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Thomas Friang : « Un appel général à la sobriété numérique, à l'innovation frugale est lancé » – Le Journal du dimanche

L’Institut Open Diplomacy organisait ce vendredi à Nantes les Rencontres du Développement Durable, avec Audencia en partenariat avec le JDD, sur le thème « Digitaliser & Transiter ». Thomas Friang, le directeur général de ce think tank et créateur des Rencontres, nous livre son éditorial.
Alors que le 8e mois de la guerre d’annexion menée par la Russie en Ukraine s’achève bientôt, nous n’avons qu’une certitude : le « brouillard de la guerre » est épais. Pour nous, les Européens, tout a basculé. Nous ne sommes pas entrés en guerre, mais le monde est différent. Les interdépendances économiques et énergétiques que nous pensions utiliser pour arrimer la Russie à la démocratie ont été retournées contre nous. Certains partenaires du Sud, que nous pensions attachés à la Charte des Nations unies et à l’ordre international fondé sur le droit, n’osent même pas condamner l’impérialisme le plus crasse. Le rebond économique dont nous pensions bénéficier au sortir de la pandémie est battu en brèche par l’inflation que la guerre génère. La menace nucléaire que nous pensions ne plus jamais entendre fait les gros titres des chaînes d’information continue.
De toutes ces certitudes, il ne reste que des doutes. Ce sont les gouttelettes du brouillard de la guerre où tout est gris.
Or ces doutes s’ajoutent à la complexité des transitions en cours : la transition numérique, et les ambivalences qui la caractérisent, comme la transition écologique, et les questionnements qu’elle charrie. L’époque nécessite donc autant de dissiper le brouillard des transitions que celui de la guerre. Une tâche ardue que seule la délibération démocratique permet. C’est la principale conclusion de l’étape des Rencontres du Développement Durable co-organisée par l’Institut Open Diplomacy et Audencia, en partenariat média avec le JDD ce vendredi 14 octobre à Nantes.
 
Bientôt la révolution numérique pourrait être bientôt passer pour un obstacle à la transition écologique au lieu d’en être l’accélérateur.
Et pour cause, la digitalisation de nos économies et de nos sociétés catalyse autant qu’elle complexifie la réalisation des Objectifs de Développement Durable des Nations unies.
Certes, la révolution numérique a indéniablement apporté son lot de bénéfices économiques, sociaux et environnementaux. La pandémie l’a démontré avec tant de clarté : aurions-nous pu imaginer traverser cette épreuve sans le télétravail rendu possible par les outils collaboratifs qu’Internet permet de faire fonctionner ? Aurions-nous pu imaginer de maintenir les programmes d’éducation et de formation sans l’accès aux cours en ligne ? Aurions-nous pu même développer aussi rapidement des vaccins sans la possibilité de faire coopérer à distance d’innombrables réseaux de chercheurs ?
Lire aussi – Thomas Friang : « Pourquoi l’économie circulaire guidera la 4e révolution industrielle » 
Par-delà la conjoncture pandémique, faut-il rappeler tous les apports de la révolution numérique au développement durable ? Est-il nécessaire de souligner que notre compréhension de la crise climatique repose en grande partie sur l’observation satellitaire et le traitement numérique de l’ensemble de ces données fournies par la télédétection ? Est-il essentiel d’expliquer que la construction d’infrastructures plus résilientes face aux dérèglements climatiques et moins consommatrices de ressources est rendue possible par des technologies de modélisation numérique avancées ? Est-il indispensable de relever que l’optimisation de nos mobilités, que la transformation de nos procédés industriels, que l’amélioration de notre consommation de ressources, ont en commun l’emploi de systèmes numériques capables d’analyser des phénomènes complexes et de simplifier la décision politique ou économique ?
Oui, il est crucial de rappeler tout cela. Car bientôt la révolution numérique pourrait bientôt passer pour un obstacle à la transition écologique au lieu d’en être l’accélérateur.
 
Un appel général à la sobriété numérique, à l’innovation frugale est lancé.
« La révolution est comme Chronos, elle dévore ses propres enfants », nous alertait le révolutionnaire Pierre Victurnien Vergniaud, guillotiné en 1793. La révolution numérique n’y coupe pas. Pour une raison simple : bientôt, la radicalité écologique s’attaquera à une réalité tranchante… à l’échelle mondiale, le numérique représente déjà autant d’émissions de gaz à effet de serre que l’aviation. Et le problème s’aggrave : d’ici l’échéance de l’Agenda 2030, son poids relatif dans le bilan carbone de la planète pourrait avoir doublé (au moins).
La radicalité écologique pourrait balayer l’apport du numérique. Ce serait une erreur grave. Dès lors, une seule question se pose : comment tirer les meilleurs bénéfices du numérique alors que l’urgence écologique se fait sentir ? La réponse s’impose d’elle-même : si l’on croit à la neutralité axiologique de la technologie, il revient à ses inventeurs et ceux qui les gouvernent de choisir ce dont il est souhaitable de disposer. En clair, un appel général à la sobriété numérique, à l’innovation frugale est lancé.
Ce n’est pas le désir de radicaux anti-tech. C’est au contraire le souhait profond de chercheurs et d’entrepreneurs qui connaissent tout le potentiel du numérique pour soutenir – et même garantir – le développement durable ; mais qui savent également ce que nous avons à perdre sans fixer les règles du jeu. Ils nous interpellent sur quelques grandes questions.
 
Tout ça pour quoi ? Au mieux, pour aller se promener dans une forêt virtuelle, au pire pour consommer du porno en 3D
Avons-nous besoin d’accélérer le développement du Web 3 et notamment de développer le métavers ? Les serveurs, les appareils électroniques, la bande passante que tout cela représente sont autant de métaux rares (utiles pour le photovoltaïque), de ressources naturelles (l’eau, si rare alors que la sécheresse sera le lot de la crise climatique en Europe), ou encore d’énergie qui ne seront pas mobilisés pour faire la transition écologique et solidaire.
Tout ça pour quoi ? Au mieux, pour aller se promener dans une forêt virtuelle, au pire pour consommer du porno en 3D (un tiers du trafic internet y est encore dédié). La sobriété numérique, c’est le choix collectif de renoncer à ces innovations futiles qui sont clairement les adversaires du développement durable.
Jusqu’où irons-nous dans la collecte massive de données qui nécessitent tant de ressources et d’énergie pour être stockées et traitées ? Comme les précédentes, la 4e révolution industrielle procède d’une ressource à consommer en masse. Il y a un consensus mondial pour reconnaître que celle-ci est la révolution de la donnée.
J’ai moi-même argué que c’était la clé du développement d’une économie beaucoup plus circulaire . Pour autant se pose la question de savoir s’il est nécessaire d’accumuler autant de données pour rendre cette transformation possible. Aujourd’hui, ce trésor de connaissances sur les comportements individuels sert essentiellement au reciblage marketing qui est au cœur de la nouvelle société de consommation de masse.
Le Big Data n’est pas le moteur du développement durable qu’il pourrait être. C’est parce qu’il n’y a aucune norme de frugalité digitale. Nous avons besoin de standards pour des architectures informatiques simples et un champ de collecte des données limité à l’essentiel.
 
Les réseaux internet représentent 10 % des émissions du secteur numérique, et le software 15 %.
Comment imposer une RSE efficace aux géants de la tech ? La Tech peut accélérer massivement la transition. Cette idée est séduisante, mais elle ne se matérialisera qu’en imposant une véritable politique RSE aux géants du numérique… c’est-à-dire à des compagnies américaines ou chinoises au business model pour l’heure intouchable.
Pourtant, c’est à ces grandes plateformes qu’il faut donner le ton. Si Google se prévaut d’être quasiment neutre en carbone aujourd’hui (une notion nulle et non-avenue pour une entreprise seule soit dit en passant), c’est parce qu’elle ne dresse son bilan carbone qu’en « scope 1 », c’est à dire les émissions directement produites par l’entreprise. Facile, pour une société qui édite des logiciels. Mais qu’en est-il de son « scope 2 », c’est-à-dire de sa consommation d’énergie ? Quand on sait que 75 % des émissions du numérique sont liées au hardware, on peut aisément imaginer que les data centers de Google donnent une autre image du bilan carbone de cette entreprise.
Lire aussi – Thomas Friang, le créateur des Rencontres du développement durable : « Faire face à la polycrise »
Mieux encore : regardons son « scope 3 », c’est-à-dire le bilan carbone de ses fournisseurs et de ses clients… la donne change totalement, puisque les réseaux internet représentent 10 % des émissions du secteur numérique, et le software 15 %. Des idées simples émergent alors : imposer à ces géants de mesurer leur bilan carbone en scope 3, les forcer à un approvisionnement énergétique totalement décarboné, et à financer la décarbonation et l’entretien des réseaux qui structurent l’usage de leurs services. La révolution numérique peut être écologique si une vraie responsabilité environnementale est imposée à ces géants qui se parent de vertue.
 
Ne pas oublier la dimension sociale du développement durable pour traiter la révolution numérique
Je ne reprends ici que quelques éléments « environnementaux » des responsabilités auxquelles les entreprises du numérique vont devoir se confronter. Mais il est indispensable de ne pas oublier la dimension sociale du développement durable pour traiter la révolution numérique.
D’abord parce que celle-ci va totalement bouleverser le marché de l’emploi. Un chiffre fait froid dans le dos. La validité technique des compétences acquises à l’issue d’une formation supérieure voici une génération était de 20 à 30 ans. Voici de quoi mener une carrière. Avec la digitalisation de plus en plus rapide de notre économie, cette date de péremption des savoir-faire professionnels est divisée par dix. Voilà de quoi occuper un poste. La formation continue est le premier défi de l’employabilité alors que nous progressons vers 2030.
Enfin parce que la numérisation de notre société crée aussi de nombreux défis pour la cohésion sociale (un tiers des Français est concerné directement par une forme d’exclusion numérique) comme pour la stabilité de nos institutions démocratiques (le doute jeté par la désinformation a même fait vaciller le piédestal de la science pendant la pandémie).
 
Qui oserait dire que le développement durable n’est pas un défi géopolitique ?
La confusion règne alors : l’ambivalence de la révolution numérique catalyse autant qu’il complexifie l’avancement de l’Agenda 2030. Une transition brouille l’autre, alors que le brouillard de la guerre obscurcit toutes les instances internationales. Pourtant, celles-ci devraient nous permettre de réguler et – mieux – de gouverner la révolution numérique pour nous permettre d’atteindre les Objectifs de Développement Durable en 2030.
À l’heure de la « guerre hybride totale », où chaque élément du quotidien – notre alimentation, notre énergie, nous outils de travail – peut être utilisé comme une arme contre nous, qui oserait dire que le développement durable n’est pas, fondamentalement, un défi géopolitique ?
C’est tout le défi de la polycrise dans laquelle nous entrons , qui nous obligera également à « Repenser la prospérité », le thème des Rencontres du Développement Durable qui se tiendront à Montpellier vendredi 21 octobre prochain sur le campus de Montpellier Business School.
 
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