du monde entier mais c’était important que l’œuvre puisse voyager.
Dans le cadre de l’année Impressionnisme, pour les 150 ans, on aura aussi cette politique de prêts que le musée d’Orsay est déjà en train de construire avec un certain nombre de musées partenaires, une vingtaine normalement, pour que les chefs-d’œuvre de l’Impressionnisme puissent aussi circuler un peu partout dans notre pays. Voilà, cette cause commune, dont parlait Jean-Paul Claverie, qui nous réunit aujourd’hui. Meilleures volontés du secteur public unies aux meilleures volontés du privé pour enrichir notre patrimoine pour que ces chefs-d’œuvre se transmettent de génération en génération. Merci pour ce morceau d’éternité, merci à vous.
Transcription du discours de la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, à l’occasion de l’annonce…
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